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19/06/2025 | LUXEMBOURG | N°110/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 juin 2025, 110/25


N° 110 / 2025 pénal du 19.06.2025 Not. 622/20/PED Numéro CAS-2024-00157 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Belgique), demeurant à L-

ADRESSE2.), demandeur en cassation, comparant par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE3.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Marisa ROBERTO, avoca

t à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, 2) Maître Josiane...

N° 110 / 2025 pénal du 19.06.2025 Not. 622/20/PED Numéro CAS-2024-00157 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Belgique), demeurant à L-

ADRESSE2.), demandeur en cassation, comparant par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE3.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, 2) Maître Josiane EISCHEN, avocat à la Cour, demeurant à L-ADRESSE4.), prise en sa qualité de mandataire de PERSONNE3.), née le DATE2.), d’PERSONNE4.) et d’PERSONNE5.), nées le DATE3.), les trois enfants demeurant à L-ADRESSE3.), actuellement placées auprès de leur mère PERSONNE2.), défenderesses en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 21 novembre 2024 sous le numéro 18/24-Appel de la jeunesse par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre d’appel de la jeunesse ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 20 décembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 17 janvier 2025 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.) et à Maître Josiane EISCHEN, prise en sa qualité de mandataire des enfants mineures PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.), déposé le 20 janvier 2025 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 14 février 2025 par PERSONNE2.) à PERSONNE1.), à Maître Josiane EISCHEN et au Procureur d’Etat auprès du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, déposé le 17 février 2025 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal de la jeunesse près le tribunal d’arrondissement de Diekirch avait déclaré non fondée la demande du demandeur en cassation tendant à la mainlevée de la mesure de garde provisoire et avait maintenu le placement des trois enfants mineures communes auprès de la défenderesse en cassation sub 1). La chambre d’appel de la jeunesse de la Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), alors que ce moyen a été soulevé durant l’instance d’appel, en l’espèce, le demandeur en cassation reproche à l’arrêt attaqué d’entériner une méthode de jugement ab initio, non équitable, et impartiale qui lui est de facto défavorable.

-

En ce qui concerne les impératifs d’équité, il y a lieu de rappeler que les parties au procès doivent avoir le droit de présenter les observations qu'elles estiment pertinentes pour leur affaire, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce, alors qu’une grande partie des rétroactes du dossier est passée sous silence, comme ci-avant dénoncé, ce, y compris les pièces essentielles du dossier, dont les rapports des médecins indépendants qui ont pointé les suspicions de violences.

2 L’arrêt attaqué, en éludant les caractéristiques essentielles du dossier ne garantit donc pas l’équité requise.

Ce droit n’est effectif que si les demandes et les observations des parties sont vraiment , c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi, et discutées.

Or, rien de tel en l’espèce, comme expliqué ci-avant, alors que le tribunal doit procéder à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties (Kraska c. Suisse, § 30 ; Van de Hurk c. Pays-Bas, § 59 ; Perez c. France, [GC], § 80).

Pour assurer la jouissance effective des droits garantis par cet article, les autorités judiciaires doivent déployer des « diligences » : voir, pour un plaideur non représenté par un avocat : Kerojärvi c. Finlande, § 42 ; Fretté c. France, § 49, pour un plaideur représenté par un avocat : Göç c. Turquie [GC], § 57. 175.

La jurisprudence de la CEDH, appuie ce principe d’équité, également, par la nécessité d’une évaluation globale : le point de savoir si une procédure est équitable s’apprécie sur base d’un examen de la conduite de la procédure dans son ensemble (par exemple, Ankerl c. Suisse, § 38 ; Centro Europa 7 S.R.L. et di Stefano c. Italie [GC], § 197).

Or, rien de tel en l’espèce, alors qu’au cours des débats ayant conduit au jugement de première instance, et à l’arrêt attaqué, le demandeur en cassation, Monsieur PERSONNE1.), s’est vu privé de la possibilité de mettre en avant les développements liés aux affaires pénales ci-avant évoquées : notices pénales portant les numéros 6407/20/XD (instruction concernant l’Enfant PERSONNE3.)) et 3291/24/XD (concernant les enfants PERSONNE4.) et PERSONNE5.)).

L’arrêt attaqué n’évoque pas ces dossiers.

Quid des signalements et rapports médicaux dans ces affaires ? rien dans ces dossiers n’a été évoqué au cours de l’audience, et l’arrêt attaqué n’en dit mot.

La seule allusion faite par l’arrêt attaqué se rapporte à une affaire de citation directe, simplement pour Monsieur PERSONNE1.), alors que des éléments cruciaux, importants, se rapportant aux affaires 6407/20/XD, et 3291/24/CD, demeurent sans réponses.

