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10/07/2025 | LUXEMBOURG | N°123/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 juillet 2025, 123/25


N° 123 / 2025 pénal du 10.07.2025 Not. 10380/19/CD Numéro CAS-2025-00003 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix juillet deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (France), actuellement détenu au Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff, prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) PERS

ONNE3.), demeurant à D-ADRESSE3.), 3) PERSONNE4.), demeurant à D-ADR...

N° 123 / 2025 pénal du 10.07.2025 Not. 10380/19/CD Numéro CAS-2025-00003 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix juillet deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (France), actuellement détenu au Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff, prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) PERSONNE3.), demeurant à D-ADRESSE3.), 3) PERSONNE4.), demeurant à D-ADRESSE4.), 4) PERSONNE5.), demeurant à D-ADRESSE5.), demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 20 décembre 2024 sous le numéro 438/24 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par PERSONNE1.) suivant déclaration du 24 décembre 2024 au greffe du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff ;

Vu le mémoire en cassation signifié par PERSONNE1.) le 23 janvier 2025 à PERSONNE2.) et le 24 janvier 2025 à PERSONNE3.), à PERSONNE4.) et à PERSONNE5.), déposé le 24 janvier 2025 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation à une peine d’emprisonnement et à une amende du chef de faux, d’usage de faux, d’escroqueries, de tentatives d’escroqueries et de blanchiment-détention, et avait partiellement fait droit aux demandes des parties civiles. La Cour d’appel a requalifié certains faits retenus à charge du demandeur en cassation et a confirmé, pour le surplus, le jugement au pénal et au civil.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 51 du Code de procédure pénale en ce que l’arrêt attaqué a retenu qu’aucun élément ne permettrait de conclure que l’enquête préliminaire ou l’instruction aient été menées exclusivement à charge, alors que selon l’article 51 du Code de procédure civile, le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il recueille et vérifie, avec soin égal, les faits et les circonstances à charge ou à décharge de l'inculpé. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que le juge d’instruction n’avait pas violé son obligation découlant de l’article 51 du Code de procédure pénale.

Dans la discussion consacrée au moyen, il indique qu’il « estime que aussi bien l’enquête préliminaire que l’instruction avaient été menées exclusivement à 2 charge. La Cour d’appel ne motive pas sa décision sur ce point. Elle se limite à écarter ce moyen, pourtant important, en se limitant à retenir que aucun élément ne permettrait de conclure en ce sens ».

Le moyen procède d’une lecture incomplète de l’arrêt attaqué alors que les juges d’appel ne se sont pas limités à retenir qu’« aucun élément ne permet de conclure que l’enquête préliminaire ou l’instruction aient été menées exclusivement à charge », mais ont motivé leur décision en retenant que le demandeur en cassation était forclos, en application des articles 48-2 et 126, paragraphes 1 et 3, du Code de procédure pénale, à soulever devant eux ses moyens de nullité visant tant la procédure d’enquête préliminaire que l’instruction préparatoire, puisqu’il ne les avait pas soulevés devant la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement dans un délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance de l’acte querellé de nullité.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution, en ce que l’arrêt attaqué est mal motivé, respectivement pas motivé du tout, respectivement présente des motifs contradictoires, et a rejeté comme non fondés les moyens tirés par le demandeur en cassation d’une violation de ses droits de la défense, alors que selon l’article 109 de la Constitution, tout jugement est motivé, et que face aux contestations du prévenu, à ses arguments et moyens de défense la Cour d’appel aurait dû motiver plus scrupuleusement et amplement sa décision. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 109 de la Constitution en n’ayant pas motivé leur décision de rejeter comme non fondés les moyens tirés d’une violation de ses droits de la défense.

En tant que tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, fût-elle viciée ou incomplète, sur le point considéré.

En retenant « PERSONNE1.) a soulevé des moyens de nullité visant tant la procédure d’enquête préliminaire que l’instruction préparatoire.

3 En vertu de l’article 48-2 du Code de procédure pénale, toute personne concernée justifiant d’un intérêt légitime personnel peut, par simple requête, demander la nullité de la procédure de l’enquête ou d’un acte quelconque de cette procédure. Si une instruction préparatoire a été ouverte sur la base de l’enquête, la demande est à produire par l’inculpé devant la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement, à peine de forclusion, dans un délai de cinq jours à partir de son inculpation.

En vertu de l’article 126 (1) et (3) du Code de procédure pénale, les demandes en nullité de la procédure de l’instruction préparatoire ou d’un acte quelconque de cette procédure doivent être produites par simple requête, à peine de forclusion, au cours même de l’instruction, à la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement dans un délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance de l’acte querellé de nullité.

