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19/06/2025 | LUXEMBOURG | N°106/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 juin 2025, 106/25


N° 106 / 2025 pénal du 19.06.2025 Not. 8178/24/CD Numéro CAS-2025-00032 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de 1) PERSONNE1.), et 2) PERSONNE2.), les deux demeurant à L-ADRESSE1.), demandeurs en cassation, comparant par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG, représentée par le collège des bourgmestre et échevins, établie à L-

1648 Luxembourg, 42, place Guillaume II, Hôtel de Ville, comparant p...

N° 106 / 2025 pénal du 19.06.2025 Not. 8178/24/CD Numéro CAS-2025-00032 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de 1) PERSONNE1.), et 2) PERSONNE2.), les deux demeurant à L-ADRESSE1.), demandeurs en cassation, comparant par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG, représentée par le collège des bourgmestre et échevins, établie à L-1648 Luxembourg, 42, place Guillaume II, Hôtel de Ville, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, l’arrêt qui suit :

Vu le jugement attaqué rendu le 3 décembre 2024 sous le numéro 2630/2024 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, vingt-troisième chambre, siégeant en instance d’appel en matière de police ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Manuel Antonio GOMES FARIA, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.) et de PERSONNE2.), suivant déclaration du 20 décembre 2024 au greffe du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 17 janvier 2025 par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG, déposé le 20 janvier 2025 au greffe du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 13 février 2025 à PERSONNE1.) et à PERSONNE2.) par l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG, à qui le mémoire en cassation avait été signifié et qui a intérêt à l’issue du litige, déposé le 17 février 2025 au greffe du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique signifié le 5 mars 2025 par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG, déposé le 10 mars 2025 au greffe du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, et l’écartant en ce qu’il a été signifié à Maître Christian POINT en nom personnel ;

Sur les conclusions de l’avocat général Claude HIRSCH.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le Tribunal de police de Luxembourg avait condamné les demandeurs en cassation du chef de quatre infractions au règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg ainsi qu’à l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain (ci-après « la loi du 19 juillet 2004 ») à des amendes et avait ordonné la remise des lieux en leur pristin état. Au civil, il avait déclaré irrecevable la demande dirigée par l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG contre les demandeurs en cassation.

Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi uniquement par les appels au pénal des demandeurs en cassation et du Ministère public, a, par réformation, acquitté les demandeurs en cassation de deux infractions et les a condamnés du chef des deux infractions retenues à leur charge à une amende. Il a confirmé le jugement en ce qu’il avait ordonné la remise des lieux en leur pristin état par l’enlèvement des lucarnes érigées en violation de l’autorisation de bâtir.

2 Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné chacun des époux Threinen du chef de l'infraction 4), à savoir , Au motif qu' chantier étant intervenu parce que des travaux non conformes à l'autorisation de construire étaient réalisés, en enfreignant cet arrêté, les prévenus en continué à effectuer des travaux non conformes à l'autorisation de bâtir. Comme le fait libellé à leur charge, certes avec référence à l'arrêté de fermeture de chantier, est la continuation de travaux non autorisés, les prévenus ont continué à effectuer des travaux non conformes à l'autorisation de bâtir », Alors que, première branche, ce faisant le tribunal a invoqué une infraction non prévue par la loi du 19 juillet 2004 sur l'aménagement communal et le développement urbain, à savoir d'avoir continué à effectuer des travaux non conformes à l'autorisation de bâtir, Que par ailleurs, deuxième branche, les demandeurs en cassation se voient ainsi condamnés deux fois pour le même acte, à savoir d'avoir réalisé des travaux non conformes à l'autorisation de bâtir, et d'avoir continué d'effectuer des travaux non conformes à l'autorisation de bâtir, alors que des travaux irréguliers sont de par leur nature des actes ou opérations qui se prolongent dans le temps, Et qu'enfin, troisième branche, le tribunal s'est néanmoins basé expressis verbis sur la violation de l'arrêté de fermeture de chantier en disant que par cette violation les prévenus ont continué à effectuer de travaux non conformes.

Qu'en argumentant ainsi, le tribunal a violé, sinon mal interprété l'article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sur l'aménagement communal et au développement urbain telle qu'elle a été modifiée ainsi que de l'article 19 de la Constitution, en ce que l'article 107 alinéa 1 de la prédite loi du 19 juillet 2004 ne stipule que , et que cette énumération étant d'interprétation restrictive, cet article ne peut obtenir une interprétation extensive ayant comme conséquence une nouvelle 3 infraction, à savoir la continuation de l'infraction de violation de l'autorisation de bâtir respectivement la violation de l'arrêté de fermeture de chantier ayant ainsi comme conséquence de poursuivre des travaux non conformes à l'autorisation de bâtir. ».

Réponse de la Cour Sur les première et troisième branches du moyen réunies Vu l’article 19 de la Constitution qui dispose « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.

Nul ne peut être condamné pour une action ou omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction prévue par la loi.

Nul ne peut être condamné à une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. ».

Vu l’article 107 de la loi du 19 juillet 2004 qui dispose « 1. Sont punis d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement, tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d’aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir.

2. Le juge peut ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état, aux frais des contrevenants. La commune ou, à son défaut, l’État peuvent se porter partie civile.

3. La violation des procédures prévues au titre 3, chapitres 1er et 2 et au titre 4, chapitres 2 et 3, ainsi qu’aux articles 35, 36 et 37 du même titre 4 constitue une faute grave au sens des articles 41 et 63 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988. ».

L’article 70 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg, intitulé « Infractions et peines », dispose « Le bourgmestre peut interdire toute continuation de travaux non autorisés sur base du présent règlement sur les bâtisses, du plan d’aménagement général (PAG) respectivement des plans d’aménagement particulier (PAP) et ordonner la fermeture du chantier.

Les infractions aux dispositions du présent règlement sur les bâtisses, du plan d’aménagement général (PAG), des plans d’aménagement particulier (PAP) et des autorisations de bâtir sont constatées par les services compétents.

Sous réserve d’autres dispositions pénales prévues par la loi, les infractions aux dispositions du présent règlement sur les bâtisses, du plan d’aménagement 4 général (PAG), des plans d’aménagement particulier (PAP) et des autorisations de bâtir sont passibles d’une peine d’emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement.

Le juge peut ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état, aux frais des contrevenants. ».

La continuation de travaux non autorisés, malgré un arrêté de fermeture du chantier pris par le bourgmestre, n’est pas érigée en infraction pénale distincte de celle de l’exécution de travaux non autorisés.

En déclarant les demandeurs en cassation convaincus, « en infraction à l’article 70, alinéas 1 et 3 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg ainsi qu’à l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, d’avoir continué des travaux malgré un arrêté de fermeture de chantier, en l’espèce, d’avoir continué des travaux malgré un arrêté du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 12 octobre 2020 ordonnant la fermeture du chantier sis à L-ADRESSE2.). », aux motifs que « Comme l’arrêté de fermeture d’un chantier est un tel acte individuel, sa violation n’est pas spécialement sanctionnée pénalement par l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain.