Or, il a été jugé, que pour satisfaire au principe d’équité, toutes les observations du tribunal soumises à la juridiction de recours visant manifestement à influencer celle-ci, doivent pouvoir être commentée et discutées, quel qu’en soit l’effet réel sur le juge, et quand bien même ces observations ne présenteraient aucun fait ou argument qui ne figure déjà dans la décision attaquée, de l’avis du tribunal de recours (Nideröst-Huber c. Suisse, §§ 26-32) ou de l’avis du Gouvernement défendeur devant la Cour de Strasbourg (APEH Üldözötteinek Szövetsége et autres c. Hongrie, § 42).

3 En se fondant sur l’art. 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), la CEDH dans un arrêt dispose que .

(CEDH, 1er oct. 1982, Piersack C/ Belgique, requête n° 8692/79) C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, la doctrine a unanimement déduit une nature binaire à l’impartialité ; celle-ci est soit objective, soit subjective.

L’impartialité subjective renvoie au « for intérieur » du juge ; ainsi vérifier si l’impartialité subjective a été respectée revient à vérifier si le juge face à une situation donnée n’a pas volontairement défavorisé ou favorisé un plaideur en particulier.

-

En ce qui concerne le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 commande , également que l’affaire soit entendue par un .

Les notions d’ et d’ étant étroitement liées, la Cour les examine souvent ensemble (Kleyn et autres c. Pays-Bas [GC], § 192).

Le principe de l’égalité des citoyens devant la loi est un principe essentiel.

Il a d’ailleurs acquis valeur constitutionnelle, au regard de l’article 110 de la Constitution, qui dispose que .

Plus encore, elle serait même une selon l’Auteur Josserand - JOSSERAND (S.), L’impartialité du magistrat en procédure pénale, préf. J. FRANCILLON, Bibliothèques des sciences criminelles, LGDJ, Paris, 1998).

L’impartialité est donc un principe essentiel de notre système de justice.

En effet, elle permet d’assurer à tout individu qu’il sera jugé selon le principe du procès équitable (fair trial).

Elle est protégée au niveau interne et international.

La protection conventionnelle résulte de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et plus précisément de son art. 6§1.

4 La jurisprudence prend appui sur cet article pour définir l’impartialité de manière dichotomique, alors qu’il y aurait selon la Cour Européenne des droits de l’homme une impartialité objective et une impartialité subjective.

Sur ce point, l’arrêt attaqué, postule ce qui suit :

l’homme, "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle." En rapport avec l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’impartialité est à examiner tant d’un point de vue subjectif, que sous un aspect objectif. Dans le cadre de la démarche subjective, l’impartialité personnelle d’un magistrat se présume jusqu’à preuve du contraire (cf. arrêt CEHD du 15 décembre 2005, affaire Kyprianou c. Chypre, § 119). 5 En l’absence du moindre élément probant permettant de douter de l’impartialité subjective du magistrat ayant rendu le jugement déféré, le moyen d’impartialité n’est, au regard de son aspect subjectif, pas fondé. La Cour constate par ailleurs à cet égard, que les termes du jugement en cause ne sont de nature à laisser entrevoir un parti pris dans le chef du magistrat en charge du dossier. Quant à l’impartialité objective, il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables. Le simple fait qu’un juge ait déjà pris des décisions dans le cadre du même dossier, ne peut justifier en soi des appréhensions quant à son impartialité (cf.

arrêt CEDH du 22 avril 2010, affaire Chesne c. France, § 36 ; arrêt CEDH du 16 décembre 1992, affaire Sainte-Marie c. France, § 32). Le droit à un procès juste et équitable ne fait pas obstacle à ce que, dans les affaires relevant de la protection de la jeunesse, un même magistrat spécialisé, prenant en compte l’évolution du mineur et de son milieu, puisse intervenir à différents stades de la procédure. Il s’ensuit qu’une impartialité du tribunal de la jeunesse n’est pas non plus donnée au regard de son aspect objectif. Le moyen de nullité est par conséquent à rejeter ».

Cette formulation n’est pas satisfaisante au regard de la spécificité de la matière soumise à la Cour, et des preuves matérielles déposées par Monsieur PERSONNE1.).

Dans son for intérieur, Monsieur PERSONNE1.) estime que toutes ses demandées sont vouées à l’échec, alors qu’il est question de demander à l’auteur d’une décision de placement d’y mettre fin, laissant planer un très fort degré de parti pris, finalement de subjectivité.

Comment lui donner tort, alors que de manière strictement objective, les éléments essentiels du dossier ont été ignorés ? Quid du rapport du Docteur CHOUCROUN, et de son signalement ? Quid du rapport du SCAS ? Quid des plaintes pénales évoquées ci-avant, et qui ne semblent pas instruites ? 5 La fonction du juge de la Jeunesse n’est-elle pas de protéger l’enfant, et de s’assurer que l’ensemble des diligences soient assurées, comme le précise la loi 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse ? Il est indéniable que Monsieur PERSONNE1.) a effectivement présenté plusieurs demandes de mainlevées, mais force est d’admettre, que, systématiquement, le Magistrat ayant ordonné la mesure, s’est ab initio affranchi de tous les avis des intervenants extérieurs au dossier, confirmant les soupçons de Monsieur PERSONNE1.), à commencer par l’avis des gynécologues, de la police judiciaire, comme évoqué ci-avant.

