N° 10314 du rôle Inscrit le 29 septembre 1997 Audience publique du 8 avril 1998
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Recours formé par Monsieur … DUPONT contre le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’indemnités des employés de l’Etat
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Vu la requête déposée en date du 29 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Vic KRECKE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DUPONT, chargé de cours à durée indéterminée demeurant à …, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 20 mars 1997 refusant de réserver une suite favorable à ses revendications tendant au recalcul rétroactif de sa tâche et à l’allocation des indemnités afférentes résultant de la prise en compte du bénéfice de l’allégement pour ancienneté, du bénéfice de l’allégement par leçon (coefficient) ainsi que de l’allégement d’une leçon hebdomadaire suivant lettre ministérielle, le tout considéré à partir de son engagement comme chargé de cours à durée déterminée, sinon à durée indéterminée;
Vu le mémoire en réponse déposé en date du 27 février 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc THEWES, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Vic KRECKE en date du 16 mars 1998;
Vu les actes de notification d’avoué à avoué par lesquels les mandataires se sont mutuellement communiqué leurs mémoires respectifs;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée du 20 mars 1997;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Josiane BIEL et Marc THEWES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 1998.
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Considérant que Monsieur … DUPONT , demeurant à…, expose être né le 9 juillet 1946 et se trouver actuellement engagé comme chargé de cours à durée indéterminée affecté au Lycée Technique du Centre et y enseignant les matières de sciences économiques et sociales;
Qu’il indique avoir été engagé comme chargé de cours à durée déterminée depuis 1972 dans les branches des sciences économiques et sociales initialement soumis au statut d’employé privé;
Qu’en date du 26 juin 1984 il a passé avec succès l’examen probatoire prévu par le règlement grand-ducal du 13 avril 1984 fixant les conditions d’engagement à durée indéterminée et à tâche complète de certains chargés de cours à durée déterminée de l’enseignement postprimaire;
Que depuis l’année scolaire 1984-85, sans préjudice quant à la date exacte, Monsieur DUPONT déclare avoir été engagé en qualité de chargé de cours à durée indéterminée, tout en étant classé au grade E3;
Qu’à la base de sa demande il renvoie à plusieurs décisions du Comité du contentieux du Conseil d’Etat, rendues soit dans les affaires parallèles concernant Monsieur … THILMAN, chargé de cours, engagé sous le statut d’employé de l’Etat, suivant contrat à durée indéterminée, soit dans sa propre cause, voire dans celles également parallèles de Messieurs … PENNING et … EMMER, chargés de cours, engagés également suivant le statut d’employé de l’Etat, sous contrat à durée indéterminée;
Que plus particulièrement il s’empare des conclusions de l’arrêt du 22 février 1994 (THILMAN, n° 8899 du rôle) ayant annulé la décision du ministre de l’Education nationale du 29 janvier 1993 confirmant une décision antérieure du 16 octobre 1992, laquelle avait refusé à Monsieur THILMAN le bénéfice de l’allégement par leçon (coefficient) aux leçons de sa tâche d’enseignement et ayant renvoyé l’affaire devant ledit ministre;
Qu’en second lieu, il se réfère à l’arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 27 mars 1996 (THILMAN, n°9236 du rôle) ayant annulé la décision du ministre de l’Education nationale du 10 octobre 1994 refusant à Monsieur THILMAN le bénéfice de l’allégement d’une leçon hebdomadaire « lettre ministérielle Grégoire », prévu au point 3.2.1. de l’instruction ministérielle du 26 juillet 1994 concernant l’organisation scolaire des lycées et lycées techniques et ayant renvoyé l’affaire devant ledit ministre;
Qu’en troisième lieu il vise un arrêt du même jour (THILMAN, n°9237 du rôle) par lequel le Comité du contentieux du Conseil d’Etat a déclaré recevable, mais non fondé le recours en annulation introduit par Monsieur THILMAN contre une décision du ministre de l’Education nationale du 10 octobre 1994 fixant la date pour le recalcul de sa tâche au 16 octobre 1992, date de la décision annulée par l’arrêt précité du 22 février 1994;
