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22/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11701

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 décembre 1999, 11701


N° 11701 du rôle Inscrit le 6 décembre 1999 Audience publique du 22 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … PACARADA contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11701 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 1999 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PACARADA,

de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’u...

N° 11701 du rôle Inscrit le 6 décembre 1999 Audience publique du 22 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … PACARADA contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11701 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 1999 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PACARADA, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 novembre 1999, par laquelle sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Michel KARP, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 19 juin 1998, Monsieur … PACARADA, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, introduisit au Grand-Duché de Luxembourg une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur PACARADA fut entendu en date du 31 août 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 8 octobre 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur PACARADA, par lettre du 5 novembre 1999, notifiée le 17 novembre 1999, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : “ (…) Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

1 En effet, vous n’invoquez aucune crainte sérieuse de persécution pour une des raisons visées de la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ”.

Par requête du 6 décembre 1999, Monsieur PACARADA a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation, de la décision ministérielle précitée du 5 novembre 1999.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Dans la mesure où l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asiles déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière.

Le recours principal en annulation est dès lors recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que ce serait à tort que la décision déférée a retenu qu’il n’aurait pas établi une crainte justifiée de persécution en raison de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un groupe social ou d’opinions politiques, alors qu’au moment de la prise de la décision incriminée le risque de persécution aurait encore été existant au Kosovo, que les conséquences de la guerre s’y auraient encore fait sentir et qu’il serait malvenu de l’y renvoyer. Il signale en outre manifester des intentions d’intégration réelles au Luxembourg où il vit depuis quelque temps et disposer de propositions d’embauche lui permettant d’espérer un emploi stable.

Le délégué du Gouvernement conclut au non fondé du recours au motif qu’il n’existerait plus de risque de persécution pour les Albanais au Kosovo et que le demandeur n’aurait jamais invoqué une quelconque persécution de ce chef. Il soutient par ailleurs que les conséquences de la guerre, ainsi que les intentions d’intégration au Luxembourg ne sauraient constituer un motif de persécution au sens de la Convention de Genève.

Au fond, il convient en premier lieu de rappeler que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise (trib. adm. 27 janvier 1997, n° 97245 du rôle, Pas. adm. 02/99, V° Recours en annulation, n° 12, p. 264 et autres références y citées).

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du 2 demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement … ”.

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ”.

Force est de constater que, lors de son audition précitée en date du 31 août 1999, telle que celle-ci a été relatée dans le compte-rendu figurant au dossier, le demandeur n’a pas fait état de motifs de persécution, tels que prévus par l’article 1er, section A, 2) de la Convention de Genève.

En effet, lors de ladite audition, le demandeur a exclusivement basé sa demande en obtention du statut de réfugié politique sur des motifs d’ordre personnel sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Il a plus particulièrement déclaré avoir dû “ obligatoirement demander l’asile vu que (son) visa n’a pas été prolongé ”, ainsi que d’avoir besoin d’argent pour rentrer pour pouvoir vivre au Kosovo. Questionné plus précisément sur l’existence de persécutions personnellement subies dans son pays d’origine, il a répondu par la négative, de même qu’il a indiqué n’avoir “ peur de personne pour le moment ”, ainsi que d’avoir “ seulement besoin d’argent pour y pouvoir mener une vie normale ”.

Quant à l’argument avancé en cours de procédure contentieuse relatif à la situation générale au Kosovo, il n’est pas à lui seul suffisant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève. En effet, une crainte “ avec raison ” d’être persécuté implique à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui doivent tous les deux être pris en considération. La situation générale du pays d’origine ne justifie partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié (Cour adm. 12 juin 1997, n° 9879C du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Etranger, C. Convention de Genève, n° 22, p. 92 et autres références y citées).

En l’espèce, le demandeur restant en défaut d’établir, voire d’alléguer en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pourrait avec raison craindre qu’il ferait ou pourrait faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève, dans son pays d’origine, il a mis les autorités luxembourgeoises dans l’impossibilité d’examiner, au-delà de la situation générale, sa situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement s’il a raison de craindre d’être persécuté.

Le demandeur a encore sollicité dans le cadre du recours sous examen l’octroi du statut de réfugié politique spécifique pour les ressortissants de l’ex-Yougoslavie.

Il y a lieu de relever à cet égard qu’abstraction même faite de la considération que le statut auquel semble se référer le demandeur, en l’occurrence le statut particulier réservé à l’époque aux réfugiés de Bosnie, résulte d’une réglementation qui, pour autant qu’elle existe, est contraire à la Constitution (cf. Cour adm. 10.7.1997, n° 9960C du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Etrangers, I. Réfugiés, sub D. Divers- droit transitoire, n° 48 et autres références y citées), le tribunal, est appelé à statuer dans le cadre d’un recours en annulation par rapport à la décision 3 administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse sans que les pouvoirs d’annulation lui conférés ne lui permettent de prendre une décision en lieu et place de l’autorité administrative concernée.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, premier chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 décembre 1999 par :

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 4


Synthèse
Formation : Premier chambre
Numéro d'arrêt : 11701
Date de la décision : 22/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-22;11701 ?

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