L’arrêt attaqué a opté pour la même démarche en ne tenant aucun développement, en ne consacrant aucunes remarques sur les affaires pénales en cours, les signalements, et les rapports sociaux et médicaux.

Or, appréhender ces éléments s’avérait être essentiel, pour toiser l’affaire.

Il ne suffit pas d’évoquer l’intérêt supérieur de l’enfant, mais encore faut-il assurer l’effectivité d’un tel principe.

En l’espèce, il y a manifestement eu carence, dans les diligences accomplies, et force est d’admettre que l’arrêt attaqué n’a procédé à aucun contrôle.

Dans un esprit de ménager les droits de tous justiciables de pouvoir contester, et contrôler des mesures prises à leur égard, il est indéniable qu’il appartenait à un magistrat, autre que celui ayant pris la mesure initiale d’intervenir, ni plus, ni moins, afin d’écarter toute suspicion d’impartialité, et d’assurer l’effectivité d’un contrôle étendu et réel aux fins de se conformer aux prescriptions de la loi de 1992, précitée, mais surtout de l’article 6§1 de la CEDH.

Dans le même ordre d’idée, le demandeur en cassation, soumet à la Cour le syllogisme formulé par la Cour de Cassation française, qui a eu à censurer une décision intervenue dans un contexte similaire alors qu’un magistrat était intervenu de façon duale dans le processus d’une décision prise par une juridiction.

* Dans cet arrêt rendu par la Cour de Cassation française (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 juin 2022, 21-85.321, Publié au bulletin), un homme qui avait été mis en examen pour tentative de meurtre en récidive faisait l’objet d’un placement en détention provisoire.

Il demandait à la suite d’une prolongation de cette détention provisoire à être remis en liberté.

Le juge des libertés et de la détention s’opposant à cette demande de mise en liberté s’avérait être le même que celui qui avait mis en examen l’individu.

6 Il n’a pas obtenu gain de cause devant la Chambre de l’Instruction de ROUEN auprès de laquelle il arguait un manquement à l’impartialité objective.

Dès lors, il se posait la question suivante : un juge ayant exercé les fonctions de juge d’instruction dans un dossier peut-il ensuite exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention dans le même dossier et rejeter une demande de mise en liberté ? - dans le même ordre d’idées, un juge ordonnant le placement d’un enfant peut-il se prononcer, en toute objectivité sur une demande de mainlevée du placement ? -

Monsieur PERSONNE1.) fait ce questionnement, car il siérait à la Haute Cour de Céans, en sa qualité d’organe collégial et régulateur de permettre une application plus harmonieuse, à défaut d’organe collégial, pour assurer une défense des droits essentiels, garantissant l’assise d’un procès équitable.

Les juges de la Haute Cour française, dans cet arrêt du 28 juin 2022 cassent l’arrêt de la Chambre de l’Instruction de Rouen et disposent notamment que le juge d’instruction ayant mis en examen le requérant ne pouvait intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention dans ce même dossier.

En se fondant sur l’art. 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), la CEDH dans un arrêt Piersack dispose que .

Rappelons que la doctrine a unanimement déduit une nature binaire à l’impartialité ; celle-ci est soit objective, soit subjective.

L’impartialité subjective renvoie au du juge ; ainsi vérifier si l’impartialité subjective a été respectée revient à vérifier si le juge face à une situation donnée n’a pas volontairement défavorisé ou favorisé un plaideur en particulier.

Ainsi l’impartialité subjective se retrouve dans plusieurs situations. En voici quelques exemples. C’est notamment la situation où un juge qualifie la défense du prévenu .

Par ces propos, le juge montre que, dans , la décision est déjà prise et qu’il ne laissera même pas à la défense la possibilité d’être entendue.

Le principe d’impartialité est protégé par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen. Néanmoins cette protection n’est pas que conventionnelle.

7 L’impartialité se trouve aussi protégée au niveau interne, mais de manière indirecte, à travers le principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement.

Ainsi, un même juge ne pourra pas dans une même affaire être titulaire de la fonction de poursuite, d’instruction et de jugement.

Il ne pourra nécessairement être titulaire que de l’une de ces fonctions à peine de nullité de la décision de la juridiction qui n’est pas correctement composée.

C’est donc ce principe de séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement qui traduit le concept d’impartialité objective au niveau interne.

L’auteur Robert définit l’impartialité objective de la manière suivante :

.

- ROBERT (J.), DUFFAR (J.), Droit de l’homme et libertés fondamentales, Montchrestien, Paris, 8ème éd., 2009-

L’auteur Fourment précise : « Dans l’impartialité objective, on a égard aux apparences, aux rôles fonctionnels qu’un même magistrat a tenu successivement dans une même affaire ».