Il n’en demeure pas moins que l’arrêté de fermeture de chantier étant intervenu parce que des travaux non conformes à l’autorisation de construire étaient réalisés, en enfreignant cet arrêté, les prévenus ont continué à effectuer des travaux non conformes à l’autorisation de bâtir.

Comme le fait libellé à leur charge, certes avec référence à l’arrêté de fermeture du chantier, est la continuation de travaux non autorisés, partant le non-

respect du règlement des bâtisses, l’infraction mise à la charge des prévenus est bien sanctionnée par une loi. », le juge d’appel a violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le jugement encourt la cassation.

Sur la deuxième branche du moyen Au vu de la réponse donnée aux première et troisième branches du moyen, la deuxième branche du moyen est sans objet.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est aussi fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné chacun des époux Threinen du chef de l'infraction 4), à savoir et qu'en s'appuyant sur l'article 70 ter et 3 du règlement communal sur les bâtisses, le juge méconnait l'article 102 de la Constitution, l'article 29 de la loi communale du 13 décembre 1988, telle qu'elle a été modifiée, et l'article 38 de la loi du 19 juillet 2004 sur l'aménagement communal et le développement urbain, telle qu'elle a été modifiée en ce que le juge d'appel (tout comme le premier juge) a fait application de l'article 7o alinéas ter et 3 du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg, alors que l'article 38 de la loi du 19 juillet 2004 sur l'aménagement communal et le développement urbain, telle qu'elle a été modifiée, ne reconnait pas au conseil communal le droit d'intégrer dans le règlement communal sur les bâtisses d'autres dispositions que celles prévues dans la loi de 2004. ».

Réponse de la Cour Au vu de la réponse donnée au premier moyen, le second moyen est sans objet.

Sur la portée de la cassation L’annulation de la décision ayant retenu les demandeurs en cassation dans les liens de l’infraction d’avoir continué des travaux non autorisés malgré un arrêté de fermeture du chantier emporte annulation des peines pénales. Elle reste sans incidence sur la condamnation des demandeurs en cassation à remettre les lieux en leur pristin état, dès lors que cette condamnation ne constitue pas une peine, mais un mode particulier de réparation ou de restitution à caractère civil destiné à mettre fin à la situation contraire à la loi résultant de l’infraction retenue à charge des demandeurs en cassation d’avoir procédé à des travaux sans disposer d’une autorisation du bourgmestre, infraction qui ne fait pas l’objet du pourvoi.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure dirigée contre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg est irrecevable dès lors que ce dernier n’est pas partie à l’instance.

Les demandeurs en cassation restant en défaut d’établir en quoi il serait inéquitable de laisser à leur charge l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure dirigée contre l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation casse et annule le jugement attaqué rendu le 3 décembre 2024 sous le numéro 2630/2024 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, vingt-troisième chambre, siégeant en instance d’appel en matière de police, en ce qu’il a condamné les demandeurs en cassation pour avoir continué des travaux non autorisés malgré un arrêté de fermeture du chantier ;

dans cette mesure, déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composé ;

laisse les frais de l’instance en cassation au pénal à charge de l’Etat ;

déclare irrecevable la demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure dirigée contre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

rejette la demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure dirigée contre l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG ;

laisse les frais de signification des différents mémoires à charge de ceux qui les ont exposés ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute du jugement annulé.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Christian ENGEL et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans le cadre du pourvoi en cassation de 1) PERSONNE1.) 2) PERSONNE2.) en présence du Ministère public (Affaire numéro CAS-2025-00032 du registre) Sur la recevabilité du pourvoi Par déclaration faite le 20 décembre 2024 au greffe du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, juridiction qui a rendu la décision attaquée1, Maître Manuel Antonio GOMES FARIA, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, forma, au nom et pour le compte de PERSONNE1.) (ci-

après « PERSONNE1.) ») et PERSONNE2.) (ci-après « PERSONNE2.) ») un pourvoi en cassation contre le jugement n° 2630/2024, rendu le 3 décembre 2024 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, vingt-troisième chambre correctionnelle, siégeant en matière d’appel de police.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 20 janvier 2025 du dépôt, au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et donc au greffe qui a reçu la déclaration, d’un mémoire en cassation, signé par Maître Georges KRIEGER, précisant les dispositions attaquées du jugement et contenant les moyens de cassation.

Le pourvoi est dirigé par les prévenus contre un jugement définitif rendu en matière d’appel de police, de sorte qu’il est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi au regard des articles 177, 407 et 416 du Code de procédure pénale.

Il respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation2.

Le pourvoi est partant recevable.

1 Cass., 24 avril 2014, n° 19/2014 pénal.

2 Le délai du pourvoi, d’un mois, prévu par l’article 41 de la loi précitée de 1885 a été respecté, la déclaration du pourvoi contre un jugement contradictoire, prononcé le 3 décembre 2024, ayant eu lieu le 20 décembre 2024, donc dans le délai d’un mois après la date du prononcé du jugement attaqué. Le délai du dépôt du mémoire, d’un mois, prévu par l’article 43, alinéa 1er, de la même loi, ayant expiré le 20 janvier 2025 a de même été respecté, le mémoire ayant été déposé le 20 janvier 2025. Le tribunal d’arrondissement n’ayant été saisi que du volet pénal de l’affaire, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) n’avaient pas la qualité de défendeur au civil en instance d’appel, de sorte que la signification du mémoire en cassation à l’administration communale de la Ville de Luxembourg est sans incidence sur la question de la recevabilité du pourvoi. Sur les faits Il résulte du jugement attaqué que PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont été condamnés par le tribunal de police de Luxembourg du chef de quatre infractions en matière d’aménagement communal et de développement urbain et que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant en matière d’appel de police et saisi du seul appel au pénal de PERSONNE1.) et PERSONNE2.) et du ministère public – la constitution de partie civile de l’administration communale de la Ville de Luxembourg avait été déclarée irrecevable par le tribunal de police –, les a acquittés du chef de deux infractions tout en les condamnant pour les deux infractions retenues à leur charge à une amende et en confirmant partiellement le rétablissement des lieux ordonné par le tribunal de police.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation, subdivisé en trois branches, est tiré de la violation sinon de la mauvaise interprétation de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain (ci-après « loi de 2004 ») et de l’article 19 de la Constitution3, en ce que le jugement attaqué a condamné PERSONNE1.) et PERSONNE2.) pour avoir, « en infraction à l’article 70, alinéas 1 et 3 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg ainsi qu’à l’article 107 de la loi [de 2004], (…) continué des travaux malgré un arrêté du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 12 octobre 2020 ordonnant la fermeture du chantier »4 litigieux, au motif que « l’arrêté de fermeture de chantier [était] intervenu parce que des travaux non conformes à l’autorisation de construire étaient réalisés, [qu’]en enfreignant cet arrêté, les prévenus [avaient] continué à effectuer des travaux non conformes à l’autorisation de bâtir [, que] (…) le fait libellé à leur charge, certes avec référence à l’arrêté de fermeture du chantier, est la continuation de travaux non autorisés, partant le non-respect du règlement des bâtisses, [de sorte que] l’infraction mise à la charge des prévenus est bien sanctionnée par une loi »5, alors que - première branche, le juge d’appel a « invoqué »6 une infraction non prévue par la loi de 2004, à savoir le fait « d’avoir continué à effectuer des travaux non conformes à l’autorisation de bâtir »7, - deuxième branche, les demandeurs en cassation seraient ainsi « condamnés deux fois pour le même acte (…) qui se prolong[e] dans le temps »8, à savoir « réalise[r] des travaux non conformes à l’autorisation de bâtir »9 et continuer à réaliser ces travaux, - troisième branche, le tribunal d’arrondissement se serait explicitement basé sur la violation de l’arrêté de fermeture de chantier.

