N° 11528 du rôle Inscrit le 8 septembre 1999 Audience publique du 16 septembre 1999
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Recours formé par Monsieur … JIBO MALAM contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 1999 par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Nathalie SCHROEDER, avocat inscrit au prédit tableau, au nom de Monsieur … JIBO MALAM, sans état particulier, ayant été placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 9 août 1999 ordonnant une mesure de placement à son égard;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Nathalie SCHROEDER et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Il ressort d’un procès-verbal du 9 août 1999 établi par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale qu’en date du même jour, Monsieur … JIBO MALAM a été refoulé par les autorités allemandes au Luxembourg.
Ledit procès-verbal précise « (…) dass die besagte Person am 30. Juli 1999 aus Deutschland in Richtung Kanada/Toronto ausreisen wollte. Bei der grenzpolizeilichen Ausreisekontrolle legte JIBO ALHASSAN einen ghanaischen Reisepass, tragend die Nummer H0191585, ausgestellt in Accra am 24.10.1997 auf den Namen von …, geb. am … in Accra/Ghana und gültig bis zum 23.10.2007, sowie eine US-amerikanische Permanent Resident Card mit der Nummer: 046-706-628 zur Kontrolle vor.
Da die Lichtbilder in den Personaldokumenten nicht mit der vorstellig gewordenen Person übereinstimmten, wurde JIBO ALHASSAN wegen des Verdachts des Ausweissmissbrauchs festgenommen.
Weiterhin war JIBO im Besitz eines Flugtickets Luxemburg-Frankfurt vom 30.07.1999, tragend die Nummer 220 461 19375224, ausgestellt am 30.07.1999 in Luxemburg, sowie einer Zugkarte Den Haag-Luxemburg, welche am 29.07.1999 in Den Haag gekauft und am 30.07.1999 entwertet wurde.
1 Aufgrund der vorliegenden Erkenntnisse wurde JIBO wie bereits eingangs erwähnt am 9. August 1999 von Frankfurt nach Luxemburg abgeschoben.
Indem JIBO am 30. Juli 1999 per Zug von Den Haag nach Luxemburg reiste, wurde bei den niederländischen Behörden eine Anfrage auf Rücknahme gemäss ACCORD-
BENELUX gestellt.
Das Ersuchen wurde jedoch abgelehnt mit der Begründung dass das besagte Zugticket nicht auf den Namen von JIBO ALHASSAN resp. SALISU Abubakar ausgestellt wurde.
Seitens hiesiger Stelle wurden weiterhin Informationen bei den belgischen Behörden in Bezug auf JIBO ALHASSAN resp. … eingeholt. Demgemäss ist keine Person unter den vorerwähnten Angaben als Asylbewerber dort bekannt. Ob der betreffende Ausländer auf andere Art und Weise in Belgien erkennungsdienstlich erfasst wurde, wurde uns nicht mitgeteilt. Eine diesbezügliche Anfrage wird nochmals bei den belgischen Behörden getätigt.
Indem es sich gemäss den vorliegenden Erkenntnissen bei JIBO um eine minderjährige resp. bei … um eine grossjährige Person handelt, unterzog sich vorerwähnter Ausländer am 9. August 1999 zwecks Alterbestimmung einer ärztlichen Untersuchung bei den Aerzten Dr K. A. und Dr D. F. R..
Entgegen dessen Angaben erbrachte die Untersuchung ein Alter von eindeutig 18 Jahren.(…) ».
Par arrêté du 9 août 1999, le ministre de la Justice ordonna le placement de Monsieur JIBO MALAM au Centre Pénitentiaire de Luxembourg pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.
La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants:
« Considérant que l’intéressé s’est rendu de l’aéroport de Luxembourg-Findel à l’aéroport de Francfort avec un passeport ghanéen qui ne lui appartient pas;
- que les autorités luxembourgeoises ont accordé la reprise de l’intéressé aux autorités allemandes;
- qu’en date du 9 août 1999, l’intéressé a été transféré vers le Luxembourg;
- qu’il est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valables;
- qu’il se trouve en séjour illégal au pays;
- que son éloignement immédiat n’est pas possible;
Considérant que des raisons tenant à un risque de fuite nécessitent que l’intéressé soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg en attendant son éloignement ».
Il ressort d’un procès-verbal additionnel du 8 septembre 1999 établi par le service de police judiciaire précité qu’en date du même jour, les autorités luxembourgeoises ont recontacté les autorités néerlandaises afin qu’elles reconsidèrent leur réponse négative relativement à la réadmission aux Pays-Bas de Monsieur JIBO MALAM.
2 Par requête déposée le 8 septembre 1999, Monsieur JIBO MALAM a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle de placement précitée du 9 août 1999.
Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en annulation au motif que la loi prévoit un recours au fond en la matière.
Il est vrai que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.
l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère institue un recours de pleine juridiction contre une mesure de placement, de sorte que seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle attaquée du 9 août 1999.
