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17/03/1999 | LUXEMBOURG | N°10846

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 1999, 10846


N° 10846 du rôle Inscrit le 21 août 1998 Audience publique du 17 mars 1999

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Recours formé par Madame … THEISEN, Luxembourg, contre une décision du comité de direction de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, en matière de stage

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Vu la requête déposée le 21 août 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Monique WATGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … THEISEN, …, agent de la Banque et Caisse d'Epargne de

l'Etat, en abrégé la BCEE, demeurant à L-…, tendant à la réformation, subsidiairement à l’ann...

N° 10846 du rôle Inscrit le 21 août 1998 Audience publique du 17 mars 1999

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Recours formé par Madame … THEISEN, Luxembourg, contre une décision du comité de direction de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, en matière de stage

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Vu la requête déposée le 21 août 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Monique WATGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … THEISEN, …, agent de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, en abrégé la BCEE, demeurant à L-…, tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation de la décision prise le 17 juillet 1998 par le comité de direction de la BCEE, révoquant son stage avec effet au 18 août 1998;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 25 août 1998, portant signification dudit recours à la BCEE;

Vu le mémoire en réponse déposé le 17 novembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de la BCEE;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS du 20 novembre 1998, portant signification dudit mémoire en réponse à Madame … THEISEN;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal le 8 décembre 1998 par Maître Monique WATGEN au nom de la demanderesse;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS du même jour, portant signification dudit mémoire en réplique à la BCEE;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal le 17 février 1999 par Maître Jean MEDERNACH au nom de la BCEE;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS du 23 février 1999, portant signification dudit mémoire en duplique à Madame … THEISEN;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Monique WATGEN et Louis BERNS, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, en leurs plaidoiries respectives.

2

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Suivant contrat daté du 20 août 1996, Madame … THEISEN, … , demeurant à L-…, fut engagée en qualité d'agent dans la carrière supérieure de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, en abrégé BCEE.

Le contrat stipulait notamment:

"Votre contrat de travail sera régi par le règlement grand-ducal du 16 octobre 1993 fixant les conditions générales du statut des agents de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, Luxembourg, annexé aux présentes.

Sur la base de vos diplômes d'études supérieures, vous serez classée au grade de début de carrière 12 de la carrière supérieure, conformément à l'article 5 dudit règlement.

Votre engagement sera parfait dès que vous aurez accepté le contrat que nous vous proposons, en nous retournant la déclaration ci-jointe, dûment datée et signée.

Votre contrat d'essai est conclu pour une durée de 6 mois et expirera le 25 février 1997. Si à cette date il n'a pas été dénoncé de part ou d'autre, il sera définitif." Par lettre du 4 juin 1998, la BCEE informa Madame THEISEN que la commission de recrutement avait décidé de proposer sa révocation au comité de direction, et qu'elle était invitée, conformément à la procédure prévue à l'article 30 (5) de la loi du 24 mars 1989 sur la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat ayant trait à la révocation de l'admission au stage, de se présenter en vue de fournir ses explications concernant ses performances pendant son stage à la BCEE.

Madame THEISEN confirma sa participation à l'entretien prévu par courrier du 9 juin 1998. Elle insista cependant sur ce qu'elle n'acceptait pas que cet entretien se fasse dans le cadre de la procédure de révocation de son stage, étant donné qu'à son avis, elle bénéficiait d'un engagement définitif depuis l'expiration de la période d'essai prévue dans son contrat d'engagement du 20 août 1996.

Comme suite à l'entretien qui eut lieu le 10 juin 1998, la BCEE Informa Madame THEISEN, par lettre recommandée du 17 juillet 1998, que le comité de direction avait prononcé la révocation de son stage avec un préavis d'un mois devant expirer le 17 août 1998.

Par requête du 21 août 1998, Madame THEISEN a introduit contre cette décision de révocation de son stage un recours en réformation, sinon en annulation.

RECEVABILITE 3 L'article 30 (2) de la loi du 24 mars 1989 sur la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat confère aux agents de la banque un statut de droit public assimilé à celui des employés de l'Etat.

En vertu de l'article 11, 1. de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat, les contestations résultant du contrat d'emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond, le délai de recours étant de trois mois à partir de la notification de la décision.

