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21/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11946

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 avril 2000, 11946


Nos. 11946 et 11947 du rôle Inscrits le 20 avril 2000 Audience publique du 21 avril 2000

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Requêtes en sursis à exécution et en institution de mesures de sauvegarde introduites par M. … ETIENNE, … contre une délibération du conseil communal de … et/ou une décision du collège échevinal de ladite commune en matière de réglementation de la circulation

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 20 avril 2000, sous le numéro du rôle 11946, au greffe du tribunal administratif par

Maître Patrick GOERGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Nos. 11946 et 11947 du rôle Inscrits le 20 avril 2000 Audience publique du 21 avril 2000

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Requêtes en sursis à exécution et en institution de mesures de sauvegarde introduites par M. … ETIENNE, … contre une délibération du conseil communal de … et/ou une décision du collège échevinal de ladite commune en matière de réglementation de la circulation

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 20 avril 2000, sous le numéro du rôle 11946, au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick GOERGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ETIENNE, fonctionnaire en retraite demeurant à L-…, tendant à conférer un effet suspensif au recours en réformation, subsidiairement en annulation introduit le même jour, portant le numéro 11945 du rôle, dirigé contre une délibération du conseil communal de … et/ou une décision du collège échevinal de ladite commune portant autorisation des organisateurs du rallye automobile "Tour de Luxembourg" d'utiliser la piste cyclable …-… et portant fermeture de l'accès à cette piste cyclable à tout véhicule autre que les véhicules participant à l'épreuve, le samedi, 22 avril 2000 de 16 heures à 20 heures, en vue de l'organisation d'une épreuve de vitesse;

Vu la requête déposée le même jour, sous le numéro 11947 du rôle, par Maître Patrick GOERGEN, au nom de Monsieur … ETIENNE, préqualifiés, tendant à ordonner des mesures de sauvegarde dans le cadre de la demande au fond prédécrite, déposée sous le numéro 11945 du rôle;

Vu les articles 11 et 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Patrick GOERGEN et Maître Andrée BRAUN, comparant pour l'administration communale de …, en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 20 avril 2000, sous le numéro du rôle 11946, au greffe du tribunal administratif Monsieur … ETIENNE, fonctionnaire en retraite demeurant à L-…, demande au président dudit tribunal à conférer un effet suspensif au recours en réformation, subsidiairement en annulation introduit le même jour, portant le numéro 11945 du rôle, dirigé contre une délibération du conseil communal de … et/ou une décision du collège échevinal de ladite commune, portant autorisation des organisateurs du rallye automobile "Tour de Luxembourg" d'utiliser la piste cyclable …-… et portant fermeture de l'accès à cette piste 2 cyclable à tout véhicule autre que les véhicules participant à l'épreuve, le samedi, 22 avril 2000 de 16 heures à 20 heures, en vue de l'organisation d'une épreuve de vitesse.

Par requête déposée le même jour, sous le numéro 11947 du rôle, Monsieur … ETIENNE, préqualifié, sollicite du même magistrat, dans le cadre de la demande au fond prédécrite, déposée sous le numéro 11945 du rôle, des mesures de sauvegarde, à savoir 1) la décision que l'étape spéciale du rallye automobile ES 10 …-…, devant avoir lieu le 22 avril 2000 à 17.56 heures, ne pourra emprunter le tronçon de la piste cyclable …-…, ni le 22 avril 2000, ni un autre jour, 2) l'ouverture de la piste cyclable en question aux cyclistes le samedi, 22 avril 2000 pendant la journée entière, 3) l'injonction, à l'administration communale de …, de retirer les panneaux de signalisation installés pour restreindre l'accès à la piste cyclable aux véhicules rallye circulant dans le cadre du Tour de Luxembourg, et 4) la décision que l'autorisation d'utilisation de la piste cyclable …-… et fermant l'accès de ladite piste à tout véhicule autre que les voitures participant à l'épreuve, le samedi, 22 avril 2000, de 16 heures à 20 heures, n'aura pas d'effet.