Les délais des articles 48-2 et 126 (3) du Code de procédure pénale sont des délais de forclusion auxquels sont soumises toutes les nullités de la procédure préliminaire et de la procédure d’instruction, quelle que soit la violation de la règle de droit invoquée, législation nationale ou internationale (Cass. 6 décembre 2012, numéro 3141 du registre) et ce même à supposer que les causes de nullité invoquées eussent été révélées tardivement (Cass. 1er mars 2012, numéro 2950 du registre).

Ainsi, la Cour de cassation luxembourgeoise a pris position quant à la question de la forclusion en retenant que (Cass. 28 avril 2016, n° 17/2016 pénal, numéro 3589 du registre).

Il en découle que PERSONNE1.) est actuellement forclos à demander la nullité des actes de l’enquête et de l’instruction, de sorte que les moyens de nullité sont irrecevables.

Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure que l’enquête préliminaire ou l’instruction aient été menées exclusivement à charge. Il n’est pas non plus établi que l’exécution d’une mesure d’instruction spécifique aurait été refusée au prévenu.

Aucune violation de la présomption d’innocence ou du droit à un procès équitable n’est démontrée en l’espèce, de sorte que les moyens y relatifs doivent être rejetés comme non fondés », les juges d’appel, qui ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont motivé leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), en ce que la Cour d’appel n’a pas fait application de cet article pour retenir le dépassement du délai raisonnable, alors que selon l’article 6 précité de la CEDH, sous l’intitulé procès équitable » que » ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») en n’ayant « pas fait application de cet article pour retenir le dépassement du délai raisonnable ». Dans la discussion consacrée au moyen, il précise qu’en raison de ce dépassement, il « n’a pas pu préparer sa défense correctement » et affirme qu’il aurait dû bénéficier d’une réduction de peine.

Il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que le demandeur en cassation ait soulevé le moyen tiré du dépassement du délai raisonnable devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait une appréciation de l’existence d’un dépassement du délai raisonnable, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), de l'article 14 du pacte international 5 relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l'article 11 de la déclaration universelle des droits de l'homme.

en ce que l’arrêt attaqué a rejeté comme non fondés les moyens tirés d’une quelconque violation des droits de la défense, alors que selon l’article 48 de la charte et des autre convention et pacte visés, 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. ».

Réponse de la Cour Les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appellent pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, de sorte que les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont étrangères au litige.

La Déclaration universelle des droits de l’homme ne constitue pas une norme juridique, mais un acte à portée politique qui ne saurait être invoqué à l’appui d’un moyen de cassation.

Il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il est tiré de ces deux textes, est irrecevable.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel, en rejetant « comme non fondés les moyens tirés d’une quelconque violation des droits de la défense », auraient violé les articles 6 de la Convention et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il ne permet dès lors pas à la Cour d’en cerner la portée, ce d’autant plus que dans la discussion consacrée au moyen, le demandeur en cassation reprend « les mêmes développements que ceux exposés au point qui précède », c’est-

à-dire ceux concernant le dépassement du délai raisonnable, qui sont étrangers au quatrième moyen.

Il s’ensuit que le moyen est également irrecevable à cet égard.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

laisse les frais de l’instance en cassation au civil à charge de PERSONNE1.) ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 2 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix juillet deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Serge WAGNER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public et des parties civiles 1. PERSONNE2.) 2. PERSONNE3.) 3. PERSONNE4.) 4. PERSONNE5.) N° CAS-2025-00003 du registre Par déclaration faite le 24 décembre 2024 au greffe du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff, PERSONNE1.) a formé un recours en cassation contre un arrêt n° 438/24 rendu le 20 décembre 2024 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 24 janvier 2025 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Nicky STOFFEL.

Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.

Préalablement à son dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice, la partie demanderesse en cassation a signifié son mémoire en cassation aux parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.).

Il en suit que le pourvoi est recevable.

Faits et rétroactes Par un jugement n° 971/2024 du 25 avril 2024, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en chambre correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) à une peine d’emprisonnement et à une amende des chefs d’escroquerie, tentative d’escroquerie, faux et usage de faux et blanchiment-

détention. Au civil, PERSONNE1.) avait été condamné à indemniser les parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.).

