N° 96 / 2025 du 05.06.2025 Numéro CAS-2024-00152 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, cinq juin deux mille vingt-cinq.
Composition:
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), défenderesse en cassation.
Vu l’arrêt attaqué numéro 183/24-VAC-DIV (aff. fam.) rendu le 20 août 2024 sous le numéro CAL-2024-00685 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre des vacations, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 31 octobre 2024 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), déposé le 7 novembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Simone FLAMMANG.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un juge aux affaires familiales du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré non fondées la demande de la défenderesse en cassation à voir fixer le domicile et la résidence habituelle de l’enfant commune mineure auprès d’elle, ainsi que la demande du demandeur en cassation tendant à se voir autoriser à déménager avec l’enfant à ADRESSE3.).
La Cour d’appel, réformant, a autorisé le demandeur en cassation à transférer le domicile légal et la résidence habituelle de l’enfant à ADRESSE3.) et a accordé à la défenderesse en cassation un droit de visite.
Sur le moyen unique de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir accordé à Madame PERSONNE2.) un droit de visite à l’égard de l’enfant commun, PERSONNE3.), alors que le volet du droit de visite et d’hébergement avait, en première instance, été toisé par ordonnance du 12 juillet 2024, ayant suspendu le contact mère-fille et ayant fixé une continuation des débats au 28 novembre 2024.
La décision attaquée a été rendue aux motifs suivants :
PERSONNE2.), l’un des principes essentiels en cas de séparation des parents est que l’enfant doit pouvoir garder un contact avec ses deux parents.
La Cour européenne des droits de l’homme a décidé, en juxtaposant l’opinion des enfants, leur intérêt supérieur et le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, qu’en dépit de l’opposition des enfants de voir l’un des parents, les Etats ont l’obligation positive de proposer des solutions permettant un maintien ou une reprise des liens entre parents et enfants (CEDH 9 AVRIL 2019, A.V. c/ Slovénie, re. No 878/13).
Eu égard au fait qu’il n’y a plus eu de contact depuis deux années entre la mère et la fille, il convient de mettre l’accent sur une reprise de leurs liens. » Première branche, l’arrêt attaqué a fait une application erronée de l’effet dévolutif inhérent à l’acte d’appel, partant une violation de l’article 571 du Nouveau Code de Procédure civile, en ayant accordé à Madame PERSONNE2.) un droit de visite encadré à l’égard de l’enfant commun mineur, alors que, l’appel était .
Deuxième branche, subsidiaire à la première, en accordant à Madame PERSONNE2.) un droit de visite à l’égard de l’enfant commun, PERSONNE3.), la Cour d’appel a violé l’autorité de la chose jugée envisagée par les articles 1350 et 1351 du Code civil, alors que le volet du droit de visite et d’hébergement fait l’objet d’une décision rendue par ordonnance du 12 juillet 2024, non frappée d’appel.
Troisième branche, subsidiaire à la deuxième, en accordant à Madame PERSONNE2.) un droit de visite à l’égard de l’enfant commun, PERSONNE3.), la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1007-48, alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile, alors que, l’ordonnance rendue en date du 12 juillet 2024, mettant fin aux mesures provisoires mises en place par l’ordonnance du 1er décembre 2023, dont notamment, le droit de visite de Madame PERSONNE2.) à l’égard de PERSONNE3.) et fixant une continuation des débats à l’audience du 28 novembre 2024 - et donc suspendant le contact mère-fille - n’a pas été frappée d’appel.
Quatrième branche, subsidiaire à la troisième, l’arrêt attaqué n’a pas répondu au moyen invoqué par la partie demanderesse en cassation devant la Cour d’appel - suivant lequel la demande formulée par Madame PERSONNE2.) était irrecevable, dans la mesure où ce volet était toisé par une ordonnance non frappée d’appel du 12 juillet 2024 et que ce volet est toujours pendant devant le Juge aux affaires familiales - mais s’est contenté de la motivation citée supra, qui a uniquement trait au fond de la demande formulée par Madame PERSONNE2.) et ne se prononce nullement sur la recevabilité de cette demande.
Le défaut de réponse à conclusions vaut défaut de motifs, de sorte qu’il y a, dès lors, violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1er, du Nouveau Code de Procédure Civile, en combinaison avec l’article 587 du même code. ».
