GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11654C Inscrit le 9 novembre 1999
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Audience publique du 8 février 2000 Recours formé par … SMAILOVIC contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -
(jugement entrepris n° du rôle 11204 du 14 octobre 1999)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 9 novembre 1999 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, au nom d’… Smailovic, demeurant à L-… contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 14 octobre 1999 à la requête d’… Smailovic contre le ministre de la Justice ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 1999 par le délégué du Gouvernement ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 14 octobre 1999 ;
Ouï le conseiller rapporteur en son rapport et Maître Joëlle Choucroun, en remplacement de Maître Karp, ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.
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Par requête déposée le 22 mars 1999 au greffe du tribunal administratif, Maître Michel Karp, au nom d’… Smailovic, demeurant à L-…, a demandé l’annulation et subsidiairement la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 22 février 1999, par laquelle sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été refusée.
Le tribunal administratif, statuant contradictoirement en date du 14 octobre 1999, a déclaré le recours en annulation irrecevable, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond l’a déclaré non justifié et en a débouté le demandeur avec condamnation aux frais.
Maître Karp, au nom d’… Smailovic, a interjeté appel contre ce jugement par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 9 novembre 1999.
Le mandataire de l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir estimé qu’… Smailovic n’a pas établi de manière crédible une crainte justifiée de persécution, en raison de la race, de la religion, de la nationalité ou d’opinions politiques alors qu’il ressortirait des pièces versées que l’appelant est membre du parti pour l’action démocratique au Monténégro, qu’il a été poursuivi du chef d’atteinte à l’unité du territoire à la suite d’un trafic d’armes, et que lors de son interrogatoire par la police il a été maltraité et qu’ainsi les risques de persécutions sont bien authentiques et valables.
Il fait également valoir que l’appelant manifeste des intentions d’intégration réelles au Luxembourg, qu’il a des propositions d’embauche, qu’il est un sportif de haut niveau (échecs), et qu’enfin la décision prise serait contraire à l’article 6 (1) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour avoir été prise dans un délai anormalement long de deux ans et demi, et qu’elle doit être annulée de ce chef.
Il conclut en demandant la réformation du jugement du tribunal administratif du 14 octobre 1999 et l’octroi du statut de réfugié politique.
Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 1999, le délégué du Gouvernement se réfère quant au fond de l’affaire, à son mémoire du 13 août 1999, et demande la confirmation du jugement du tribunal administratif qui a fait une saine appréciation des éléments à lui soumis ainsi que de la situation de l’appelant, en particulier en ce qui concerne les propositions d’embauche et le niveau sportif élevé, ces faits n’étant pas pertinents.
Il relève enfin qu’une décision ministérielle refusant l’admission au statut de réfugié politique ne rentre pas dans le champ de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
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L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Est qualifié réfugié politique au sens de la Convention de Genève toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (paragraphe 2° de la section A de l’article premier de la Convention de Genève).
Une crainte « avec raison » inclut à la fois un élément subjectif et un élément objectif, et, pour déterminer l’existence d’une crainte raisonnable, les deux éléments doivent être pris en considération par les autorités auxquelles une demande de statut de réfugié politique est soumise.
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.
Il y a lieu de constater que les premiers juges ont procédé à une analyse approfondie des éléments leur soumis et qu’ils ont apprécié à leur juste titre la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile.
En effet il ressort du dossier administratif que les pièces versées en copie, et à les supposer authentiques, soit une convocation par le tribunal d’instance à Bijelo-Polje ainsi qu’un certificat de la S.D.A. établi à la demande de l’appelant en mars 1998 pour étayer les faits allégués par lui lors de ses auditions, sont rédigées d’une manière tellement générale qu’on ne 2 peut pas en extraire une preuve des faits spécifiques allégués par l’appelant, et que les seuls problèmes qu’il a encourus avec les autorités sont dus à sa participation à un trafic d’armes, mais ne relèvent pas de son origine ethnique ni de ses opinions politiques.
Il appartient au requérant d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique ; or … Smailovic n’a pas pu établir en quoi sa situation particulière a été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il ferait ou pourrait faire l’objet de persécutions, au sens de la Convention de Genève, dans son pays d’origine.
C’est à bon droit que les premiers juges ont écarté les arguments tirés de la volonté et du degré d’intégration du demandeur d’asile au Grand-Duché de Luxembourg au motif qu’ils ne sont pas pertinents et qu’ils ne constituent pas de motifs de reconnaissance du statut de réfugié politique ; il en va de même pour l’élément nouveau constituant en une « promesse de mariage » entre l’appelant et une ressortissante française domiciliée en France, selon le document versé en instance d’appel, n’est pas pertinent dans le cadre d’une demande d’asile.
L’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ne s’applique qu’aux contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale. Or, les litiges relatifs à l’admission et au séjour des étrangers, et notamment à l’octroi ou au retrait du statut de réfugié n’entrent dans aucune de ces deux catégories (cf.
Convention Européenne des Droits de l’Homme et contentieux administratif français par Laurent Sermet, pages 104 et 105).
Le jugement dont appel est à confirmer, alors que la demande d’asile est infondée.
Par ces motifs, La Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;
le dit non fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 14 octobre 1999 dans toute sa teneur;
condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par :
Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller-rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 3