N° 108 / 2025 du 19.06.2025 Numéro CAS-2025-00004 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq.
Composition :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Laure STACHNIK, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et 1) PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître François KAUFFMAN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, défendeur en cassation.
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Vu l’arrêt attaqué numéro 102/24-VIII-TRAV rendu le 21 novembre 2024 sous le numéro CAL-2022-01054 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 20 décembre 2024 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à PERSONNE1.) et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après « l’ETAT »), déposé le 6 janvier 2025 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Ecartant le mémoire en réponse signifié le 27 janvier 2025 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 3 février 2025 au greffe de la Cour, pour ne pas avoir été signifié à l’ETAT ;
Sur les conclusions de l’avocat général Bob PIRON.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette avait constaté la cessation du contrat de travail du défendeur en cassation au jour de la notification de la mise à pied, avait déclaré celle-ci justifiée et avait débouté le défendeur en cassation de ses demandes en indemnisation des préjudices matériel et moral.
La Cour d’appel, par réformation, a retenu que la mise à pied était irrégulière et a condamné la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation certains montants à titre de réparation des préjudices matériel et moral.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 402 du Nouveau Code de procédure civil, de l’article 58 du Nouveau Code de procédure Civile et de l’article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales en ce que la Cour d’Appel a déclaré :
- d’une part irrégulière la mise à pied de Monsieur PERSONNE1.) intervenue le 8 décembre 2020 en écartant l’attestation testimoniale de Monsieur PERSONNE2.) des débats, et ce nonobstant la constatation que l’attestation testimoniale sur laquelle repose la preuve des motifs de la mise à pied a été rédigée par un témoin qui a certes enregistré les propos tenus par Monsieur PERSONNE1.) mais les a lui-même entendus au moment où ils ont été prononcés, circonstances qui sont de nature à attribuer à ce moyen de preuve un caractère licite au sens de la loi et de la jurisprudence ;
- d’autre part a, par conséquent, déclaré que la société SOCIETE1.) ne rapportait pas la preuve du caractère réel et sérieux des motifs de la mise à pied ;
au motif que le fait d’invoquer une atteinte à la protection de la vie privée sur base de l’enregistrement effectué d’une conversation d’un salarié à son insu et d’une attestation testimoniale en découlant constitue un élément de preuve illicite alors que l’enregistrement est un procédé déloyal et que l’attestation testimoniale doit être écartée et ce, sans autre élément et sans même tenir compte du fait que le témoin a lui-même entendu la conversation par le bais d’un téléphone mal raccroché ;
alors que la Cour d’Appel a relevé que le témoin Monsieur PERSONNE2.) a bien entendu la conversation tenue par Monsieur PERSONNE1.) au sujet de sa responsable, objet de la mise à pied ;
que l’article 402 du Nouveau code de procédure civile dispose :
l’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constaté » ;
que l’article 58 du Nouveau code de procédure civile dispose :
à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions » ;
que l’article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales dispose ;
que la Cour d’Appel a donc manifestement violé les articles 402 du Nouveau code de procédure civile, l’article 58 du Nouveau code de procédure civile ainsi que l’article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales en écartant cette attestation testimoniale parfaitement licite, et ce en omettant de tenir compte du fait que le témoin certificateur a lui-même entendu la conversation relatée dans son attestation testimoniale. ».
Réponse de la Cour Il résulte de la discussion consacrée au moyen qu’il est divisé en deux branches.
Sur la première branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 402 du Nouveau Code de procédure civile pour avoir écarté des débats une attestation testimoniale répondant aux exigences de l’article précité, en ayant omis de tenir compte du fait que le témoin avait personnellement entendu la conversation faisant l’objet de l’attestation testimoniale.
Il résulte de l’arrêt attaqué que l’attestation testimoniale consiste en une retranscription des paroles du défendeur en cassation sub 1) opérée à partir d’un enregistrement vocal que les juges d’appel ont écarté au titre des moyens de preuve pour avoir été obtenu illégalement.