Réponse de la Cour Sur les première, deuxième et troisième branches du moyen réunies Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir statué sur la demande de la défenderesse en cassation en attribution d’un droit de visite, alors qu’elle aurait été toisée par une ordonnance du juge aux affaires familiales coulée en force de chose jugée du même jour que le jugement entrepris et d’avoir, partant, méconnu l’effet dévolutif de l’acte d’appel (première branche), violé l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance du juge aux affaires familiales portant sur certaines mesures provisoires (deuxième branche) et violé l’article 1007-48 du Nouveau Code de procédure civile en n’ayant pas respecté les dispositions concernant l’appel contre les ordonnances du juge aux affaires familiales portant sur des mesures provisoires (troisième branche).
Il résulte des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la demande de la défenderesse en cassation en attribution d’un droit de visite dans l’hypothèse de l’autorisation d’un déménagement de l’enfant à ADRESSE3.) était dans les débats en première instance devant le juge du fond, alors qu’une demande reconventionnelle en attribution d’un droit de visite avait été formulée à titre subsidiaire par la défenderesse en cassation.
En raison du rejet, au fond et en première instance, de la demande principale du demandeur en cassation tendant à se voir autoriser à déménager avec l’enfant à ADRESSE3.), le juge de première instance n’avait pas à statuer sur cette demande reconventionnelle subsidiaire.
Par ordonnance du 12 juillet 2024, le juge aux affaires familiales, statuant au provisoire, avait ordonné une suspension temporaire de tout contact entre l’enfant et la défenderesse en cassation et avait réservé la demande du droit de visite de cette dernière.
Ayant autorisé, par réformation, le demandeur en cassation à transférer le domicile légal et la résidence habituelle de l’enfant à ADRESSE3.), les juges d’appel ont pu, sans méconnaître l’effet dévolutif de l’appel, statuer sur la demande reconventionnelle subsidiaire, réitérée par la défenderesse en cassation en instance d’appel.
En accordant à la défenderesse en cassation un droit de visite, les juges d’appel ont statué sur une mesure définitive et ont, par cette décision, sans violer l’autorité de la chose jugée au provisoire, mis fin aux mesures provisoires instituées par l’ordonnance du 12 juillet 2024 en relation avec le droit de visite.
Les dispositions de l’article 1007-48 du Nouveau Code de procédure civile, relatives aux recours contre une ordonnance portant sur des mesures provisoires, n’étaient dès lors pas applicables.
Il s’ensuit que le moyen, pris en ses trois premières branches réunies, n’est pas fondé.
Sur la quatrième branche du moyen Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu au moyen d’irrecevabilité qu’il aurait opposé à la demande en attribution d’un droit de visite à la défenderesse en cassation.
A l’article 89 de la Constitution invoqué à l’appui du moyen, il y a lieu de substituer l’article 109 de la Constitution dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2023, partant au jour du prononcé de l’arrêt attaqué.
En tant que tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution, le moyen vise le défaut de réponse à conclusions, qui constitue une forme du défaut de motifs.
Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait soulevé le moyen d’irrecevabilité en question en instance d’appel. Les juges d’appel n’avaient partant pas à y répondre.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa quatrième branche, n’est pas fondé.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure du demandeur en cassation ;
le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Claude HIRSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre PERSONNE2.) N° CAS-2024-00152 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête de PERSONNE1.), signifié en date du 31 octobre 2024 à PERSONNE2.) et déposé le 7 novembre 2024 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt rendu le 20 août 2024 par la Cour d’appel, chambre des vacations, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2024-00685 du rôle.
Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’une signification à PERSONNE1.). Ce dernier l’a fait signifier à PERSONNE2.) ainsi qu’au mandataire de celle-ci1.
PERSONNE2.) n’a pas fait déposer de mémoire en réponse.
Quant à la recevabilité du pourvoi Au vu de l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le délai pour l’introduction d’un pourvoi en cassation est de deux mois. Il court à partir du jour de la signification ou de la notification à personne ou à domicile.
1 Farde de pièces de Maître Anne-Marie SCHMIT, pièce n°1 L’arrêt attaqué a été rendu sur des mesures accessoires dans le cadre d’une procédure de divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales.
En matière de divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales, l’article 1007-43 (11) du Nouveau Code de procédure civile dispose que les arrêts de la Cour d’appel sont signifiés par huissier de justice.
Contrairement à la procédure de droit commun en matière familiale2, ce n’est pas la notification par voie du greffe qui fait courir le délai de cassation, mais la signification par voie d’huissier de justice.