Statuant sur l’appel du prévenu, du Ministère public et de la partie civile PERSONNE2.), la Cour d’appel a requalifié partiellement certains faits retenus à charge d’PERSONNE1.), a rectifié le libellé de plusieurs infractions retenues à sa charge et a confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est « Tiré de la violation de l’article 51 du Code de procédure pénale, en ce que l’arrêt attaqué a retenu qu’aucun élément ne permettrait de conclure que l’enquête préliminaire ou l’instruction aient été menées exclusivement à charge, alors que selon l’article 51 du Code de procédure [pénale], le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il recueille et vérifie, avec soin égal, les faits et les circonstances à charge ou à décharge de l’inculpé. » Aux termes du moyen, le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir considéré que le juge d’instruction n’avait pas violé l’obligation qui s’impose à lui en vertu de l’article 51 du Code de procédure pénale, de mener l’instruction à charge et à décharge de l’inculpé.

Les juges d’appel ont à bon droit considéré ce qui suit dans l’arrêt entrepris, conformément à une jurisprudence constante de Votre Cour :

« En vertu de l’article 126 (1) et (3) du Code de procédure pénale, les demandes en nullité de la procédure de l’instruction préparatoire ou d’un acte quelconque de cette procédure doivent être produites par simple requête, à peine de forclusion, au cours même de l’instruction, à la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement dans un délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance de l’acte querellé de nullité. Les délais des articles 48-2 et 126 (3) du Code de procédure pénale sont des délais de forclusion auxquels sont soumises toutes les nullités de la procédure préliminaire et de la procédure d’instruction, quelle que soit la violation de la règle de droit invoquée, législation nationale ou internationale (Cass. 6 décembre 2012, numéro 3141 du registre) et ce même à supposer que les causes de nullité invoquées eussent été révélées tardivement (Cass. 1er mars 2012, numéro 2950 du registre).

Ainsi, la Cour de cassation luxembourgeoise a pris position quant à la question de la forclusion en retenant que « le demandeur en cassation ayant eu la possibilité d’exercer des recours contre les actes d’instruction devant les juridictions compétentes, la Cour d’appel a pu décider, sans violer les dispositions invoquées aux moyens, que la nullité de l’instruction préparatoire ne pouvait plus être invoquée devant la juridiction de jugement » (Cass. 28 avril 2016, n° 17/2016 pénal, numéro 3589 du registre).

Il en découle que PERSONNE1.) est actuellement forclos à demander la nullité des actes de l’enquête et de l’instruction, de sorte que les moyens de nullité sont irrecevables. » Il en suit que le demandeur en cassation, s’il estimait que la procédure de l’instruction préparatoire avait été menée exclusivement à sa charge, aurait dû invoquer la nullité de cette procédure au cours même de l’instruction et il est actuellement forclos à invoquer cette nullité. De même, il aurait pu demander au cours de l’instruction préparatoire l’accomplissement d’actes instruction, et en cas d’un éventuel refus du juge d’instruction, exercer une voie de recours contre cette décision.

Le demandeur en cassation est partant mal fondé à invoquer devant Votre Cour la violation de l’article 51 du Code de procédure pénale qui impose au juge d’instruction d’instruire à charge et à décharge1.

Il en suit, à titre principal, que le moyen n’est pas fondé.

A titre subsidiaire, il résulte des motifs de l’arrêt entrepris que la Cour d’appel a encore considéré que « Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure que l’enquête préliminaire ou l’instruction aient été menées exclusivement à charge. Il n’est pas non plus établi que l’exécution d’une mesure d’instruction spécifique aurait été refusée au prévenu. Aucune violation de la présomption d’innocence ou du droit à un procès équitable n’est démontrée en l’espèce, de sorte que les moyens y relatifs doivent être rejetés comme non fondés. » Il en suit que sous le couvert de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des faits et éléments de preuve, en ce que les juges d’appel ont considéré que contrairement à ce que le demandeur en cassation avait fait valoir devant eux, il n’était pas établi, au vu des éléments du dossier répressif, que l’instruction préparatoire avaient été menée exclusivement à charge de PERSONNE1.), cette appréciation relevant de leur pouvoir souverain qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est « Tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution, en ce que l’arrêt attaqué est mal motivé, respectivement pas motivé du tout, respectivement présente des motifs contradictoires et a rejeté comme non 1 Dans ce sens, Cass. 28 avril 2016, n° 17/2016, n° 3589 du registre, réponse aux treizième et quatorzième moyens réunis ; Cass. 2 juin 2016, n° 24/2016, n° 3621 du registre, réponse aux trois premiers moyens de cassation réunis.fondés les moyens tirés par le demandeur en cassation d’une violation des ses droits de la défense, alors que selon l’article 109 de la Constitution, tout jugement est motivé, et que face aux contestations du prévenu, à ses arguments et moyens de défense, la Cour d’appel aurait dû motiver plus scrupuleusement et amplement sa décision. » Il est rappelé que le moyen ce cassation doit énoncer avec précision en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué2, la Cour de cassation n’ayant à statuer que sur le moyen, sans que la discussion qui le développe puisse en combler les lacunes3.