Le statut de Madame THEISEN, agent de la BCEE, étant un statut assimilé à celui des employés de l'Etat, c'est partant à bon droit qu'elle a introduit contre la décision de révocation de stage du 17 juillet 1998, principalement un recours en réformation.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

FOND Au fond, Madame THEISEN fait exposer qu'ayant été engagée à titre d'essai pour une durée de six mois, avec la précision qu'à défaut de dénonciation du contrat durant cette période, il serait définitif, son contrat aurait acquis ce caractère définitif depuis l'expiration de cette période d'essai, aucune dénonciation n'étant en effet intervenue durant la période utile. Elle insiste sur ce qu'à son avis, la BCEE ne saurait cumuler dans le chef d'un même agent deux régimes de natures différentes, à savoir, d'une part, un régime de droit privé avec possibilité de prévoir une période d'essai, et d'autre part, un régime de droit public impliquant une période de stage de deux ans pendant laquelle il pourrait être procédé à un licenciement moyennant révocation du stage.

La BCEE invoque l'article 7 du règlement grand-ducal du 16 octobre 1993 fixant les conditions générales du statut des agents de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, Luxembourg, pour conclure à l'obligation, à charge de tout agent de la BCEE, de suivre un stage de deux ans, suivi d'un examen de fin de stage, sauf dispense ou réduction de stage. - L'article 3 du même règlement rendant applicable aux agents de la BCEE, entre autres l'article 4 de la loi précitée du 27 janvier 1972, qui rend à son tour applicables les dispositions de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, prévoyant les clauses à l'essai, la BCEE conclut à la coexistence de deux régimes parallèles concernant la demanderesse, à savoir, d'une part, une période d'essai ayant expiré le 25 février 1997, soit six mois après l'entrée en vigueur de son contrat d'engagement, et, d'autre part, une période de stage de deux ans ayant expiré le 25 août 1998.

Madame THEISEN fait rétorquer qu'étant donné que l'article 1er du règlement grand-ducal du 16 octobre 1993, précité, dispose que les agents de la BCEE ont un statut de droit public, assimilé à celui des employés de l'Etat, toute référence aux possibilités conférées par la loi du 24 mai 1989, gouvernant le contrat de travail privé, 4 serait prohibée. Elle estime que sa situation est exclusivement régie par les dispositions de droit public, mais dans ce cadre, elle entend bénéficier des dispositions qui permettent de réduire la période de stage. Elle estime que le libellé du contrat d'engagement du 20 août 1996, stipulant qu'après une période d'essai de six mois, son contrat serait définitif, serait à interpréter comme réduction de la période de stage à six mois.

La BCEE, tout en insistant sur la dualité de régimes auxquels serait soumise la demanderesse, son "statut" étant de droit public et son "régime de travail" de droit privé, pour conclure au cumul des périodes d'essai de six mois et de stage de deux ans, nie toute réduction de la période de stage dans le chef de Madame THEISEN. Elle ajoute que la demanderesse a échoué à l'examen de fin de stage.

L'article 30 (2) de la loi du 24 mars 1989, précitée, dispose que les agents de la banque ont un statut de droit public assimilé à celui des employés de l'Etat. Les conditions générales du statut, concernant notamment les droits et devoirs, les conditions d'engagement, d'avancement, de rémunération et de retraite des agents sont fixées par règlement grand-ducal, qui peut exceptionnellement et dans l'intérêt du bon fonctionnement des services bancaires de l'établissement, déroger par rapport au statut général des employés de l'Etat.

Le même article dispose en son alinéa 4 que les candidats aux carrières administratives et techniques de la banque doivent remplir des conditions d'études et de formation professionnelle identiques ou équivalentes à celles exigées par les lois et règlements pour l'accès à des carrières similaires auprès des administrations de l'Etat et des établissements publics.

Le règlement grand-ducal du 16 octobre 1993, précité, pris en application de la disposition légale citée ci-dessus, répète dans son article premier que les agents de la BCEE ont un statut de droit public assimilé à celui des employés de l'Etat et leur rend applicables, entre autres, certaines dispositions de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat. Il ne déclare cependant pas applicable l'article 2 dudit statut qui prévoit, d'une manière générale, que pour pouvoir être fonctionnaire, il faut avoir accompli un stage et avoir passé avec succès un examen de fin de stage.

L'article 3 du même règlement grand-ducal dispose que sans préjudice des dispositions du règlement, le régime de travail des agents est régi, sauf adaptation, par les articles 2 à 4, 6, 7 et 11 de la loi précitée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat.