3 Mémoire en cassation, p. 4, cinquième alinéa.

4 Mémoire en cassation, p. 3, dernier alinéa.

5 Jugement attaqué, p. 14, sixième alinéa ; mémoire en cassation, p. 4, premier alinéa (il y a cependant lieu de constater une erreur de citation à ce niveau au mémoire en cassation).

6 Mémoire en cassation, p. 4, deuxième alinéa.

7 Ibidem.

8 Mémoire en cassation, p. 4, troisième alinéa.

9 Ibidem.

Le moyen, en ses trois branches, revient en substance, et au vu des dispositions constitutionnelle et légale invoquées, à reprocher au juge d’appel d’avoir condamné les demandeurs en cassation du chef d’une commission par action qui ne constituerait pas d’infraction, à savoir « la continuation de l’infraction de violation de l’autorisation de bâtir respectivement la violation de l’arrêté de fermeture de chantier ayant ainsi comme conséquence de poursuivre des travaux non conformes à l’autorisation de bâtir »10. Il y a partant lieu d’analyser ensemble les trois branches du moyen de cassation.

- Sur la question de savoir si les trois branches du premier moyen de cassation avaient été soumises à la juridiction d’appel Il résulte du jugement attaqué que les demandeurs en cassation, en invoquant « le principe constitutionnel de la légalité des peines prescrit à l’article 19 de la Constitution »11, s’étaient « oppos[és] au caractère sanctionnable de ces faits en soulevant l’exception d’illégalité de l’article 70 alinéas 1er et 3 [du règlement sur les bâtisses] (…) en ce qu’il sanctionne[rait] la violation d’un arrêté individuel »12 alors que la loi de 2004 « ne sanctionn[erait] pas la violation d’un arrêté individuel »13. De façon plus générale, ils avaient « estim[é] que le défaut de respecter [l’arrêté du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 12 octobre 2020 ordonnant la fermeture du chantier] ne serait pas sanctionnable à défaut de base légale afférente, aucune loi ne prononçant une peine en cas de violation d’un acte administratif individuel »14.

Cette formulation permet de conclure que les demandeurs en cassation avaient, en instance d’appel, non seulement soulevé une exception d’illégalité, mais qu’ils avaient encore contesté le caractère sanctionnable de la continuation des travaux malgré arrêté du bourgmestre ordonnant la fermeture du chantier. Le moyen n’est partant pas nouveau.

Si votre Cour ne devait pas suivre cette analyse, il y aurait lieu de constater que le moyen est tiré d’une violation d’une loi pénale de fond, de sorte qu’il est à qualifier d’ordre public15, et est de pur droit16. Il échappe partant à l’irrecevabilité des moyens nouveaux.

- Sur la théorie de la peine légalement justifiée Le jugement attaqué a confirmé17 le jugement de première instance en ce qu’il a retenu les demandeurs en cassation dans les liens de l’infraction sub 3) et il l’a partiellement18 confirmé en ce qui concerne la condamnation sub 4).

10 Mémoire en cassation, p. 4, dernier alinéa.

11 Jugement attaqué, p. 13, avant-dernier alinéa.

12 Jugement attaqué, p. 13, huitième alinéa.

13 Jugement attaqué, p. 13, avant-dernier alinéa.

14 Jugement attaqué, p. 9, neuvième alinéa.

15 J. et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, Dalloz, 2024, p. 360, n° 112.102.

16 J. et L. BORE, op. cit., pp. 362 et 363, nos 112.111 et 112.113.

17 Jugement attaqué, p. 13, alinéa 3.

18 Jugement attaqué, p. 13, quatrième et cinquième alinéas, et p. 14, septième alinéa.Les demandeurs en cassation ont donc été condamnés pour « avoir comme co-auteurs, ayant eux-mêmes commis les infraction, depuis un temps non prescrit et au moins entre le 8 mars 2019 (première visite des lieux par la police des bâtisses de la Ville de Luxembourg) et le 22 novembre 2022 (dernière visite des lieux par la police des bâtisses de la Ville de Luxembourg), à L-ADRESSE2.), sur une parcelle inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EB de ADRESSE3.), sous le numéroNUMERO1.)/2109 »19 « 3) en infractions aux articles 57.1.1 et 70, alinéa 3 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg [ci-après « règlement sur les bâtisses »] ainsi qu’à l’article 107 de la loi [de 2004], d’avoir procédé à des travaux de transformation d’une construction existante sans disposer d’une autorisation du bourgmestre, en l’espèce, d’avoir mis en place trois lucarnes sans disposer d’une autorisation du bourgmestre, respectivement d’avoir mis en place ces trois lucarnes sans que ces dernières ne correspondent aux plans faisant partie de l’autorisation de bâtir n° NUMERO2.) du 28 mai 2020, notamment en ce qui concerne la taille des fenêtres »20 (ci-après « infraction sub 3) »), « (4) en infraction à l’article 70, alinéas 1 et 3 du règlement sur les bâtisses (…) ainsi qu’à l’article 107 de la loi [de 2004], d’avoir continué des travaux malgré un arrêté de fermeture de chantier, en l’espèce, d’avoir continué des travaux malgré - un arrêté du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 12 octobre 2020 ordonnant la fermeture du chantier sis à L-ADRESSE2.) »21 (ci-après « condamnation sub 4) »).

La juridiction d’appel a encore jugé que « [l]es infractions retenues à la charge des prévenus étant un fait unique, celles-ci se trouvent en concours idéal »22.

Or, ce n’est que la condamnation sub 4) qui est mise en cause par les demandeurs en cassation23.

L’infraction sub 3) est, conformément à l’article 107 la loi de 2004, punie d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement. Le juge a en outre la faculté d’ordonner la suppression des travaux exécuté ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état. Il y a lieu de noter que la juridiction d’appel a fixé un délai de six mois pour ce rétablissement alors que la loi de 2004, contrairement à d’autres législations24, est muette à ce sujet. Or, la condamnation à la suppression des travaux effectués illégalement et au rétablissement des lieux ne constitue pas une peine mais un mode particulier de réparation ou de restitution à caractère civil destiné à mettre fin à une situation contraire à la loi résultant de l’infraction et nuisant à l’intérêt public25, 19 Jugement attaqué, p. 7, sixième alinéa.