- François Fourment, professeur à l'université François-Rabelais de Tours, membre du CRDP-

Feu le Professeur Pradel explique cette recherche de l’impartialité objective par le fait que .

- Jean Pradel, agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université de Poitiers. Président de l'Association française de droit pénal et de la Société générale des prisons-

Les atteintes à cette impartialité objective sont abondantes en jurisprudence.

Il convient d’en donner quelques exemples.

Ainsi, peut être considérée comme portant atteinte à l’impartialité objective la situation où certains membres du Conseil d’État luxembourgeois exercent successivement des fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles à propos d’une même affaire (cela remet en cause l’impartialité structurelle de l’institution) ;

celle où un juge des libertés et de la détention s’est prononcé sur la détention provisoire d’une personne puis a ensuite fait partie de la juridiction qui devait juger la même personne selon la procédure de comparution immédiate.

8 Porte aussi atteinte à l’impartialité objective le magistrat qui a participé à un arrêt de la chambre d’accusation rendu sur la détention provisoire d’un inculpé renvoyé ultérieurement devant la cour d’assises.

En effet, il ne peut faire partie de cette juridiction, car il a nécessairement procédé à un examen préalable du fond.

Dans son arrêt rendu le 28 juin 2022, la Cour de Cassation vient ajouter un nouveau cas d’atteinte à l’impartialité objective.

En effet, elle dispose qu’un juge qui a apprécié l’existence d’indices graves ou concordants lors de la mise en examen d’un détenu ne peut plus, ensuite, intervenir en tant que juge des libertés et de la détention.

Cette position s’explique facilement au regard de la notion d’impartialité objective.

Assurément, le juge d’instruction peut mettre en examen l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ».

Le juge des libertés et de la détention, quant à lui, doit s’assurer, aux termes de la loi, de l’existence de ces indices lorsqu’il est appelé à se prononcer sur une mesure de sûreté.

Ainsi, le juge qui a été juge d’instruction et qui ensuite a été juge des libertés et de la détention dans la même affaire exerce deux fois le même contrôle.

Ce rôle successif du même juge porte atteinte au principe d’impartialité objective ou - a minima - crée une situation de crainte légitime quant à son impartialité.

Cette décision de la Cour de Cassation s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence européenne prenant appui sur l’adage du Lord Gordon Hewart : .

Le demandeur en cassation, estime que sa situation est à l’aune de ce que devrait lui offrir ce syllogisme plus protecteur des droits.

ALORS QUE l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme reconnaît à tout prévenu de pouvoir disposer d’un procès équitable, ce qui constitue une garantie essentielle des droits de la défense, ce procès équitable s’accompagne de l’égalité des armes, principe suivant lequel toutes les parties doivent être entendues en leurs observations tout au long des débats, 9 IL RESSORT CLAIREMENT EN L’ESPÈCE QU’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel, dans son arrêt attaqué, ne s’est pas assuré de la garantie d’un procès équitable.

Sur ce seul moyen, l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en l’ayant, d’une part, privé de son droit à un procès équitable faute d’avoir procédé à l’« examen effectif » des « développements liés aux affaires pénales en cours,[d]es signalements et [d]es rapports sociaux et médicaux » suite à des plaintes par lui déposées contre la défenderesse en cassation sub 1) et en ayant, d’autre part, méconnu le principe d’impartialité à son égard puisque lors de chaque procédure diligentée en première instance sur base de la loi sur la protection de la jeunesse, ses demandes avaient été examinées par le même juge de la jeunesse.

Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour de cassation peut avoir égard que le demandeur en cassation ait soulevé devant les juges d’appel, à l’appui de sa demande en mainlevée de la mesure de placement provisoire, des moyens tirés des « affaires pénales en cours, [d]es signalements et [d]es rapports sociaux et médicaux » dans des circonstances requérant réponse. Le moyen, en ce qu’il est tiré du défaut d’examen de ses arguments, est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable à cet égard.

Dans une matière évolutive telle que celle de l’examen du maintien ou de la mainlevée d’une mesure de garde provisoire, le principe de l’impartialité objective des juridictions ne s’oppose pas à ce que le même magistrat connaisse successivement du placement provisoire et du maintien de la mesure de placement provisoire ordonnée par rapport à un même enfant mineur. Il n’a pas, dans pareil cas, à statuer sur le bienfondé de la décision qu’il a antérieurement prise, mais il est appelé à se prononcer sur la question de savoir si le maintien de cette décision se justifie toujours eu égard à l’évolution des circonstances familiales.

Il s’ensuit que le moyen, tiré de l’exigence d’impartialité objective des juridictions inhérente à la disposition visée au moyen, n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « en violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sur le , et qui dispose que, 1.

Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

10 2.

Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui .

