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05/06/2025 | LUXEMBOURG | N°98/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 05 juin 2025, 98/25


N° 98 / 2025 pénal du 05.06.2025 Not. 7159/23/CD Numéro CAS-2024-00155 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, cinq juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Nigéria), sans résidence ni domicile connus, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 13 novembre 2024 sous le numéro 376/24 X. par la Cour dâ

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N° 98 / 2025 pénal du 05.06.2025 Not. 7159/23/CD Numéro CAS-2024-00155 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, cinq juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Nigéria), sans résidence ni domicile connus, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 13 novembre 2024 sous le numéro 376/24 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 9 décembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 6 janvier 2025 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Joëlle NEIS.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation à une peine d’emprisonnement du chef d’infractions aux articles 8.1.b) et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie. La Cour d’appel a confirmé le jugement.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la fausse application de l’article 109 de la Constitution et de l’article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce que l’arrêt attaqué n’exprime pas son raisonnement en droit par rapport aux faits constatés et par rapport au droit applicable, entre autre par rapport aux éléments constitutifs des infractions pénales en cause, à savoir ceux des infractions en rapport avec les articles 8.1.b et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

Alors que la motivation des décisions judiciaires, surtout en instance d’appel, doit permettre au justiciable de comprendre le sens et la portée de l’arrêt, mais encore les motifs qui justifient la décision et la peine, et ce de façon non équivoque.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

La décision querellée n’exprime pas son raisonnement par rapport aux faits constatés, par rapport au droit applicable et par rapport au dossier répressif.

Surtout quant aux faits, l’arrêt attaqué reprend expressis verbis le jugement de première instance.

Plus précisément, il est reproché que le renvoi aux faits ainsi qu’une adoption des motifs du jugement de première instance est incompatible avec les exigences de motivation d’une décision émanant d’une juridiction d’appel. Cette approche ne respectant pas la norme requise, elle ne permet pas au prévenu de comprendre la portée de la décision.

Il est crucial que la Cour d’appel examine et motive sa décision en fonction des faits établis lors de la première instance.

La motivation sur les circonstances des infractions retenues, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, fait défaut.

2 La notion de procès équitable comporte l’obligation de motivation à la portée du prévenu. Il doit être en mesure de comprendre les raisons qui fondent la décision, afin de pouvoir préparer efficacement un éventuel pourvoi ou une nouvelle défense.

En l’occurrence, l’absence d’une analyse détaillée des faits et de leur qualification juridique compromet ce droit fondamental.

Dans les conditions données, la motivation est à tel point lacunaire qu’elle doit être assimilée à une décision non motivée puisque de par sa présentation, elle ne permet pas de remplir la fin de l’article 109 de la Constitution et celle de l’article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme.

Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision « par rapport aux faits constatés et par rapport au droit applicable, entre autre par rapport aux éléments constitutifs des infractions pénales en cause, à savoir ceux des infractions en rapport avec les articles 8.1.b et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie. ».

Le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Il résulte de l’arrêt attaqué que l’appel du demandeur en cassation était limité à la peine. Aucune critique quant à la matérialité des faits ni quant à la qualification juridique que les juges de première instance leur avaient donnée n’a été formulée en instance d’appel.

En retenant, en l’absence de contestations quant aux faits et quant aux infractions libellées à charge du demandeur en cassation, « Les juges de première instance ont fait une relation correcte des faits de la cause, relation à laquelle la Cour entend se rallier. Il en est de même en ce qui concerne l’analyse en droit des faits leur soumis. », les juges d’appel ont motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 2,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, cinq juin deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Claude HIRSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) / Ministère Public (affaire n° CAS-2024-00155 du registre) Par déclaration faite le 9 décembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de justice de Luxembourg, Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre l’arrêt n° 376/24 X, rendu contradictoirement le 13 novembre 2024 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 6 janvier 2025 du dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Eric SAYS, préqualifié, au nom et pour le compte de PERSONNE1.).

Le pourvoi est recevable pour avoir été déposé dans les forme et délai prescrits aux articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Quant aux faits et rétroactes :

PERSONNE1.) a été condamné par jugement du 16 novembre 2023 rendu par le tribunal d’arrondissement siégeant en matière correctionnelle du chef d’infraction aux articles 8.1.b) et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie à une peine d’emprisonnement de 12 mois ainsi qu’aux frais de sa poursuite.

Par arrêt n°376/24 X, rendu contradictoirement le 13 novembre 2024 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, les juges d’appel ont confirmé le jugement de première instance.