Or, le demandeur en cassation ne précise pas les arguments et moyens de défense auxquels les juges d’appel auraient omis de répondre.

Le moyen ne suffit donc pas à l’exigence de précision permettant à Votre Cour d’exercer son contrôle.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire, dans la partie de son mémoire consacrée à la discussion du moyen, le demandeur en cassation fait valoir que :

« L’arrêt entrepris n’est pas motivé pour ce qui concerne les moyens soulevés par le demandeur en cassation. Comme déjà indiqué ci-avant sous le premier moyen de cassation, la Cour d’appel se borne à la page 37 de l’arrêt entrepris d’indiquer brièvement « Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure que l’enquête préliminaire ou l’instruction aient été menées exclusivement à charge ». La Cour d’appel n’a pas analysé l’enquête et l’instruction. La Cour semble appliquer tout simplement une présomption générale de régularité de l’enquête et de l’instruction. Le demandeur en cassation a indiqué lors de ses plaidoiries, comme repris dans le présent mémoire, les points sur lesquels il estime que l’enquête et l’instruction ont été menées exclusivement à charge. La Cour d’appel ne répond pas à ces moyens. » 2 P.ex. Cass. 23 juillet 2020, nr 106/2020, numéro 4041 du registre, réponse au cinquième moyen de cassation ;

Cass. 16 juillet 2020, nr 102/2020, numéro CAS-2019-00112 du registre, réponse au troisième moyen de cassation.

3 Cass. 16 juillet 2020, précité.En tant que tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution, le moyen vise le défaut de motivation au sens de l’absence totale de motifs4. Ce grief est constitutif d’un vice de forme5. Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, fût-elle incomplète ou viciée, sur le point considéré6.

Les dispositions en cause de l’arrêt entrepris sont les suivantes :

« PERSONNE1.) a soulevé des moyens de nullité visant tant la procédure d’enquête préliminaire que l’instruction préparatoire.

En vertu de l’article 48-2 du Code de procédure pénale, toute personne concernée justifiant d’un intérêt légitime personnel peut, par simple requête, demander la nullité de la procédure de l’enquête ou d’un acte quelconque de cette procédure. Si une instruction préparatoire a été ouverte sur la base de l’enquête, la demande est à produire par l’inculpé devant la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement, à peine de forclusion, dans un délai de cinq jours à partir de son inculpation.

En vertu de l’article 126 (1) et (3) du Code de procédure pénale, les demandes en nullité de la procédure de l’instruction préparatoire ou d’un acte quelconque de cette procédure doivent être produites par simple requête, à peine de forclusion, au cours même de l’instruction, à la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement dans un délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance de l’acte querellé de nullité.

Les délais des articles 48-2 et 126 (3) du Code de procédure pénale sont des délais de forclusion auxquels sont soumises toutes les nullités de la procédure préliminaire et de la procédure d’instruction, quelle que soit la violation de la règle de droit invoquée, législation nationale ou internationale (Cass. 6 décembre 2012, numéro 3141 du registre) et ce même à supposer que les causes de nullité invoquées eussent été révélées tardivement (Cass. 1er mars 2012, numéro 2950 du registre).

Ainsi, la Cour de cassation luxembourgeoise a pris position quant à la question de la forclusion en retenant que « le demandeur en cassation ayant eu la possibilité d’exercer des recours contre les actes d’instruction devant 4 p. ex. Cass. 2 mars 2017, n° 3769 du registre.

5 p. ex. Cass. 29 janvier 2009, n° 2592 du registre.

6 p. ex. Cass. 15 octobre 2015, n° 3533 du registre.les juridictions compétentes, la Cour d’appel a pu décider, sans violer les dispositions invoquées aux moyens, que la nullité de l’instruction préparatoire ne pouvait plus être invoquée devant la juridiction de jugement » (Cass. 28 avril 2016, n° 17/2016 pénal, numéro 3589 du registre).

Il en découle que PERSONNE1.) est actuellement forclos à demander la nullité des actes de l’enquête et de l’instruction, de sorte que les moyens de nullité sont irrecevables.

Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure que l’enquête préliminaire ou l’instruction aient été menées exclusivement à charge. Il n’est pas non plus établi que l’exécution d’une mesure d’instruction spécifique aurait été refusée au prévenu. Aucune violation de la présomption d’innocence ou du droit à un procès équitable n’est démontrée en l’espèce, de sorte que les moyens y relatifs doivent être rejetés comme non fondés. » Par ces appréciations, les juges d’appel ont formellement indiqué les motifs pour lesquels ils ont rejeté le moyen tiré de la violation de l’obligation faite au juge d’instruction d’instruire à charge et à décharge.