La loi du 27 janvier 1972 ne prévoit, ni dans son article 3 relatif aux conditions d'admission au service de l'Etat en qualité d'employé, ni dans une autre de ses dispositions, l'obligation d'accomplir un stage ou de réussir un examen de fin de stage.

Il découle de ce qui précède que ce n'est pas l'assimilation du statut des agents de la BCEE à celui des employés de l'Etat qui impliquerait, pour ces agents, dans leur généralité, l'obligation d'accomplir un stage préalablement à leur engagement définitif.

5 En revanche, l'article 30 (5) de la loi du 24 mars 1989, précitée, dispose cependant que "pendant la période de stage", les candidats aux carrières administratives et techniques de la banque suivent des cours de formation générale et spéciale, que l'admission au stage est révocable et que le licenciement du stagiaire peut intervenir à tout moment, l'intéressé entendu en ses explications et la délégation du personnel entendue en son avis.

L'article 31 de la même loi prévoit que, par dérogation à l'article précédent, le comité de direction peut engager par contrat spécial de louage de services à approuver par le conseil, pour autant que les besoins du service l'exigent, des personnes disposant d'une formation professionnelle spéciale ou justifiant d'une expérience professionnelle particulière acquise en dehors de la banque dans des domaines concernés par les activités de l'établissement.

Il s'en dégage qu'il existe au sein de la BCEE une dualité de catégories d'agents, outre celle des fonctionnaires que la loi du 24 mars 1989 a abolie pour l'avenir, à savoir des agents administratifs et techniques qui font partie du cadre et doivent passer par un régime de stage préalablement à leur engagement définitif, et des agents recrutés hors cadre, qui ne se voient pas appliquer le régime du stage. L'intention du législateur à cet égard se dégage des travaux préparatoires de la loi du 24 mars 1989. C'est ainsi qu'il y a lieu de relever à l'exposé des motifs qu'après avoir décrit le régime général des agents de la BCEE, les auteurs du projet de loi décrivent comme suit une catégorie spéciale d'agents: "Par ailleurs, afin de combler certaines graves lacunes actuelles dans les cadres de la C.E.E., des personnes disposant d'une formation spéciale ou justifiant d'une expérience particulière - acquise en dehors de l'établissement - pourront être engagées (bien entendu hors cadre, pour ne pas léser les agents en place dans leurs avancements) par contrat de travail spécial,(…)." (doc. parl. n° 3095, commentaire des articles, sub articles 33 à 37, p. 34).

Le chapitre III du règlement grand-ducal du 16 décembre 1993, intitulé "Cadre", et comprenant les articles 5 à 9, définit dans son article 5 le cadre des agents de la banque, en spécifiant les grades de computation de la bonification d'ancienneté concernant les différentes carrières - supérieure, moyenne et inférieures. L'article 7 dispose que l'admission au cadre aura lieu après l'accomplissement d'un stage de deux ans, que les agents doivent au préalable avoir subi avec succès un examen de fin de stage, et que le comité de direction peut réduire la durée de ce stage ou en donner dispense en fonction de l'expérience professionnelle des intéressés. L'article 9 prévoit, pour les agents qui remplissent les conditions d'études sans pour autant satisfaire aux autres conditions d'admission au cadre défini à l'article 7, des carrières parallèles avec des conditions d'avancement spécifiques.

Il suit des dispositions qui précèdent que l'obligation d'accomplir un stage ne s'applique qu'aux agents de la BCEE ayant vocation à faire partie du cadre, les agents recrutés hors cadre étant dispensés de ce stage et suivant un régime d'avancement différent des agents faisant partie du cadre.

Il y a partant lieu de déterminer si la demanderesse a été engagée à l'intérieur du cadre ou hors cadre.

6 Le contrat d'engagement du 20 août 1996 ne comporte aucune mention expresse à cet égard. Il se borne à mentionner que la demanderesse est engagée "en qualité d'agent dans la carrière supérieure" de la banque, et que le contrat de travail sera régi "par le règlement grand-ducal du 16 octobre 1993." Il ajoute que sur base de ses diplômes d'études supérieures, Madame THEISEN est "classée au grade 12 de la carrière supérieure, conformément à l'article 5 dudit règlement." Sans parler par ailleurs d'une période de stage, sauf à obliger la demanderesse "à suivre toute formation que la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat jugera nécessaire", le contrat contient, de manière expresse, une clause d'essai de six mois, avec la mention que si le contrat n'est pas dénoncé à la date d'expiration de la période d'essai, il sera définitif.

