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29/03/2000 | LUXEMBOURG | N°11211

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2000, 11211


N° 11211 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 29 mars 2000

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Recours formé par Monsieur Jean MOLITOR, Luxembourg contre une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11211 du rôle, déposée en date du 26 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex SCHMITT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à

Luxembourg, au nom de Monsieur Jean MOLITOR, expert-

comptable, demeurant à L-2340 Luxembo...

N° 11211 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 29 mars 2000

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Recours formé par Monsieur Jean MOLITOR, Luxembourg contre une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11211 du rôle, déposée en date du 26 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex SCHMITT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur Jean MOLITOR, expert-

comptable, demeurant à L-2340 Luxembourg, 1, rue Philippe II, tendant à l’annulation d’une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes suite à une contestation introduite par Monsieur MOLITOR le 24 octobre 1994 contre une décision de refus d’octroi d’un sursis à exécution du préposé du bureau d’imposition Luxembourg IV, datant du 11 octobre 1994, suite à son silence prolongé de plus de trois mois à la suite de l’introduction de la prédite contestation, respectivement pour autant que de besoin contre la décision de refus elle-même, la même requête tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 200.000.- francs;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle la demanderesse a été invitée à indiquer au tribunal si elle entendait maintenir son recours;

Vu la déclaration de Maître Alex SCHMITT faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif, par laquelle il a déclaré que sa mandante entendait poursuivre le présent recours;

Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 14 janvier 2000 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées en cause;

1 Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean STEFFEN, en remplacement de Maître Alex SCHMITT, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Le 26 mai 1994, le bureau d’imposition Sociétés III de l’administration des Contributions directes adressa à la société civile BATISELF IMMOBILIERE un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriété pour l’année 1989.

Le susdit bulletin d’établissement séparé et en commun contient, entre autres, une détermination en commun de plus-values au sens des articles 99 ter et 99 quater de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR » », que Monsieur Jean MOLITOR, expert-comptable, demeurant à L-2340 Luxembourg, 1, rue Philippe II, et 3 autres anciens associés auraient réalisées au cours de l’année 1989 par l’effet de la vente de leurs parts d’associés de la société civile BATISELF IMMOBILIERE.

Le 21 juillet 1994, Monsieur MOLITOR reçut notification d’un bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 1989 émis par le bureau d’imposition Luxembourg IV de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes. Ledit bulletin fixe comme cote d’impôt un montant de 6.173.450.- francs, ceci notamment en raison de la mise en compte d’une somme de 3.437.714.- francs au titre de l’impôt sur sa prétendue plus-value réalisée lors de la susdite cession des parts sociales qu’il détenait dans la société civile BATISELF IMMOBILIERE.

Le 3 août 1994, Monsieur MOLITOR et les trois autres anciens associés de la société civile BATISELF IMMOBILIERE introduisirent une réclamation devant le bureau d’imposition Sociétés III contre le bulletin d’établissement séparé et en commun du 26 mai 1994 en ce qu’il porte détermination en commun des plus values de cession réalisées par les quatre associés sortants. - Ladite réclamation fut respectivement réitérée ou complétée en date des 9 septembre 1994, 13 septembre 1996, ainsi que le 27 mai 1998.

Le 3 août 1994, Monsieur MOLITOR informa en outre le bureau d’imposition Luxembourg IV de l’introduction de la susdite réclamation et il sollicita un délai de paiement pour la cote d’impôt fixée par le bulletin de l’impôt sur le revenu du 21 juillet 1994. - Suite à cette demande, le bureau Luxembourg IV lui accorda, le 24 août 1994, un délai de paiement jusqu’au 15 décembre 1994.

Le 14 septembre 1994, Monsieur MOLITOR s’adressa au bureau d’imposition Luxembourg IV pour solliciter un sursis à exécution de la cote d’impôt pour la durée du règlement de sa réclamation.

Par décision du 11 octobre 1994, le bureau d’imposition Luxembourg IV refusa de faire droit à la demande de sursis à exécution au motif que « 1) le bureau d’imposition Luxbg-

IV n’a pas reçu de réclamation de votre part.

2) Le bureau d’imposition Sociétés III, qui a établi le bulletin d’établissement pour l’exercice 1989 contre lequel vous dirigez votre recours (réclamation du 3.8.1994), ne partage pas votre avis quant au fond de la réclamation en question. (…) ».

2 Par lettre du 24 octobre 1994, Monsieur MOLITOR introduisit auprès du bureau d’imposition Luxembourg IV une « contestation » contre la décision de refus précitée du 11 octobre 1994.

Le 16 novembre 1994, Monsieur MOLITOR fut informé de ce que son recours avait été transféré au directeur de l’administration des Contributions directes.