20 Jugement attaqué, p. 8, premier alinéa, et p. 13, troisième alinéa.

21 Jugement attaqué, p. 14, huitième et neuvième alinéas.

22 Jugement attaqué, p. 14, avant-dernier alinéa.

23 Mémoire en cassation, p. 3, dernier alinéa.

24 Voy. à titre d’exemple l’article 47 (5) de la loi modifiée du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets, ou encore l’article 77 (6) de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

25 Cass., 20 mai 2010, n° 24/2010 (réponse à la première branche du premier moyen) ; Cass., 24 janvier 2013, n° 6/2013 pénal (réponse à la première branche du deuxième moyen). En droit belge, voy. not. F. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, tome IV, Bruxelles, Larcier 2017, pp. 1269 et 1270, n° 4010.de sorte que le moyen, non formulé par les demandeurs en cassation, ne relève pas de l’ordre public et ne doit partant pas être soulevé d’office.

La seule condamnation du chef de l’infraction sub 3) est donc susceptible de justifier la condamnation de PERSONNE1.) et de PERSONNE2.) à une amende de 15.000 euros ainsi qu’au rétablissement des « lieux en leur pristin état par l’enlèvement des lucarnes érigées en violation de l’autorisation de bâtir n° NUMERO2.) du 28 mai 2020 (…) »26.

La prétendue erreur commise par la juridiction d’appel pourrait donc de ce fait être sans conséquence sur le dispositif27, de sorte que la question de la recevabilité et/ou de l’opérance du moyen de cassation se pose.

Cette question comporte cependant en réalité deux volets : celui ayant trait à la condamnation à une amende et à la fixation de la contrainte par corps d’un côté, et celui concernant la condamnation au rétablissement des lieux de l’autre.

En ce qui concerne ce dernier volet, il y a lieu de conclure à l’inopérance du moyen de cassation au motif que la seule condamnation de PERSONNE1.) et PERSONNE2.) du chef de l’infraction sub 3) justifie cette partie du dispositif et donc leur condamnation à la mesure civile du rétablissement des lieux.

La question de l’incidence du premier moyen de cassation sur la partie du dispositif ayant condamné PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à une amende (et fixé une contrainte par corps en cas de non-paiement de l’amende) soulève en réalité la question de l’applicabilité de la théorie de la peine justifiée – théorie qui se retrouve dans la jurisprudence de la Cour de cassation de France28 et de la Cour de cassation de Belgique29 – qui permettrait de déclarer irrecevable sinon inopérant le premier moyen de cassation.

La Cour de cassation de France – pour qui la théorie de la peine justifiée s’applique au niveau de l’opérance et non de la recevabilité du moyen30 – semble avoir abandonné cette théorie depuis 200931.

La Cour de cassation de Belgique – pour qui la théorie de la peine justifiée relève de la recevabilité du moyen de cassation voire du pourvoi en cassation au titre de l’intérêt32 – continue à se référer à cette théorie au moins jusqu’en 202133, même si le professeur R.

26 Jugement attaqué, p. 16, dernier alinéa.

27 Voy. à cet égard aussi les références jurisprudentielles citées dans M.

REGOUT-MASSON, « La théorie de la peine justifiée », J.T., 1975, p. 289, colonne du milieu, nos 2 et 3.

28 J. et L. BORE, op. cit., pp. 371 et s., nos 113.51 et s.

29 R. DECLERCQ, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp.

472 et s., nos 792 et s.

30 J. et L. BORE, op. cit., pp. 371, n° 113.51.

31 J. et L. BORE, op. cit., pp. 378 et 379, n° 113.144.

32 R. DECLERCQ, op. cit., pp. 473 et 474, n° 794 ; M. REGOUT-MASSON, « La théorie de la peine justifiée », J.T., 1975, p. 289. Voy. également les références citées dans la note de bas de page qui suit.

33 Voy. notamment (https://juportal.be/home/welkom) -

Cass. B., 8 décembre 2021, P.21.0082.F :

« Soutenant que le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt, au motif que la peine est légalement justifiée, la fin de non-recevoir ne peut 13 DECLERCQ se réfère à « la faiblesse de la théorie de la peine légalement justifiée. En effet, lorsqu’un juge déclare établis plusieurs faits distincts et prononce une peine unique pour l’ensemble, il est évident, sans qu’il le relève expressément, qu’il tient compte de tous les faits pour fixer la peine »34.

D’autres auteurs se sont aussi et surtout heurtés au fait que « la théorie de la peine légalement justifiée aboutit à ce qu’un justiciable soit définitivement reconnu coupable de délits ou de crimes pour lesquels il n’a pas été légalement condamné, et qui seront néanmoins portés dans son casier judiciaire »35.

Au Luxembourg, l’article 411 du Code de procédure pénale, introduit par une loi du 17 juin 198736, dispose en son alinéa 1er que « [l]’annulation du jugement ou de l’arrêt peut être poursuivie encore que la peine appliquée soit légalement justifiée ».

davantage être accueillie, puisque l’objet du moyen n’est pas circonscrit à l’une des deux infractions pour lesquelles une peine unique a été prononcée alors que cette peine demeurerait légalement justifiée par l’autre infraction déclarée établie. » -

Cass. B., 9 décembre 2020, P.20.0458.F :

« Le demandeur a été condamné à une peine unique du chef de cinq infractions à la loi du 28 août 1991 sur l’exercice de la médecine vétérinaire (préventions V - A.1 à A.5), d’une infraction à la loi du 15 juillet 1985 relative à l’utilisation de substances à effet hormonal, à effet antihormonal, à effet béta-adrénergique ou à effet stimulateur de production chez les animaux (prévention V - B.6) et d’une infraction à la loi du 21 juin 1983 relative aux aliments médicamenteux pour animaux (prévention V - C.7).

Le moyen ne concerne que la seule prévention V - C.7 et la peine est légalement justifiée par les autres infractions déclarées établies.

Ne pouvant entraîner la cassation, le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt. » -

Cass. B., 20 mars 2019, P.18.1150.F :

« Le moyen ne concerne que la seule prévention B.11 et la peine est légalement justifiée par les autres infractions déclarées établies.

Dénué d'intérêt, il est irrecevable. » -

Cass. B., 25 septembre 2013, P.13.0651.F :

« Sans doute le jugement ne répond-il pas à l'affirmation suivant laquelle l’ébriété d'un conducteur ne permet pas de procéder régulièrement à l’analyse de son haleine, en raison de la collaboration que cette procédure suppose de la part de l’automobiliste.

Mais ce grief ne saurait donner ouverture à cassation dès lors que la peine unique est légalement justifiée par l’infraction déclarée établie sur le fondement des articles 35 et 38, § 4, alinéa 4, de la loi relative à la police de la circulation routière.