Les requêtes en sursis à exécution et en institution de mesures de sauvegarde, inscrites sous les numéros respectifs 11946 et 11947 du rôle, étant connexes pour se rapporter la même décision, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule et même ordonnance.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En vertu de l'article 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, le président du tribunal administratif peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution d'une affaire dont est saisi le tribunal administratif, à l'exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l'article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d'admettre que l'institution d'une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l'appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d'une décision administrative alors même que les conditions posées par l'article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l'article 12 n'excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde (trib. adm. 14 janvier 2000, nos. 11735 et 11742 du rôle).

Il y a donc lieu d'examiner sous le même angle de vue des conditions tenant au caractère sérieux des moyens invoqués et du risque de préjudice grave et définitif des deux demandes respectives.

L'administration communale de … soulève l'irrecevabilité de la demande en raison de la violation de ses droits de la défense, les requêtes en sursis à exécution et en institution d'une 3 mesure de sauvegarde lui étant parvenues en fin de journée du 20 avril 2000 seulement, et son avocat n'ayant pas disposé du temps utile pour préparer la défense.

Il se dégage des pièces versées que les deux requêtes ont été signifiées à l'administration communale le 20 avril 2000, ce qui laissait à la commune un délai extrêmement court pour organiser sa défense, il est vrai, mais au vu de l'objet du litige, une décision juridictionnelle doit intervenir avant le 22 avril, date prévue pour la manifestation dont le demandeur entend interdire une partie du déroulement. Par ailleurs, à l'audience, la commune a été représentée, a communiqué des pièces et a pris position de manière circonstanciée quant à tous les moyens soulevés par le demandeur. Les conditions posées par l'article 11, (5) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives sont partant remplies en ce qui concerne la partie défenderesse.

Le moyen tiré d'une violation des droits de la défense est partant à rejeter.

La commune de … soulève encore le défaut de convocation, en qualité de tiers intéressé, de l'organisateur de la course automobile.

Il est vrai que la partie requérante a l'obligation de notifier sa demande aux tiers intéressés et qu'à défaut de ce faire, elle peut y être invitée par le président du tribunal. En l'espèce cependant, eu égard à l'imminence de la manifestation qui fait l'objet du présent litige, une telle mesure, nécessitant la remise des plaidoiries de l'affaire, n'est pas envisageable, étant donné qu'elle rendrait sans effet utile toute mesure à ordonner.

La commune soulève encore l'irrecevabilité de la demande pour défaut d'intérêt dans le chef du demandeur.

Celui-ci, comme riverain de la voie publique devant être fermée temporairement à la circulation, justifie a priori d'un intérêt procédural à solliciter une mesure concernant son accès à sa propriété, affecté par la manifestation incriminée. C'est au niveau de la preuve d'un trouble grave et définitif que la justification concrète de son intérêt sera examinée au fond.

Au fond, la commune conteste que le tronçon de la voie publique affecté par la mesure de fermeture à la circulation temporaire constitue une piste cyclable au sens de la loi du 6 juillet 1999 portant création d'un réseau national de pistes cyclables.

Aucune des deux parties au litige n'a été en mesure d'établir si la piste cyclable litigieuse fait ou non partie du réseau national de pistes cyclables tel que déterminé par l'article 4 de la loi du 6 juillet 1999.

Cette précision n'est cependant pas nécessaire pour la solution du présent litige. En effet, il se dégage de l'article 6, alinéa 1er de la loi précitée du 6 juillet 1999 que la circulation des usagers du réseau de pistes cyclables est soumise aux dispositions de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques et aux dispositions prises en son exécution.

