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28/07/1999 | LUXEMBOURG | N°11353

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 juillet 1999, 11353


N° 11353 du rôle Inscrit le 29 juin 1999 Audience publique du 28 juillet 1999

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Recours formé par Madame … KOZAR contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11353 et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juin 1999 par Maître Annick WURTH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assistée de Maître Martine LEYTEM, avocat, ins

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N° 11353 du rôle Inscrit le 29 juin 1999 Audience publique du 28 juillet 1999

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Recours formé par Madame … KOZAR contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11353 et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juin 1999 par Maître Annick WURTH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assistée de Maître Martine LEYTEM, avocat, inscrit au prédit tableau de l’Ordre des avocats, au nom de Madame … KOZAR, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mars 1999, par laquelle sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative de la décision initiale, prise par ledit ministre le 31 mai 1999, suite à un recours gracieux introduit le 12 mai 1999;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Paul MEYERS, en remplacement de Maître Annick WURTH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 15 juillet 1998, Madame … KOZAR, née le 20 août 1975, de nationalité yougoslave, originaire du Monténégro, demeurant à L-…, sollicita oralement auprès des services compétents du ministère de la Justice la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Madame KOZAR fut entendue en date du 14 janvier 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 20 janvier 1999, le ministre de la Justice informa Madame KOZAR, par lettre du 17 mars 1999, notifiée le 15 avril 1999, que sa demande en obtention du statut de réfugié a été déclarée manifestement infondée au motif qu’« (…) il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la 1 race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile (…) ».

Suite à un recours gracieux, introduit par le mandataire de Madame KOZAR le 12 mai 1999, le ministre de la Justice confirma, par lettre du 31 mai 1999, sa décision initiale.

Par requête déposée le 29 juin 1999, Madame KOZAR a introduit un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre les décisions précitées des 17 mars et 31 mai 1999.

La demanderesse reproche au ministre de la Justice d’avoir à tort déclaré sa demande en obtention du statut de réfugié politique comme étant manifestement infondée au motif qu’il aurait méconnu la réalité et la gravité des persécutions qu’elle devrait craindre en cas de retour dans son pays d’origine.

Elle reproche encore au ministre de ne pas avoir tenu compte de l’« ambiance globale » régnant dans son pays natal. Elle soutient plus spécialement que si « la situation générale dans un pays est telle que des persécutions organisées ont lieu contre des individus appartenant à un certain groupe social, racial, politique ou religieux, de manière à ce que tout membre de ce groupe soit une victime probable, voire potentielle, et que le seul hasard désigne quelle personne sera emprisonnée, battue ou tuée lors des prochaines exactions, alors le fait d’appartenir à ce groupe particulier et de montrer la réalité et la gravité des persécutions contre ce groupe sont suffisants pour pouvoir réclamer la protection offerte par la Convention de Genève ». Sur ce, en tant que ressortissante du Monténégro, appartenant au « groupe social des musulmans » et en tant qu’adhérante au « mouvement antiserbe », c’est-à-

dire le parti démocratique du Monténégro, appelé « SDA », elle serait quotidiennement soumise à l’oppression et à la persécution par les Serbes et sa liberté et sa vie seraient en permanence en danger, de sorte qu’une crainte de persécution serait établie sans qu’elle doive par ailleurs justifier qu’elle ait effectivement subi des persécutions.

Enfin, elle relève encore qu’actuellement, à l’exception d’une soeur, qui résiderait en Allemagne, toute la famille KOZAR résiderait au Grand-Duché de Luxembourg et qu’en cas de retour dans son pays d’origine, elle se retrouverait seule et éloignée de ses proches.

Le délégué du gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ne prévoit pas de recours au fond en la matière.

Quant au fond, il estime que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande en obtention du statut de réfugié politique de la demanderesse manifestement infondée, au motif que lors de son audition, elle n’aurait invoqué aucun fait de persécution.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée, seul un recours en annulation est ouvert 2 devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, il convient en premier lieu de rappeler que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise (trib. adm. 27 janvier 1997, n°9724 du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Recours en annulation, n°12, p. 264, et autres références y citées).

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement… ».

En vertu de l’article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Force est de constater que, lors de son audition précitée en date du 14 janvier 1999, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, la demanderesse n’a pas fait état de motifs de persécution, tels que prévus par l’article 1er, section A, 2) de la Convention de Genève. En effet, lors de ladite audition la demanderesse a exclusivement basé sa demande en obtention du statut de réfugié politique sur des motifs d’ordre personnel sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. La demanderesse a plus particulièrement déclaré qu’elle n’était pas membre d’un parti politique ou groupe social défendant les intérêts de personnes, qu’elle a quitté son pays parce qu’elle n’avait aucun avenir dans son pays d’origine. Questionnée plus précisément sur les motifs à la base de sa demande d’asile, elle a répondu avoir sollicité l’asile « pour ne pas devoir retourner dans mon pays! Je ne vois aucun avenir dans mon pays. Je ne trouve aucun emploi, mes trois frères du Luxembourg m’ont aidé financièrement ». Elle a encore déclaré qu’elle ne serait pas prête de retourner dans son pays même si la situation s’améliorerait et, concernant les conséquences d’un retour dans son pays d’origine, que sa « vie n’y aurait pas de sens…Il y a rien!!!!. Je ne trouve aucun emploi. Mon père touche seulement une petite pension qui ne suffit pas à m’entretenir ». Par ailleurs, elle précisa n’avoir « peur de rien spécialement, mais de la vie difficile et misérable ». Enfin, au sujet de ses opinions politiques, elle a indiqué qu’en tant que musulmane, elle serait « supporter du parti démocratique (SDA) du Monténégro ».

En outre, la demanderesse a tort de soutenir que la situation générale de son pays d’origine serait à elle seule suffisante pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève. En effet, une crainte « avec raison » d'être persécuté implique à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui doivent tous les deux être pris en considération. La situation générale du pays d'origine ne justifie partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié (Cour adm. 12 juin 1997, n° 9879C du rôle, 3 Pas. adm. 2/99, V° Etrangers, C. Convention de Genève, n°22, p. 92, et autres références y citées). - En l’espèce, la demanderesse restant en défaut d’établir ni même d’alléguer en quoi sa situation particulière ait été telle qu’elle pouvait avec raison craindre qu’elle ferait ou pourrait faire l’objet de persécutions, au sens de la Convention de Genève, dans son pays d’origine, elle a mis les autorités luxembourgeoises dans l’impossibilité d’examiner, en plus de la situation générale, sa situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement si elle a raison de craindre d’être persécutée.

Enfin, le fait d’avoir de la famille au Luxembourg ne constitue pas un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié politique.

Il se dégage des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a décidé que la demande formulée par Madame KOZAR devait être considérée comme étant manifestement infondée.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 juillet 1999, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11353
Date de la décision : 28/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;Cour administrative;arret;1999-07-28;11353 ?

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