A cet égard, le moyen, dénué d’intérêt, est irrecevable. » 34 R. DECLERCQ, op. cit., p. 476, n° 800.

35 J. KIRKPATRICK, S. NUDELHOLC, « La théorie de la peine légalement justifiée et la recevabilité des moyens de cassation en matière répressive et disciplinaire », in Mélanges offerts à Robert Legros, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1985, p. 301, n° 13.

36 Pour une application de la théorie de la peine légalement justifiée par la Cour de cassation luxembourgeoise avant l’entrée en vigueur de cette loi, voy.

-

Cass., 30 octobre 1986, Pas. 27, p. 73 :

« Mais attendu qu’à supposer que la qualification d’homicide involontaire ait effectivement été retenue à tort, les peines d’amende de 50.000 francs et d’interdiction de conduire de douze mois n’en 14 resteraient pas moins légalement justifiées puisqu’elles n’excèdent pas les limites de celles qui pouvaient être prononcées à raison des lésions corporelles involontaires causées à M. W. et A. W.

Que les moyens sont donc irrecevables pour défaut d’intérêt légal. » -

Cass., 20 janvier 1983, Pas. 25, p. 401 :

« Attendu que, lorsque le demandeur en cassation, prévenu, a été condamné du chef de deux délits qui, par l’effet des règles relatives au non-cumul des peines, n’ont donné lieu qu’à l’application d’une peine unique et que cette peine n’excède pas la limite de celle qui eût pu être prononcée à raison de la prévention non critiquée par le pourvoi, le condamné est sans intérêt légal à se prévaloir de ce qu’il aurait, à tort, été condamné du chef de l’autre délit, la peine étant, en pareil cas, légalement justifiée ;

Attendu que le règlement grand-ducal du 20 janvier 1972 commine en son article 9 les peines prévues à l’article 5 de la loi d’habilitation du 30 juin 1961, à savoir, en dehors d’une peine d’emprisonnement facultative, une amende de 2.501 à 500.000 francs, et que les juges d’appel ont appliqué une amende de 10.000 francs à [S] ;

Qu’il en suit que le pourvoi est irrecevable pour défaut d’intérêt légal ».

-

Cass., 5 mai 1977, Pas. 23, p. 497 :

« Attendu que le moyen concernant l’infraction à l’article 136 A du Code de la route déclarée établie, fût-il fondé, ne pourrait entraîner la cassation de la décision attaquée, alors que la peine unique prononcée par application de l’article 65 du Code pénal est légalement justifiée par les infractions déclarées établies aux articles 188, 136, al. 1er, et 140 du Code de la route et aux articles 418 e 420 du Code pénal ;

Que le moyen est dès lors irrecevable à défaut d’intérêt légal ».

-

Cass., 4 juin 1970, Pas. 21, p. 297 :

« Attendu qu’en admettant même que la condamnation du chef des préventions libellées sub I, 1° et 2° soit intervenue à tort, l’amende de 50.000 francs, infligée à [B], reste justifiée au regard de l’acte de concurrence déloyale, retenu sub I, 3° et ayant consisté à accorder des réductions de prix à des acheteurs en leur qualité de membres de groupements ou d’associations, l’arrêt dénoncé n’étant pas, en effet, critiqué en tant qu’il a déclaré [B] convaincu de cette prévention ;

qu’il s’ensuit que l’unique moyen de cassation se révèle dénué d’intérêt et doit partant être déclaré irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique ».

-

Cass., 10 novembre 1966, Pas. 20, p. 228 :

« Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué combinées avec celles du jugement de première instance qu’en dehors des infractions d’abus de confiance, d’importation et de port d’armes prohibées, le demandeur en cassation a été condamné pour faux en écritures privées ;

Que la condamnation du demandeur en cassation à une peine d’emprisonnement de neuf mois ainsi qu’à une interdiction de tenir cabaret et à la peine accessoire de la confiscation des pièces falsifiées est justifiées par la seule disposition de l’arrêt entreprise relative au faux en écritures privées, disposition non critiquée par le demandeur en cassation et motivée d’ailleurs légalement par les juges du fond ;

Qu’il s’ensuit que les deux moyens sont irrecevables pour défaut d’intérêt légal, du moins quant aux peines prérappelées ».

-

Cass., 27 juin 1957, Pas. 17, p. 118 :

« Attendu qu’il est de principe que l’erreur de droit, commise dans l’application de la loi pénale, n’offre pas ouverture à cassation lorsque la peine effectivement prononcée par les juges se trouver, 15 Cet alinéa « est repris du texte proposé par la Cour supérieure de justice dans son avis à l’égard de la proposition de loi Margue tendant l’humanisation de la procédure de cassation »37 et « consacre la disparition totale de la théorie dite de la peine justifiée. Suivant cette théorie un moyen de cassation est irrecevable pour défaut d’intérêt, notamment en cas d’erreur sur la qualification d’un fait pénal si la peine prononcée par le juge du fond reste légalement justifiée, ou encore au cas où le prévenu a été condamné à une peine unique pour plusieurs infractions dont une ou plusieurs ont fait l’objet d’une condamnation irrégulière si la peine appliquée ne dépasse pas celle qui aurait pu être prononcée pour le ou les faits régulièrement punis. (…) [C]ette théorie (…) est fondée sur le défaut d’intérêt38 (…) [et] si elle se justifie en droit, [elle] n’en est pas moins choquante dans les faits »39.

Selon l’auteur de la proposition de loi tendant à l’humanisation de la procédure de cassation, la jurisprudence appliquant la théorie de la peine légalement justifiée « ne tient pas compte de ce que les juges du fond, ayant à choisir dans une échelle située entre un minimum et un maximum, se laissent normalement influencer par la gravité et l’appréciation légale de la qualification retenue et aussi par le nombre des infractions qu’ils croient avoir été commises.

Elle néglige en outre l’intérêt moral qu’une personne a à son acquittement, fût-il partiel, et elle fait entièrement abstraction de la présomption de vérité attachée, même au civil, à la chose jugée au pénal, et cela l’égard de tout le monde »40.

Dans l’optique du législateur luxembourgeois, la théorie de la peine légalement justifiée relève donc de l’intérêt du demandeur en cassation, analyse que votre Cour avait aussi adoptée avant l’entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 198741.

par sa nature et par sa quotité, enfermée entre les limites maxima et minima de la peine qui aurait dû être appliquée sans cette erreur, la peine étant dans ce cas légalement justifiée ;

(…) Attendu que le moyen, pour autant qu’il concerne l’action publique, est donc irrecevable pour défaut d’intérêt légal ;

Mais attendu que la théorie de la sanction justifiée ne s’applique qu’aux peines et non aux dommages-intérêts ».

37 Projet de loi portant suppression de la cour d’assises (…), commentaire des articles, doc.

parl.

n° 2980/00, p. 19.

