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10/07/2025 | LUXEMBOURG | N°125/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 juillet 2025, 125/25


N° 125 / 2025 pénal du 10.07.2025 Not. 40158/20/CD Numéro CAS-2025-00031 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix juillet deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Cap Vert), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 29 janvier 2025 sous le numéro 5/

25 Ch. Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, sié...

N° 125 / 2025 pénal du 10.07.2025 Not. 40158/20/CD Numéro CAS-2025-00031 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix juillet deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Cap Vert), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 29 janvier 2025 sous le numéro 5/25 Ch. Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Abou BA, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 28 février 2025 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 28 mars 2025 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Serge WAGNER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, avait condamné le demandeur en cassation à une peine de réclusion assortie d’un sursis partiel du chef de tentative de meurtre. La Cour d’appel a confirmé le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l'article 393 du Code pénal :

Cas d'ouverture : Violation de l'article 393 du Code pénal qui prévoit :

sera puni de la réclusion à vie. » Pour constituer l'infraction de meurtre, il y a lieu de caractériser en plus de l'élément matériel de l'infraction, une intention de tuer dans le chef de l'auteur.

Cet élément moral se subdivise en deux éléments : le dol général et le dol spécial qu'est l'animus necandi.

Il est certes admis dans la jurisprudence constante que l'intention de tuer peut se déduire des indices matériels accomplis par l'auteur (Dalloz, Droit pénal, v° homicide, n° 23 ; CA, ch. crim., 13 février 2019, n° 5/19).

Ces indices peuvent être la longueur de la lame utilisée, la profondeur des plaies et leur nature, le nombre de coups ou encore le caractère vital de la zone du corps visée.

Cependant en l'espèce, des faits souverainement constatés par elle, la Cour n'a dégagé aucun indice permettant de conclure à une intention d'homicide dans le chef du demandeur en cassation.

La Cour a en effet condamné le demandeur en cassation pour tentative de meurtre sur base de la théorie du dol éventuel assimilé au dol général par la jurisprudence sans pour autant constater que le demandeur en cassation était bien animé par l'intention de tuer.

La Cour d'appel a estimé, à tort, que le dol éventuel suffisait, à lui seul, à caractériser l'intention de tuer de l'auteur alors même que l'article 393 du Code pénal exige un dol spécial qui ne saurait être déduit du dol général.

Selon la doctrine classique, le dol éventuel est caractérisé par la circonstance que l'agent n'a pas voulu le résultat dommageable mais qu'il l'a simplement prévu 2 comme possible (Bernard BOULOC, Droit pénal Général, Précis de Droit Privé, Dalloz, 23ième édition, Paris, 2018, page 253).

Or le fait pour l'agent de ne pas avoir voulu le résultat dommageable, comme l'ont nécessairement constaté les juges d'appel en ayant recours à la théorie du dol éventuel, signifie nécessairement que l'agent n'a pas eu l'intention de donner la mort qui est pourtant l'élément moral exigé par l'article 393 du Code pénal.

Le dol éventuel exclut nécessairement le dol spécial exigé par l'article 393 du Code pénal.

Si le dol éventuel peut effectivement être assimilé au dol général dans certaines circonstances, il ne peut en revanche jamais être assimilé au dol spécial.

En statuant comme elle l'a fait, la Cour a ainsi violé l'article susvisé. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu l’intention de tuer dans son chef, alors qu’« aucun indice permettant de conclure à une intention d’homicide » n’avait été dégagé par eux.

En retenant, après avoir adopté la relation des faits des juges de première instance, « Le crime de meurtre est juridiquement constitué lorsque l’intention de l’agent consiste à agir en croyant donner la mort ou en ne l’excluant pas.

Le geste de violence, porté avec l’intention de tuer et qui requiert la concomitance entre l’acte et l’intention, constitue toutefois un acte purement psychologique dont la preuve peut d’ailleurs être faite par tous les moyens et même par simples présomptions. La démonstration d’un processus psychologique est difficile et même impossible à établir directement. Il faut donc scruter les circonstances matérielles pour conclure à l’existence ou à l’absence de l’intention en tenant compte que les mobiles ayant déterminé l’auteur, n’ont aucune influence sur l’imputabilité.