Les juges d’appel ont, par la suite, écarté l’attestation testimoniale des débats pour ne comporter qu’une retranscription de cet enregistrement déclaré illicite.
En l’état de ces constatations, ils n’avaient pas à vérifier si le témoin avait personnellement entendu la conversation faisant l’objet de l’attestation testimoniale.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, est inopérant.
Sur la seconde branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile et l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-
après « la Convention ») pour avoir écarté une attestation testimoniale licite et recevable et l’avoir ainsi privé de son droit de présenter sa cause et de rapporter la preuve d’un élément de fait essentiel.
L’article 6 de la Convention garantit le droit à un procès équitable. Il ne réglemente pas l’admissibilité des preuves en tant que telles, matière qui relève au premier chef du droit interne.
Il résulte de la réponse donnée à la première branche du moyen que l’attestation testimoniale a été écartée au motif qu’elle retranscrit le contenu d’une preuve obtenue illégalement. En l’état de ces constatations, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées au moyen.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.
Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi que de l’article 58 du Nouveau code de procédure civil et de l’article 6 alinéa 1 de la convention européenne des droits de l’homme en ce que la Cour d’appel a déclaré :
- d’une part irrégulière la mise à pied de Monsieur PERSONNE1.) intervenue le 8 décembre 2020 en écartant l’attestation testimoniale des débats et ce nonobstant la constatation que l’attestation testimoniale sur laquelle repose la preuve des motifs de la mise à pied a été rédigée par un témoin qui a certes enregistré les propos tenus par Monsieur PERSONNE1.) mais les a lui-même entendu au moment où ils ont été prononcés, circonstances qui sont de nature à attribuer à ce moyen de preuve un caractère légal et loyal au sens de la loi et de la jurisprudence ;
- d’autre part a par conséquent déclaré que la société SOCIETE1.) ne rapportait pas la preuve du caractère réel et sérieux des motifs de la mise à pied ;
au motif qu’il appartient aux juridictions par le concept de vie privée et de mesurer la force avec laquelle ils contrebalancent les droits concurrents des agents juridiques accusés d’y avoir porté atteinte » ;
alors qu’elle a rappelé elle-même ce principe général du droit sans vérifier si l’attestation testimoniale litigieuse est un moyen de preuve portant atteinte au caractère équitable du procès dans son ensemble alors qu’elle s’est contentée de faire état du droit au respect de la vie privée du salarié sans contrôler le droit à la preuve pour la demanderesse en cassation ;
et ce d’autant plus que l’employeur ne disposait que de cette seule attestation pour rapporter la preuve de la réalité des motifs de la mise à pied ;
qu’en outre la Cour d’Appel s’est fondée sur des déductions aléatoires pour rejeter l’attestation testimoniale ;
de sorte qu’en déclarant la mise à pied irrégulière sur base du rejet de l’attestation testimoniale sans même contrôler la manière dont cette preuve a été recueillie et sans même vérifier le droit à la preuve dans le chef de l’employeur pour rapporter la réalité des motifs de la mise à pied, la Cour d’Appel a manifestement violé les dispositions précitées. ».
Réponse de la Cour Il résulte de la discussion consacrée au moyen qu’il est divisé en deux branches.
Sur la première branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 89 de la Constitution et l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile pour avoir déclaré irrégulière la mise à pied en écartant des débats une attestation testimoniale sans « vérifier le droit à la preuve dans le chef de l’employeur pour rapporter la réalité des motifs de la mise à pied ».
A l’article 89 de la Constitution invoqué à l’appui du moyen, il y a lieu de substituer l’article 109 de la Constitution dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2023, partant au jour du prononcé de l’arrêt attaqué.
Vu l’article 109 de la Constitution, ensemble l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile.
Dans le cadre de l’examen de l’admissibilité de l’attestation testimoniale au regard du respect de la vie privée, les juges d’appel ont retenu, d’une part, « Il est rappelé qu’il incombe à l’employeur de prouver la réalité et la gravité des griefs formulés à l’appui de la mise à pied. » et, d’autre part, « C’est aux juridictions qu’il appartient d’identifier les biens protégés par le concept de vie privée et de mesurer la force avec laquelle ils contrebalancent les droits concurrents des agents juridiques accusés d’y avoir porté atteinte. ».