Qu’en quatrième lieu, il renvoie aux trois arrêts du Comité du contentieux statuant parallèlement à celui précité du 22 février 1994, à savoir l’arrêt PENNING (C.E.17 janvier 1996, n°9193 du rôle), DUPONT (C.E. 7 février 1996, n° 9276 du rôle) et EMMER (C.E. 7 février 1996, n° 9277 du rôle) ayant annulé les décisions respectives du ministre de l’Education nationale des 2 août 1994 (affaire PENNING) et 17 novembre 1994 (affaires DUPONT et EMMER) refusant le bénéfice de l’allégement par leçon (coefficient) aux leçons des tâches 2 d’enseignant respectives des trois chargés de cours en question et renvoyant les affaires devant ledit ministre;
Que sur base des dossiers lui soumis, après un échange nourri de courriers, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, par décision du 20 mars 1997, adressée au conseil des consorts … THILMAN, … EMMER, … DUPONT, … PENNING et Charlotte PINSCH, a décidé qu’après examen, il ne pouvait réserver de suite favorable aux revendications des cinq réclamants, alors que ces dernières se basent sur un recalcul de la tâche rétroactif par rapport à la décision ministérielle annulée, contrairement au principe retenu dans l’arrêt précité du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 27 mars 1996 rendu dans l’affaire THILMAN (n° 9237 du rôle);
Que suite à un recours gracieux introduit par le conseil des cinq réclamants précités en date du 16 juin 1997, le ministre, par courrier du 27 juin 1997, daté à la poste au 30 juin 1997, a déclaré maintenir sa décision précitée du 20 mars 1997;
Que c’est contre ladite décision précitée du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 20 mars 1997 que Monsieur … DUPONT a fait introduire en date du 29 septembre 1997 un recours en réformation, sinon en annulation, dont le dispositif est conçu comme suit:
« Par ces motifs;
l’exposant conclut à ce qu’il Vous plaise, Mesdames et Messieurs les Président et Membres composant le Tribunal Administratif;
recevoir le présent recours en la forme;
au fond le dire justifié;
dire que l’article IX de l’instruction ministérielle modifiée du 24. 10. 1983 n’est pas opposable à l’exposant pour avoir été déclaré arbitraire et illégal par le Conseil d’Etat;
dire que toutes les décisions du Ministre de l’Education nationale se basant sur cette disposition illégale, figurant dans les différentes instructions ministérielles édictées depuis 1983, sont également arbitraires et illégales et sont partant entachées de nullité et plus particulièrement celle du 20. 3. 1997 actuellement entreprise pour n’avoir pas accordé à l’exposant les mêmes trois bénéfices alloués automatiquement aux collègues chargés de cours en service avant le 1. 1. 1984;
partant réformer, sinon annuler la décision entreprise;
dire que les trois bénéfices doivent être alloués à l’exposant principalement à partir du 16. 9. 1984, sinon à partir de toute autre date à fixer par le tribunal administratif;
donner acte à M. DUPONT qu’il évalue son préjudice financier à 3.626.700.- francs;
renvoyer l’affaire devant le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle;
mettre les frais du présent recours à charge de l’Etat. » 3 Considérant qu’il échet de relever préliminairement que les mandataires des parties se sont mis d’accord, suivant courrier conjoint adressé au tribunal en date du 27 janvier 1998, de limiter dans un premier temps les débats dans la présente affaire à la question de la compétence du tribunal administratif et de la recevabilité du recours;
Que le tribunal est dès lors amené à analyser dans ces limites ainsi tracées les mérites du recours actuellement sous analyse;
Considérant que dans son mémoire en réponse le mandataire de l’Etat conclut en premier lieu à l’incompétence du tribunal saisi, en ce que la partie demanderesse elle-même aurait défini l’objet de son recours dans les termes suivants « il ne s’agit plus d’une question de rémunération d’heures supplémentaires, mais bel et bien d’une affaire d’indemnisation qui trouve sa source dans une faute commise par l’Etat »;
Que visant l’indemnisation d’un préjudice, le recours aurait pour objet un droit civil et relèverait dès lors de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire aux termes de l’article 84 de la Constitution;
Que le fait de ne demander que l’évaluation de son préjudice ne changerait rien à ce principe, de sorte que le tribunal saisi devrait se déclarer incompétent pour connaître du recours introduit devant lui;