Etant donné que l’arrêt attaqué n’a pas été signifié à PERSONNE1.), le délai prévu par l’article 7 précité n’a pas commencé à courir à son encontre.
Il en découle que le pourvoi est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans le délai et selon les formes prévus par la loi.
Faits et rétroactes Selon l’arrêt attaqué, un juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi de la demande de la mère à voir fixer le domicile et la résidence habituelle de l’enfant commun mineur PERSONNE3.) auprès d’elle ainsi que de la demande du père tendant à se voir autoriser à déménager avec l’enfant à ADRESSE3.), avait déclaré ces demandes recevables, mais non fondées.
La Cour d’appel, par arrêt du 20 août 2024, réformant le jugement entrepris, a autorisé le père à transférer le domicile légal et la résidence habituelle de PERSONNE3.) à ADRESSE3.) et accordé à la mère un droit de visite à exercer selon les modalités à déterminer par le service TREFF-PUNKT.
Dispositions attaquées Le pourvoi s’attaque au seul point du dispositif de l’arrêt du 20 août 2024 concernant le droit de visite accordé à la mère.
Quant à l’unique moyen de cassation L’unique moyen de cassation « fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir accordé à Madame PERSONNE2.) un droit de visite à l’égard de l’enfant commun, 2 Article 1007-9 (10) du Nouveau code de procédure civile PERSONNE3.), alors que le volet du droit de visite et d’hébergement avait, en première instance, été toisé par ordonnance du 12 juillet 2024, ayant suspendu le contact mère-fille et ayant fixé une continuation des débats au 28 novembre 2024 »3.
Il s’articule en quatre branches, chacune étant formulée à titre subsidiaire par rapport à la précédente, tirées :
- la première de la violation de l’article 571 du Nouveau code de procédure civile, l’arrêt attaqué ayant fait une application erronée de l’effet dévolutif inhérent à l’acte d’appel, en ayant accordé à Madame PERSONNE2.) un droit de visite encadré à l’égard de l’enfant commun mineur, alors que l’appel était limité à la question du déplacement du domicile légal et de la résidence habituelle de PERSONNE3.) - la deuxième de la violation de l’autorité de la chose jugée envisagée par les articles 1350 et 1351 du Code civil, alors que le volet du droit de visite et d’hébergement fait l’objet d’une décision rendue par ordonnance du 12 juillet 2024, non frappée d’appel - la troisième de la violation de l’article 1007-48, alinéa 1er, du Nouveau code de procédure civile, alors que l’ordonnance rendue en date du 12 juillet 2024, mettant fin aux mesures provisoires mises en place par l’ordonnance du 1er décembre 2023, dont notamment le droit de visite de Madame PERSONNE2.) à l’égard de PERSONNE3.) et fixant une continuation des débats à l’audience du 28 novembre 2024 – et donc suspendant le contact mère-fille – n’a pas été frappé d’appel - la quatrième du défaut de réponse à conclusions valant défaut de motifs, partant de la violation des articles 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1er, du Nouveau code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 du même code, en ce que l’arrêt attaqué n’a pas répondu au moyen suivant lequel la demande formulée par Madame PERSONNE2.) était irrecevable, dans la mesure où ce volet était toisé par une ordonnance non frappée d’appel du 12 juillet 2024, toujours pendant devant le Juge aux affaires familiales Quant aux première, deuxième et troisième branches réunies Les trois premières branches de l’unique moyen de cassation font grief, chacune sous un angle différent, à la Cour d’appel d’avoir statué sur la question du droit de visite réclamé par la mère, alors que cette question aurait été toisée par une ordonnance du juge aux affaires familiales datant du 12 3 Mémoire en cassation, page 4, alinéa 11 juillet 2024 – partant du même jour que le jugement entrepris – coulée en force de chose jugée.
En tranchant la question du droit de visite, les magistrats d’appel auraient méconnu l’effet dévolutif de l’acte d’appel dont ils étaient saisis (première branche), de même que l’autorité de chose jugée dont se trouve revêtue l’ordonnance du 12 juillet 2024 (deuxième branche). Ils auraient aussi violé l’article 1007-48 du Nouveau code de procédure civile (troisième branche), puisque l’appel dont ils étaient saisis n’avait pas respecté les dispositions concernant l’appel contre les ordonnances du juge aux affaires familiales portant sur des mesures provisoires.