L’arrêt attaqué, postule ce qui suit, alors qu’il est avéré, que l’entièreté des faits n’est pas resituée dans cette affaire.

mainlevée) dans le droit au respect de la vie familiale de l’appelant répond aux critères de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’elle est prévue par la loi – ce qui n’est pas contesté – et qu’elle constitue une mesure nécessaire à la protection de la santé des enfants en cause et de leur développement, partant prise dans le respect de leur intérêt supérieur, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) (cf. aff. Vavřička et autres c. République tchèque : "il existe pour les États une obligation de placer l’intérêt supérieur de l’enfant, et également des enfants en tant que groupe, au centre de toutes les décisions touchant à leur santé et à leur développement" ».

Cette motivation est rendue dans un contexte induit par le fait que les faits gisant à la base de l’instance sont complètement erronés, et mis à la charge exclusive du père.

De ce fait, l’arrêt rendu, tout comme le jugement de première instance, prennent une dimension contre le père aux fins de sanctionner le fait que ce dernier ait déposé trois plaintes contre la mère de ses enfants, et procédé à des signalement, tout ceci en concordance avec la loi sur l’autorité parentale, comme exposé précédemment.

L’arrêt attaqué, précise que l’ingérence ainsi commise participe de l’intérêt supérieur de l’enfant, sans pour autant préciser dans quelle mesure.

Le libellé faisant office de motivation est à fortiori vicié alors que l’historique des faits est faux, sinon occulté.

Aucune jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne prévoit la perspective que le fait de dénoncer des abus sexuels, par voie de plainte pénale, ou de procéder à leur signalement, ceci en conformité avec la loi sur l’Autorité Parentale, ou la loi sur la protection de la jeunesse, serait constitutive d’une atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant.

La motivation utilisée par la Cour d’Appel, en l’espèce, est au demeurant courte et stéréotypée de sorte que le demandeur en cassation n’est même pas en mesure de comprendre jusqu’à quel degré, l’autorité judiciaire luxembourgeoise est en droit de le priver de ses enfants.

11 L’arrêt attaqué ne précise pas, qu’avant que les enfants du requérant ne soient placés, ces dernières étaient habituées à voir leur père, une semaine sur deux, et la moitié des congés usuels scolaires.

Les enfants étaient très attachés à leur père.

Le placement a donc constitué une mesure très difficile, d’autant plus qu’il est attaché avec de très fortes restrictions alors que Monsieur PERSONNE1.) n’est autorisé à voir ses filles que pendant UNE HEURE PAR MOIS.

Cette mesure est inhumaine, disproportionnée, et ne peut justifier aucune ingérence.

L’arrêt attaqué, en éludant les circonstances précises du placement, en choisissant de mettre en avant, exclusivement des éléments à charge contre le père, Monsieur PERSONNE1.) L’arrêt se garde bien de restituer l’avis de l’avocat nommé pour les enfants, et qui a précisé à l’audience ayant conduit à l’arrêt attaqué, que l’enfant PERSONNE3.) réclame son père, ni même l’avis de la mère qui confirme les attentes de l’enfant PERSONNE3.).

Les stipulations de l’arrêt attaqué, demeurent finalement très anecdotiques quand il s’agit de coïncider avec les faits réels de l’espèce.

In fine, le demandeur à l’instance, se voit confirmé dans la condamnation d’une substantielle indemnité de procédure, confirmant surtout la perspective résolument punitive du Tribunal de la Jeunesse : Monsieur PERSONNE1.) est puni, pour avoir entamé des démarches en vue de protéger ses enfants, ni plus, ni moins.

Cette façon de procéder est à caractériser comme une ingérence non prévue par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Il s’en suit que l’article 8 de la CEDH, est violé en l’espèce, dans toute sa substance.

Sur ce seul moyen, l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention »), en maintenant la mesure de garde provisoire à l’égard des enfants mineures.

Le droit aux relations personnelles entre les parents et leurs enfants relève du droit à la vie privée et familiale garanti par l’article 8, paragraphe 1, de la Convention.

La décision judiciaire qui aménage ce droit constitue une ingérence de l’autorité publique dans son exercice.

L’article 8, paragraphe 2, de la Convention admet une restriction aux droits garantis par le paragraphe 1 du même article, lorsque celle-ci est prévue par la loi, poursuit un ou plusieurs des buts légitimes y énumérés et est nécessaire, dans une société démocratique, pour les atteindre.

Dans le cadre d’une instance pendante devant le juge de la jeunesse, l’ingérence du juge dans les modalités d’exercice des relations personnelles entre les parents et leurs enfants est prévue par les dispositions de la loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse. Tant le principe que les modalités de l’ingérence de l’autorité publique résultant de l’intervention du juge se trouvent partant prévus par la loi.

Cette ingérence s’inscrit dans le cadre de la protection des droits et libertés d’autrui à travers la protection de l’intérêt supérieur des enfants et elle est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre ce but.