Force est cependant de constater qu’alors même que le demandeur qualifie son recours comme tendant à l’annulation de la mesure déférée, le dispositif de la requête déposée en son nom comporte la demande au tribunal d’ordonner sa libération immédiate sinon son transfert dans un autre établissement plus approprié, c’est-à-dire que, sous cet angle, son recours tend à la réformation de la mesure en cause. Par conséquent, la demande en réformation ainsi dirigée contre la décision ministérielle attaquée est recevable sous ce rapport et le moyen d’irrecevabilité soulevé laisse d’être fondé.
Le délégué du gouvernement conclut en second lieu à l’irrecevabilité du recours au motif que la décision attaquée du 9 août 1999, qui a ordonné un placement pour une durée d’un mois, a cessé de produire ses effets.
S’il est vrai que la décision de placement prise à l’égard de Monsieur JIBO MALAM a pris fin après l’écoulement du délai d’un mois prévu par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, soit le 9 septembre 1999, le présent recours est néanmoins valablement introduit contre la décision de placement du 9 août 1999, étant donné qu’au moment de l’introduction du recours, soit le 8 septembre 1999, cette mesure déployait encore tous ses effets, de sorte que Monsieur JIBO MALAM possédait, au jour de l’introduction de son recours, un intérêt à attaquer la prédite mesure de placement. - Il convient également de relever que la décision de placement initiale est susceptible de se trouver à la base d’une décision de prorogation subséquente et, si elle est illégale, ce vice affecte également les éventuelles décisions de placement subséquentes, dans la mesure où celles-ci tirent leur existence légale de la mesure de placement initiale.
Par ailleurs, Monsieur JIBO MALAM garde en tout état de cause un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé, le cas échéant, aux particuliers par les décisions en question.
Le recours ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Quant au fond, le demandeur avance à l’encontre de la décision attaquée, d’une part, qu’il n’existerait pas de danger réel qu’il se soustraie à la mesure d’éloignement, et, d’autre 3 part, que la mesure de placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig serait disproportionnée et que ledit Centre Pénitentiaire ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, surtout eu égard au fait qu’il serait encore mineur et qu’il n’aurait commis aucune infraction à la loi pénale et ne représenterait aucun danger pour l’ordre public.
Le délégué du gouvernement estime qu’un danger que le demandeur se soustraie à la mesure d’éloignement ressortirait des circonstances de l’espèce.
Concernant la prétendue minorité du demandeur, il relève que l’identité du demandeur et son âge ne seraient établis par aucune pièce produite au dossier et qu’il se dégagerait au contraire des avis de deux médecins consultés qu’il ne serait pas mineur. - En outre, même à supposer que les déclarations du demandeur seraient véridiques et qu’il ne serait âgé que de 17 ans, un tel âge ne requerrait pas automatiquement une protection spécifique et n’exclurait pas des modalités de placement identiques à celles qui s’imposeraient pour un majeur.
Enfin, le représentant étatique estime que le placement du demandeur au Centre Pénitentiaire serait justifié en l’espèce, notamment au motif que les éléments de fait caractériseraient le comportement d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.
Concernant le premier moyen soulevé par le demandeur, c’est à bon droit qu’il fait relever qu’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où il existe dans le chef d’une personne qui se trouve sous le coup d’une décision de refoulement, un danger réel qu’elle essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure.
C’est cependant à tort que le demandeur conteste l’existence d’un tel danger. En effet, il échet de relever qu’il ressort des éléments du dossier que le demandeur a fait usage d’une fausse identité et d’un faux passeport et qu’il ne possède aucune adresse fixe au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il existe partant, dans son chef, un risque qu’il essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure.
Concernant le second et dernier moyen développé par le demandeur à l’appui de son recours, il est vrai que l’incarcération dans un centre pénitentiaire d’une personne se trouvant sous le coup d’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où cette personne constitue en outre un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.
En l’espèce, les faits précités, à savoir l’usage par le demandeur d’une fausse identité et d’un faux passeport, caractérisent à eux seuls le comportement d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et ce comportement justifie dans les circonstances de l’espèce qu’il soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg afin d’éviter qu’il porte atteinte à la sécurité et à l’ordre publics et pour garantir qu’il soit à la disposition des autorités en vue de son éloignement ultérieur.
En d’autres termes, le Centre Pénitentiaire est à considérer, en l’espèce, comme constituant un établissement approprié tel que visé par l’article 15 paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.
4 Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation basée sur la prétendue minorité du demandeur, étant donné que, abstraction faite de toutes autres considérations, en l’absence de toute pièce d’identité produite en cause, la minorité du demandeur reste à l’état de simple allégation et elle est même contredite par un avis du 9 août 1999 du Dr. D.F.R., médecin -
spécialiste en radiologie, du service d’imagerie médicale de la clinique Ste. Thérèse, lequel arrive à la conclusion que: « Gemäss der Konfiguration der Epiphysenfugen, findet man ein Alter von eindeutig 18 Jahren (…) ».
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en la forme;
au fond le déclare non justifié, partant le rejette;
laisse les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique extraordinaire du 16 septembre 1999 par le premier juge, délégué à cette fin, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Schockweiler 5