N° 10963 du rôle Inscrit le 27 octobre 1998 Audience publique du 23 septembre 1999
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Opposition formée par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre des Finances contre un jugement du tribunal administratif rendu en date du 29 juillet 1998 dans une affaire inscrite sous le numéro du rôle 10577 opposant la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE à l’administration des Contributions directes en matière d’indemnité de procédure
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10963 et déposée en date du 27 octobre 1998 au greffe du tribunal administratif par Monsieur Gilles ROTH, agissant en sa qualité de délégué du gouvernement auprès des juridictions administratives, au nom de l’Etat du Grand-
Duché de Luxembourg, représenté par son ministre des Finances, tendant à la réformation d’un jugement rendu en date du 29 juillet 1998 par le tribunal administratif par défaut à l’égard de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dans une affaire opposant la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, à l’administration des Contributions directes, en ce que ce jugement a notamment condamné l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure de 30.000.- francs sur base de l’article 131 - 1 du code de procédure civile;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 16 octobre 1998, portant signification de ce recours à la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE s.à r.l., préqualifiée;
Vu le mémoire en réponse, intitulé « mémoire en réplique », déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 1998 par Maître Mathis HENGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE s.à r.l., préqualifiée;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 1999 pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 1999 pour compte de la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE s.à r.l., préqualifiée;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement du tribunal administratif du 29 juillet 1998 portant le numéro du rôle 10577;
Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH et Maître Claude GEIBEN, en remplacement de Maître Mathis HENGEL, en leurs plaidoiries respectives.
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Dans son jugement du 29 juillet 1998, portant le numéro du rôle 10577, la deuxième chambre du tribunal administratif, en statuant par défaut à l’égard de l’Etat, a reçu le recours en réformation en la forme introduit par la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE, établie et ayant son siège social à L-…, et au fond l’a déclaré justifié, en décidant que « par réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991 et du bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1991, émis tous les deux en date du 7 mars 1996 » « il n’y a pas lieu à la majoration de la marge bénéficiaire pour porter cette dernière à 25%, par une ajoute d’un montant de ….- francs », a renvoyé l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, a déclaré le recours subsidiaire en annulation irrecevable et a condamné « l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure de 30.000.- francs au profit de la demanderesse ».
Par requête inscrite sous le numéro du rôle 10963 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 1998, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a formé opposition contre le jugement précité du 29 juillet 1998, en limitant toutefois l’objet de son opposition à la condamnation prononcée par le tribunal administratif à l’encontre de l’Etat pour un montant de 30.000.- francs au titre d’une indemnité de procédure en vertu de l’article 131-1 du code de procédure civile.
A l’appui de sa requête en opposition, l’Etat fait valoir que ce serait à tort que le jugement dont opposition a condamné l’Etat à l’indemnité de procédure précitée au motif que les conditions d’application de l’article 131-1 du code de procédure civile ne seraient pas remplies en l’espèce.
Le délégué du gouvernement rappelle dans ce contexte qu’un premier jugement a été rendu entre la société ARS PUBLICITE et le directeur de l’administration des Contributions directes en date du 22 janvier 1998, qui a déclaré la requête introduite par ARS PUBLICITE irrecevable pour ne pas avoir satisfait aux dispositions de l’article 1er de l’arrêté royal grand-
ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, applicable devant les juridictions administratives à l’époque où le jugement en question a été rendu. Du fait de l’irrecevabilité de la première requête introduite par la société ARS PUBLICITE, un nouveau recours a dû être introduit par celle-ci en date du 19 février 1998 ayant le même objet que le recours précédemment introduit. Partant, les frais de procédure engagés par la société ARS PUBLICITE dans l’affaire portant le numéro du rôle 10577 seraient exclusivement dus au fait que la première requête introduite, et ayant fait l’objet du jugement précité du 22 janvier 1998, n’a pas pu être jugée quant au fond.