Le tribunal constate d'abord qu'il découle clairement tant de l'article 30 de la loi du 24 mars 1989, que du règlement grand-ducal du 16 octobre 1993, qu'encore des travaux préparatoires de la loi que le régime de droit commun des agents de la BCEE est celui de ceux qui font partie du cadre, le recrutement hors cadre ayant vocation à rester exceptionnel. D'autre part, le contrat d'engagement prend le soin de préciser que Madame THEISEN est classée au grade 12 de la carrière supérieure, conformément à l'article 5 du règlement grand-ducal du 16 octobre 1993. Or, l'article en question s'applique exclusivement aux agents du cadre. Par ailleurs, le contrat ne prévoit pas d'approbation de l'engagement par le conseil, ainsi que l'exige l'article 31 de la loi du 24 mars 1989 pour les agents recrutés hors cadre. Finalement, il y a lieu de relever qu'il ne se dégage d'aucun élément du dossier que Madame THEISEN ait été engagée en raison d'une formation professionnelle spéciale ou d'une expérience professionnelle particulière. Au contraire, le contrat d'engagement se borne à relever qu'au vu de ses diplômes d'études supérieures, elle est engagée au grade de début de la carrière supérieure.

Il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que Madame THEISEN a été recrutée pour faire partie du cadre et, dans cette qualité, elle était obligée à suivre le stage tel que prévu par les articles 30 (5) de la loi du 24 mars 1989 et 7 du règlement grand-ducal du 16 octobre 1993.

Il y a lieu d'examiner ensuite si l'insertion d'une clause d'essai n'a pas empêché la BCEE de soumettre la demanderesse parallèlement à une période de stage de deux ans.

En vertu de l'article 4 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat, rendu applicable aux agents de la BCEE par l'article 1er du règlement grand-ducal du 16 octobre 1993, l'engagement est effectué dans les formes et suivant les modalités prévues par les dispositions portant règlement légal du louage de service des employés privés.

S'il est partant possible, en principe, que le statut des agents de la BCEE, qui est un statut de droit public, ainsi qu'il vient d'être souligné plus haut, présente des aspects relevant du droit privé, les dispositions afférentes ne sauraient cependant trouver application que pour autant qu'elles ne tiennent pas en échec les règles de droit public régissant le statut des agents de la BCEE.

Il est vrai que la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, qui s'applique en vertu de son article 1er aux employés privés, et qui a partant vocation, a priori, à 7 s'appliquer aux agents de la BCEE, prévoit en son article 34 la faculté d'insérer une clause d'essai dans un contrat de travail.

La clause d'essai permet de licencier le salarié pendant ou à l'expiration de la période d'essai. Elle ne saurait en règle excéder six mois et elle n'est pas renouvelable.

Une telle clause d'essai est partiellement inutile en cas d'existence d'un stage tel que prévu par l'article 30 (5) de la loi du 24 mars 1989, et partiellement incompatible avec le régime découlant d'un tel stage. Le stage dure en effet deux ans et pendant le stage, le licenciement du stagiaire peut intervenir à tout moment. Dans ce sens, la clause d'essai est inutile, car son objectif est pleinement atteint par le régime du stage.

D'autre part, il est de l'essence de la clause d'essai de rendre le contrat de travail définitif à son expiration. Or, dans le cas d'un stage de deux ans, le contrat ne devient pas définitif à l'expiration de six mois à partir de la date d'engagement, de sorte que la stipulation d'une clause d'essai ne peut avoir les effets légalement prévus à son expiration.

Il en découle que l'existence d'une période de stage tient en échec la faculté de stipuler une période d'essai conformément à l'article 34 de la loi du 24 mai 1989, précitée.

Loin de tenir en échec l'application d'une période de stage dans le chef de la demanderesse, ou de se cumuler du moins avec une telle période, la clause d'essai a elle-même été dépourvue d'effet par l'existence d'une période de stage.

La demanderesse entend en ordre subsidiaire voir dans la clause d'essai en réalité une réduction de la période de stage à six mois.

A défaut de stipulation expresse dans ce sens, on ne saurait cependant voir dans la stipulation d'une période d'essai une réduction de la période de stage. S'il est vrai que l'article 7 du règlement grand-ducal du 16 octobre 1993 prévoit que le comité de direction peut réduire la durée du stage ou en donner dispense en fonction de l'expérience professionnelle des intéressés, il ne se dégage cependant en l'espèce, ni du contenu du contrat d'engagement du 20 août 1996, ni d'un autre élément du dossier, que Madame THEISEN ait pu faire valoir une quelconque expérience professionnelle.