L’article 6 de la Convention garantit le droit à un procès équitable. Il ne réglemente pas l’admissibilité des preuves en tant que telles, matière qui relève au premier chef du droit interne. Le caractère équitable de la procédure s’apprécie au vu de la procédure dans son ensemble et notamment de la manière dont les preuves ont été administrées. L’obligation de prouver prévue à l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile comporte, au titre de l’équité et de l’égalité des armes, un droit à la preuve au profit de celui qui en a la charge.
L’article 8 de la Convention, quant à lui, garantit le droit au respect de la vie privée et s’oppose, en principe, à l’admissibilité de preuves obtenues en violation de ce droit.
En omettant de motiver leur décision quant à la mise en balance de ces droits concurrents à la preuve et au respect de la vie privée, les juges d’appel ont violé les dispositions visées au moyen.
Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.
Sur la seconde branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile et l’article 6, paragraphe 1, de la Convention en ayant rejeté l’attestation testimoniale au motif qu’elle serait tirée d’un enregistrement déloyal, la privant ainsi de son droit de présenter sa cause et de rapporter la preuve d’un élément de fait essentiel.
Au vu de la réponse donnée à la première branche du moyen, la seconde branche du moyen est sans objet.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 3.000 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué numéro 102/24-VIII-TRAV rendu le 21 novembre 2024 sous le numéro CAL-2022-01054 du rôle par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé, et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;
condamne le défendeur en cassation sub 1) à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 3.000 euros ;
le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Laure STACHNIK, sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Christian ENGEL et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), contre PERSONNE1.), en présence de l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, (CAS-2025-00004 du registre) Par mémoire déposé au greffe de la Cour supérieure de justice du Grand-Duché de Luxembourg le 6 janvier 2025, la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), a introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu le 21 novembre 2024, portant le numéro N°102/24 - VIII - TRAV, réputé contradictoire à l’encontre de l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’Emploi et contradictoire à l’égard des autres parties, par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail.
La demanderesse en cassation a fait signifier son mémoire, signé par un avocat à la Cour, le 20 décembre 2024 aux parties défenderesses en cassation, antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans le délai1 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Maître François KAUFMAN, avocat à la Cour, en sa qualité de mandataire de PERSONNE1.), a fait signifier le 27 janvier 2025, à la partie demanderesse en cassation un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 3 février 2025.
1 Il ressort de l’acte de notification de l’arrêt dont pourvoi, versé au dossier, que la décision attaquée a été signifiée le 18 décembre 2024.
Faits et rétroactes PERSONNE1.) a été engagé comme responsable commercial par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) suivant contrat de travail à durée indéterminée du 11 février 2008.
Par avenant au contrat de travail datant du 1er décembre 2016, PERSONNE1.) a été promu au poste de directeur commercial.
Depuis 2019, PERSONNE1.) était membre suppléant de la délégation du personnel au sein de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.).
Par courrier recommandé du 8 décembre 2020, PERSONNE1.) a fait l’objet d’une mise à pied avec effet immédiat.
La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) a reproché à PERSONNE1.) qu’il aurait, le 4 décembre 2020, dénigré la responsable de l’entreprise en présence de son collègue de travail PERSONNE3.), le dénigrement en question ayant pu être entendu par la responsable concernée ainsi que par le témoin PERSONNE2.), étant donné qu’une communication téléphonique antérieure avec PERSONNE1.) n’aurait pas été correctement interrompue par ce dernier.
L’entretien entre PERSONNE1.) et son collègue PERSONNE3.), lors duquel le premier aurait dénigré son employeur, a en outre fait l’objet d’un enregistrement.