Le représentant étatique fait encore référence au fait qu’en matière de contentieux fiscal, la représentation ou l’assistance du contribuable par un avocat n’est pas obligatoire, en reprochant par ailleurs au jugement dont opposition que ce dernier ne spécifierait pas en quoi consisterait la somme de 30.000.- francs allouée à titre d’indemnité de procédure à la société ARS PUBLICITE, en soutenant qu’aucune pièce « quant à de prétendus honoraires d’avocat ou de frais exposés par la partie ARS PUBLICITE n’est versée au dossier ».
En outre, le délégué du gouvernement reproche au tribunal administratif d’avoir statué par défaut à l’égard de l’Etat, alors qu’un délégué du gouvernement aurait été présent à l’audience à laquelle l’affaire ayant donné lieu au jugement du 29 juillet 1998 et portant le numéro du rôle 10577, a été plaidée.
2 Dans son mémoire en réponse, la partie défenderesse sur opposition, demanderesse originaire, estime que c’est à tort que l’Etat se réfère au jugement prononcé en date du 22 janvier 1998 et ayant déclaré irrecevable un premier recours introduit par elle à l’encontre des bulletins d’impôt litigieux, en soutenant que l’indemnité de procédure a seulement été allouée dans le cadre de la requête introductive d’instance du 19 février 1998 ayant donné lieu au jugement dont opposition du 29 juillet 1998 portant le numéro du rôle 10577. Partant, le bien-
fondé de cette indemnité de procédure devrait seulement être analysé dans le cadre de ce dernier procès.
Elle demande en outre le rejet du moyen invoqué par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et tiré de ce que le recours à un avocat ne serait pas obligatoire devant les juridictions administratives, siégeant en matière fiscale, au motif que l’article 131-1 du code de procédure civile, actuellement l’article 240 du nouveau code de procédure civile, serait couramment appliqué par les juridictions de l’ordre judiciaire dans le cadre de procès où la représentation par ministère d’avocat voire par ministère d’avoué n’est pas obligatoire.
Dans ce contexte, elle soutient qu’en tant qu’entreprise de taille réduite, n’ayant pas à sa disposition des spécialistes en droit fiscal, elle aurait été obligée d’avoir recours à un avocat voire à un autre spécialiste en droit fiscal en vue de défendre ses droits vis-à-vis de l’administration des Contributions.
La partie défenderesse estime encore que même au cas où elle n’aurait pas recouru aux services d’un expert juridique, des « coûts considérables » lui auraient été occasionnés du fait de la représentation de la société par son gérant ou l’un de ses collaborateurs devant le tribunal administratif aux différentes audiences auxquelles l’affaire a été fixée.
Elle s’étonne encore du fait que l’Etat du Grand-Duché ait limité son opposition à la condamnation prononcée à son égard au titre de l’article 131-1 du code de procédure civile tout en acceptant « l’illégalité » de la taxation d’office opérée par l’administration des Contributions directes à son encontre.
En ce qui concerne le reproche formulé par l’Etat à l’encontre du jugement dont opposition, tiré d’un défaut d’indication des sommes réellement exposées par la société ARS PUBLICITE dans le cadre du procès ayant donné lieu au jugement précité du 29 juillet 1998, la partie défenderesse fait valoir que, conformément à une jurisprudence des juridictions l’ordre judiciaire, une pièce permettant de justifier le montant de l’indemnité de procédure réclamée ne serait pas requise au motif que « le tribunal ne saurait légitimement admettre que l’avocat prête gratuitement ses services à sa mandante », en soutenant encore que la confidentialité des honoraires d’avocat permettrait d’écarter l’exigence de justificatifs.