Au contraire, le contrat en question se réfère exclusivement à ses diplômes d'études supérieures. De plus, il se dégage du même texte que la réduction de la période de stage ne dispense pas de l'examen de fin de stage, auquel la demanderesse s'est en fait soumise et qu'elle n'a pas réussi.

Il s'ensuit que la demanderesse ne saurait invoquer à son profit une réduction de son stage ayant rendu son contrat d'engagement définitif avant la décision de révocation du stage intervenue le 17 juillet 1998.

En ordre plus subsidiaire, Madame THEISEN conclut encore à la réformation de la décision entreprise au motif que la révocation du stage serait irrégulière comme n'étant pas motivée. Elle se prévaut d'un arrêt du Comité du contentieux du Conseil d'Etat du 10 juillet 1990 (n° 8329 du rôle, Pater c/ Ministère de la Santé) qui a estimé, à propos d'un stagiaire briguant le un poste de fonctionnaire, que "si la loi impose 8 comme procédure préalable au licenciement d'un stagiaire de l'entendre en ses explications, explications pouvant certainement être fournies de manière écrite, il en découle nécessairement que les griefs, à propos desquels des explications sont demandées, doivent être formulés avec une précision suffisante pour permettre au stagiaire en question d'apprécier s'ils ne sont pas illégitimes et de faire rapporter, le cas échéant, la fausseté ou l'inanité des griefs invoqués.".

La BCEE s'oppose à la transposition de la solution au cas de l'espèce, en faisant valoir qu'elle est intervenue à propos du stage d'un candidat-fonctionnaire, sur base de l'article 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, non applicable aux agents de la BCEE. Elle estime par ailleurs que Madame THEISEN a été informée, de manière complète et précise, lors de la réunion du 10 juin 1998, des motifs de la révocation de l'admission au stage, et qu'elle a ensuite été entendue en ses explications. Elle insiste sur ce qu'elle n'est pas légalement tenue d'expliquer par écrit les raisons de la révocation du stage.

S'il est vrai que le règlement grand-ducal du 16 octobre 1993 n'a pas rendu applicable aux agents de la BCEE la disposition relative à l'obligation des fonctionnaires de suivre un stage, l'article 30 (5) de la loi du 24 mars 1989 en reprend cependant textuellement la teneur. Par ailleurs, il est vrai que, dans le régime des agents de la BCEE, tout comme dans celui des fonctionnaires de l'Etat, l'obligation de communiquer par écrit au stagiaire les griefs à propos desquels des explications lui sont demandées ne ressort pas littéralement des textes légaux applicables respectivement. Cependant, sous peine de priver le stagiaire de la faculté de se défendre utilement, l'autorité qui entend procéder à une révocation du stage doit, préalablement à la réunion légalement prévue avant la décision de révocation, formuler avec une précision suffisante les griefs en question pour permettre au stagiaire d'apprécier s'ils ne sont pas illégitimes et de faire rapporter, le cas échéant, la fausseté ou l'inanité des reproches invoqués.

En l'espèce, la lettre adressée le 4 juin 1998 par la BCEE à Madame THEISEN marque de manière lapidaire que la commission de recrutement avait proposé la révocation de son stage, et qu'elle était convoquée à une réunion pour y être entendue en ses explications concernant ses performances pendant son stage, et celle du 17 juillet 1998 l'informe de la révocation prononcée à son encontre.

Le tribunal constate que ni le courrier du 4 juin 1998 ni aucun autre élément du dossier tel qu'il a été versé aux débats, ne font ressortir que Madame THEISEN ait été informée, préalablement à l'entrevue ayant précédé la révocation de son stage, de manière précise des griefs existant à son encontre et pouvant conduire à cette révocation.

En agissant de cette manière, la BCEE a violé l'article 30 (5) de la loi du 24 mars 1989, de sorte que sa décision de révoquer le stage de la demanderesse du 17 juillet 1998 encourt la réformation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, 9 reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare justifié, partant dit que le stage de Madame … THEISEN n'a pas été valablement révoqué par le comité de direction de la BCEE en date du 17 juillet 1998, renvoie l'affaire devant ledit comité pour exécution, condamne la BCEE aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 17 mars 1999 par:

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10846
Date de la décision : 17/03/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-03-17;10846 ?

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