Par requête déposée le 9 février 2021, PERSONNE1.) a fait convoquer la société SOCIETE1.), ainsi que l’ETAT du GRAND-DUCHE DE Luxembourg, pris en sa qualité de gestionnaire de l’Agence pour le développement de l’emploi (ci-après l’ETAT), devant le tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, afin de voir constater, sur base de l’article L. 415-10 du Code du travail, la résiliation de son contrat de travail avec effet à la date de notification de la mise à pied, ainsi que le caractère abusif de ladite mise à pied, estimant que les faits lui reprochés par l’employeur ne constituent pas des motifs précis, réels et sérieux et en faisant valoir des revendications indemnitaires envers la société SOCIETE1.).
Par jugement du 19 septembre 2022, le tribunal de travail d’Esch-sur-Alzette a décidé que la mise à pied du 8 décembre 2020 était justifiée au motif que la partie défenderesse avait rapporté le preuve par attestation testimoniale que le requérant avait employé des termes dégradants et humiliants au sujet de la responsable de l’entreprise, fait de nature à rompre à lui seul la confiance que l’employeur doit nécessairement avoir dans son personnel et le tribunal a débouté PERSONNE1.) de ses demandes en indemnisation des préjudices matériel et moral ainsi qu’en paiement d’une indemnité de procédure.
Par exploit d’huissier de justice du 28 octobre 2022, PERSONNE1.) a régulièrement relevé appel du jugement du 19 septembre 2022, qui lui a été notifié le 23 septembre 2022.
L’arrêt entrepris a dit fondé l’appel interjeté par PERSONNE1.) et a retenu, par réformation du jugement du tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette du 19 septembre 2022, que la mise à pied avec effet immédiat du 9 décembre 2020 de PERSONNE1.) n’était pas justifiée, partant irrégulière pour ne pas être basée sur des motifs réels et sérieux.
L’arrêt a encore dit fondée la demande en indemnisation de PERSONNE1.) pour le montant de 42.433,35 euros au titre de réparation du préjudice matériel et pour le montant de 1.500 euros au titre de réparation du préjudice moral et a en outre condamné la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) à payer à PERSONNE1.) une indemnité de procédure de 1.000 euros pour la première instance et de 1.500 euros pour l’instance d’appel.
Sur le premier moyen de cassation La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la loi, plus particulièrement l’article 402 du Nouveau Code de procédure civile, l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile et l’article 6, alinéa 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel aurait écarté des débats l’attestation testimoniale de PERSONNE2.), en omettant de tenir compte d’un fait que le témoin aurait personnellement constaté les faits relatés (première branche) et en privant la demanderesse en cassation de son droit de présenter sa cause et de faire la preuve d’un élément de fait essentiel (deuxième branche).
Le premier moyen de cassation pris en sa première branche L’article 402 du Nouveau Code de procédure civile dispose ce qui suit :
« L'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés.
Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.
Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.
L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.
L'attestation peut également être reçue en brevet par un notaire ».
Aux termes de son attestation testimoniale, PERSONNE2.) situe le contexte des faits dont il témoigne et précise ensuite que l’actuel défendeur en cassation a parlé à son collègue au sujet de Madame PERSONNE4.) « en des termes grossiers et diffamants », en poursuivant son attestation dans les termes suivants : « j’écris une transcription de l’enregistrement ».
Le récit détaillé des faits repris dans l’attestation testimoniale en question constitue ainsi une reproduction des paroles prononcées par PERSONNE1.) lors d’un échange qu’il a eu avec PERSONNE3.), échange qui a été écouté fortuitement par l’auteur de l’attestation, potentiellement en raison d’une erreur de manipulation d’un téléphone, laquelle aurait en outre permis la réalisation d’un enregistrement sonore réalisé à l’insu de PERSONNE1.).
L’attestation en question ne constitue dès lors pas une relation des faits personnellement constatés par son auteur, dont les éléments fournis auraient été puisés dans la mémoire de ce dernier mais son contenu est tiré d’un enregistrement sonore réalisé sans l’accord de la personne enregistrée et retranscrit par l’auteur de l’attestation litigieuse.