Il se dégage de l’arrêt attaqué que la procédure de divorce entre PERSONNE2.) et PERSONNE1.) a donné lieu à une multitude de décisions du juge aux affaires familiales. Tandis que certains chefs ont été toisés de manière définitive par voie de jugements, des mesures provisoires, dont notamment la question des contacts entre chacun des parents et les enfants communs4, ont été prises au moyen d’ordonnances et modifiées au fil de l’évolution de la situation.
Le domicile et la résidence habituelle de l’enfant PERSONNE3.) ont été définitivement fixés auprès de l’actuel demandeur en cassation par un jugement du 1er décembre 2023. Dans le jugement entrepris du 12 juillet 2024, cette question a toutefois été réexaminée sur demande de la mère, le juge aux affaires familiales ayant estimé qu’il existait un élément nouveau à cet égard.
Il en a toutefois débouté la mère et ce volet du jugement n’a pas été entrepris.
La majeure partie des développements du jugement du 12 juillet 20245 concerne le sujet du déménagement du père avec l’enfant PERSONNE3.) à ADRESSE3.). Le juge aux affaires familiales, après examen des arguments présentés par les deux parents ainsi que de la position de la mineure, exprimée lors d’une audition par le juge et via son avocat à l’audience, a conclu que le transfert du domicile et de la résidence habituelle en France n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, de sorte qu’il a débouté le père de cette demande.
Néanmoins, il faut noter que la question du droit de visite à accorder à la mère dans l’hypothèse d’un déménagement de l’enfant à ADRESSE3.) était dans les débats dès la première instance. La mère avait formulé cette demande subsidiaire à titre reconventionnel.
Ainsi, il se dégage de la lecture du jugement du 12 juillet 2024 :
4 Le premier enfant commun du Couple GROUPE1.) est devenu majeur en cours de procédure 5 Farde de pièces de Maître Anne-Marie SCHMIT, pièce n°8 « Au cas où le tribunal autoriserait PERSONNE1.) à transférer le domicile et la résidence à ADRESSE3.), elle sollicita un droit de visite et d’hébergement à l’égard de PERSONNE3.), à exercer deux weekends par mois, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, assorti d’une astreinte de 1.500 EUR par droit de visite et d’hébergement non respecté. L’astreinte serait pleinement justifiée par le non-respect réitéré d’PERSONNE1.) des ordonnances passées. En outre, il y aurait lieu de préciser que chaque deuxième droit de visite et d’hébergement, le père se déplacera avec PERSONNE3.) à Luxembourg en vue de l’exercice du droit de visite et d’hébergement de la mère. »6 La mère avait donc bien articulé une demande précise quant à un droit de visite et d’hébergement lors des débats contradictoires qui ont abouti au jugement entrepris.
L’actuel demandeur en cassation avait pris position en faisant valoir qu’« Il ne s’opposerait pas à ce que PERSONNE2.) bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement. Dans ce cadre, il douta que PERSONNE3.) consente à l’accompagner au Luxembourg pour y rencontrer sa mère. » 7 Dans son jugement du 12 juillet 2024, le juge de première instance n’a néanmoins pas tranché cette demande, mais il l’a réservée pour la continuation des débats fixée au 28 novembre 2024. En parallèle, il a ordonné une suspension temporaire du contact entre mère et fille par une ordonnance rendue le même jour que le jugement entrepris8, en attendant la continuation des débats du 28 novembre 2024.
En instance d’appel, la mère avait réitéré sa demande pour l’hypothèse où le déménagement à ADRESSE3.) devait être autorisé. Le passage pertinent de l’arrêt se lit ainsi :
« En ordre subsidiaire, et pour autant que la Cour ferait droit à la demande de PERSONNE1.), elle réitère sa demande formulée en première instance et demande à se voir accorder un droit de visite et d’hébergement de PERSONNE3.) de deux weekends par mois, dont un à ADRESSE3.) et un à Luxembourg, et de la moitié des vacances scolaires, sous peine d’une astreinte de 1.500,- euros par droit de visite et d’hébergement non respecté. »9 A nouveau, l’actuel demandeur en cassation y a répondu qu’« Il insiste sur le fait qu’il ne s’est jamais opposé et qu’il ne s’opposera pas que PERSONNE3.) renoue le contact avec sa mère. L’exercice d’un droit de visite serait tout à 6 Idem : jugement du 12 juillet 2024, page 6, dernier alinéa 7 Idem, page 7, alinéa 3 8 Farde de pièces de Maître Anne-Marie SCHMIT, pièce n°9 9 Arrêt attaqué, page 4, alinéa 6 fait possible dans la mesure où la distance entre ADRESSE3.) et Luxembourg peut être franchie en TGV en deux heures. »10 La Cour d’appel, après avoir réformé la décision quant au déménagement, en autorisant le père à transférer le domicile et la résidence habituelle de l’enfant à ADRESSE3.), a statué sur la question du droit de visite et d’hébergement sollicité par la mère dans les termes suivants :
« Concernant le droit de visite et d’hébergement tel que sollicité par PERSONNE2.), l’un des principes essentiels en cas de séparation des parents est que l’enfant doit pouvoir garder un contact avec ses deux parents.