Les motifs invoqués par les juges d’appel sont pertinents et suffisants et démontrent que la mesure adoptée demeure proportionnée aux buts légitimes poursuivis. Les juges d’appel n’ont, partant, pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation sub 1) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation sub 1) une indemnité de procédure 2.500 euros ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation, les frais exposés par le Ministère public étant liquidés à 2,25 euros et, pour le surplus, en ordonne la distraction au profit de Maître Marisa ROBERTO, sur ses affirmations de droit.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Christian ENGEL et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public et PERSONNE2.) (CAS-2024-00157 du registre)

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Par déclaration faite le 20 décembre 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.), un recours en cassation contre un arrêt n°18/24 rendu le 21 novembre 2024 par la chambre d’appel de la jeunesse de la Cour Supérieure de Justice.

Cette déclaration du recours a été suivie en date du 20 janvier 2025 du dépôt au greffe de la Cour d’un mémoire en cassation signé par Maître Nour E. HELLAL, signifié au préalable, soit le 17 janvier 2025, à Maître Josiane EISCHEN, prise en sa qualité de mandataire des trois enfants mineurs, PERSONNE3.), née le DATE2.), PERSONNE5.), née le DATE3.), PERSONNE4.), née le DATE3.), ainsi qu’à leur mère, PERSONNE2.).

Aux termes de l’article 19 de la loi modifiée du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse, les dispositions concernant les poursuites en matière répressive sont applicables à toutes les procédures visées par cette loi, sauf les dérogations qu’elle établit.

En l’espèce, le pourvoi a été introduit dans le délai d’un mois prévu à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. De plus, la déclaration de recours a été faite auprès du greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, donc dans les formes prévues à l’article 417 du Code de procédure pénale.

Cette déclaration a été suivie du dépôt au greffe de la Cour Supérieure de Justice d’un mémoire en cassation endéans le délai d’un mois prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885.

Il s’en dégage que le pourvoi est recevable.

Un mémoire en réponse a été déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 17 février 2025, lequel a été signé par Maître Nathalie BORON, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Marisa ROBERTO, et signifié le 14 février 2025 à la partie demanderesse en cassationainsi qu’à Maître Josiane EISCHEN, prise en sa qualité de mandataire des mineures PERSONNE3.), PERSONNE5.) et PERSONNE4.).

Ce mémoire en réponse peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues par la loi modifiée du 18 février 1885.

Faits et rétroactes Par jugement rendu le 25 septembre 2024, le tribunal de la jeunesse près le tribunal d’arrondissement de Diekirch, a déclaré la demande en mainlevée de la mesure de garde provisoire introduite par PERSONNE1.) non fondée et a maintenu le placement des trois enfants mineurs PERSONNE3.), PERSONNE5.) et PERSONNE4.) auprès de leur mère, PERSONNE2.).

Sur appel formé par PERSONNE1.), la chambre d’appel de la jeunesse de la Cour Supérieure de Justice a, suivant arrêt n°18/24 rendu le 21 novembre 2024, déclaré l’appel de PERSONNE1.) recevable mais non fondé et confirmé le jugement entrepris.

Le présent pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la « violation de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, alors que ce moyen a été soulevé durant l’instance d’appel, en l’espèce le demandeur en cassation reproche à l’arrêt attaqué d’entériner une méthode de jugement ab initio, non équitable, et impartiale qui lui est de facto défavorable. » De prime abord s’impose le constat que le premier moyen de cassation, énoncé sous l’angle d’une violation de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, est présenté de manière particulièrement diffuse, sans rigueur formelle, ni articulation juridique claire.

Malgré sa formulation générale, la lecture du moyen, qui est énoncé sans subdivision apparente, permet, de l’avis de la soussignée, d’en dégager deux reproches distincts.

A) Par souci de clarté, il est proposé d’examiner successivement les deux axes de critique identifiée, à savoir, - en premier lieu, le reproche d’avoir méconnu les impératifs d’équité, pour avoir passé sous silence une grande partie des rétroactes de l’affaire, éludant de ce fait les caractéristiques essentielles du dossier et privant le demandeur en cassation, - tant au cours des débats de première instance qu’en instance d’appel -, de la possibilité d’exposer les éléments déterminants liés aux affaires pénales pendantes concernant les mineures PERSONNE3.), PERSONNE5.) et PERSONNE4.) (1) ;

- en second lieu, le reproche d’avoir méconnu le principe d’impartialité, pour avoir retenu que le juge ayant ordonné le placement aurait, en toute objectivité, pu se prononcer sur une demande en mainlevée du placement (2).

1) Quant au grief tiré du défaut d’équité Principalement :

Le premier grief fondé sur le défaut d’équité n’est pas mentionné dans l’arrêt attaqué et il ne résulte d’aucun autre élément du dossier auquel votre Cour peut avoir égard, que ce grief ait effectivement été évoqué lors des débats en appel.