Qu’en second lieu et à titre subsidiaire la partie défenderesse soulève l’irrecevabilité du recours en réformation, au regard de l’article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, telle qu’appliquée notamment par le Comité du contentieux du Conseil d’Etat dans l’arrêt THILMAN du 22 février 1994 (n°8889 du rôle) précité;
Qu’en troisième lieu et de façon plus subsidiaire le défendeur soulève l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté en ce que la lettre ministérielle du 20 mars 1997 ne constituerait qu’une simple confirmation de sa position réitérée et constante antérieure remontant à sa décision prise à la suite de l’arrêt THILMAN du 27 mars 1996 précité;
Que le recours serait dès lors tardif pour avoir été introduit en dehors du délai du recours contentieux ouvert en cause;
Qu’en quatrième lieu et de façon plus subsidiaire encore, l’Etat soulève l’irrecevabilité du recours en ce qu’il se heurterait d’une part au principe général non bis in idem et d’autre part à l’autorité de la chose jugée dans la mesure où les réclamations faisant l’objet du recours auraient d’ores et déjà été toisées par les arrêts précités du Comité du contentieux du Conseil d’Etat coulés en force de chose jugée;
Que l’objet de la demande introduite par Monsieur DUPONT serait exactement le même que celui de sa demande portée devant le Comité du contentieux du Conseil d’Etat et toisé au fond par l’arrêt du 27 mars 1996 (n°9237 du rôle), précité, alors que le préjudice revendiqué actuellement se confondrait avec la perte de rémunération que Monsieur DUPONT prétend avoir subie entre le jour où il a été engagé au service de l’Etat sous l’empire d’un contrat à durée indéterminée et le jour où le bénéfice de divers coefficients et allégements lui a été alloué;
4 Qu’il resterait encore en défaut de fournir une base légale ou même un raisonnement juridique qui lui permettrait « de saisir à l’heure actuelle la juridiction administrative qui a succédé au Comité du contentieux de la même demande »;
Qu’en cinquième lieu et de façon encore plus subsidiaire, l’Etat demande à voir déclarer nul, sinon irrecevable le recours introduit par Monsieur DUPONT pour avoir été libellé de manière obscure, du fait de procéder d’un mélange entre un recours en réformation et un recours en annulation ensemble des éléments relevant d’un recours en indemnisation, de sorte que le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle se trouverait actuellement dans l’impossibilité de se défendre;
Qu’enfin et en dernier ordre de subsidiarité, l’Etat soulève l’irrecevabilité du recours pour défaut de qualité dans le chef du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle contre lequel il serait dirigé, le ministre compétent en la matière étant le ministre des Finances, s’agissant d’une demande en indemnisation;
Considérant que dans son mémoire en réplique la partie demanderesse insiste d’abord sur sa qualité d’employé de l’Etat, enseignant, engagé actuellement sur base d’un contrat à durée indéterminée, à ne pas confondre avec la qualité d’employé privé;
Qu’en premier lieu il indique la raison pour laquelle il a porté devant le tribunal administratif la décision déférée du 20 mars 1997, constituée par sa volonté d’épuiser d’abord la voie administrative, avant de s’engager sur la voie civile devant le tribunal compétent de l’ordre judiciaire, aux fins de ne pas se voir reprocher de ne pas avoir attaqué préalablement la décision actuellement critiquée devant la juridiction administrative compétente;
Que l’argument tiré de la tardiveté alléguée du recours serait non fondé en ce qu’à la suite de l’arrêt THILMAN du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 27 mars 1996, rendu entre parties, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle aurait consenti à entamer des pourparlers, une entrevue s’étant notamment déroulée dans les locaux du ministère lors de laquelle le fond du litige, à savoir le quantum de l’indemnité à verser à chacun des cinq demandeurs concernés, aurait été abordé;
Qu’en troisième lieu le moyen basé respectivement sur l’autorité de la chose jugée, voire le principe non bis in idem tomberait à faux, au vu du fait que le Comité du contentieux du Conseil d’Etat et le tribunal administratif actuellement saisi seraient des juridictions différentes et que l’objet des deux recours ainsi considérés serait différent, celui qui a été toisé par l’arrêt précité du 27 mars 1996 ayant concerné un problème de recalcul de la tâche, tandis que celui actuellement sous analyse concernerait un problème d’indemnité;