La Cour européenne des droits de l’homme a décidé, en juxtaposant l’opinion des enfants, leur intérêt supérieur et le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, qu’en dépit de l’opposition des enfants de voir l’un des parents, les Etats ont l’obligation positive de proposer des solutions permettant un maintien ou une reprise des liens entre parents et enfants (CEDH 9 avril 2019, A.V. c/ Slovénie, req. no 878/13).
Eu égard au fait qu’il n’y a plus eu de contact depuis deux années entre la mère et la fille, il convient de mettre l’accent sur une reprise de leurs liens.
Dès lors, il y a lieu d’accorder à la mère un droit de visite progressif à l’égard de PERSONNE3.) à exercer au sein du service Treff-Punkt, à charge pour le père de l’y amener. Le droit de visite sera exercé sous surveillance d’un professionnel dudit service, un samedi par mois, à convenir avec ledit service, pendant deux heures, à augmenter, le cas échéant, dans la mesure où les responsables dudit service le jugent opportun eu égard à l’évolution de PERSONNE3.). Il appartiendra à la mère de prendre contact avec ledit service aux fins de l’exercice de son droit de visite.
Il n’y a pas lieu d’assortir le droit de visite d’une astreinte compte tenu du fait qu’il ne résulte d’aucun élément soumis à l’appréciation de la Cour que PERSONNE1.) tentera de faire en sorte que le droit de visite ne puisse pas être respecté. »11 Ce faisant, la Cour d’appel n’a pas statué sur une mesure provisoire, mais sur une mesure définitive.
En effet, un droit de visite et d’hébergement peut être fixé par le juge aux affaires familiales en tant que mesure provisoire, sur le fondement de l’article 1007-45 du Nouveau code de procédure civile, et le juge se prononce dans ce cas de figure par voie d’ordonnance. Néanmoins, un tel droit peut également être institué par jugement, en tant que mesure définitive et il a alors vocation 10 Arrêt attaqué, page 5, alinéa 9 11 Arrêt attaqué, pages 8 et 9 à s’appliquer aussi longtemps qu’une nouvelle décision de justice n’est pas venue le modifier, sous réserve de l’existence d’un élément nouveau.
Le juge aux affaires familiales fait observer dans son ordonnance du 12 juillet 2024 qu’« A l’audience, PERSONNE2.) ne précisa pas si sa demande subsidiaire12 était à considérer comme une mesure provisoire, ou une mesure finale. »13 En tranchant ce point dans l’ordonnance et non pas dans le jugement, le juge a choisi d’interpréter la demande de la mère comme visant un droit de visite provisoire.
La Cour d’appel, cependant, a fixé un droit de visite à vocation définitive et a ainsi mis fin, par voie de conséquence, à la suspension du droit de visite, mesure seulement provisoire, mise en place par l’ordonnance du 12 juillet 2024.
Le caractère définitif du droit de visite accordé à la mère se déduit clairement du dispositif de l’arrêt attaqué qui retient :
« accorde à PERSONNE2.) un droit de visite à l’égard de l’enfant commune mineure PERSONNE3.) à exercer, sauf meilleur accord des parties, par l’entremise du Service Treff-Punkt, selon les modalités à déterminer par ce service, mais au début sous la surveillance d’un professionnel dudit service, un samedi par mois, à convenir avec ledit service, pendant deux heures, à augmenter le cas échéant, dans la mesure où les responsables dudit service le jugent opportun eu égard à l’évolution de l’enfant, précise que le Service Treff-Punkt est habilité à organiser des sorties non-
accompagnées de PERSONNE2.) avec l’enfant commune mineure, une fois qu’il jugera pareilles sorties adéquates, dit qu’il appartient à PERSONNE2.) de contacter le Service Treff-Punkt aux fins de l’exercice de son droit de visite, »14 En faisant abstraction de formulations telles qu’« avant tout autre progrès en cause » ou « accorde provisoirement » , que l’on retrouve habituellement dans les décisions fixant des droits de visite provisoires, ainsi qu’en s’abstenant de fixer une continuation des débats ou de renvoyer la cause devant le juge de première instance pour statuer par la suite sur les modalités progressives dudit droit de visite, la Cour d’appel a clairement pris une décision à caractère définitif.