Le comportement du prévenu, tant lors de la commission de l’acte qu’après les faits, fait présumer que celui-ci avait bien l’intention de donner la mort au sens de la loi, puisqu’il l’acceptait comme conséquence plausible de son geste, en se donnant des moyens susceptibles de donner la mort ainsi qu’en appliquant une grande force pour porter les coups sur une partie critique du corps humain. Il est en effet constant en cause que le prévenu a donné quatre coups de couteau dans la cage thoracique, dont un d’une violence telle qu’une fracture d’une côte en est résultée, et qu’il s’est enfui tout de suite après les faits emmenant avec lui le couteau pour le faire disparaître, l’arme du crime n’ayant d’ailleurs jamais été retrouvée. », les juges d’appel ont, sans violer la disposition visée au moyen, caractérisé l’intention de tuer dans le chef du demandeur en cassation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l'article 51 du Code pénal :

Cas d'ouverture : Violation de l'article 51 du Code pénal qui prévoit :

délit a été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d'exécution de ce crime ou de ce délit, et qui n'ont été suspendus ou n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur. » En vertu de ce texte, pour qu'il y ait tentative punissable, outre que la victime ne doit pas être l'auteur lui-même, quatre conditions doivent être remplies.

En effet, il faut une résolution de commettre l'infraction déterminée, son extériorisation criminelle par des actes qui forment un commencement d'exécution et l'arrêt de l'exécution par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur de ces actes, à savoir une absence de désistement volontaire.

Eu égard à cette dernière condition, la tentative punissable suppose que l'auteur ait été interrompu par des facteurs extérieurs lors de la réalisation de l'infraction et que son désistement ne soit pas spontané ou que ses actes restent sans effet pour une raison indépendante de sa volonté.

En l'espèce, le demandeur en cassation avait fui après la commission des violences sur la victime.

La Cour n'a cependant pas constaté que la fuite de l'auteur était contrainte par un évènement extérieur à sa volonté l'ayant ainsi empêché de réaliser son projet criminel.

La Cour n'a pas constaté d'évènement extérieur qui aurait interrompu et empêché l'auteur de consommer l'infraction de meurtre.

Également, pour considérer que l'infraction a été tentée mais manquée, il aurait fallu constater de manière non équivoque que les actes réalisés par l'auteur étaient suffisants pour atteindre le projet conçu mais que d'autres facteurs en ont empêché la réalisation.

Or, la Cour a considéré que le fait d'avoir fui les lieux constitue une contrainte extérieure qui a interrompu la réalisation de l'infraction.

4 Il convient d'en déduire que la Cour a retenu que l'auteur n'a pas achevé l'infraction de meurtre parce qu'il a fui alors que la fuite ne constitue pas une contrainte extérieure si cette fuite n'est pas provoquée par un autre évènement qui fait défaut en l'espèce.

Il s'ensuit que la Cour n'a pas procédé à la recherche de la vérité avec la rigueur et l'exigence qui s'imposaient à elle. Son application de l'articles 51 du Code pénal est de ce fait erronée. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu qu’il n’y avait pas eu désistement volontaire de sa part.

En retenant « En ce qui concerne l’acte de nature à causer la mort, la Cour renvoie à la motivation du jugement entrepris. A l’instar des juges de première instance, la Cour retient qu’il résulte des éléments soumis à son appréciation que PERSONNE1.) a porté quatre coups de couteau à PERSONNE2.). En sont résultées des blessures perforantes au dos de la victime, blessures qui d’après le docteur Martine SCHAUL, expert judiciaire, engageaient le bilan vital de la victime de façon abstraite ().

