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01/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10697

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 juillet 1998, 10697


N° 10697 du rôle Inscrit le 12 mai 1998 Audience publique du 1er juillet 1998

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Recours formé par Madame … SCHUMACHER, contre le ministre de la Justice en matière de résiliation du contrat de travail (attribution par provision de l'indemnité de chômage complet)

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Vu la requête adressée en ordre principal au président du tribunal administratif et subsidiairement au tribunal administratif, déposée le 12 mai 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves WAGENER, avocat inscrit

à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SCHUMA...

N° 10697 du rôle Inscrit le 12 mai 1998 Audience publique du 1er juillet 1998

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Recours formé par Madame … SCHUMACHER, contre le ministre de la Justice en matière de résiliation du contrat de travail (attribution par provision de l'indemnité de chômage complet)

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Vu la requête adressée en ordre principal au président du tribunal administratif et subsidiairement au tribunal administratif, déposée le 12 mai 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves WAGENER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SCHUMACHER, actuellement demanderesse d'emploi, tendant au relevé de la requérante de la déchéance de l'allocation des indemnités de chômage et à l'autorisation de se voir attribuer l'indemnité de chômage;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 1998 au nom de la demanderesse … SCHUMACHER;

Vu la communication de la requête à l'administration de l'emploi par le greffe du tribunal administratif;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï Maître Yves WAGENER et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Madame … SCHUMACHER était aux services de l'Etat, en qualité d'employée de l'Etat, à partir du 1er mai 1985 et elle a été licenciée pour motif grave, suivant lettre recommandée lui notifiée le 9 juillet 1997.

Par requête adressée principalement au président du tribunal administratif et subsidiairement au tribunal administratif siégeant dans sa formation collégiale, déposée le 12 mai 1998, Madame SCHUMACHER sollicite le relevé de la déchéance de l'allocation des indemnités de chômage, ainsi que l'autorisation de l'attribution par provision de l'indemnité de chômage complet en attendant la décision définitive du litige concernant la régularité ou le bien-fondé de son licenciement, tel que cela est prévu par l'article 14, 2., alinéa 1er de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1.

création d'un fonds pour l'emploi; 2. réglementation de l'octroi des indemnités de 2 chômage complet, la demande au fond ayant été introduite devant le tribunal administratif suivant requête déposée le 19 décembre 1997 et étant actuellement pendante. Elle ajoute que le président du tribunal du travail de la circonscription de Luxembourg, saisi d'une demande identique, s'est déclaré incompétent pour en connaître suivant ordonnance du 27 mars 1998.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l'incompétence du juge administratif au motif qu'il s'agirait d'une question patrimoniale, donc à caractère civil, l'article 84 de la Constitution réservant aux tribunaux de l'ordre judiciaire la connaissance des contestations qui ont pour objet des droits civils. Il estime que le caractère civil de la demande ne saurait être contesté, alors que la loi modifiée du 30 juin 1976, précitée, prévoit que le jugement ou l'arrêt déclarant justifié le licenciement du travailleur condamne ce dernier à rembourser au fonds pour l'emploi tout ou partie des indemnités de chômage lui versées par provision. Il conclut que le juge administratif ne saurait ordonner le paiement d'indemnités de chômage à la demanderesse.

Madame SCHUMACHER rétorque qu'elle ne demande pas l'autorisation du fonds pour l'emploi à lui verser l'indemnité de chômage complet, mais qu'elle sollicite la mainlevée de la déchéance de l'allocation, cette mainlevée entraînant l'autorisation à se voir attribuer l'indemnité de chômage, une telle demande étant dépourvue de caractère civil. Elle estime que s'il est bien vrai que le tribunal du travail et, en instance d'appel, la Cour d'appel sont compétents pour évaluer, le cas échéant, le dommage subi par elle, ce seraient le tribunal administratif et la Cour administrative qui auraient compétence pour statuer sur le bien-fondé du licenciement. - Elle ajoute que puisque, de toute manière, la juridiction administrative est compétente pour analyser au fond la régularité d'un licenciement intervenu à l'égard d'un employé de l'Etat, cette même juridiction doit nécessairement se déclarer compétente dans le cadre d'une demande en octroi de l'indemnité de chômage complet. - Elle se prévaut encore de ce que dans son ordonnance du 27 mars 1998, le président du tribunal du travail a reconnu compétence au président du tribunal administratif, et que cette ordonnance a acquis force de chose jugée au provisoire.

En vertu de l'article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l'article 95 bis, (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions de l'ordre administratif.

En vertu de l'article 5 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat, la résiliation du contrat d'engagement est prononcée, sur avis du ministre de la Fonction publique, par le ministre compétent. L'article 11 de la même loi dispose que les contestations résultant du contrat d'emploi, de la rémunération et des sanctions disciplinaires sont de la compétence de la juridiction administrative, statuant comme juge du fond.

La décision de résiliation du contrat d'engagement constituant une décision administrative individuelle prise dans le cadre du contrat d'emploi, le juge administratif est compétent pour connaître des contestations résultant du licenciement, et en particulier, pour déclarer abusif un licenciement. En revanche, il est incompétent pour 3 connaître d'une demande en allocation de dommages-intérêts réclamés pour licenciement abusif, une telle demande étant de la compétence exclusive des tribunaux de l'ordre judiciaire.

