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22/05/2025 | LUXEMBOURG | N°93/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 22 mai 2025, 93/25


N° 93 / 2025 du 22.05.2025 Numéro CAS-2024-00151 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq.

Composition :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la Societas Europaea deutschen Rechts SOCIETE1.) S.E., immatr

iculée au Handelsregister beim Amtsgericht Frankfurt-am-Main sous le numéro ...

N° 93 / 2025 du 22.05.2025 Numéro CAS-2024-00151 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq.

Composition :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la Societas Europaea deutschen Rechts SOCIETE1.) S.E., immatriculée au Handelsregister beim Amtsgericht Frankfurt-am-Main sous le numéro NUMERO1.), ayant absorbé la société anonyme SOCIETE2.) (Luxembourg), agissant pour le compte de sa succursale luxembourgeoise sous la dénomination SOCIETE1.) S.E., Luxembourg Branch, établie à L-ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), demanderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple Allen Overy Shearman Sterling, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Maurice MACCHI, avocat à la Cour, et PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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Vu l’arrêt attaqué numéro 98/24-III-TRAV rendu le 27 juin 2024 sous le numéro CAL-2023-00487 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 8 octobre 2024 par la société SOCIETE1.) S.E. (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à PERSONNE1.), déposé le 17 octobre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 28 novembre 2024 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 3 décembre 2024 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire intitulé « nouveau mémoire en réponse » signifié le 19 décembre 2024 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 6 janvier 2025 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Isabelle JUNG.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal du travail de Luxembourg avait déclaré non fondée la demande en remboursement partiel d’une prime versée à titre de rémunération variable et d’incitation à rester dans l’entreprise dirigée par la demanderesse en cassation contre le défendeur en cassation suite à la démission de celui-ci. La Cour d’appel a confirmé le jugement.

Sur la recevabilité du pourvoi Le défendeur en cassation soulève la nullité du mémoire en cassation sur base de l’article 153 du Nouveau Code de procédure civile au motif que les originaux des deux mémoires en cassation qui lui ont été signifiés par l’huissier de justice ne portent pas de date de signification, à l’exception du document intitulé « Modalités de la signification de l’exploit avec avis de passage ». L’absence d’une telle mention serait à sanctionner par l’irrecevabilité du pourvoi.

L’article 153 précité prévoit que « Tout acte d’huissier de justice indique à peine de nullité, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs: 1) sa date (…) ».

Bien que la date de signification du mémoire en cassation ne figure pas sur l’original de l’acte de signification lu isolément, le formulaire indiquant les modalités de la signification de l’exploit avec avis de passage joint à l’acte de signification, le tout laissé au domicile du défendeur en cassation, indique la date de signification, de sorte que le défendeur en cassation avait connaissance du point de départ du délai qui lui était imparti pour répondre au mémoire de la demanderesse en cassation.

L’acte de signification et le formulaire indiquant les modalités de sa signification forment un tout, si bien que la signification du mémoire en cassation est régulière à cet égard.

Pour le surplus, le pourvoi, régulier en la forme et quant au délai, est recevable.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi par refus d’application de l’article 1134 du Code civil, En ce que, dans l’arrêt attaqué du 27 juin 2024, la Cour d’appel a déclaré non fondée la demande de l’Employeur en paiement de la somme de 44.003,40 euros, sollicitée en application de stipulations contractuelles prévoyant le remboursement d’une partie de la prime UCA, dont le caractère facultatif, le principe et les conditions avaient été acceptés par le Salarié, Au motif que les stipulations susmentionnées aggraveraient les obligations du Salarié, Alors que (branche unique), l’article 1134 du Code du travail prévoit une force obligatoire des conventions, pourtant rappelée par la Cour d’appel, de même que le principe selon lequel une telle force obligatoire n’est pas mise en échec par les règles spécifiques du droit du travail, De sorte que la Cour d’appel aurait dû, en présence de stipulations contractuelles répondant aux conditions de validité du Code civil, donner son plein effet à l’obligation de remboursement d’une partie de la prime UCA pesant sur le Salarié. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 1134 du Code civil en ayant fait prévaloir, sur le principe de la force obligatoire des stipulations contractuelles, les règles spécifiques du droit du travail et d’avoir ainsi dispensé le défendeur en cassation de l’obligation, en raison de la résiliation anticipée du contrat de travail, de rembourser une partie de la prime perçue à titre de rémunération variable et d’incitation à rester dans l’entreprise.

L’article 1134 du Code civil limite le principe de la liberté contractuelle aux « conventions légalement formées » en subordonnant celles-ci au respect des dispositions d’ordre public de la loi.

L’article L. 121-3 du Code du travail autorise les parties à un contrat de travail à déroger aux dispositions du Livre Ier, Titre II, du Code du travail, mais dans un sens plus favorable au salarié seulement.