La Cour rejoint encore les juges de première instance pour avoir retenu que le fait que PERSONNE2.) n’était pas plus grièvement blessé était indépendant de la volonté du prévenu, l’arme employée et la manière dont elle a été maniée étaient de nature à pouvoir causer la mort et ce n’est que par des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur que les coups de couteau portés au niveau de la cage thoracique n’ont pas provoqué de graves blessures internes aux conséquences mortelles. » et « Le comportement du prévenu, tant lors de la commission de l’acte qu’après les faits, fait présumer que celui-ci avait bien l’intention de donner la mort au sens de la loi, puisqu’il l’acceptait comme conséquence plausible de son geste, en se donnant des moyens susceptibles de donner la mort ainsi qu’en appliquant une grande force pour porter les coups sur une partie critique du corps humain. Il est en effet constant en cause que le prévenu a donné quatre coups de couteau dans la cage thoracique, dont un d’une violence telle qu’une fracture d’une côte en est résultée, et qu’il s’est enfui tout de suite après les faits emmenant avec lui le couteau pour le faire disparaître, l’arme du crime n’ayant d’ailleurs jamais été retrouvée.

(…) Quant à l’absence de désistement volontaire avancé par le prévenu, il y a lieu de rappeler que, pour être opérant, le désistement volontaire doit refléter chez l’auteur qui entreprend de commettre un acte, une prise de conscience libre de toute contrainte lui imposant de finalement s’abstenir du projet qu’il avait conçu.

5 Or, en l’espèce le prévenu ne s’est pas volontairement désisté de son acte, alors qu’après avoir donné quatre coups de couteau dans le dos de sa victime, dont un coup a causé la fracture d’une côte, il a pris la fuite tout en se débarrassant de l’arme du crime. Le fait que les coups portés à la victime n’ont engagé le bilan vital de celle-ci que de façon abstraite ne résulte pas de la volonté de l’auteur, mais est le résultat du hasard. », les juges d’appel ont, sans violer la disposition visée au moyen, caractérisé l’absence de désistement volontaire dans le chef du demandeur en cassation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l'article 51 du Code pénal combinés à l'article 393 du Code pénal :

Cas d'ouverture : Violation de l'article 51 du Code pénal combiné à l'article 393 du Code pénal.

Conformément aux textes précités, la tentative de meurtre est juridiquement constituée lorsque l'auteur agit en croyant donner la mort.

Il faut donc que les coups soient portés en concomitance avec l'intention de donner la mort ou en toute conscience que ce geste peut donner la mort (CA, 5e ch.

crim., 7 février 2023, n°6/23).

En l'espèce, la Cour d'appel s'est méprise dans son analyse en retenant que l'auteur des faits était coupable de tentative de meurtre dans la mesure où il aurait accepté l'éventualité de donner la mort tout en constatant implicitement mais nécessairement que l'auteur des faits n'avait pas cette intention et n'agissait pas en toute conscience que son geste pouvait donner la mort mais agissait seulement en ayant accepté la conséquence éventuelle d'une mort qui n'est pas survenue en l'espèce.

Il est également erroné de conclure à une tentative de meurtre sans avoir constaté l'intervention d'un élément extérieur ayant interrompu ou empêché la réalisation.

Le dol éventuel ne prend d'ailleurs son sens que dans l'hypothèse où le résultat dommageable s'est produit et non pas dans le cadre d'une tentative.

En statuant comme ils l'ont fait les juges d'appel ont de ce fait violé les textes susvisés. ».

6 Réponse de la Cour Eu égard aux réponses données aux premier et deuxième moyens de cassation, le moyen tiré de la violation combinée des articles 393 et 51 du Code pénal est sans objet.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l'article 6§2 de la Convention européenne des droits de l'Homme, notamment du principe de la présomption d'innocence dont la protection est renforcée par la directive (UE) 2016/343 :

Cas d'ouverture : Violation de l'article 6§2 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui prévoit :

que sa culpabilité ait été légalement établie. » En vertu du principe de la présomption d'innocence, la culpabilité doit être démontrée par des preuves suffisantes dont la charge incombe à l'accusation.

Sur base de ce principe, le doute qui subsiste dans l'esprit du juge doit profiter à l'accusé.