Les magistrats ont à juste titre analysé l’admissibilité de l’attestation testimoniale sous l’angle de sa conformité au droit au respect de la vie privée de PERSONNE1.) et au regard de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a retenu que le respect de la vie privée et de la confidentialité des communications continue à s’imposer aux activités professionnelles et commerciales, même si ces dernières peuvent être limitées dans la mesure du nécessaire2.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme a plus particulièrement retenu que les communications émanant de locaux professionnels peuvent aussi se trouver comprises dans les notions de « Vie privée » et de « Correspondance » visées à l’article 8 (CEDH, 5 septembre 2017, Barbulescu c/ Roumanie, n°61496/08, § 73) et a reconnu qu’un salarié pouvait raisonnablement croire au caractère privé des appels téléphoniques non professionnels (CEDH, 22 février 2018, Libert c. France, n°588/13, § 23).
La Cour de cassation française a décidé que l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue3.
L’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée érige en délit l’atteinte à l’intimité de la vie privée commise notamment par le fait d’écouter ou de faire écouter, d’enregistrer ou de faire enregistrer, de transmettre ou de faire transmettre, au moyen d’un appareil quelconque, des paroles prononcées en privé par une personne, sans le consentement de celle-ci.
En tenant compte de ces considérations, l’arrêt entrepris a relevé à bon droit que le fait que l’interlocuteur écouté soit informé ou non de l’écoute ou de l’enregistrement de ses déclarations constitue un élément essentiel pour déterminer si oui ou non il y a violation du respect à la vie privée et a retenu que l’enregistrement litigieux, réalisé sans le consentement et à l’insu de PERSONNE1.), constitue un procédé déloyal et a été fait en violation du respect à la vie privée.
C’est partant à bon droit que les magistrats d’appel ont retenu que l’attestation litigieuse ne constituait qu’une retranscription d’un enregistrement constitutif d’un procédé déloyal et devait ainsi être écarté pour constituer un élément de preuve illicite attentatoire au droit au respect de la vie privée.
Il peut encore être relevé que dans la mesure où l’attestation testimoniale constitue une simple retranscription de l’enregistrement litigieux, elle n’est pas constitutive d’une relation des faits que son auteur a personnellement constatés, pour ne pas contenir une relation des faits puisée dans la mémoire de ce dernier.
La Cour a pour le moins implicitement tiré cette conclusion en ce qu’elle a relevé que « étant donné qu’après avoir écouté l’enregistrement litigieux et l’avoir fidèlement retranscrit dans le cadre de la susdite attestation, il [PERSONNE2.)] ne puiserait (…) non dans les souvenirs ayant 2 Guide sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, n°119:
file:///C:/Users/uoa867/Downloads/Guide_Art_8_FRE.pdf.
3 Cour de cassation, 2ème chambre civile, 7 octobre 2004, Pourvoi n° 03-12.653.
leur source dans la conversation qu’il a entendue le 4 décembre 2020, mais dans ceux trouvant leur source dans l’écoute de l’enregistrement litigieux, de sorte à constituer un moyen de preuve illégal ».
Il convient par ailleurs de noter que l’écoute et l’enregistrement, au moyen d’un téléphone mal raccroché, partant à l’insu de PERSONNE1.) et sans le consentement de ce dernier, de la conversation pouvant être qualifiée de privée, en ce sens que son contenu n’était à aucun moment destiné à être diffusé au-delà du seul échange entre PERSONNE1.) et PERSONNE3.), constituent une infraction à l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée.
Tout enseignement tiré par PERSONNE2.) de cette écoute constitue partant une preuve illégale.
La Cour a ainsi à bon droit écarté l’attestation testimoniale pour constituer une retranscription d’un enregistrement constitutif d’un procédé déloyal.
Même si on considérait que le passage de l’attestation litigieuse, aux termes duquel PERSONNE2.) a indiqué que PERSONNE1.) a parlé à son collègue au sujet de Madame PERSONNE4.) « en des termes grossiers et diffamants » constituerait un constat personnel, non puisé dans l’enregistrement litigieux, il n’en demeure pas moins qu’il résulte toujours d’une écoute réalisée en méconnaissance de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée et serait partant à écarter comme résultant d’un procédé déloyal.