Le demandeur en cassation admet d’ailleurs lui-même cette carence, tout en laissant cependant entrevoir qu’il aurait été empêché de débattre des éléments importants se rapportant aux affaires pénales en cours concernant ses trois filles mineures. Ainsi affirme-t-il dans le cadre de son pourvoi que, « au cours des débats ayant conduit au jugement de première instance, et à l’arrêt attaqué, le demandeur en cassation, Monsieur PERSONNE1.), s’est vu privé de la possibilité de mettre en avant les développements liés aux affaires pénales ci-avant évoquées ; notices pénales portant les numéros […].

L’arrêt attaqué n’évoque pas ces dossiers.

Quid des signalements et rapports médicaux dans ces affaires ? rien dans ces dossiers n’a été évoqué au cours de l’audience, et l’arrêt attaqué n’en dit mot. »1 La soussignée considère qu’en l’absence d’élément tangible permettant à Votre Cour de constater que le grief tiré du défaut d’équité ait été présenté en instance d’appel, il doit être tenu pour nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le grief tiré du défaut d’équité est irrecevable.

Subsidiairement :

A supposer même que ce grief soit à considérer comme étant recevable, il est de jurisprudence constante que les juges du fond ne sont pas tenus d’analyser chaque pièce et de répondre à chaque argument invoqué par les parties.

Sous le couvert du grief tiré du défaut d’équité fondé sur la critique que les faits et rétroactes de l’affaire n’auraient pas été pris en compte de manière exhaustive et reproduits fidèlement, ce premier volet du premier moyen de cassation ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des faits et éléments de preuve leur soumis qui les ont amenés à confirmer le jugement entrepris et donc rejeter la demande de PERSONNE1.) en mainlevée de la mesure de garde provisoire à l’égard de ses trois filles mineures. Or, cette 1 cf. pourvoi en cassation, page 12, paragraphe 8 et ss.appréciation relève du pouvoir souverain des magistrats d’appel et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le grief tiré du défaut d’équité ne saurait être accueilli.

2) Quant au grief tiré du défaut d’impartialité Principalement :

Le second grief tiré du défaut d’impartialité du juge a été explicitement soulevé durant l’instance d’appel, et l’arrêt entrepris y livre une réponse motivée.

Par ce grief le demandeur en cassation se limite à réitérer, en instance de cassation, le moyen de nullité qu’il avait déjà développé devant la Cour d’appel.

La critique qu’il formule à l’égard des motifs de la décision des juges d’appel de rejeter ce moyen consiste, en substance, à affirmer que la réponse de la Cour d’appel, « n’est pas satisfaisante au regard de la spécificité de la matière soumise à la Cour et des preuves matérielles déposées par Monsieur PERSONNE1.) ».2 Dans la mesure où ce second grief se limite à reprocher à la Cour d’appel de s’être livré à un raisonnement insatisfaisant en réponse au moyen de nullité soulevé en appel par le demandeur en cassation, ce dernier reste en défaut de formuler une critique utile à l’égard des motifs de la décision des juges d’appel d’avoir rejeté ce même moyen en instance d’appel.

Or, dès lors que le recours en cassation est une voie de recours extraordinaire et non une troisième instance, un moyen ne critiquant pas juridiquement les motifs de l’arrêt attaqué est à écarter.

Il s’ensuit que le grief tiré du défaut d’impartialité, en ce qu’il ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, est irrecevable.3 Subsidiairement :

A titre subsidiaire, à supposer que ce grief soit à considérer comme recevable, il y a lieu de retenir qu’il ne tend cependant qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine des juges du fond les ayant amenés à retenir que les faits et éléments de preuve leurs soumis n’étaient pas de nature à faire naître un doute quant à l’impartialité du juge, tant d’un point de vue subjectif qu’objectif.

Le grief tiré du défaut d’impartialité ne saurait être accueilli.

En définitive il y a donc lieu de relever que le premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, lu dans son ensemble, -

2 cf. pourvoi en cassation, page 14, paragraphe 7 3 voir en ce sens, Cour de cassation, 31 octobre 2019, n°135/2019 pénal, Numéro 4075 du registre (dix-septième moyen de cassation)qu’il soit analysé sous l’angle du défaut d’équité ou du défaut d’impartialité du juge -, doit être rejeté, étant principalement irrecevable, et subsidiairement ne saurait être accueilli.

B) Finalement la soussignée entend encore remarquer qu’au lieu de subdiviser le premier moyen de cassation en deux volets distincts et d’en faire une analyse séquencée, il est tout aussi bien possible de considérer que les reproches formulés de manière éparse et désordonnée procèdent cependant d’une critique globale formulée autour du grief unique tiré de l’impartialité du juge.

Principalement :

Ainsi compris le moyen ne présente pas un caractère nouveau, alors qu’en instance d’appel le moyen de nullité tiré de l’impartialité du juge avait déjà été soulevé.

Tel qu’exposé plus haut, ce moyen se borne toutefois à réitérer le moyen de nullité déjà soumis aux magistrats d’appel, sans cependant formuler une critique juridique précise par rapport aux motifs retenus par les juges d’appel. (La soussignée renvoie sur ce point à ses développements sub 2), principalement.) Partant, faute d’avoir formulé une critique utile à l’égard des motifs retenus à l’appui de la décision des juges d’appel, le moyen est à déclarer irrecevable pour défaut de précision.