Par conséquent, bien que la présomption d'innocence n'interdit pas le recours à des présomptions de fait ou de droit en matière pénale pour conclure à une culpabilité, ces présomptions doivent être raisonnables et préserver les droits de la défense.

La Cour européenne des droits de l'Homme rappelle souvent que les présomptions de fait ou de droit doivent toujours être enserrées (Cour EDH, arrêt du 26 janvier 2016, Iasir c. Belgique).

En l'espèce, la Cour, après avoir pourtant constaté souverainement que l'intention de tuer n'était pas suffisamment démontrée dans le chef de l'auteur, a néanmoins condamné ce dernier pour tentative de meurtre au seul motif que l'auteur aurait accepté l'éventualité de donner la mort en vertu de la théorie du dol éventuel.

En effet, la Cour a commencé par déduire de ces faits l'existence d'une acceptation du risque de mort puis successivement une intention indirecte de donner la mort dans le chef de l'auteur et in fine une déclaration de culpabilité.

7 La Cour aurait davantage dû faire preuve de prudence dans l'appréciation des faits pour en déduire des présomptions d'une telle gravité.

Le constat de l'absence d'intention de donner la mort, donc de l'absence d'acte univoque permettant de conclure à l'intention de donner la mort quant à la psychologie de l'auteur au moment des faits aurait dû profiter à l'accusé plutôt que de le condamner sur base de la théorie du dol éventuel qui ne peut s'appliquer que lorsque le résultat dommageable s'est produit et qui n'aurait donc pu s'appliquer en l'espèce que si la victime avait trouvé la mort (CSJ, 12 novembre 2002, 304/02 du Rôle).

Les juges d'appel ont violé le texte susvisé et le principe selon lequel le doute le plus léger profite à l'accusé et par conséquent l'arrêt attaqué encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir porté atteinte à la présomption d’innocence garantie par l’article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en le condamnant pour l’infraction de tentative de meurtre malgré l’existence d’un doute quant à « l’intention de donner la mort » dans son chef.

Il résulte de la réponse donnée au premier moyen que les juges d’appel ont caractérisé l’élément intentionnel de la tentative de meurtre à partir des éléments du dossier sans violer le principe de la présomption d’innocence.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 6,75 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix juillet deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation.

qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint Serge WAGNER et du greffier Daniel SCHROEDER.

9 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du ministère public (No CAS-2025-00031 du registre)

_______________________________________________

Par déclaration faite le 28 février 2025 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Abou BA, en remplacement de Maître Patrice MBONYUMUTWA, tous les deux avocats à la Cour, demeurant à Luxembourg, a formé pour compte et au nom de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n° 5/25 Ch.Crim. rendu le 29 janvier 2025 par la Cour d’appel siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 28 mars 2025 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi a été déclaré dans les formes et délais de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans les formes et délais y imposés.

Faits et rétroactes :

Par jugement LCRI n° 19/2024 du 22 février 2024 de la chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, PERSONNE1.) a été condamné à une peine de réclusion de 10 ans, dont 8 ans assortis du sursis à l’exécution, pour avoir commis une tentative de meurtre sur la personne de PERSONNE2.).

Le même jugement a destitué PERSONNE1.) des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics et les droits prévus à l'article 11 du Code pénal lui ont été interdits à vie.

Par arrêt no 5/25 Ch.crim. du 29 janvier 2025, la Cour d’appel a déclaré les appels du prévenu et du ministère public contre ce jugement non fondés et a partant confirmé le jugement pour autant qu’il a été entrepris.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Avant de répondre aux quatre moyens de cassation, il y a lieu de rappeler que la Cour d’appel a retenu ce qui suit en ce qui concerne les faits :

« Il résulte des éléments du dossier répressif discutés à l’audience de la Cour, que les juges de première instance ont fourni une relation correcte et détaillée des faits à laquelle la Cour se réfère.

Il y a lieu de retenir que ni le moment des coups de couteau portés à PERSONNE2.) ni la position des protagonistes au moment des coups litigieux ne résultent des enregistrements vidéo figurant au dossier, respectivement des déclarations des témoins.