Il est évident qu’une décision à caractère définitif concernant un droit de visite met fin de manière automatique à une décision provisoire antérieure 12 A savoir : la demande en attribution d’un droit de visite et d’hébergement 13 Ordonnance du 12 juillet 2024, page 6, alinéa 3 14 Arrêt attaqué, page 9 concernant le même droit. Autrement formulé, une décision provisoire est dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, ce qui signifie que le juge du principal peut revenir sur ce que le juge du provisoire a tranché, en dehors des voies de recours prévues par la loi15.
Ainsi, les magistrats d’appel n’ont violé ni l’effet dévolutif de l’appel, dès lors qu’ils étaient valablement saisis de la question du droit de visite, ni l’autorité de chose jugée de l’ordonnance du 12 juillet 2024, celle-ci n’ayant eu qu’un caractère provisoire.
Ils n’ont pas non plus contrevenu aux dispositions de l’article 1007-48 du Nouveau Code de procédure civile, non applicables en l’espèce, puisque l’appel dont ils étaient saisis avait été régulièrement formé contre un jugement du juge aux affaires familiales sur base des articles 1007-42 et 1007-43 du Nouveau Code de procédure civile, l’article 1007-48 n’étant pas applicable.
Il s’ensuit que l’unique moyen de cassation n’est pas fondé en ses première, deuxième et troisième branches.
Quant à la quatrième branche :
La quatrième et dernière branche de l’unique moyen de cassation met en œuvre le grief du défaut de réponse à conclusions, forme du défaut de motifs, vice de forme de l’arrêt attaqué.
Elle vise l’article 89 de la Constitution, auquel il convient de substituer l’article 109 de la Constitution dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2023, partant au jour du prononcé de l’arrêt attaqué.
Il est reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir répondu au moyen d’irrecevabilité que l’actuel demandeur en cassation aurait soulevé par rapport à la demande en attribution d’un droit de visite de la mère, dès lors que ce chef aurait été tranché par l’ordonnance non entreprise du 12 juillet 2024.
Or, il ne se dégage ni de l’arrêt attaqué, ni des autres pièces auxquelles Votre Cour peut avoir égard, qu’un tel moyen d’irrecevabilité aurait été soulevé en instance d’appel par l’actuel demandeur en cassation.
Pour que le grief du défaut de réponse à conclusions puisse être présenté, il est nécessaire que le demandeur au pourvoi ait pris des conclusions écrites16.
15 JurisClasseur procédure civile, Fasc. 900-30 : Autorité de la chose jugée ; autorité des jugements provisoires, §84 ss.
16 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, Ed. Dalloz 2023/2024, page 428, n°77.193 La procédure devant la Cour d’appel, siégeant en matière de divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales est orale17 et les parties ne sont en principe pas obligées d’y produire des écrits. Néanmoins, en l’absence de la moindre trace écrite, Votre Cour se trouve en l’occurrence dépourvue de toute possibilité de vérifier si et sous quelle formulation le moyen d’irrecevabilité allégué a été présenté devant les magistrats d’appel.
Par conséquent, la quatrième branche de l’unique moyen de cassation est irrecevable.
A titre subsidiaire, il n’est pas fondé.
Une décision de justice est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite sur le point considéré.
En statuant sur le droit de visite sollicité par la mère et en soulignant qu’il s’agissait d’une demande déjà formulée en première instance18 à laquelle l’actuel demandeur en cassation et père de l’enfant ne s’était pas opposé19, la Cour d’appel a implicitement, mais nécessairement rejeté le moyen d’irrecevabilité en relation avec ce droit.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur général d’Etat, le Procureur général d’Etat adjoint Simone FLAMMANG 17 Article 1007-43 (8) du Nouveau code de procédure civile 18 Arrêt attaqué, page 6, alinéa 7 19 Arrêt attaqué, page 5, alinéa 9 14