Qu’en quatrième lieu, le moyen tiré d’un éventuel obscurum libellum serait à écarter, alors que le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle connaîtrait exactement l’enjeu constitué par le fond des affaires pendantes, ainsi qu’il résulterait des pièces versées en cause, de sorte que l’Etat disposerait de toutes ses possibilités de défense en la matière;
Qu’enfin le prétendu défaut de qualité ne saurait porter à conséquence, étant donné que la décision actuellement déférée devant le tribunal émanerait du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, lequel serait par ailleurs le supérieur hiérarchique des cinq demandeurs concernés, aucune décision du ministre des Finances n’étant actuellement en cause relativement aux problèmes soulevés;
5 Considérant que dans la mesure où la partie demanderesse … DUPONT a la qualité d’employé de l’Etat, il y a lieu de se référer à l’article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat qui dispose en son alinéa 1er que « les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant en dernière instance et comme juge de fond »;
Considérant que visant le refus porté par la décision ministérielle déférée du 20 mars 1997 d’allouer à Monsieur … DUPONT les trois bénéfices - allégement pour ancienneté, allégement par leçon (coefficient) et allégement d’une leçon hebdomadaire « lettre ministérielle Grégoire » ainsi appelés - tels que découlant de son dispositif, le recours doit être analysé dans cette mesure comme ayant trait à des contestations résultant à la fois du contrat d’emploi et de la rémunération de l’employé de l’Etat en question;
Que partant le tribunal est compétent pour connaître dans ces limites du recours en réformation introduit en ordre principal;
Considérant que toujours dans le dispositif de son recours, la partie demanderesse demande acte qu’elle évalue son préjudice financier à 3.626.700.-francs;
Considérant que cette prétention, qui vise à l’évaluation d’un préjudice matériel, a pour objet un droit civil;
Que la compétence d’attribution des juridictions administratives est circonscrite par l’article 95bis de la Constitution retenant que le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative, ces juridictions connaissant du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par la loi;
Qu’en vertu de l’article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux de l’ordre judicaire;
Qu’il en suit que le tribunal administratif est sans compétence pour connaître du recours dans la mesure où il vise à l’évaluation du préjudice financier ainsi appelé du demandeur;
Considérant que le caractère tardif allégué du recours n’est point établi en fait;
Qu’en effet il se dégage des pièces versées au dossier que depuis l’arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 7 février 1996 rendu dans l’affaire opposant la partie demanderesse actuelle à l’Etat (n° 9276 du rôle) un échange de courriers nourri s’est instauré entre parties ayant mené entre autres à l’entrevue qui s’est déroulée dans les bureaux du ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en date du 18 février 1997 concernant notamment le dossier de la partie demanderesse, ainsi relatée dans le courrier de Maître KRECKE du 24 février 1997;
Qu’en raison des pourparlers ainsi maintenus entre parties, la décision ministérielle du 20 mars 1997, datée par erreur au 20 mars 1996, n’est pas à considérer comme décision simplement confirmative d’une décision antérieurement intervenue, abstraction faite de la question de l’indication des voies de recours telle que résultant de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de 6 l’Etat et des communes, applicable dans les relations entre l’Etat et les employés de l’Etat, de sorte que le moyen d’irrecevabilité tiré de la tardiveté du recours est à écarter;
Considérant que l’exception d’irrecevabilité tirée de l’autorité de la chose jugée trouve sa base légale dans l’article 1351 du Code civil d’après lequel elle « n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité »;
Que si l’autorité de la chose jugée présuppose l’identité des parties, prises chacune qualitate qua, de même que l’identité de l’objet et de la cause, l’identité des juridictions appelées à statuer n’est point requise;
Qu’il découle des pièces versées en cause ensemble les explications corroborantes fournies par les mandataires des parties à la barre, que la partie demanderesse … DUPONT a été partie en cause à une seule instance devant le Comité du contentieux du Conseil d’Etat concernant l’objet du présent litige, celle toisée par l’arrêt du 7 février 1996 rendu dans l’affaire portant le numéro du rôle 9276;