La version des faits du prévenu telle que présentée en appel, à savoir qu’il se serait trouvé face à face avec PERSONNE2.) qui l’aurait enlacé et qu’il aurait dû donner les coups de couteau pour pouvoir se libérer, n’est pas de nature à emporter la conviction de la Cour.

En effet, il ne résulte pas des déclarations de PERSONNE1.) tant devant la police, auprès du juge d’instruction qu’à l’audience de première instance qu’il aurait été enlacé par PERSONNE2.) et qu’il aurait eu recours au couteau pour se défaire de cette étreinte immobilisante.

Il résulte au contraire des déclarations du prévenu qu’il aurait employé son couteau pour défendre ses amis, notamment PERSONNE3.).

A cela s’ajoute qu’un des coups de couteau portés à PERSONNE2.) a causé la fracture d’une côte de la victime, coup ayant nécessité une grande force (« wuchtige Stichausführung »). Or une telle force ne peut pas être développée dans la position des protagonistes telle que décrite par le prévenu en audience d’appel. La Cour rejoint au contraire la juridiction de première instance à dire que PERSONNE1.) a porté les coups à PERSONNE2.) lorsque celui-ci lui tournait le dos.

En ce qui concerne la taille du couteau ayant servi à porter les coups, il y a lieu de constater qu’il n’a pas été retrouvé, PERSONNE1.) ayant déclaré l’avoir jeté après les faits. Il y a cependant lieu de constater qu’aux termes des conclusions du médecin-légiste, la lame du couteau devait présenter une longueur d’au moins 3 cm afin de pouvoir causer les blessures telles que constatées sur la personne de PERSONNE2.).

11 A cela s’ajoute que le couteau a été suffisamment grand et solide afin de causer une fracture de côte. »1 Quant au premier et troisième moyens de cassation réunis PREMIER MOYEN DE CASSATION « Violation de l’article 393 du Code pénal » TROISIEME MOYEN DE CASSATION « Violation de l’article 51 du Code pénal combinés à l’article 393 du Code pénal » Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir retenu à tort l’intention de tuer dans son chef.

En retenant :

« Quant à l’intention de donner la mort qui est contestée, il y a lieu de rappeler que bien que l’auteur n’ait pas voulu directement et principalement le crime dont il est devenu la cause, bien qu’il ne l’ait même pas désiré, il y a cependant « consenti » pour le cas où il résulterait du fait ; ce crime était donc compris indirectement, effet que le prévenu accepte néanmoins pour l’éventualité où il se produirait.

Le dol indirect ou éventuel est assimilé, en règle générale, au dol directe (Hauss, Principes généraux de droit pénal, n°311, 314 et 315, Nypels, Législation criminelle. T.III, pp.520 et 561).

Le « dol éventuel » c'est-à-dire l’effet collatéral de la mort qui n’apparaît pas comme une conséquence nécessaire, mais simplement probable du comportement est assimilé au dol général (cf. Cass. 17 avril 2008, n°20/2008 pénal, numéro 2471 du registre).

Il n’est dès lors pas exigé que l’auteur ait voulu consciemment et méchamment la mort de la victime, il suffit qu’il en ait accepté l’éventualité. La preuve à fournir est une simple question de fait découlant de chaque cas particulier.

Le crime de meurtre est juridiquement constitué lorsque l’intention de l’agent consiste à agir en croyant donner la mort ou en ne l’excluant pas.

1 Arrêt entrepris p. 21 et 22Le geste de violence, porté avec l’intention de tuer et qui requiert la concomitance entre l’acte et l’intention, constitue toutefois un acte purement psychologique dont la preuve peut d’ailleurs être faite par tous les moyens et même par simples présomptions. La démonstration d’un processus psychologique est difficile et même impossible à établir directement. Il faut donc scruter les circonstances matérielles pour conclure à l’existence ou à l’absence de l’intention en tenant compte que les mobiles ayant déterminé l’auteur, n’ont aucune influence sur l’imputabilité.