En conclusion, la partie défenderesse rappelle que dans sa requête introductive d’instance ayant donné lieu au jugement précité du 29 juillet 1998, elle avait réclamé une indemnité de procédure de 50.000.- francs sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile, tout en soulignant qu’elle maintenait cette demande dans le cadre du présent procès, au motif « qu’il serait inéquitable de laisser tous les frais d’avocat et autres faux frais exposés (voyages, frais de port, télécommunications, copies …) à charge de la partie concluante vu l’attitude de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg qui s’est non seulement vu annuler une décision de taxation d’office particulièrement illégale, et qui pour le surplus accepte la décision d’annulation des bulletins d’impôt intervenus, mais qui continue d’allonger la procédure en occasionnant à nouveau des frais à la société ARS PUBLICITE s.à r.l. ». En outre, la partie défenderesse sollicite l’allocation d’une nouvelle indemnité de procédure de 25.000.- francs afin de couvrir les frais exposés par elle dans le cadre de la présente procédure.
3 Dans son mémoire en réplique, l’Etat s’oppose à l’allocation d’une indemnité de procédure de 50.000.- francs à la partie défenderesse, en estimant que le jugement par défaut dont opposition demeurerait un titre pour la partie qui l’a obtenu, à l’égard de laquelle il aurait le caractère d’une décision contradictoire, et cette partie serait partant irrecevable à demander, à son tour, la réformation du jugement dont opposition. Il s’oppose également à l’allocation d’une indemnité de 25.000.- francs au motif que celle-ci aurait été réclamée pour la première fois dans le mémoire en réponse de la partie défenderesse et que cette demande serait partant irrecevable sinon non fondée.
Dans son mémoire en duplique, la partie défenderesse soutient qu’il n’existerait aucune disposition formelle excluant qu’un jugement en matière administrative ou fiscale puisse être rendu par défaut à l’égard de l’Etat et que pareillement il n’existerait aucune disposition qui prévoit que l’Etat se trouverait représenté de plein droit devant le tribunal administratif.
En l’espèce, le défaut accordé par l’Etat aurait été établi du fait que l’Etat n’a pas pris de conclusions écrites suite au dépôt de la requête introductive d’instance et qu’à l’audience à laquelle l’affaire ayant donné lieu au jugement précité du 29 juillet 1998 a été plaidée, l’Etat n’aurait pas pris de conclusion orale et le délégué du gouvernement n’aurait pas fait état de son mandat.
La partie défenderesse estime que c’est à bon droit qu’elle réclame une indemnité de procédure de 50.000.- francs, initialement réclamée dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement dont opposition, en se référant à l’article 91 du nouveau code de procédure civile, en vertu duquel « l’opposition remet en question, devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ».
Enfin, elle estime que la demande en augmentation de l’indemnité de procédure initialement accordée se justifierait du fait qu’à la suite de l’opposition formée par l’Etat à l’encontre du jugement précité du 29 juillet 1998 des frais de procédure supplémentaires lui auraient été occasionnés.
La requête introduite par l’Etat et dirigée contre le jugement précité du 29 juillet 1998, inscrit sous le numéro 10577 du rôle, est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai de la loi.
En ce qui concerne tout d’abord le moyen invoqué par l’Etat et tiré de ce que ce serait à tort que le tribunal administratif a, dans son jugement précité du 29 juillet 1998, statué par défaut à l’égard de l’Etat, en ce que l’Etat serait de plein droit représenté par un délégué du gouvernement à partir du moment où l’acte attaqué émane d’une autorité administrative et que de toute façon, en l’espèce, un délégué du gouvernement aurait été présent dans la salle lors des plaidoiries de l’affaire en question, il échet de rappeler que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite, tel que cela ressort des articles 1er, 4, alinéa 2 et 6 de l’arrêté royal grand-ducal précité du 21 août 1866 applicable au présent litige, et que le fait pour l’une des parties de ne pas déposer un mémoire écrit a pour conséquence que le jugement ne peut pas être rendu contradictoirement à son égard.