Le moyen n’est partant pas fondé.
Le premier moyen de cassation pris en sa deuxième branche Le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme implique que toute personne a le droit que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Ce droit implique celui pour toute personne de pouvoir raisonnablement présenter sa cause et de faire la preuve d’un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions.
La Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel. L’admissibilité des preuves et leur appréciation relèvent en principe du droit interne et des juridictions nationales.
Il en va de même de la force probante et de la charge de la preuve4.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme n’a donc pas à se prononcer, par principe, sur l’admissibilité de certaines sortes d’éléments de preuve, par exemple des éléments obtenus de manière illégale au regard du droit interne. Elle doit examiner si la procédure, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, a été équitable dans son ensemble, ce qui implique l’examen de l’illégalité en question et, dans le cas où se trouve en cause la violation d’un autre droit protégé par la Convention, de la nature de cette violation5.
4 Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un procès équitable, (volet civil), n°450: https://ks.echr.coe.int/documents/d/echr-ks/guide_art_6_civil_fre.
5 Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un procès équitable, (volet civil), n°452.
Dans cet arrêt López Ribalda et autres c. Espagne du 17 octobre 2019, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a posé les critères pour déterminer si l’utilisation comme preuves d’informations obtenues au mépris de l’article 8 de la Convention, ou en violation du droit interne, rendait le procès civil inéquitable. Pour déterminer si l’utilisation comme preuves d’informations obtenues au mépris de l’article 8 ou en violation du droit interne a privé le procès du caractère équitable voulu par l’article 6, il faut prendre en compte toutes les circonstances de la cause et se demander en particulier si les droits de la défense ont été respectés et quelles sont la qualité et l’importance des éléments en question (§§ 151-152 de l’arrêt en question).
Les magistrats d’appel, en écartant l’attestation testimoniale après avoir conclu qu’elle résulte d’un procédé déloyal et a été faite en violation du respect à la vie privée consacré par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, n’ont pas privé l’actuelle demanderesse en cassation de faire la preuve d’un élément de fait essentiel mais ont écarté une preuve pour son illégalité causée par la violation d’un autre droit protégé par la Convention.
L’arrêt entrepris n’a partant ni violé l’article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, ni l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile, en vertu duquel chaque partie doit prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Le moyen n’est partant pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation La demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel un défaut de motivation en ce qu’ils auraient écarté l’attestation testimoniale litigieuse au motif qu’elle est tirée d’un enregistrement constituant un moyen de preuve déloyal sans même apprécier le droit à la preuve de l’employeur (première branche) ainsi qu’une violation de la loi, plus particulièrement de l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 6, alinéa 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel, quand-bien même que l’attestation testimoniale aurait été irrecevable au sens de l’article 402 du Nouveau Code de procédure civile, n’aurait pas pu rejeter cette attestation au seul motif qu’elle serait tirée d’un enregistrement déloyal (deuxième branche).
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi précitée du 18 février 1885, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.
Le deuxième moyen de cassation articule des cas d’ouverture distincts, en reprochant aux juges d’appel un défaut de motivation et une violation de la loi, de telle sorte que le deuxième moyen est à déclarer irrecevable pour être un moyen complexe.
Le deuxième moyen est irrecevable.
En ordre subsidiaire :
Le deuxième moyen de cassation pris en sa première branche L’article 249, alinéa premier, du Nouveau Code de procédure civile sanctionne l’absence de motifs.
Il concerne la régularité formelle et en particulier l’obligation de motiver les jugements qui s’applique également aux arrêts rendus par la Cour d’appel.
La violation de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile vise uniquement le défaut de motivation au sens de l’absence totale de motivation qui est un vice de forme.
Ainsi le jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré.