38 L’article 411 tel que formulé par la proposition de loi se lisait comme suit :

« Le pourvoi est recevable chaque fois qu’il tend à faire casser la condamnation prononcée pour une infraction déterminée, sans égard à la peine prononcée. Cependant, en cas de cassation sur pourvoi de la partie condamnée, il ne pourra être prononcé contre elle de peine plus sévère que celle infligée par la décision cassée » (proposition de loi tendant à l’humanisation de la procédure de cassation, texte de la proposition, doc. parl. 2470/00, p. 7).

La Cour supérieure de justice avait suggéré le libellé suivant :

« La demande en annulation ne pourra pas être déclarée irrecevable pour le motif que la peine appliquée resterait légalement justifiée » (proposition de loi tendant à l’humanisation de la procédure de cassation, avis de la Cour supérieure de justice, doc. parl. n° 2470/02, p. 15).

39 Proposition de loi tendant à l’humanisation de la procédure de cassation, doc. parl. n° 2470/02, avis de la Cour supérieure de justice, pp. 14 et 15.

40 Proposition de loi tendant à l’humanisation de la procédure en cassation, doc. parl. n° 2470/00, commentaire des articles, p. 4.

41 Voir les références citées en note de bas de page n° 35.Des arrêts plus récents de votre Cour semblent appliquer la théorie de la peine légalement justifiée en la rattachant non pas à la recevabilité, mais à l’opérance du moyen de cassation.

Ainsi votre Cour a notamment conclu à l’inopérance du moyen dans un cas où elle a jugé que « le fait par la Cour d’appel d’avoir retenu erronément l’incrimination d’usage d’un permis de conduire "falsifié" au lieu de celle, correcte, d’usage d’un permis de conduire "contrefait", qui correspond aux circonstances de fait par elle constatées - incriminations qui sont toutes les deux assorties des mêmes sanctions par l’article 198 du Code pénal - est sans incidence sur la peine prononcée » 42.

L’inopérance d’un moyen de cassation a aussi pu être retenue dans les termes qui suivent :

« Attendu que dans la mesure où il vise la violation de l’article 163-3° (actuellement 163-2°) de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales ensemble l’article 79 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, le moyen tient grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que les gérants et administrateurs ont une obligation de résultat de publication des comptes et sont susceptibles d’être sanctionnés à défaut de ladite publication, l’infraction étant purement matérielle ;

Attendu que l’infraction visée est établie par le seul constat que le dirigeant de droit agissant librement et en connaissance de cause, n’a pas fait procéder à la publication requise par la loi, à moins qu’il n’invoque et ne rende crédible, sans devoir en rapporter la preuve complète, une cause de justification ;

Mais attendu que le moyen est inopérant, la condamnation à la peine d’emprisonnement étant justifiée par l’infraction de banqueroute frauduleuse qui subsiste ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli »43.

Si la théorie de la peine légalement justifiée, avant l’entrée en vigueur de l’actuel article 411, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, semble avoir été rattachée en droit luxembourgeois à la question de la recevabilité du moyen de cassation, elle semble dorénavant relever de l’opérance du moyen de cassation.

Si votre Cour maintient cette analyse, le premier moyen de cassation, qui est recevable en application de l’article 411, alinéa 1er du Code de procédure pénale, est inopérant et ne saurait partant être accueilli, la condamnation à l’amende et la fixation de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l’amende étant justifiée par l’infraction sub 3), non visée par le pourvoi en cassation.

Si votre Cour devait par contre estimer que c’est en réalité la théorie de la peine justifiée – indépendamment du fait qu’elle soit ralliée à la question de la recevabilité ou de l’opérance du moyen de cassation – qui a été condamnée par le législateur en 1987, le moyen devrait être accueilli, mais uniquement en ce qu’il vise la condamnation de PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à une amende et la fixation de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l’amende.

42 Cass., 17 janvier 2019, n° 07/2019 pénal (réponse au premier moyen de cassation).

43 Cass., 18 avril 2013, n° 25/2013 pénal (réponse au troisième moyen) ;

Cass., 18 avril 2013, n° 24/2013 pénal (réponse au troisième moyen).Il semble résulter des travaux préparatoires de l’article 411, alinéa 1er, du Code de procédure pénale que l’intention du législateur conduise à privilégier cette deuxième solution.

- Sur le bien-fondé du premier moyen de cassation en ce qu’il vise la condamnation des demandeurs en cassation à une amende et la fixation de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l’amende Pour le cas où votre Cour déclare recevable le premier moyen de cassation en ses trois branches et les accueille, les développements qui suivent s’imposent.

L’article 19, alinéa 2, de la Constitution se lit comme suit :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction prévue par la loi. » L’article 107 de la loi de 2004 dispose en son alinéa 1er ce qui suit :

« Sont punis d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement, tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d’aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir. » 44 L’article 70 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg dispose ce qui suit45 :

« Le bourgmestre peut interdire toute continuation de travaux non autorisés sur base du présent règlement sur les bâtisses, du plan d’aménagement général (PAG) respectivement des plans d’aménagement particulier (PAP) et ordonner la fermeture du chantier.

Les infractions aux dispositions du présent règlement sur les bâtisses, du plan d’aménagement général (PAG), des plans d’aménagement particulier (PAP) et des autorisations de bâtir sont constatées par les services compétents.

Sous réserve d’autres dispositions pénales prévues par la loi, les infractions aux dispositions du présent règlement sur les bâtisses, du plan d’aménagement général (PAG), des plans d’aménagement particulier (PAP) et des autorisations de bâtir sont passibles d’une peine d’emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement.

Le juge peut ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état, aux frais des contrevenants.

44 Ce texte tire ses origines d’un amendement gouvernemental (projet de loi concernant l’aménagement des communes, doc. parl. n° 4486/03, amendements gouvernementaux, pp. 31, 32 et 81), le texte initial du projet de loi (projet de loi concernant l’aménagement des communes, doc. parl. n° 4486/00, texte du projet de loi, p. 21, et commentaire des articles, p. 39) remontant en substance au moins à l’article 58 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations (Mém. A, n° 57, 7 août 1937).

45 https://www.vdl.lu/sites/default/files/media/document/A1%20Reglement%2007-

2018.pdf (consulté le 24 avril 2025).En cas de violation d’une disposition sanitaire, le juge ordonne, d’office et aux frais du condamné, l’exécution des mesures dont l’inobservation aura formé l’objet de l’infraction, de même que le rétablissement des lieux en leur état antérieur.

Les frais avancés par l’administration communale pour l’exécution de travaux effectués pour le compte du ou des propriétaires soit suite à une situation de force majeure, soit sur base d’une décision judiciaire doivent lui être remboursés par le ou les propriétaires sur présentation d’une quittance relative aux travaux effectués ou en vertu d’un décompte établi par l’administration communale. » L’article 70, alinéa 1er, du règlement sur les bâtisses accorde au bourgmestre le pouvoir d’interdire la continuation des travaux et d’ordonner la fermeture du chantier. Par contre, il n’interdit ou n’impose aucun comportement au justiciable. Cette disposition ne comporte partant aucune incrimination46. Or, pour qu’il y ait infraction, il faut une « transgression de l’interdiction ou de l’obligation que prescrit le texte légal »47 à laquelle est attachée une sanction pénale.

