GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 11469C du rôle Inscrit le 16 août 1999 Audience publique du 30 novembre 1999 Recours formé par … MALOKU et son épouse … BARDHI contre le Ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique (jugement entrepris du 14 juillet 1999 / n° du rôle 10972)
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 16 août 1999 par Maître Nicolas Bannasch, avocat à la Cour, au nom de … Maloku et de son épouse … Bardhi, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un jugement rendu à la date du 14 juillet 1999 par le tribunal administratif en matière de statut de réfugié politique;
Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Camille Faber à la date du 13 août 1999;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 20 août 1999;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 25 octobre 1999 par Maître Nicolas Bannasch, au nom des époux Maloku-Bardhi;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 14 juillet 1999;
Ouï le conseiller rapporteur en son rapport, et Maître Lydie Beuriot, en remplacement de Maître Nicolas Bannasch, ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.
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Par requête déposée le 9 novembre 1998 au greffe du tribunal administratif, Maître Nicolas Bannasch, au nom de … Maloku et de son épouse … Bardhi, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, a introduit un recours en réformation, sinon en annulation, contre la décision du ministre de la Justice du 10 juin 1998 par laquelle leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été refusée ainsi que contre la décision confirmative du 9 octobre 1998 suite à leur recours gracieux présenté le 14 juillet 1998.
Le tribunal administratif, statuant contradictoirement en date du 14 juillet 1999, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond l’a déclaré non justifié et en a débouté les demandeurs avec condamnation aux frais, le recours en annulation étant déclaré irrecevable.
Maître Nicolas Bannasch a interjeté appel contre ce jugement par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 16 août 1999 et préalablement signifiée le 13 août 1999 à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg représenté par son ministre d’Etat.
Il reproche aux premiers juges d’avoir retenu que les manifestations auxquelles … Maloku aurait participé n’avaient pas en l’espèce un caractère politique, alors qu’il doit être considéré comme un opposant au régime puisqu’il a osé manifester et que l’expression de cette opinion politique a été considérée comme un acte de protestation contre l’autorité de l’Etat qui, en date du 17 mai 1997, a réouvert l’instruction pénale entamée en 1991 contre l’appelant.
Les époux Maloku-Bardhi expliquent ensuite qu’ils avaient renoncé à leur demande d’asile introduite en 1995 au Luxembourg parce qu’à ce moment l’Albanie était gouvernée par le parti démocratique, mais qu’avec le retour des communistes au pouvoir en 1997, les persécutions ont de nouveau été entamées à leur encontre; … Maloku serait poursuivi du chef d’organisation, d’association et de participation dans des manifestations illégales et il aurait été condamné en son absence à « 10 ans d’abolition de la liberté civile », selon deux documents versés en cause. Ainsi … Maloku éprouverait des craintes subjectives d’être persécuté objectivement justifiées selon les termes requis par la Convention de Genève.
Les appelants demandent en conséquence la réformation du jugement du tribunal administratif du 14 juillet 1999 et l’octroi du statut de réfugié.
Le délégué du Gouvernement, dans un mémoire en réponse en date du 20 août 1999, demande la confirmation du jugement de première instance, en soulignant que le fait de participer à des manifestations ne saurait être considéré comme motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique et que les appelants n’ont pas fait état de raisons personnelles de nature à justifier une crainte d’être persécutés pour une des raisons énoncées dans la Convention de Genève.
Il maintient par ailleurs ses conclusions prises en première instance.
Dans un mémoire en réplique en date du 25 octobre 1999, Maître Nicolas Bannasch, au nom des époux Maloku-Bardhi, rétorque que la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté résulte de la « sentence sur le recouvrement de l’investigation suspendue » du 17 mai 1997, que la décision non datée du procureur près le « tribunal de premier degré » constitue un acte de poursuite et qu’ainsi la demande d’obtenir le statut de réfugié se trouve suffisamment justifiée, sans qu’il soit besoin de prouver un lien avec une infraction politique.