Le comportement du prévenu, tant lors de la commission de l’acte qu’après les faits, fait présumer que celui-ci avait bien l’intention de donner la mort au sens de la loi, puisqu’il l’acceptait comme conséquence plausible de son geste, en se donnant des moyens susceptibles de donner la mort ainsi qu’en appliquant une grande force pour porter les coups sur une partie critique du corps humain. Il est en effet constant en cause que le prévenu a donné quatre coups de couteau dans la cage thoracique, dont un d’une violence telle qu’une fracture d’une côte en est résultée, et qu’il s’est enfui tout de suite après les faits emmenant avec lui le couteau pour le faire disparaître, l’arme du crime n’ayant d’ailleurs jamais été retrouvée.

Etant donné que le danger de mort en l’espèce n’était qu’abstrait, il y a lieu de rappeler que même l’absence d’un danger de mort, n’établit, par ailleurs, pas l’absence d’intention de donner la mort. »2, les juges d’appel ont fait une application correcte des articles 51 et 393 du Code pénal.

Les premier et troisième moyens de cassation ne sont donc pas fondés.

Quant au deuxième moyen de cassation « Violation de l’article 51 du Code pénal » Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir retenu à tort une absence de désistement volontaire.

Les juges de première instance ont retenu ce qui suit sur ce point :

« Ad 4) l’absence de désistement volontaire Il ressort des dépositions du prévenu qu’il ne s'est à aucun moment volontairement désisté, mais qu’il a quitté les lieux après avoir porté quatre coups de couteau dans 2 Arrêt entrepris p. 23le dos de PERSONNE2.) et s’être débarrassé de l’arme, et ainsi après avoir accompli son geste. Il ne s’agit partant pas, tel que le prétend la défense, d’un désistement volontaire, mais tout simplement d’un arrêt après avoir exécuté une action. »3 En ce qui concerne l’absence de désistement volontaire, les juges d’appel ont décidé :

« Quant à l’absence de désistement volontaire avancé par le prévenu, il y a lieu de rappeler que, pour être opérant, le désistement volontaire doit refléter chez l’auteur qui entreprend de commettre un acte, une prise de conscience libre de toute contrainte lui imposant de finalement s’abstenir du projet qu’il avait conçu.

Or, en l’espèce le prévenu ne s’est pas volontairement désisté de son acte, alors qu’après avoir donné quatre coups de couteau dans le dos de sa victime, dont un coup a causé la fracture d’une côte, il a pris la fuite tout en se débarrassant de l’arme du crime. Le fait que les coups portés à la victime n’ont engagé le bilan vital de celle-ci que de façon abstraite ne résulte pas de la volonté de l’auteur, mais est le résultat du hasard. »4 Cette motivation est correcte et exempte de contradiction.

Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation n’est pas fondé.

Quant au quatrième moyen de cassation « Violation de l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, notamment du principe de la présomption d’innocence dont la protection est renforcée par la directive (UE) 2016/343 » A titre principal Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel « d’avoir violé le texte susvisé et le principe selon lequel le doute le plus léger profite à l’accusé »5 Ce grief est étranger au cas d’ouverture invoqué.

Il s’ensuit que le quatrième moyen de cassation est irrecevable.

3 Arrêt entrepris p.13 4 Arrêt entrepris p. 23 et 24 5 Mémoire en cassation p. 8A titre subsidiaire Selon le demandeur en cassation, « la Cour aurait davantage dû faire de preuve de prudence dans l’appréciation des faits pour en déduire des présomptions d’une telle gravité »6 Par la même, le demandeur en cassation remet en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits leur soumis, appréciation échappant au contrôle de la Cour de cassation.

Le quatrième moyen de cassation ne saurait donc accueilli.

A titre très subsidiaire Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel une violation du principe de la présomption d’innocence.

Or, il n’explique pas en quoi les juges d’appel auraient - à son avis - violé ce principe.

Il s’ensuit que le quatrième moyen de cassation n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le Procureur général d’Etat adjoint, Serge WAGNER 6 Mémoire en cassation p. 8 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 125/25
Date de la décision : 10/07/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-07-10;125.25 ?

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