En l’espèce, l’Etat n’a pas déposé de mémoire en réponse après le dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif en date du 19 février 1998, tel que cela est requis par l’article 4, alinéa 2 de l’arrêté royal grand-ducal précité. C’est partant à bon droit que par jugement du 29 juillet 1998, le tribunal administratif a statué par défaut à l’égard de l’Etat, faute par ce dernier d’avoir déposé un mémoire en réponse, la simple présence d’un 4 délégué du gouvernement dans la salle d’audience lors des plaidoiries de l’affaire ne pouvant pallier à ce défaut de conclure de la part de l’Etat, aucun texte de loi ne disposant que le délégué du gouvernement représente de plein droit l’Etat dans les affaires administratives introduites devant les juridictions administratives.
Le moyen afférent invoqué par l’Etat est à rejeter.
En ce qui concerne le moyen tiré d’une violation de l’article 131-1 du code de procédure civile (actuellement l’article 240 du nouveau code de procédure civile), en ce que les conditions d’application de ladite disposition légale ne seraient pas données en l’espèce et que partant le tribunal administratif aurait condamné l’Etat à tort à une indemnité de procédure de 30.000.- francs, il échet de préciser tout d’abord que l’indemnité de procédure allouée à la société ARS PUBLICITE, partie demanderesse dans l’instance introduite par requête déposée le 19 février 1998 et ayant donné lieu au jugement précité du 29 juillet 1998, a été accordée par le tribunal administratif exclusivement en considération des éléments de fait et de droit ayant trait à ladite procédure et qu’une procédure antérieurement introduite par la même partie demanderesse et ayant eu un objet identique sinon similaire, ayant donné lieu à un jugement d’irrecevabilité, ne saurait avoir une quelconque influence sur cette indemnité de procédure.
L’argument afférent invoqué par l’Etat est partant à écarter.
L’article 240 du nouveau code de procédure civile dispose que «lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».
En l’espèce, l’allocation d’une indemnité de procédure au titre de l’article 240 précité de 30.000.- francs au profit de la société ARS PUBLICITE, à la suite d’une indemnité de 50.000.- francs réclamée par celle-ci dans sa requête introductive d’instance, était justifiée dans la mesure où, d’une part, l’Etat n’a pas estimé nécessaire de présenter ses moyens et arguments en défense quant aux reproches faits aux bulletins d’impôt litigieux et, d’autre part, le tribunal administratif a déclaré justifié les moyens et arguments présentés par la société ARS PUBLICITE et il a fait droit à sa demande tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991 et du bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1991, dans le sens demandé par la partie demanderesse de l’époque. L’indemnité de procédure allouée par le jugement du 29 juillet 1998 a pour objet de dédommager la société ARS PUBLICITE pour au moins une partie des sommes exposées par elle dans le cadre du litige en question, alors qu’il est inéquitable de laisser à sa charge intégrale les frais d’un procès qu’elle a dû engager à l’encontre de l’Etat, et au cours duquel ses prétentions n’ont été contestées d’aucune manière.
L’Etat a encore fait valoir que du fait qu’en première instance la représentation d’un contribuable par un avocat n’était pas obligatoire en matière de contributions directes, ARS PUBLICITE n’était pas en droit d’obtenir le remboursement des frais engendrés par une telle représentation.
Abstraction faite de la considération qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (1), alinéa 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, les justiciables peuvent agir par eux-mêmes devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes, cette faculté n’interdit pas au contribuable en question de recourir aux services soit d’un avocat, soit d’un expert comptable ou réviseur d’entreprises en vue d’assurer sa représentation devant la juridiction précitée.
5 Le fait pour la société ARS PUBLICITE d’avoir fait usage de cette faculté légalement prévue en se faisant représenter par un avocat à la Cour dans la procédure ayant abouti au jugement dont opposition, ne saurait constituer un empêchement à solliciter l’allocation d’une indemnité de procédure pour couvrir les frais d’avocat qu’elle estime inéquitable de devoir supporter.