En l’absence d’une décision du bureau d’imposition ou du directeur de l’administration des Contributions directes à la suite de ses réclamations contre le bulletin d’établissement séparé et en commun du 26 mai 1994, Monsieur MOLITOR et les trois autres anciens associés de la société civile BATISELF IMMOBILIERE introduisirent le 26 mars 1999 un recours auprès du tribunal administratif tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la « décision implicite de rejet du Directeur de l’Administration des Contributions Directes de leur réclamation du 3 août 1994 contre le bulletin d’établissement concernant la société (…) [la société civile BATISELF IMMOBILIERE] pour l’année 1989, datant du 26 mai 1994, suite à son silence prolongé de plus de six mois, respectivement pour autant que de besoin contre le bulletin d’établissement préqualifié ». - Cette affaire a fait l’objet d’un jugement du 24 janvier 2000, par lequel le tribunal a entre autres déclaré le recours en annulation irrecevable; concernant le recours en réformation, l’a déclaré irrecevable dans la mesure où il était dirigé contre la décision directoriale implicite de rejet, s’est déclaré compétent pour en connaître en ce qu’il était dirigé contre le bulletin d’établissement séparé et en commun prévisé du 26 mai 1994, l’a reçu en la forme sous ce rapport et, au fond, l’a déclaré partiellement justifié et a annulé le bulletin d’établissement séparé et en commun du 26 mai 1994 en ce qu’il a déterminé en commun des plus-values au sens des articles 99 ter et 99 quater LIR que Monsieur MOLITOR ainsi que les trois autres anciens associés de la société civile BATISELF IMMOBILIERE auraient respectivement réalisées par suite de la vente de leurs parts d’associés de ladite société et a renvoyé l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes.

Son recours contre la décision du 11 octobre 1994 par laquelle le bureau d’imposition Luxembourg IV a rejeté sa demande de sursis à exécution restant également sans réponse du bureau d’imposition ou du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur MOLITOR, a introduit, par requête séparée également déposée le 26 mars 1999 au greffe du tribunal administratif, un recours en annulation contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes et pour autant que de besoin contre la décision de refus elle-même. Ladite requête tend en outre à l’allocation d’une indemnité de procédure de 200.000.- francs.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours.

Etant appelé à connaître d’un litige relatif à une demande de sursis à exécution d’un bulletin de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire d’une contestation relative à une mesure accessoire dans le cadre d’un contentieux relatif aux impôts directs de l’Etat, le tribunal est compétent pour en connaître en application de l’article 8 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seule disposition figurant sous la section 4 « des recours en matière fiscale », et, plus particulièrement, du point (1) a) dudit article 8.

3 L’article 8 (3) 2 de la loi précitée du 7 novembre 1996 dispose qu’« en cas d’application du § 237 de la loi générale des impôts le tribunal administratif statue conformément aux dispositions de l’article 2 ».

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement relève que l’article 8 (3) 2 renvoie au seul article 2 et non pas, comme soutenu par le demandeur, aux articles 2 et suivants de la loi précitée de 1996.

Par le renvoi à l’article 2 de la loi de 1996, qui, en matière administrative, règle le contentieux en annulation, en énumérant limitativement les motifs d’annulation, à savoir l’incompétence, l’excès et le détournement de pouvoir, la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, le législateur tend à unifier, sur ce point, le contentieux de l’annulation en fixant également en matière fiscale les motifs d’annulation aux 5 motifs susénoncés.

L’agencement de la loi précitée du 7 novembre 1996 fait en sorte que ne sont notamment pas applicables en matière fiscale les dispositions de l’article 4 (1) figurant sous la section 1 « des recours en matière administrative dévolus en première instance au tribunal administratif » et suivant lesquelles « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent dès lors considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».

Cette interprétation de la loi de 1996 est confortée par les travaux préparatoires suivant lesquels « par opposition au domaine administratif, le silence de l’administration [des Contributions] n’est pas à considérer comme le rejet de la demande. … Il en résulte également que dans ce cas le recours est dirigé, non pas contre une décision implicite de rejet, mais contre la déclaration [sic] initiale contre laquelle la réclamation avait été interjetée » (cf. doc.parl. 3940A2, amendements adoptés par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle, p.5, ad (3) 3).

En outre, au point (3) 3 dudit article 8 il est précisé que « lorsqu’une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du § 131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. (…) ».

Force est partant de constater que les possibilités exceptionnelles d’agir contre une décision qui a fait l’objet d’une réclamation et contre une décision directoriale implicite de rejet sont limitées respectivement au contentieux de l’impôt, c’est-à-dire aux réclamations au sens du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », et aux demandes de remises gracieuses sur base du paragraphe 131 AO. Aucune disposition légale applicable en matière fiscale ne prévoit une telle possibilité dérogatoire pour les cas visés par le paragraphe 237 AO.

4 Ainsi, en cas d’application du paragraphe 237 AO, disposition instituant un recours hiérarchique formel contre les décisions administratives autres « als die in den Paragraphen 168, 211, 214, 215 und 212a, Absatz 1 und 235 bezeichneten Verfügungen », il suit des considérations qui précèdent qu’au voeu du législateur, un recours au tribunal administratif n’est ouvert qu’à l’encontre d’une décision explicite du directeur de l’administration des Contributions directes statuant suite à un recours hiérarchique contre une décision - explicite -

qui ne constitue pas un bulletin au sens de la AO, tel en l’espèce une décision de refus d’un sursis à exécution.

Par conséquent, le recours sous analyse encourt l’irrecevabilité tant en ce qu’il est dirigé contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes que contre la décision du bureau d’imposition.

Il y a lieu d’ajouter qu’au fond, le sursis à exécution, simple mesure accessoire dans le cadre d’un contentieux de l’impôt, relève de la compétence de l’autorité qui a pris la décision querellée. - Or, en l’espèce, il convient de constater que la réclamation visait un bulletin d’établissement séparé et en commun émis par le bureau d’imposition Sociétés III, alors que le sursis a été sollicité devant le bureau d’imposition Luxembourg IV.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 29 mars 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11211
Date de la décision : 29/03/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-03-29;11211 ?

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