Il en suit qu’à subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen de cassation est « Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), en ce que la Cour d’appel n’a pas fait application de cet article pour retenir le dépassement du délai raisonnable, alors que selon l’article 6 précité de la CEDH, sous l’intitulé « Droit à un procès équitable » que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bienfondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le 14 jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » Il ne résulte ni de l’arrêt entrepris, ni du jugement de première instance, ni des pièces auxquelles le soussigné peut avoir égard, que le demandeur en cassation ait invoqué devant les juges du fond le dépassement du délai raisonnable au sens de l’article 6 de la CEDH.

Il est rappelé que c’est au demandeur en cassation qu’incombe la charge de la preuve de justifier de la recevabilité du moyen qu’il présente, et par conséquent, d’établir son défaut de nouveauté s’il ne résulte pas des énonciations de la décision attaquée ou du dépôt de conclusions7.

Le moyen de cassation invoqué, mélangé de droit et de fait, en ce qu'il comporte l’appréciation de l’existence d’un dépassement du délai raisonnable au sens de l’article 6 de la CEDH, est partant à déclarer irrecevable pour être nouveau.

A titre subsidiaire, suivant une jurisprudence constante de Votre Cour, l’appréciation du dépassement du délai raisonnable relève de l’appréciation souveraine du juge du fond et échappe au contrôle de la Cour de cassation8.

Il en suit qu’à titre subsidiaire, le moyen ne saurait être accueilli.

7 J. et L. BORÉ, La cassation en matière pénale, 5e édition 2025-2026, n°s 112.11 et s.

8 Cass. 16 janvier 2020, n° 14/2020, n° CAS-2019-00021 du registre, réponse au premier moyen de cassation ; Cass. 14 février 2019, n° 29/2019 et 30/2019, n°s 4083 et 4084 du registre, réponse au cinquième moyen de cassation ; Cass. 17 janvier 2019, n° 9/2019, n° 4066 du registre, réponse au sixième moyen de cassation ; Cass. 5 décembre 2013, n° 66/2013, n° 3249 du registre, réponse au dix-neuvième moyen de cassation ; Cass. 7 juillet 2011, n° 78/2011, n° 2891 du registre, réponse au premier moyen de cassation ; Cass. 27 janvier 2011, n° 8/2011, n° 2817 du registre, réponse à la deuxième branche du moyen de cassation ; Cass. 9 juillet 2009, n° 27/2009, n° 2673 du registre ; Cass. 4 décembre 2008, n° 55/2008, n° 2572 du registre, réponse au deuxième moyen de cassation ; Cass. 25 janvier 2007, n° 08/2007, n° 2364 du registre, réponse au premier moyen de cassation.Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen de cassation est « Tiré de la violation de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), de l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l’article 11 de la déclaration universelle des droits de l’homme, en ce que l’arrêt attaqué a rejeté comme non donnés les moyens tirés d’une quelconque violation des droits de la défense, alors que, selon l’article 48 de la charte et des autres convention et pacte visés, 1.

Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

2.

Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. » Les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appellent pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, de sorte que les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont étrangères à l’arrêt entrepris9.

La Déclaration universelle des droits de l'homme ne constitue pas une norme juridique, mais un acte à portée politique qui ne saurait être invoqué à l'appui d'un moyen de cassation10.

Il en suit que le moyen est irrecevable en ce qu’il est fondé sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Pour les surplus, ainsi que rappelé en réponse au deuxième moyen de cassation, le moyen de cassation doit énoncer avec précision en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué, la Cour de cassation n’ayant à statuer que sur le moyen sans que la discussion qui le développe puisse en combler les lacunes.

9 Cass. 28 mars 2024, n° 56/2024, n° CAS-2023-00138 du registre, réponse aux troisième et quatrième moyens de cassation réunis.

10 Cass. 28 mars 2024, précité ; Cass. 17 novembre 2016, n° 87/16, numéro 3701 du registre, réponse au troisième moyen.

Or, le moyen ne précise pas, ni quels moyens de défense du demandeur en cassation auraient été injustement rejetés par la Cour d’appel, ni en quoi ces moyens auraient été injustement rejetés.

Le moyen ne suffit donc pas à l’exigence de précision permettant à Votre Cour d’exercer son contrôle.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n'est pas fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marc HARPES 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 123/25
Date de la décision : 10/07/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-07-10;123.25 ?

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