Il se déduit de la formulation du moyen que la demanderesse en cassation reproche à la juridiction d’appel d’avoir écarté l’attestation testimoniale litigieuse au motif qu’elle est tirée d’un enregistrement constituant un moyen de preuve déloyal « sans même apprécier le droit à la preuve de l’employeur. » L’arrêt entrepris a notamment retenu ce qui suit :
« Il est rappelé qu'il incombe à l'employeur de prouver la réalité et la gravité des griefs formulés à l’appui de la mise à pied.
Il ressort non seulement des conclusions de la société SOCIETE1.), mais encore de l’attestation testimoniale de PERSONNE2.), que cette attestation est la retranscription de l’enregistrement réalisé à l’aide d’un téléphone portable des propos litigieux tenus par PERSONNE1.) en date du 4 décembre 2020.
Il y a dès lors lieu d’examiner de prime abord l’admissibilité de cette attestation testimoniale au regard du respect de la vie privée.
(…) C’est aux juridictions qu’il appartient d’identifier les biens protégés par le concept de vie privée et de mesurer la force avec laquelle ils contrebalancent les droits concurrents des agents juridiques accusés d’y avoir porté atteinte. Si une partie à un procès a obtenu une preuve en ayant recours à un procédé illicite, l’une des conséquences de la faute ainsi commise est de faire écarter un tel mode de preuve des débats judiciaires (Rigaux : La protection de la vie privée et des autres biens de la personnalité, n° 139 et 647).
Dans ce contexte, le fait que l’interlocuteur écouté soit informé ou non de l’écoute ou de l’enregistrement de ses déclarations constitue un élément essentiel pour déterminer si oui ou non il y a violation du respect à la vie privée et usage d’un procédé déloyal (Cass. fr. chambre civile 2, 7 octobre 2004, n° 03-12653, Bulletin 2004, II, n° 447, p.380 et Assemblée plénière 7 janvier 2011, n° 09-14316 09- 14667).
En l’espèce, il est constant en cause, pour résulter notamment des conclusions de la société SOCIETE1.), que les paroles enregistrées ont été prononcées en privé entre PERSONNE1.) et PERSONNE3.) et que l’enregistrement a été réalisé sans le consentement et à l’insu de PERSONNE1.). Dès lors, l’enregistrement litigieux constitue un procédé déloyal et a été fait en violation du respect à la vie privée. Etant donné, qu’il ressort aussi bien des affirmations de la société SOCIETE1.) que de l’attestation de PERSONNE2.), que cette attestation constitue une simple retranscription de l’enregistrement litigieux, cette attestation constitue partant un élément de preuve illicite portant atteinte à la protection de la vie privée de PERSONNE1.) et doit en conséquence être écartée ».
Il en suit que l’arrêt entrepris comporte une motivation sur le point considéré.
En précisant que la juridiction, à laquelle est soumise la question de l’admissibilité d’un élément probant auquel il est reproché de constituer un moyen de preuve déloyal pour avoir été obtenu en violation du droit au respect de la vie privée, doit identifier les biens protégés par le concept de vie privée et de mesurer la force avec laquelle ils contrebalancent les droits concurrents des agents juridiques accusés d’y avoir porté atteinte, la Cour d’appel a clairement retenu que le droit de la partie, invoquant une violation de son droit au respect de la vie privée, devait être mis en balance avec l’intérêt de l’autre partie qui se prévaut du moyen de preuve pour prospérer dans ses prétentions, en rejoignant la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a décidé « que le droit des requérants au respect de leur vie privée devait être mis en balance avec l’intérêt de l’employeur à la préservation de ses droits patrimoniaux6 ».
En écartant l’attestation comme constituant un élément de preuve illicite portant atteinte à la protection de la vie privée de PERSONNE1.), les magistrats d’appel ont implicitement mais nécessairement décidé que l’actuelle demanderesse en cassation ne pouvait avancer un intérêt susceptible de contrebalancer l’intérêt de PERSONNE1.) protégé par le concept de vie privée qui devait partant primer et avoir comme seule conséquence possible l’inadmissibilité de l’attestation testimoniale obtenue au mépris de cet intérêt.