Que cet arrêt a statué par rapport à la décision du ministre de l’Education nationale du 17 novembre 1994 refusant à Monsieur DUPONT le bénéfice de l’allégement par leçon (coefficient) aux leçons de sa tâche d’enseignant, décision annulée par le Comité du contentieux dans son arrêt prédit du 7 février 1996;
Que dans la mesure où l’autorité de la chose jugée se dégageant de l’arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 7 février 1996 en question se recouvre avec la demande actuellement déférée au tribunal administratif, celle-ci encourt dès lors l’irrecevabilité;
Considérant que l’irrecevabilité tirée de l’exception de litispendance, visée ainsi à travers le principe général non bis in idem, présuppose une autre instance pendante, soit devant le tribunal administratif, soit devant une autre juridiction concernant en tout ou en partie l’objet à la base du recours présentement sous analyse;
Que l’existence de pareille instance n’ayant point été établie en cause, l’exception de litispendance soulevée tombe à faux;
Considérant que l’irrecevabilité tirée du libellé obscur de la requête introductive d’instance doit s’analyser en une nullité de l’exploit introductif d’instance en raison de son libellé obscur tel que résultant notamment de l’article 61 alinéa 3 du code de procédure civile, exigeant que « l’exploit d’ajournement contiendra … l’objet de la demande, l’exposé sommaire des moyens … le tout à peine de nullité »;
Considérant que la procédure devant le tribunal administratif est régie principalement par l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, maintenu en vigueur par l’article 98 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Considérant que d’après l’article 1er alinéa 2 dudit arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 la requête introductive « contiendra l’exposé sommaire des faits et des moyens, les conclusions, les noms et demeures des parties, l’énonciation des pièces dont on entend se servir et qui y seront jointes »;
7 Qu’en visant l’exposé sommaire des faits et des moyens, l’article 1er alinéa 2 en question recouvre l’objet de la demande ainsi que l’exposé sommaire des moyens énoncés par l’article 61 alinéa 3 du code de procédure civile, de sorte que cette dernière disposition, qui n’est applicable que dans la mesure où le règlement de procédure applicable devant les juridictions administratives n’y déroge pas, ne vient pas à jouer en l’espèce (cf. trib. adm. 30 octobre 1997, SONNTAG; trib. adm. 15 décembre 1997, WEISGERBER Pas. adm. 01/1998 V° Procédure contentieuse, n°45);
Que l’exceptio obscuri libelli se dégage également du texte de l’article 1er, alinéa 2 de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 précité et sanctionne pareillement de nullité l’acte introductif d’instance y contrevenant, étant entendu que le but de cette disposition est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense;
Qu’il est de principe qu’il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non;
Qu’en l’espèce, le but avoué de la partie demanderesse est celui de porter une action en indemnisation devant qui de droit, celle-ci se dégageant de la fixation du point de départ du calcul dans son chef des trois bénéfices par lui réclamés, de sorte que la décision administrative y relative connaît nécessairement comme revers de la médaille les conséquences financières y rattachées au niveau de la rémunération, voire de son adaptation ex post sous forme d’indemnisation éventuelle dégagée notamment par la juridiction compétente, dans la mesure du bien-fondé constaté, le cas échéant, relativement aux prétentions de la partie demanderesse;
Que le tribunal est amené à dégager à partir des pièces versées en cause, ensemble les échanges multiples d’arguments intervenus entre parties, que l’Etat n’a pas pu se méprendre sur la portée globale de la demande actuellement pendante devant le tribunal, compte tenu de l’enchevêtrement inhérent aux différentes composantes du dossier, relevant tantôt du contentieux administratif, tantôt des droits civils dévolus aux juridictions de l’ordre judiciaire;
Que dès lors l’exception tirée du libellé obscur ainsi invoqué de la requête introductive d’instance n’est point fondée;
