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31/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10789

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 juillet 1998, 10789


N° 10789 du rôle Inscrit le 8 juillet 1998 Audience publique du 31 juillet 1998

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Recours formé par Madame … DAHM, veuve … BARTHEL, Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la ville de Luxembourg en matière d’autorisation de construire - effet suspensif -



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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10789 et déposée en date du 8 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat inscrit à la liste

I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … DAHM, veuve … BARTHEL, …,...

N° 10789 du rôle Inscrit le 8 juillet 1998 Audience publique du 31 juillet 1998

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Recours formé par Madame … DAHM, veuve … BARTHEL, Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la ville de Luxembourg en matière d’autorisation de construire - effet suspensif -

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10789 et déposée en date du 8 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … DAHM, veuve … BARTHEL, …, demeurant à …, contenant une demande d’effet suspensif tendant à voir prononcer le sursis à exécution d’une autorisation de construire du bourgmestre de la ville de Luxembourg prise en date du 21 novembre 1997 et délivrée à Monsieur … OSWALD et à son épouse, Madame … ARENDT, demeurant ensemble à …, pour la construction d’un immeuble résidentiel, comprenant quatre appartements, sur un terrain sis à …;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant Luxembourg, du 9 juillet 1998, portant signification de ladite requête respectivement à Monsieur … OSWALD et à son épouse, Madame … ARENDT, préqualifiés, ainsi qu’à l’administration communale de la ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 24 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain GROSS, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Monsieur … OSWALD et de son épouse, Madame … ARENDT;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 24 juillet 1998 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à la demanderesse, ainsi qu’au bourgmestre de la ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 28 juillet 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la ville de Luxembourg;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

1 Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Charles KAUFHOLD, Jean MEDERNACH et André MARMANN, en remplacement de Maître Alain GROSS, en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 21 novembre 1997, le bourgmestre de la ville de Luxembourg a accordé une autorisation de construire à Monsieur … OSWALD et à son épouse, Madame … ARENDT, demeurant ensemble à …, ci-après dénommés ensemble les « consorts OSWALD-ARENDT », pour la construction d’un immeuble résidentiel, comprenant quatre appartements, sur un terrain sis à ….

Par requête déposée le 3 avril 1998, Madame … DAHM, veuve … BARTHEL, enseignante, demeurant à …, a introduit un recours principalement en réformation et subsidiairement en annulation contre la prédite autorisation de construire du bourgmestre de la ville de Luxembourg.

Ce recours se trouve actuellement fixé devant la première chambre du tribunal administratif à l’audience du 21 septembre 1998 pour fixation.

Par requête déposée le 8 juillet 1998, Madame … DAHM sollicite qu’il soit sursis à l’exécution du prédit permis de construire en attendant que le tribunal ait statué sur le recours au fond.

A l’appui de sa demande d’effet suspensif, la demanderesse fait valoir que la construction projetée, et dont les travaux ont été entamés, risque de lui causer un préjudice grave et définitif et que l’affaire ne sera tranchée au fond qu’à une date trop lointaine. En outre, elle soutient que ses moyens présentés à l’appui de son recours au fond, à savoir la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce qu’elle, en sa qualité de propriétaire du terrain voisin, n’a pas été informée du projet de construction, la violation du plan d’aménagement général de la ville de Luxembourg, spécialement des articles A.0.4.f, en ce que la nouvelle construction dépassera tant pour la corniche que pour le faîte du toit d’environ trois mètres les maisons avoisinantes, A.0.9, en ce qu’elle ne s’intègre pas de façon harmonieuse dans l’ensemble de la zone et constitue une gêne anormale, A.3.3., en ce que le terrain, du fait d’une largeur constructible inférieure à 9 mètres, n’est plus constructible et A.0.7.d., en ce que le garage collectif souterrain n’observe pas un recul sur les limites latérales de 4 mètres, sont sérieux.

Les consorts OSWALD-ARENDT concluent à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse.

Au fond, ils soutiennent que, d’une part, la demanderesse restent en défaut d’établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, ceci d’autant plus que la construction serait quasiment achevée, « le gros-oeuvre fermé étant terminé depuis plusieurs semaines », et d’autre part, les moyens à l’appui du recours au fond manqueraient de fondement et seraient dépourvus de tout caractère sérieux.

2 L’administration communale de la ville de Luxembourg soulève en premier lieu l’irrecevabilité de la demande d’effet suspensif pour avoir été introduite après l’expiration du délai du recours contentieux.

Elle soutient ensuite que le recours ne serait pas fondé, au motif que les deux conditions requises pour justifier une demande en sursis à exécution, à savoir, d’une part, que l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et irréparable et, d’autre part, que les moyens invoqués à l’appui du recours apparaissent comme sérieux, ne seraient pas remplies en l’espèce.

Concernant spécialement la première de ces deux conditions, elle ajoute que dans l’hypothèse d’une annulation du permis de construire litigieux, la demanderesse aurait la possibilité de poursuivre devant les instances compétentes la modification ou la démolition des constructions exécutées et la remise en état des lieux, ainsi que la réparation du préjudice subi.

L’administration communale de la ville de Luxembourg relève encore que l’affaire serait en état d’être plaidée et décidée dès la « rentrée » et que, d’ici là, la construction n’évoluerait que très peu, notamment en raison des congés collectifs. Enfin, elle fait encore observer que la demanderesse a attendu jusqu’au 6 avril 1998 pour signifier aux consorts OSWALD-ARENDT son recours dirigé contre une autorisation datant du 21 novembre 1997.