Il s’ensuit que les juges d’appel, qui ont retenu que la clause contractuelle en cause était contraire à l’article L. 121-3 du Code du travail, disposition qui est d’ordre public, ont à juste titre fait prévaloir cette disposition sur le principe de la force obligatoire des contrats formulé par l’article 1134 du Code civil.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi par refus d’application et par fausse application de l’article L.121-3 du Code du travail, En ce que la Cour d’appel, dans son arrêt attaqué, a déclaré que les stipulations litigieuses étaient nulles, Au motif qu’elles entraînaient pour le Salarié une aggravation de ses obligations au sens de l’article L.121-3 du même Code, Alors que, selon l’article L.121-3 alinéa 2 du Code du travail, et de nul effet toute clause contraire aux dispositions du présent titre pour autant qu’elle vise à restreindre les droits du salarié ou à aggraver ses obligations. », Que le titre visé par cet article est le titre II du Code du travail intitulé , Qu’une clause frappée de nullité par cet article serait une clause répondant aux deux conditions cumulatives qu’il énumère. La première condition est que la clause doit être du titre II du Code du travail. La seconde condition est constituée de deux sous-conditions alternatives : la clause doit soit soit , Qu’il s’ensuit que le demandeur en cassation peut formuler les griefs suivants :

Première branche De sorte que la Cour d’appel a violé l’article L.121-3 du Code du travail par refus d’application, en ne vérifiant pas que les deux conditions cumulatives requises pour l’application de cet article étaient remplies, en l’occurrence la première.

Seconde branche De sorte que la Cour d’appel a violé l’article L.121-3 du Code du travail par fausse application, la correcte qualification des obligations en cause conduisant à la conclusion que les deux conditions cumulatives requises pour l’application de cet article ne sont pas remplies, en particulier la seconde, Qu’en effet, ne constitue pas une aggravation des obligations du Salarié les clauses subordonnant l’acquisition de l’intégralité d’une prime à une condition de présence après son versement pendant une durée convenue entre les parties et prévoyant l’acquisition de cette prime au prorata du temps passé et le remboursement du solde en cas de démission avant l’échéance prévue. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en ayant considéré que les « deux conditions cumulatives » requises pour l’application de cette disposition étaient réunies, sans en avoir vérifié l’accomplissement.

L’article L. 121-3 du Code du travail dispose « Les parties au contrat de travail sont autorisées à déroger aux dispositions du présent titre dans un sens plus favorable au salarié.

Est nulle et de nul effet toute clause contraire aux dispositions du présent titre pour autant qu’elle vise à restreindre les droits du salarié ou à aggraver ses obligations ».

En retenant « Il convient d’analyser, en l’espèce, si l’engagement contractuel du salarié au remboursement proportionnel d’un bonus, dans l’hypothèse de sa démission endéans les trois ans de la perception du bonus, est contraire aux dispositions de l’article L.121-

3 du Code du travail.

Il résulte de l’article 4.3 du contrat de travail que le paiement d’une rémunération variable sous forme de bonus par l’employeur est discrétionnaire et ne confère pas au salarié un droit acquis à la perception de boni pour l’avenir.

Si, eu égard au caractère discrétionnaire de l’octroi de la gratification, l’employeur peut assortir cet octroi de certaines conditions, ces conditions ne doivent pas pour autant être de nature à restreindre les droits ou aggraver les obligations du salarié, tel que l’a relevé la juridiction du premier degré à juste titre.

Le mécanisme du classique, qui soumet le paiement d’une gratification à la présence du salarié au sein de l’entreprise au moment de son échéance, ne pose, en principe, pas de problème au regard des dispositions de l’article L.121-3 du Code du travail.

Or, il en va différemment lorsque, comme en l’espèce, le salarié se voit payer la gratification sous la condition résolutoire de rester au service de l’employeur pendant une période prolongée.

Le paiement du bonus sous la condition résolutoire litigieuse est d’autant plus sujet à caution que l’accord quant aux modalités de l’octroi des sommes litigieuses ne permet pas de faire la distinction entre la part du bonus qui rémunère l’activité du salarié au cours de l’année pour laquelle il est attribué, en l’occurrence l’année 2020, et la part qui est censée l’inciter à rester au sein de l’entreprise, tel que le souligne la juridiction de première instance.

Il résulte des dispositions du Code du travail que le salarié engagé sous contrat à durée indéterminé est libre de démissionner à tout moment, sauf à respecter - en l’absence de faute grave de l’employeur justifiant une démission avec effet immédiat -

un délai de préavis correspondant à la moitié du délai de préavis que l’employeur devrait respecter en cas de licenciement.

En prévoyant que le salarié doit rembourser une partie des montants qui lui ont été payés au titre de sa rémunération variable brute, dans l’hypothèse de sa démission endéans les trois ans de l’octroi desdits montants, les clauses litigieuses des entraînent pour le salarié une aggravation de ses obligations prévues par le Code du travail.

A l’instar de la juridiction de première instance, la Cour considère que cette aggravation des obligations est notable, en ce qu’elle correspond à une part significative de la rémunération annuelle du salarié, soit 10 % en l’espèce, et que le phénomène en cause n’est pas (cf. p.7 du jugement entrepris).

