GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11313C Inscrit le 3 juin 1999 Audience publique du 6 juillet 1999 Recours formé par … TAIRI contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 3 juin 1999 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat, au nom de … TAIRI contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre l’appelant et le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique à la date du 29 avril 1999;
Vu l’exploit de signification de ladite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 3 juin 1999;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juin 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH en remplacement de Maître Claude DERBAL, Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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Par requête inscrite sous le numéro du rôle 11220 et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 mars 1999 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat, Monsieur … TAIRI, de nationalité macédonienne, demeurant à L-…, a demandé l’annulation de deux décisions du ministre de la Justice datées respectivement des 24 novembre 1998 et 22 février 1999, la première l’informant que sa demande en obtention du statut de réfugié politique était manifestement infondée, et la deuxième, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale.
Le tribunal administratif, statuant contradictoirement en date du 29 avril 1999 a reçu le recours en annulation en la forme, l’a déclaré non justifié et en a débouté.
Maître Claude DERBAL a interjeté appel contre ce jugement par requête préalablement signifiée et déposée en date du 3 juin 1999 au greffe de la Cour administrative en invoquant les moyens suivants après s’être référé à l'exposé des faits tels que développés en première instance.
Il serait constant en cause que pendant toute la phase de l'instruction du dossier par l'administration, soit depuis la demande du 2 mars 1998 jusqu'à la décision initiale de refus du 24 novembre 1998, le requérant, né le 12 décembre 1980, était mineur.
Que la seule référence à l'état de minorité du requérant serait indiquée par la Commission Consultative des Réfugiés dans son avis de rejet du 16 septembre 1998 qui, sans autre fondement qu'une simple lecture des rapports d'audition, aurait arbitrairement et subjectivement décidé que « l’âge du demandeur ainsi que la teneur de ses déclarations met en évidence qu'il dispose de la maturité suffisante pour éprouver une crainte de persécution et qu'il a été en mesure d'exprimer sa crainte ».
Que d’après l’appelant on ne saurait admettre qu'un mineur, sans instruction, présentant seul sa demande se voit confronté au questionnaire type élaboré par le Ministère de la Justice et ait pu comprendre le sens de questions qui échapperaient même à des adultes.
Que la présence d’un avocat, intervenue au stade de la procédure où l'audition du requérant était achevée et les réponses au questionnaire type déjà actées, ne saurait effacer une nullité de procédure ab initio.
L’appelant demande de constater la nullité du rapport d'audition du 10 mars 1998 et la nullité corrélative de la procédure qui s'en est suivie basée sur un rapport nul.
Il reproche finalement aux premiers juges d’avoir décidé à tort qu’il aurait l'obligation de fournir la preuve matérielle d'avoir subi des brutalités et autres persécutions, alors que pour bénéficier du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, l’article ler section A; §2 imposerait uniquement une crainte avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.
Le délégué du Gouvernement a déposé en date du 21 juin 1999 un mémoire en réponse au greffe de la Cour administrative dans lequel il demande la confirmation du premier jugement aux motifs suivants :
Il ressortirait clairement de l'audition de … TAIRI et des réponses fournies aux questions précises lui posées que ce dernier dispose de la maturité et du discernement suffisants pour exprimer ses craintes de persécution. Ainsi, la présentation de … TAIRI n'aurait pas été telle qu'elle aurait nécessité une évaluation psychologique pour juger de sa maturité.
2 … TAIRI aurait été en mesure de s'exprimer dans sa langue natale, de sorte qu'aucun argument de mauvaise compréhension des questions lui posées ne saurait valoir.
Même si … TAIRI avait renoncé expressément à l'assistance d'un avocat lors de sa première audition du 10 mars 1998, il aurait été néanmoins en mesure de compléter ou de rectifier ses déclarations initiales en présence de son avocat lors de l'audition supplémentaire du 8 mai 1998.
L’assistance de son avocat lors de l'audition complémentaire aurait permis de compenser, si nécessaire, les faiblesses ou incohérences éventuelles dans son récit initial.
En ce qui concerne les craintes de persécution en raison de son appartenance à la population albanaise de Macédoine, le délégué du Gouvernement renvoie à ses développements faits en première instance.
La requête d’appel ayant été introduite dans les formes et délai de la loi est recevable.
C’est à bon droit et pour de justes motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont écarté le moyen ayant trait à un vice de procédure tiré de la minorité de Monsieur TAIRI alors qu’aucune disposition légale n’empêche un mineur d’être entendu, dans les causes le concernant, par un agent d’un service étatique, à condition qu’il dispose du discernement nécessaire afin d’être en mesure de répondre correctement aux questions qui lui sont posées et que ses droits de la défense ne soient pas lésés.
Il y a lieu de remarquer dans ce contexte que … TAIRI a recouru, suite à sa première audition, aux services d’un avocat afin de l’assister et a pu compléter ou rectifier ses déclarations initiales en présence dudit conseil juridique lors d’une audition supplémentaire en date du 8 mai 1998 faite par le même agent instructeur du ministère de la Justice de sorte que les droits de la défense ont été utilement assurés et les faiblesses éventuelles résultant de son état de minorité au cours de la procédure d’instruction ont valablement pu être compensées par l’assistance de son avocat à un moment où ni la commission consultative pour les réfugiés ni le ministre de la Justice n’avaient pris leurs avis et décisions respectifs.
Est qualifié réfugié politique au sens de la Convention de Genève toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (paragraphe 2° de la section A de l’article premier de la Convention de 1951).
Une crainte « avec raison » inclut à la fois un élément subjectif et un élément objectif et, pour déterminer l’existence d’une crainte raisonnable, les deux éléments doivent être pris en considération par les autorités auxquelles une demande de réfugié politique est soumise.
Il y a lieu de constater que les premiers juges ont procédé à une analyse minutieuse des éléments leurs soumis en s’adonnant notamment à une étude détaillée des auditions des 10 mars et 8 mai 1998 par un agent du ministère de la Justice détaillant les motifs à la base de la demande de … TAIRI.
C’est à bon droit et pour des justes motifs auxquels la Cour se rallie que les juges de première instance ont déduit de l’ensemble des éléments du dossier et des renseignements leurs soumis 3 que l’appelant n’a pas établi d’être persécuté dans son pays d’origine pour une des raisons énoncées par l’article 1er A., 2 de la Convention.
Le jugement dont appel est partant à confirmer.
Par ces motifs, La Cour administrative, statuant contradictoirement;
reçoit l’appel en la forme;
le déclare non fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 29 avril 1999 dans toute sa teneur;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller-rapporteur et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-
Marie WILTZIUS.
Le greffier Le président 4