Concernant en premier lieu la question de l’intérêt pour agir de la demanderesse, il convient de rappeler que toute partie demanderesse introduisant soit un recours au fond contre une décision administrative soit une demande à fin de sursis à exécution doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin (cf. Trib. adm. 22.1.97, n° 9443 du rôle, et autres, Pas.

adm. 01/1998, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n°3).

En l’espèce, la demanderesse fait valoir des arguments tirés de la qualité de vie, de même qu’elle met en doute la conformité de la résidence litigieuse concernant notamment son implantation et son gabarit (hauteur et largeur), de sorte que si ces irrégularités ou certaines d’entre elles étaient retenues, celles-ci seraient le cas échéant de nature à avoir un impact certain sur la situation de voisin direct de la demanderesse, entraînant que cette dernière a un intérêt suffisant pour solliciter un sursis à exécution de l’autorisation de construire litigieuse en attendant que l’affaire soit tranchée au fond.

Le moyen tiré du défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse est partant à rejeter.

Il y a pareillement lieu de rejeter le moyen d’irrecevabilité soulevé par l’administration communale de la ville de Luxembourg tiré d’une introduction tardive de la demande de sursis à exécution pour non respect du délai du recours contentieux, étant donné qu’une demande de sursis à exécution s’analyse en une simple procédure accessoire à un recours au fond, avec la conséquence que la recevabilité de la demande à fin de sursis est conditionnée par le seul respect du délai de recours au niveau de la demande au fond. Dès lors que le recours au fond a été présenté dans le délai de recours, - ce qui n’a fait l’objet d’une contestation par aucune des parties défenderesses -, la demande de sursis à exécution n’est pas soumise à une condition de 3 délai et le sursis à exécution peut être demandé pendant toute la durée de l’instruction, même après l’expiration du délai du recours contentieux. Ce principe s’impose, dans le silence des textes applicables, dès lors que la procédure du sursis à exécution appelle du juge administratif un examen en fait des circonstances de chaque espèce, notamment au regard de l’exigence d’un préjudice grave et difficilement réparable découlant de l’exécution immédiate de la décision administrative attaquée, un tel préjudice pouvant faire défaut lors de l’introduction du recours au fond, mais pouvant se révéler ultérieurement au cours de l’instruction.

La demande d’effet suspensif ayant par ailleurs été introduite dans les formes de la loi, elle est recevable.

Il découle tant de l’article 8 (3) alinéa cinq de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif que de l’article 3 de l’arrêté royal grand-

ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 alinéa premier de ladite loi du 7 novembre 1996, que le recours contentieux n’aura pas d’effet suspensif, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par la juridiction administrative saisie.

Par ailleurs, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et difficilement réparable, et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours apparaissent comme sérieux.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués, appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

En l’espèce, à ce stade de la procédure et en l’état actuel de l’instruction du dossier devant le tribunal administratif, les moyens et arguments avancés par la partie demanderesse, notamment les moyens tirés du non-respect des dispositions du plan d’aménagement, et plus spécialement, mais non exclusivement, de la violation de l’article A.3.3. d’après lequel une parcelle n’est constructible que pour autant qu’il soit possible d’y ériger, en dehors des reculs imposés sur les limites, une construction d’une largeur de 9 mètres au moins, - sauf exceptions soumises à des conditions particulières, notamment de procédure et d’information des propriétaires des parcelles contiguës -, paraît de nature à justifier l’annulation du permis de construire litigieux.

Il ne suffit cependant pas que les moyens invoqués, ou l’un au moins de ceux-ci, soit sérieux, mais il faut encore que l’exécution de la décision attaquée entraîne un préjudice difficilement réparable.

Tel est encore le cas en l’espèce, étant donné que l’exécution de l’autorisation de construire entraîne, pour l’état des lieux, des conséquences sur lesquelles il sera difficile par la suite de revenir, notamment dans la mesure où les décisions des juridictions judiciaires, pénales et civiles, ne prononcent que rarement le rétablissement des lieux dans leur pristin état.

Il est indifférent, dans ce contexte, que les travaux de construction ont déjà été entamés, étant donné que, aussi longtemps qu’une décision administrative n’a pas été entièrement exécutée, le sursis à exécution conserve toute son utilité pour garantir qu’une 4 poursuite des travaux de construction et leur achèvement n’aggravent un état de fait qu’il serait alors pratiquement encore plus difficile de modifier à nouveau au cas où l’autorisation de construire litigieuse serait annulée par la suite.

Il résulte des considérations qui précèdent que la demande de sursis à exécution de l’autorisation de construire litigieuse est fondée, de sorte qu’il échet d’y faire droit.

Par ces motifs, le tribunal administratif, statuant contradictoirement;

déclare la demande d’effet suspensif recevable;

au fond le déclare justifié et ordonne le sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre de la ville de Luxembourg du 21 novembre 1997 autorisant Monsieur … OSWALD et son épouse, Madame … ARENDT, demeurant ensemble à …, à construire un immeuble résidentiel, comprenant quatre appartements, sur un terrain sis à …, jusqu’à la décision au fond;

réserve les frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge et lu à l’audience publique extraordinaire du 31 juillet 1998, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10789
Date de la décision : 31/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-31;10789 ?

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