Le moyen n’est partant pas fondé.
Le deuxième moyen de cassation pris en sa deuxième branche Dans l’arrêt López Ribalda et autres c. Espagne du 17 octobre 2019, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a retenu que pour déterminer si l’utilisation comme preuves d’informations obtenues au mépris de l’article 8 ou en violation du droit interne a privé le procès du caractère équitable voulu par l’article 6, il faut prendre en compte toutes les circonstances de la cause et se demander en particulier si les droits de la défense ont été respectés et quelles sont la qualité et l’importance des éléments en question. Il convient de rechercher en particulier si le requérant s’est vu offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité de l’élément de preuve et de s’opposer à son utilisation. Il faut prendre également en compte la qualité de l’élément de preuve, y compris le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité ou de son exactitude (Schenk, précité, §§ 46-48, P.G. et J.H. c. Royaume-
Uni, précité, §§ 77-79, et Gäfgen, précité, § 164). Si un problème d’équité ne se pose pas nécessairement lorsque la preuve obtenue n’est pas corroborée par d’autres éléments, il faut noter que lorsqu’elle est très solide et ne prête à aucun doute, le besoin d’autres éléments à l’appui devient moindre (Gäfgen, loc. cit.)7.
La Cour de Strasbourg a précisé que les principes exposés ci-dessus concernant l’admissibilité des preuves ont été élaborés dans un contexte pénal, même si elle a déjà eu l’occasion d’en faire 6 Guide sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un procès équitable, (volet civil), n°120: https://ks.echr.coe.int/documents/d/echr-ks/guide_art_8_fre 7 arrêt López Ribalda et autres c. Espagne du 17 octobre 2019, §§ 151 application dans une affaire concernant l’équité d’une procédure civile (Vukota-Bojić, précité, §§ 92-100). Si les garanties du « procès équitable » ne sont pas nécessairement les mêmes dans les domaines pénal et civil, les États disposant d’une marge d’appréciation plus ample dans le deuxième cas, elle peut néanmoins s’inspirer, pour l’examen de l’équité d’une procédure civile, des principes développés sous l’angle du volet pénal de l’article 6 (Carmel Saliba c. Malte, no 24221/13, § 67, 29 novembre 2016)8.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme admet donc que l’utilisation comme preuves d’informations obtenues au mépris de l’article 8 est en principe de nature à priver potentiellement un procès du caractère équitable voulu par l’article 6, à moins que certains critères ne soient remplis en vertu desquels la juridiction nationale devant laquelle se pose la question, puisse conclure, en appréciation des critères définis par la Cour de Strasbourg, tels que la qualité de l’élément de preuve et les circonstances dans lesquelles il a été relevé, que les garanties du procès équitable soient remplies nonobstant l’utilisation du moyen de preuve violant l’article 8 de la Convention, respectivement une règle de droit interne.
Il ressort des éléments sur lesquels le soussigné peut avoir égard que les circonstances exactes dans lesquelles l’écoute et l’enregistrement de la conversation litigieuse entre PERSONNE1.) et PERSONNE3.) ont eu lieu, sont restées floues et sujet à spéculations, étant donné qu’il n’est pas clair si cette écoute a été rendue possible en raison d’une erreur de manipulation d’un téléphone, voire de deux téléphones mal raccrochés ou grâce à la mise en place d’une véritable mesure de surveillance par l’actuelle demanderesse en cassation.
Or, l’analyse de la qualité de l’élément de preuve et des circonstances dans lesquelles il a été obtenu relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui échappe au contrôle de Votre Cour.
Le deuxième moyen de cassation pris en sa deuxième branche ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine de magistrats d’appel de la qualité de l’élément de preuve et des circonstances dans lesquelles il a été obtenu.
Le moyen ne saurait dès lors être recueilli.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur général d’Etat, L’avocat général, Bob PIRON 8 arrêt López Ribalda et autres c. Espagne du 17 octobre 2019, §§ 152 16