Quant à l’unique moyen de cassation :

L’unique moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution et de l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH en ce que l’arrêt attaqué n’exprime pas son raisonnement en droit par rapport aux faits constatés et par rapport au droit applicable, entre autre par rapport aux éléments constitutifs des infractions pénales en cause, à savoir ceux des infractions en rapport avec les articles 8.1b et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, alors que la motivation des décisions judiciaires, surtout en instance d’appel, doit permettre au justiciable de comprendre le sens et la portée de l’arrêt, mais encore les motifs qui justifient la décision et la peine, et ce de façon non équivoque.

Le demandeur en cassation reproche aux magistrats d’appel d’avoir omis de se prononcer par rapport aux faits de la cause et le droit applicable, plus particulièrement par rapport aux éléments constitutifs des infractions reprochées au prévenu, et, par cette omission, avoir contrevenu aux dispositions légales visées au moyen leur imposant l’obligation de motiver leur décision.

Aux termes de la Constitution révisée, entrée en vigueur le 1er juillet 2023, l’article 109 dispose ce qui suit : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. ».

Le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme. Il est admis qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré1.

Il suffit donc de constater qu’une décision est motivée sur le point concerné pour écarter le moyen tiré de la violation des dispositions légales visées au moyen.

Dans leur arrêt du 13 novembre 2024, les magistrats d’appel motivent leur décision comme suit :2 « A l’audience devant la Cour, tant PERSONNE1.) que son mandataire exposent que l’appel est limité à la peine et qu’ils concluent à la réduction de celle-ci.

PERSONNE1.) déclare être en aveu quant à la matérialité des faits. Il n’aurait séjourné qu’un seul jour au Luxembourg.

A titre de circonstances atténuantes le mandataire de PERSONNE1.) fait valoir que son mandant ne contesterait pas les faits retenus à sa charge, qu’il mesurerait actuellement la portée de ses actes et qu’il y aurait lieu de prendre en considération la période de temps très brève, la quantité de stupéfiants très réduite ainsi que la durée de la détention préventive déjà subie.

Nonobstant sa libération conditionnelle, PERSONNE1.) se serait présenté à tous les actes de procédure auxquels il aurait été convoqué et que depuis sa libération il n’aurait commis aucune infraction.

Le mandataire de PERSONNE1.) conclut dès lors à voir prononcer une réduction de peine (…) Les juges de première instance ont fait une relation correcte des faits de la cause, relation à laquelle la Cour entend se rallier. Il en est de même en ce qui concerne l’analyse en droit des faits leur soumis.

Les règles du concours ont été correctement appliquées.

1 cf. à titre d’exemple CCass n° 120/2024 pénal du 11.07.2024, n° CAS-2023-00179 du registre ;

2 cf. p. 6-7 de l’arrêt dont pourvoi ; La peine d’emprisonnement prononcée en première instance est légale et sanctionne de façon adéquate les faits. Au vu des antécédents judiciaires du prévenu, toute mesure de sursis est légalement exclue.

Le jugement entrepris est dès lors à confirmer par adoption des motifs. » Ainsi, le demandeur en cassation avait lors de l’audience devant la Cour d’appel précisé que les faits ne sont pas mis en cause, mais que son appel était limité à la seule peine pour solliciter la réduction de la peine d’emprisonnement.

Les juges d’appel, qui se sont référés à l’exposé des faits des juges de première instance et qui ont constaté que ces derniers avaient correctement retenu que les éléments constitutifs de l’infraction étaient donnés, ont motivé leur décision. A cela s’ajoute que le demandeur en cassation n’avait pas contesté la matérialité des faits et que son mandataire avait précisé que l’appel était limité à la peine3.

Pour le surplus, le demandeur en cassation reste en défaut de préciser en quoi consisterait concrètement la violation de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention, sauf à exposer que « la notion de procès équitable comporte l’obligation de motivation à la portée du prévenu.

Il doit être en mesure de comprendre les raisons qui fondent la décision, afin de pouvoir préparer efficacement un éventuel pourvoi ou une nouvelle défense ».

Le moyen tiré de l’absence de motivation est partant à rejeter.

Pour autant que le moyen vise une insuffisance de motifs, partant le défaut de base légale qui se définit comme l’insuffisance des constatations de fait pour statuer sur le droit et qui constitue un vice de fond, il y a lieu de relever que l’article 109 de la Constitution, qui vise le défaut de motifs, constitutif d’un vice de forme, est étranger au grief invoqué. Le moyen, sous ce rapport, serait partant irrecevable4.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, Joëlle NEIS Avocat général 3 Voir arrêt attaqué, p. 6.

4 Cass. 27 octobre 2022, n° 126/2022 pénal, n° CAS-2021-00129 du registre ; Cass. 23 mai 2019, n° 83/2019 pénal, n° CAS-2018-00062 du registre.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 98/25
Date de la décision : 05/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-06-05;98.25 ?

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