Les demandes concernant l'octroi, aux employés de l'Etat, d'indemnités de chômage en cas de cessation des relations de travail, se rattachent aux contestations résultant du licenciement. Les indemnités en résultant n'ont pas le caractère de dommages-intérêts, mais tendent à remplacer temporairement la perte de la rémunération. Il s'ensuit que dans la mesure où une disposition légale ou réglementaire prévoit l'octroi d'indemnités de chômage aux employés de l'Etat privés d'emploi et sauf disposition légale contraire, les contestations y relatives relèvent des juridictions administratives.

En vertu de l'article 11 de la loi modifiée du 30 juin 1976, précitée, en cas de cessation des relations d'emploi, le travailleur sans emploi a droit à l'octroi d'une indemnité de chômage complet, pourvu qu'il réponde à certaines conditions prévues par la loi. Eu égard à la formulation générale des dispositions afférentes, et par application du principe qu'il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu d'exclure les employés de l'Etat du bénéfice des dispositions de la loi du 30 juin 1976 concernant l'octroi des indemnités de chômage.

L'article 14, 1., b) de la prédite loi exclut du bénéfice des indemnités de chômage les travailleurs licenciés pour motif grave. Cependant, aux termes de l'article 14, 2., "dans les cas d'un licenciement pour motif grave, le demandeur d'emploi peut, par voie de simple requête, demander au président de la juridiction du travail compétente d'autoriser l'attribution par provision de l'indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité ou le bien-fondé de son licenciement." La loi ne prévoit pas de disposition spéciale concernant l'autorité compétente pour connaître des demandes afférentes des employés de l'Etat, qui relèvent, concernant les questions de licenciement, des juridictions administratives, ainsi qu'il vient d'être dit plus haut.

Il y a partant lieu de déterminer la juridiction administrative compétente pour statuer sur les demandes en attribution par provision des indemnités de chômage complet.

L'ordonnance du président du tribunal du travail du 27 mars 1998 ayant retenu la compétence du président du tribunal administratif ne saurait lier ce dernier, un juge n'étant pas lié par la chose jugée résultant de la décision d'un autre juge qui aurait déjà déclaré sa compétence ou son incompétence (cf. trib. arr. Luxembourg 10 juil et 1985, n° 23730 du rôle; Encyclopédie Dal oz, Procédure civile et commerciale, éd. 1956, V° Incompétence, n° 52).

A défaut de disposition spéciale conférant compétence à une juridiction déterminée de l'ordre administratif, cette compétence doit être déterminée selon les règles de droit commun applicables en la matière.

4 A cet effet, il n'y a pas lieu de transposer la règle suivant laquelle le président de la juridiction du travail est compétent dans le domaine administratif dans ce sens que ce serait nécessairement le président du tribunal administratif qui aurait compétence. En effet, à la compétence que la loi a conférée aux présidents des juridictions de l'ordre judiciaire ne correspond pas, dans les domaines dans lesquels le juge administratif est appelé à statuer, une compétence du président du tribunal administratif.

Il est vrai qu'une loi, à savoir la loi du 13 mars 1993 relative à l'exécution en droit luxembourgeois de la Directive n° 89/665 du Conseil du 21 décembre 1989 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de marchés publics, a conféré au président du Comité du contentieux et, par application de l'article 100, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, au président du tribunal administratif, une compétence juridictionnelle, et que, partant, celui-ci existe en tant que juridiction (v. doc. parl. n° 3622 relatifs à la loi précitée, avis du Conseil d'Etat, p. 4). Il a cependant une compétence d'attribution strictement délimitée et ne saurait exercer sa juridiction en dehors des domaines pour lesquels la loi lui a expressément conféré compétence.

En vertu de l'article 2 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif, formation collégiale siégeant au nombre de trois juges en vertu de l'article 61 de la même loi, est juge de droit commun en matière de contentieux découlant de décisions administratives individuelles.

L'objet de la demande de Madame SCHUMACHER se rattachant à une telle décision, c'est le tribunal administratif, siégeant en formation collégiale, qui a compétence pour en connaître.

Il s'ensuit que le président du tribunal administratif est incompétent pour en connaître.

La demande dont a été saisi le président du tribunal administratif ayant été adressée en ordre subsidiaire au tribunal administratif, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant cette juridiction.

Par ces motifs, le président du tribunal administratif, statuant contradictoirement entre la demanderesse et le représentant du Grand-Duché de Luxembourg, l'administration de l'emploi ayant été dûment informée, se déclare incompétent pour connaître de la demande, renvoie l'affaire devant le tribunal administratif, siégeant en formation collégiale, 5 condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique extraordnaire du 1er juillet 1998, à 14.45 heures, au local ordinaire des audiences du tribunal administratif, par M.

Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 01/07/1998
Date de l'import : 12/12/2019

Numérotation
Numéro d'arrêt : 10697
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1998-07-01;10697 ?

Source

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