Il relève encore que ce n’est pas parce que leur visa touristique arrivait à échéance que les parties ont demandé l’asile politique mais parce qu’en juin 1997, les communistes étaient de nouveau au pouvoir et que le dossier pénal de … Maloku avait été réouvert. Enfin, les 2 dispositions de l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme feraient obstacle à un retour des requérants en Albanie car ils se trouveraient exposés à un risque réel pour leurs personnes.
L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Est qualifié réfugié politique au sens de la Convention de Genève toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ( paragraphe 2° de la Section A de l’article premier de la Convention de 1951).
Une crainte « avec raison » inclut à la fois un élément subjectif et un élément objectif et, pour déterminer l’existence d’une crainte raisonnable, les deux éléments doivent être pris en considération par les autorités auxquelles une demande de statut de réfugié politique est soumise.
Il y a lieu de constater que les premiers juges ont procédé à une analyse minutieuse des éléments leurs soumis et ont décidé à juste titre que les manifestations datant de 1991 auxquelles l’appelant aurait participé n’avaient pas en l’espèce un caractère politique, mais étaient organisées par l’ensemble du personnel de l’entreprise pour exprimer son mécontentement face à une éventuelle privatisation de leur entreprise, et qu’ainsi il n’est pas établi de lien avec une infraction politique, de sorte que cette activité ne saurait être considérée comme motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique.
Concernant les deux documents versés en copie, dont l’un est daté du 17 mai 1997 et l’autre ne porte pas de date ni de signature et dont, selon l’appelant, il résulterait qu’une poursuite a été engagée contre lui du chef d’organisation, d’association et de participation dans des meetings et manifestations, et à les supposer authentiques, l’acte du Procureur près du Tribunal de premier degré ne peut être considéré comme un jugement de condamnation, mais tout au plus comme un acte de poursuite, et les risques de représailles évoqués par l’appelant Maloku du fait de participations à des manifestations en 1991 n’ayant pas de caractère politique, ne peuvent à eux seuls fonder une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine.
Il est d’ailleurs à relever que depuis ces évènements, Maloku et son épouse ont demandé et obtenu le renouvellement de leurs passeports en date respectivement du 12 février 1996 et du 1er décembre 1995; Maloku avait d’autre part demandé l’asile politique au Luxembourg en août 1995 et renoncé à sa demande avant d’être refoulé vers l’Albanie le 13 septembre 1995, et son épouse a bénéficié d’un visa pour l’Allemagne du 10 janvier 1996 au 22 février 1996 ainsi que d’un visa Benelux valable du 27 mars 1996 au 5 avril 1996, et elle a attendu l’expiration de son visa Schengen délivré le 21 mai 1997 pour déposer sa demande d’asile en date du 24 juin 1997, selon les conseils de son frère.
Il appartient aux requérants d’établir avec la précision requise qu’ils remplissent les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique, or il ressort des déclarations de … Maloku, que les craintes exprimées s’analysent comme l’expression d’un sentiment général d’insécurité et qu’il fait valoir d’autre part des motifs d’ordre économique, ayant perdu une importante somme d’argent en investissant dans les « sociétés pyramidales ».
… Bardhi pour sa part n’invoque aucun motif particulier de persécution qui lui serait propre.
3 Par conséquent les appelants restent en défaut d’établir en quoi leur situation particulière a été telle qu’ils peuvent avec raison craindre qu’ils feraient l’objet de persécution, au sens de la Convention de Genève, en cas de retour dans leur pays d’origine, où la situation générale n’est pas telle qu’elle soit susceptible de leur rendre la vie intolérable, et compte tenu des changements politiques.
Il en découle que la demande formulée par les appelants est manifestement infondée et que le jugement dont appel est partant à confirmer.
Par ces motifs La Cour administrative, statuant contradictoirement;
reçoit l’appel en la forme;
le dit non-fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 14 juillet 1999 dans toute sa teneur;
condamne les appelants aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par:
Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller-rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 4