Subsidiairement :

Il peut être constaté que les juges d’appel ont répondu à ce moyen de nullité déjà présenté en appel que, « Quant à la demande en annulation du jugement entrepris Aux termes de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » En rapport avec l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’impartialité est à examiner tant d’un point de vue subjectif, que sous un aspect objectif.

Dans le cadre de la démarche subjective, l’impartialité personnelle d’un magistrat se présume jusqu’à preuve du contraire (cf. arrêt CEHD du 15 décembre 2005, affaire Kyprianou c.

Chypre, § 119).

En l’absence du moindre élément probant permettant de douter de l’impartialité subjective du magistrat ayant rendu le jugement déféré, le moyen d’impartialité n’est, au regard de son aspect subjectif, pas fondé.

La Cour constate par ailleurs à cet égard, que les termes du jugement en cause ne sont de nature à laisser entrevoir un parti pris dans le chef du magistrat en charge du dossier.

Quant à l’impartialité objective, il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables.

19 Le simple fait qu’un juge ait déjà pris des décisions dans le cadre du même dossier, ne peut justifier en soi des appréhensions quant à son impartialité (cf. arrêt CEDH du 22 avril 2010, affaire Chesne c. France, § 36 ; arrêt CEDH du 16 décembre 1992, affaire Sainte-Marie c.

France, § 32).

Le droit à un procès juste et équitable ne fait pas obstacle à ce que, dans les affaires relevant de la protection de la jeunesse, un même magistrat spécialisé, prenant en compte l’évolution du mineur et de son milieu, puisse intervenir à différents stades de la procédure.

Il s’ensuit qu’une impartialité du tribunal de la jeunesse n’est pas non plus donnée au regard de son aspect objectif.

Le moyen de nullité est par conséquent à rejeter. »4 Il résulte de la motivation ci-avant reproduite que les juges d’appel ont souverainement apprécié les faits et éléments de preuve leurs soumis pour conclure que le moyen de nullité tiré du défaut d’impartialité du juge n’est fondé ni au regard de son aspect subjectif, ni au regard de son aspect objectif.

Dès lors, sous le couvert du grief de la violation de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation de la Cour d’appel consistant dans le constat que l’impartialité du tribunal de la jeunesse n’était, dans le présent dossier, à mettre en doute ni d’un point de vue objectif ni d’un point de vue subjectif, appréciation qui relève cependant du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la Cour de cassation.(voir également, les développements ci-dessus sub 2), subsidiairement) Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Tiré de « la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, sur le « droit au respect de la vie privée et familiale » Le demandeur en cassation reproche, en substance, à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé une mesure de placement sans cependant préciser dans quelle mesure l’ingérence dans la vie familiale ainsi opérée constituerait une mesure de protection nécessaire au titre de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il reproche par ailleurs aux magistrats d’appel d’avoir fondé leur motivation sur des faits erronés, sinon occultés.

En l’occurrence, les juges d’appel, après avoir conclu que, « […] au stade actuel du dossier, le maintien de la mesure de garde provisoire s’avère nécessaire pour préserver la santé physique et mentale des mineures et ne pas compromettre leur développement social et moral. » 4 cf. arrêt entrepris, pages 4 et 5ont précisé par rapport à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme que, « Par ailleurs, cette ingérence dans le droit au respect de la vie familiale de l’appelant répond aux critères de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’elle est prévue par la loi – ce qui n’est pas contesté – et qu’elle constitue une mesure nécessaire à la protection de la santé des enfants en cause et de leur développement, partant prise dans le respect de leur intérêt supérieur, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) (cf. aff. Vavřička et autres c. République tchèque : « il existe pour les États une obligation de placer l’intérêt supérieur de l’enfant, et également des enfants en tant que groupe, au centre de toutes les décisions touchant à leur santé et à leur développement »). »5 Par cette appréciation les juges d’appel se sont livrés à une évaluation souveraine des circonstances de la cause et notamment de la nécessité du maintien du placement provisoire des mineures auprès de leur mère aux fins de leur protection. Cette appréciation se faisant in concreto, sur base des éléments factuels du dossier, elle relève du pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond et échappe au contrôle de Votre Cour. 6 Il s’ensuit que le second moyen de cassation ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Anita Lecuit 5 cf. arrêt entrepris, page 6 paragraphe 8 6 voir en ce sens, Cour de cassation, 27 avril 2023, n°43/2023 pénal, Numéro CAS-2022-00053 du registre (deuxième moyen) ; Cour de cassation, 15 octobre 2020, n° 128/2020, Numéro CAS-2019-00119 du registre (troisième et quatrième moyen de cassation).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 110/25
Date de la décision : 19/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-06-19;110.25 ?

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