La violation de l’interdiction de continuer des travaux non autorisés et la violation de l’arrêté de fermeture de chantier ne constituent partant pas d’infraction pénale.

En l’espèce, le tribunal d’arrondissement a confirmé la condamnation de PERSONNE1.) et de PERSONNE2.) dans les termes suivants :

« (4) en infraction à l’article 70, alinéas 1 et 3 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg ainsi qu’à l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, d’avoir continué des travaux malgré un arrêté de fermeture de chantier, en l’espèce, d’avoir continué des travaux malgré - un arrêté du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 12 octobre 2020 ordonnant la fermeture du chantier sis à L-ADRESSE2.) »48.

L’article 70, alinéa 1er, du règlement sur les bâtisses n’incrimine aucun comportement et son alinéa 3 ne fait que rappeler les peines prévues par l’article 107 de la loi de 200449.

Au vu des dispositions visées par la condamnation sub 4), il faut conclure que le tribunal d’arrondissement a condamné PERSONNE1.) et PERSONNE2.) pour avoir adopté un comportement qui serait interdit par l’article 70, alinéa 1er, du règlement des bâtisses, à savoir « d’avoir continué des travaux malgré un arrêté » de fermeture de chantier, et donc en fin de compte la violation de l’arrêté de fermeture.

Or, tel qu’il vient d’être démontré, l’article 70, alinéa 1er, ne comporte aucune incrimination, ne formule aucune interdiction à charge du justiciable.

46 Sur les notions d’incrimination et d’infraction : F. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, tome II, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 17 et 18, n° 781.

47 T. MOREAU, D. VANDERMEERSCH, Eléments de droit pénal, Bruxelles, La Charte, édition 2019, p. 57.

48 Jugement attaqué, p. 14, huitième et neuvième alinéas.

49 Voy. à cet égard : Cass., 5 mars 2015, n° 16/2015 pénal, n° 3437 du registre (réponse au deuxième moyen de cassation).Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a donc condamné PERSONNE1.) et PERSONNE2.) pour des faits qui ne constituaient pas d’infraction prévue par la loi.

Le moyen est partant fondé et le jugement encourt la cassation dans les limites exposées.

Sur le second moyen de cassation Le second moyen est tiré de la violation de l’article 102 de la Constitution, de l’article 29 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 et de l’article 38 de la loi de 2004, en ce que le juge d’appel a appliqué l’article 70, alinéas 1er et 3 du règlement sur les bâtisses pour motiver la condamnation sub 4), alors que l’article 38 de la loi de 2004 « ne reconnaî[trait] pas au conseil communal le droit d’intégrer dans le règlement communal sur les bâtisses d’autres dispositions que celles prévues dans la loi de 2004 »50, et notamment des dispositions sur la possibilité d’ordonner une fermeture de chantier ainsi que des dispositions « prévo[yant] une peine plus lourde en cas d’infraction que les infractions aux règlements communaux ordinaires »51.

Il résulte des développements effectués par les demandeurs en cassation que c’est en réalité l’article 39, et non 38, de la loi de 2004 qu’ils visent.

- À titre principal Les demandeurs en cassation ont été condamnés notamment pour « avoir continué des travaux malgré un arrêté du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 12 octobre 2020 ordonnant la fermeture du chantier ».

Or, tel que développé ci-dessus au titre du premier moyen de cassation, c’est à tort que les demandeurs en cassation ont été condamnés pour ces faits qui ne constituent pas d’infraction.

Si votre Cour déclare le premier moyen de cassation recevable et fondé, le deuxième moyen devient sans objet étant donné qu’il résulterait de cette cassation qu’aucune peine n’est prévue en cas de violation de la fermeture de chantier.

- A titre subsidiaire Il est renvoyé aux développements effectués au titre du premier moyen de cassation au sujet de la recevabilité et de l’opérance du moyen de cassation.

L’article 102 de la Constitution dispose ce qui suit :

« Les juridictions n’appliquent les lois et règlements que pour autant qu’ils sont conformes aux normes de droit supérieures. » L’article 38 de la loi de 2004 dispose ce qui suit :

50 Mémoire en cassation, p. 6, premier alinéa.

51 Mémoire en cassation, p. 6, cinquième alinéa.« Chaque commune est tenue d’édicter un règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. » L’article 39 de la loi de 2004, tel que modifié notamment par une loi du 28 juillet 2011, dispose ce qui suit :

« Le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites porte sur la solidité, la sécurité, la salubrité ainsi que la durabilité et la commodité du domaine public, des sites, des constructions, bâtiments et installations ainsi que de leurs abords respectifs.

En ce qui concerne le domaine public et ses abords, le règlement contient au moins des prescriptions relatives au dimensionnement et à l’aménagement des voies publiques, aux espaces réservés à la mobilité douce et aux emplacements de stationnement, de même que des prescriptions concernant les accès et abords de voirie, les enseignes et publicité et les saillies dans le domaine public.

En ce qui concerne les sites et les abords des bâtiments, il contient au moins des prescriptions relatives à l’aménagement et l’équipement des terrains à bâtir, aux distances entre ouvertures et limite séparative, aux travaux de déblaiement et de remblayage, à l’environnement humain, aux clôtures en bordure des limites séparatives, au stationnement et aux enseignes et publicités.

En ce qui concerne les constructions, bâtiments et installations, il contient au moins des prescriptions relatives au dimensionnement, à l’affectation et à l’aménagement des locaux et ouvrages, à l’éclairage naturel et aux vues directes, à la ventilation et à l’aération, au chauffage, aux installations sanitaires et électriques, à la protection contre l’incendie et le bruit, à l’efficience énergétique, à la résistance des matériaux et la stabilité des structures, aux matériaux de construction et à l’accessibilité pour personnes à mobilité réduite.

Le règlement détermine en outre les modalités des procédures prévues pour la délivrance des autorisations de bâtir, et, le cas échéant, des autorisations provisoires prévues à l’article 37bis, ainsi que pour l’aménagement des chantiers et pour la démolition des bâtiments menaçant ruine.

Le règlement peut définir les travaux de moindre envergure pour lesquels une autorisation de construire n’est pas requise. Il peut prévoir que tout ou partie de ces travaux sont à déclarer au bourgmestre, dans les formes et délais à déterminer par le règlement. » L’article 39 actuel de la loi de 2004, à l’exception de son dernier alinéa, remonte à la loi du 28 juillet 2011 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain52.

Les travaux parlementaires de cette loi de 2011 renseignent que « [l]e contenu du règlement sur les bâtisses [qui est un document distinct à la partie écrite du PAP et du PAG, et non pas une partie intégrante] se limite clairement aux dispositions concernant la solidité, la sécurité, la salubrité et la commodité »53, que « le relevé des prescriptions prévues sous les différents points ne peut pas par nature être exhaustif (…) [et que] les prescriptions énoncées sont des 52 Mém. A, n° 159, 29 juillet 2011.