Or, l'article 5, alinéa 1er de ladite loi modifiée du 14 février 1955 dispose que les autorités communales pourront réglementer et même interdire en tout ou en partie, temporairement ou d'une façon permanente, la circulation sur tout ou partie d'une voie publique du territoire de la commune, l'alinéa 3 précisant qu'en cas d'urgence, les règlements 4 communaux nécessaires peuvent être édictés par le collège des bourgmestre et échevins dans les formes et avec les effets prévus à l'article 58 de la loi communale, de tels règlements étant dispensés des approbations ministérielles, en attendant que la délibération confirmative éventuelle du conseil communal soit approuvée par les ministres compétents.

Il s'ensuit que, sans préjudice des pouvoirs concurrents du ministre des Travaux publics, découlant de l'article 6, alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1999, le conseil communal a compétence pour interdire temporairement l'utilisation d'une piste cyclable située sur son territoire par certains usagers et en réserver l'utilisation exclusive à une catégorie d'autres usagers.

En l'espèce, la commune a versé aux débats une délibération du collège échevinal de … du 10 avril 2000 portant interdiction de la circulation sur le tronçon de la voie publique litigieuse, constituée par des parties des chemins repris 331 (P.K. 11.171 – 19.844) et 331 A (P.K. 0.000 – 4.139), le samedi, 22 avril 2000 de 15.20 heures à 20.30 heures, un droit d'accès pendant une heures après l'horaire de début étant réservé aux riverains.

Il s'ensuit que l'interdiction de circuler sur la voie publique concernée pendant la période indiquée est couverte par une décision réglementaire administrative prise par une autorité compétente, sous réserve de la condition de l'urgence qui seule rend compétent le collège échevinal en la matière.

Dans ce contexte, le demandeur ne fournit pas d'éléments pertinents de nature à mettre en doute la justification de l'urgence invoquée par la décision incriminée, dont il ressort que "la prochaine réunion du conseil communal n'est pas encore fixée, de sorte qu'un règlement d'urgence devra être pris afin d'informer tous les habitants de notre commune".

Le demandeur querelle encore la décision en question pour ne pas être motivée.

Ce reproche est à son tour à écarter, étant donné que la délibération du collège échevinal énonce qu'en raison du déroulement de la manifestation dénommée "Tour de Luxembourg in heart of Europe", il y a lieu de modifier le règlement de la circulation.

La décision administrative critiquée a partant une apparence de légalité suffisante pour que le président du tribunal, saisi dans le cadre des articles 11 et 12 de la loi précitée du 21 juin 1999, ne la suspende pas dans ses effets ou prenne des mesures de sauvegarde de nature à la neutraliser en tout ou en partie dans ses effets.

Le tribunal administratif moins encore son président statuant au provisoire, n'ont par ailleurs pas compétence, dans des matières relevant, comme celle de l'espèce, du pouvoir d'annulation, d'apprécier l'opportunité des mesures prises, leur examen devant se limiter aux seules considérations de légalité.

L'illégalité de la délibération du collège échevinal du 10 avril 2000 n'ayant pas été prouvée de manière évidente, le caractère sérieux des moyens au fond laisse d'être établi.

Par ailleurs, en-dehors de circonstances exceptionnelles qui laissent d'être établies en l'espèce, le fait de voir restreindre le libre accès à sa maison pendant environ quatre heures (de 16.20 heures à 20.30 heures) n'est pas caractéristique d'un dommage suffisamment grave pour 5 justifier une mesure de sursis à exécution ou une mesure de sauvegarde de la part du président du tribunal administratif.

Il s'ensuit que le recours est à rejeter.

Eu égard au sort des demandes en sursis à exécution et en institution de mesures de sauvegarde, les demandes en allocation d'indemnités de procédure sont à leur tour à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit les recours en sursis à exécution et en institution d'une mesure de sauvegarde, introduits sous les numéros respectifs 11946 et 11947 du rôle en la forme, les joint, au fond les déclare non justifiés et en déboute, rejette les demandes en allocation d'indemnités de procédure, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 21 avril 2000 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11946
Date de la décision : 21/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-04-21;11946 ?

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