Considérant que le tribunal administratif saisi dans les limites du dispositif de la requête introductive d’instance, note cependant que la seule décision directement visée par le recours principal en réformation, de même que par le recours subsidiaire en annulation est celle déférée du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 20 mars 1997, ainsi que cela résulte clairement du libellé du 6ième alinéa du dispositif demandant au tribunal de « partant réformer sinon annuler la décision entreprise » en visant nécessairement celle du 20 mars 1997 émargée dans l’alinéa précédant;
Que par contre la partie demanderesse reste en défaut de préciser à suffisance de droit quelles sont « toutes les décisions du ministre de l’Education nationale se basant sur » l’article IX de l’instruction ministérielle modifiée du 24 octobre 1983, précité, dont elle demande à voir constater la nullité, de sorte que dans cette mesure le recours doit être déclaré irrecevable pour manque de précision des décisions en faisant l’objet et concernant directement la partie demanderesse;
8 Que cette irrecevabilité se dégage encore de l’analyse ci-avant faite concernant le caractère non tardif du recours dirigé contre la décision du 20 mars 1997 visée, en ce que suite aux pourparlers engagés entre parties, ladite décision déférée du 20 mars 1997 n’est pas à considérer comme décision purement confirmative d’une ou de plusieurs décisions antérieurement intervenues;
Considérant qu’au regard du principe de l’unicité de l’Etat, entraînant que l’Etat a la qualité de partie défenderesse dès qu’un organe étatique a pris la décision critiquée, ensemble la règle fondamentale suivant laquelle le recours est introduit devant le tribunal administratif contre la décision faisant grief, indépendamment de la personne de son auteur, la question de la compétence de ce dernier étant un problème de fond, le soi-disant défaut de qualité soulevé par le mandataire étatique en tant que moyen d’irrecevabilité tombe également à faux;
Considérant que le recours introduit par la partie demanderesse est uniquement dirigé contre la décision du 20 mars 1997 et non pas contre celle purement confirmative intervenue sur recours gracieux en date 27 juin 1997;
Qu’il est de principe qu’une décision, sur recours gracieux, purement confirmative d’une décision initiale, tire son existence de cette dernière et, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout, de sorte qu’un recours introduit en temps utile contre la seule décision première en date, sans être en même temps dirigé contre celle confirmative ultérieure est recevable (cf. trib. adm. 21. avril 1997, Grès, Pas. adm. 01/1998 V° Acte administratif n°9, page 13 et références y citées);
Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours en réformation, en tant qu’il est introduit contre la décision ministérielle du 20 mars 1997, est recevable en la forme à l’exception des éléments de la demande soumis à l’autorité de la chose jugée se dégageant de l’arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 7 février 1996 rendu entre parties, le recours ayant été, par ailleurs, introduit suivant les formes et délai prévus par la loi;
Que par voie de conséquence le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable;
Considérant que dans la mesure de la compétence du tribunal ci-avant définie ainsi que de la recevabilité de la demande, telle que délimitée ci-avant, il échet, en suivant les conclusions concordantes afférentes des parties, de refixer l’affaire en prosécution de cause à une audience ultérieure du tribunal, tous moyens au fond étant réservés;
Par ces motifs;
le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
se déclare compétent pour connaître du recours en réformation, à l’exception de l’évaluation du préjudice financier réclamé;
le déclare recevable, en tant qu’introduit contre la décision ministérielle du 20 mars 1997, à l’exception des éléments de la demande, couverts par l’autorité de la chose jugée se dégageant de l’arrêt du Comité du contentieux du Conseil d’Etat du 7 février 1996 rendu entre parties;
9 le dit irrecevable pour le surplus;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable;
fixe l’affaire en prosécution de cause à l’audience publique du mardi 26 mai 1998 à 15.00 heures, tous droits des parties au fond étant réservés;
réserve les dépens;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du mercredi 8 avril 1998 par:
M. Delaporte, premier vice-président M. Schockweiler, vice-président M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte 10