53 Projet de loi portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain (…), doc. parl.

n° 6023/05, amendements adoptés par la commission des affaires intérieures, de la grande région et de la police, p. 25, commentaire de l’amendement 35. prescriptions minimales »54. S’y ajoute que « [l]es mesures prescrites relèvent (…) des pouvoirs de police administrative générale dont certains textes généraux investissent certaines autorités administratives et notamment les autorités communales. Les principales de ces dispositions sont : l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités, les articles 1er et 3 du titre XI du décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, la loi du 27 juin 1906 concernant la protection de la santé publique et, enfin, l’article 29 de la loi communale »55.

Le but du législateur dans le cadre de la loi de 2004 était de « garantir l’uniformité et la généralité des mesures devant garantir la sécurité, la salubrité et la solidité des constructions et aménagements préventives pour l’ensemble du pays, tout en ménageant l’autonomie communale et les prérogatives – et responsabilités – des autorités locales qui demeurent pleines et entières »56. Le but du législateur était d’ « impos[er] des normes minimales, les autorités communales compétentes étant libres d’aller au-delà et de prescrire des normes plus strictes. En tout état de cause, la voie choisie aura pour avantage de garantir au niveau de l’ensemble du pays un niveau de sécurité minimal, et de prévoir des procédures uniformisées »57.

De ce point de vue, l’article 39 de la loi de 2004 ne s’oppose pas à ce que figure dans un règlement sur les bâtisses une disposition accordant au bourgmestre le pouvoir d’ordonner la fermeture d’un chantier.

Il résulte en outre de ce qui précède que l’article 39 de la loi de 2004 ne constitue en fin de compte qu’un cadre pour l’application, dans un domaine spécifique, de l’article 29 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 qui dispose ce qui suit :

« Le conseil fait les règlements communaux.

Ces règlements ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d’administration générale.

Les infractions aux règlements communaux sont punies de peines de police, à moins que d’autres peines ne soient prévues par des lois spéciales.

Lorsque l’importance de la matière l’exige, le conseil communal peut, par délibération spécialement motivée, porter le maximum de l’amende jusqu’à 2.500 euros.

Les règlements de police générale sont soumis à l’approbation du ministre de l’Intérieur. » 54 Projet de loi portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain (…), doc. parl.

n° 6023/06, avis du Conseil d’Etat, p. 12, et doc. parl. n° 6023/07, rapport de la commission des affaires intérieures, de la grande région et de la police, commentaire de l’article 34bis, p. 22.

55 Projet de loi concernant l’aménagement des communes, doc. parl. n° 4486/03, amendements gouvernementaux, commentaire de l’article 38, p. 68.

56 Projet de loi concernant l’aménagement des communes, doc. parl. n° 4486/03, amendements gouvernementaux, commentaire de l’article 38, p. 68.

57 Projet de loi concernant l’aménagement des communes, doc. parl. n° 4486/03, amendements gouvernementaux, commentaire de l’article 38, p. 68. Le projet de loi portant réforme de la législation communale proposait au titre de l’article 36 un texte similaire à celui de la loi de 184358 et qui se lisait comme suit59 :

« Le conseil fait les règlements communaux d’administration intérieure et les ordonnances de police communale.

Ces règlements et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d’administration générale.

Le conseil en transmet, dans les huit jours, des expéditions au ministre de l’Intérieur.

Les infractions aux règlements et ordonnance sont punies des peines prévues par l’article 7 de la loi modifiée du 29 juillet 1930 concernant l’étatisation de la police locale ».

Le commentaire d’article pertinent indiquait ce qui suit60 :

« L’article 36 reproduit sous une forme légèrement modifiée les dispositions de l’article 36 ancien de la loi communale. Le nouvel article, comme l’ancien, distingue les règlements communaux d’administration intérieure des ordonnances de police communale. Les premiers se rapportent à des intérêts purement communaux dont l’administration appartient aux seules communes. Les ordonnance de police communale concernent des objets de police qui touchent à l’intérêt général. Parmi les règlements communaux d’administration intérieure il y a lieu de classer tous ceux qui ont pour but la conservation des biens et des revenus communaux ou qui tendent à assurer le recouvrement des taxes et impôts communaux.

Le droit des conseils communaux d’édicter des ordonnances de police communale est fondé sur les décrets du 14 décembre 1789, des 16-24 août 1790 et des 19-22 juillet 1791 ainsi que sur certaines lois spéciales. Ils ont pour but "de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics" ».

Or, les mots « règlements » et « ordonnances » employés dans la loi de 1843 sont synonymes61 et « les règlements communaux d’administration intérieure et les ordonnances de police communale » constituent des règlements de police62.

58 La loi du 24 février 1843 sur l’organisation communale et des districts (Mém. A, n° 17, 3 avril 1843) disposait en son article 36 ce qui suit :

« Le conseil fait les réglemens communaux, l’administration intérieure, et les ordonnances de police communale.

Ces réglemens et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois ni aux réglemens d’administration générale du Grand-Duché.

Le conseil en transmet, dans les quarante-huit heures, des expéditions au Conseil de Gouvernement.

Les conseils communaux peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs ordonnances, à moins qu’une loi n’en ait fixé. Ces peines pourront à l’avenir être reportées dans les limites déterminées par la loi du 6 mars 1818. » 59 Projet de loi portant réforme de la législation communale, doc. parl. n° 2675/00, texte du projet de loi, pp.

95 et 96.

60 Projet de loi portant réforme de la législation communale, doc. parl. n° 2675/00, commentaire des articles, p. 27.

61 R.P.D.B., tome 2, v° commune, Bruxelles, Larcier, Paris, L.G.D.J., 1949, p. 198, n° 702.

62 R.P.D.B., ibidem, pp. 217 et 218, n° 908.

Le règlement sur les bâtisses est donc un règlement de police dont le contenu est défini a minima par la loi de 2004 mais dans le cadre duquel le conseil communal peut accorder au bourgmestre – chargé en vertu de l’article 67 de la loi communale de l’exécution des règlements de police – le pouvoir d’ordonner une fermeture de chantier. Tel qu’il a été démontré au titre du premier moyen de cassation, le non-respect d’un tel arrêté de fermeture n’est pas incriminé et ne constitue pas d’infraction.

Le deuxième moyen de cassation est partant non fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable.

Le premier moyen est recevable. Il est cependant inopérant en ce qu’il concerne la condamnation à la remise des lieux en leur pristin état. Si votre Cour l’accueille pour le surplus, le moyen est fondé en ce qu’il vise la condamnation à l’amende et la fixation de la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l’amende.

Le deuxième moyen est irrecevable pour être dépourvu d’objet. Si votre Cour le déclare recevable et l’accueille, il n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat L’Avocat général Claude HIRSCH 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 106/25
Date de la décision : 19/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-06-19;106.25 ?

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