L’argument invoqué par l’Etat et tiré de ce que le recours au ministère d’un avocat à la Cour ne serait pas obligatoire en matière fiscale est partant à écarter.
En ce qui concerne le montant de l’indemnité de procédure allouée par le jugement précité du 29 juillet 1998, il échet de rappeler qu’il appartient au juge d’allouer le montant qu’il estime convenir, compte tenu de tous les éléments d’appréciation et il n’est partant pas obligé d’exiger des justificatifs des montants dont la partie réclame l’allocation (cf. Cour d’appel, 26 octobre 1993, Pas. 29, page 292), notamment en ce qui concerne les honoraires d’avocat.
Quant à la demande formulée par la société ARS PUBLICITE dans son mémoire en réponse et tendant à la réformation du jugement dont opposition en ce qu’elle sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de 50.000.- francs au lieu de l’indemnité de 30.000.-
francs allouée par le jugement précité du 29 juillet 1998, il échet de déclarer cette demande irrecevable étant donné que l’opposition n’anéantit pas le jugement par défaut, mais ne fait qu’en suspendre l’exécution. Il s’ensuit, d’une part, que le jugement par défaut frappé d’opposition demeure un titre pour la partie qui l’a obtenu, à l’égard de laquelle il a le caractère d’une décision contradictoire, et, d’autre part, que cette partie est irrecevable à demander, à son tour, devant le même tribunal, la réformation du jugement dont opposition (Cour d’appel, 14 janvier 1953, Pas. 16, page 19). Il résulte des développements qui précèdent que le jugement précité du 29 juillet 1998 a été rendu contradictoirement à l’égard de la société ARS PUBLICITE et que partant celle-ci est irrecevable à former opposition contre ledit jugement.
En ce qui concerne enfin la demande en allocation d’une nouvelle indemnité de procédure de 25.000.- francs sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, formulé par la partie défenderesse dans le cadre de son mémoire en réponse, il échet de retenir tout d’abord que, contrairement à l’argumentation défendue par l’Etat, cette demande en allocation est recevable alors qu’une partie défenderesse peut en tout état de cause réclamer dans un mémoire écrit une telle allocation si elle est d’avis, en ce qui concerne la procédure en question, qu’elle a dû encourir des frais qu’elle estime inéquitable de devoir supporter. Par ailleurs, le montant de 25.000.- francs est justifié étant donné que la société ARS PUBLICITE était obligée de participer à une nouvelle procédure contentieuse du fait de l’opposition formée par l’Etat contre le jugement précité du 29 juillet 1998 et qu’elle a de ce fait dû prendre les mesures nécessaires en vue d’assurer la défense de ses intérêts au cours de la procédure en question, que l’Etat n’a pas formé opposition à l’encontre de la réformation des bulletins d’impôt litigieux, objet principal du jugement du 29 juillet 1998, en limitant son opposition à la condamnation à l’allocation d’une indemnité de procédure et que l’Etat se voit rejeter ses moyens et arguments invoqués à l’appui de sa requête en opposition. Il y a partant lieu d’allouer à la société ARS PUBLICITE une nouvelle indemnité de procédure de 25.000.-
francs au titre de l’article 240 du nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
6 reçoit la requête en opposition en la forme;
au fond la dit non justifiée et en déboute;
déclare irrecevable l’opposition formée par la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE à l’encontre du jugement du tribunal administratif du 29 juillet 1998, inscrit sous le numéro du rôle 10577;
dit que le premier jugement dont opposition sortira ses pleins et entiers effets;
condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à verser une indemnité de procédure de 25.000.- francs au profit de la société à responsabilité limitée ARS PUBLICITE, dans le cadre de l’instance introduite par la requête en opposition déposée au nom de l’Etat au greffe en date du 27 octobre 1998;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 23 septembre 1999 par le vice-président, en présence de M.
Legille, greffier.
Legille Schockweiler 7