C’est encore de façon pertinente que le tribunal du travail a noté que, du fait qu’aux termes des , le remboursement prévu porte sur le montant brut du bonus, le mécanisme litigieux entraîne, au-delà des contraintes financières, des inconvénients d’ordre administratif pour le salarié qui, en cas de remboursement, devrait entreprendre des démarches en vue de récupérer les cotisations sociales et les impôts payés.

Le tribunal est également à approuver en ce qu’il a retenu que le mécanisme en cause n’est pas comparable aux pratiques spécialement réglementées par le Code du travail, concernant l’obligation du salarié démissionnaire de rembourser les frais de formation avancés par l’employeur, ni à assimiler aux cas où il y a lieu à remboursement d’une gratification à titre de sanction.

Il résulte de ce qui précède que les clauses des obligeant le salarié au remboursement d’une part proportionnelle du UCA en cas de démission, constituent une entrave démesurée à la liberté de démissionner et sont nulles, en ce qu’elles sont contraires aux dispositions de l’article L.121-3 du Code du travail. », les juges d’appel, qui ont considéré que la clause restreignant la liberté de démissionner du salarié était contraire aux dispositions du titre II du Code du travail, ont fait l’exacte application de la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré du défaut de base légale au regard du principe qu’il ne peut être apporté à un droit et de l’article 1134 du Code civil, En ce que, dans l’arrêt attaqué, la Cour d’appel conclut que le mécanisme litigieux est contraire à l’article L.121-3 du Code du travail, Au motif que l’ et l’ de démissionner » qu’elle évoque seraient respectivement et , Alors que l’article L.121-3 du Code du travail n’exige en aucun cas une condition de gravité, Que, par ailleurs, la Cour d’appel s’est gardée de caractériser une entrave à la liberté de démissionner du Salarié, a fortiori de démontrer en quoi cette atteinte était illicite, Qu’il s’ensuit que le demandeur en cassation peut formuler les griefs suivants :

Première branche De sorte qu’en affirmant que l’octroi définitif de la prime, subordonné à la condition que le Salarié ne démissionne pas à une date postérieure à son versement, avait pour effet de porter atteinte à sa liberté de démissionner sans concrètement caractériser en quoi, compte tenu notamment de son niveau de rémunération, les conditions de l’engagement pris par le Salarié, précisément définies par les clauses contractuelles en cause, de rembourser cette prime au prorata de son temps de présence, avaient pour effet de le priver de la faculté de démissionner, la Cour d’appel a privé son arrêt de base légale.

Seconde branche Qu’en réalité, la Cour d’appel a pressenti la nécessité d’un contrôle de proportionnalité du mécanisme litigieux, tout en refusant d’appliquer le principe selon lequel il ne peut être apporté à un droit et le double-

critère qu’il énonce, De sorte qu’une clause restreignant la liberté de démissionner d’un salarié est valable si elle est justifiée et proportionnée au but recherché ; qu’à supposer même qu’elles portent atteinte à la liberté du travail, en s’abstenant de rechercher si les conditions d’acquisition et de remboursement de la prime n’étaient pas justifiées et proportionnées au but recherché, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir suffisamment motivé leur décision concernant l’existence d’une entrave à la liberté de démissionner ni en quoi cette atteinte était illicite.

Le défaut de base légale, qui constitue un vice de fond, se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires à la mise en œuvre de la règle de droit.

Il résulte des motifs repris dans la réponse donnée au deuxième moyen que les juges d’appel ont, par une motivation exempte d’insuffisance, procédé aux constatations de fait nécessaires pour caractériser les conditions nécessaires à l’application de l’article L. 121-3 du Code du travail.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 4.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation reçoit le pourvoi ;

le rejette ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 4.500 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Romain ADAM, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation SOCIETE1.) SE, LUXEMBOURG BRANCH c/ Monsieur PERSONNE1.) (affaire n° CAS 2024-00151 du registre) Par mémoire signifié le 8 octobre 2024 à Monsieur PERSONNE1.) et déposé le 17 octobre 2024 au greffe de Votre Cour, la société anonyme SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A., ayant entretemps fait l’objet d’une fusion-absorption par la société SOCIETE1.) SE (ci-après « la société SOCIETE1.) SE, Luxembourg Branch »), a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt 98/24-III-TRAV rendu contradictoirement par la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail, sous le numéro CAL-2023-00487 du rôle.

La date de signification de l’arrêt attaqué ne ressort pas des pièces du dossier.

Le 28 novembre 2024, un mémoire en réponse a été signifié à la partie demanderesse en cassation et déposé au greffe de Votre Cour le 3 décembre 2024.

La société SOCIETE1.) SE, Luxembourg Branch, a finalement fait signifier à Monsieur PERSONNE1.) un « nouveau mémoire en réponse en cassation » en date du 19 décembre 2024. Ledit mémoire a été déposé au greffe de Votre Cour le 6 janvier 2025.

Tant le pourvoi en cassation que les mémoires en réponse et en réplique ont été interjetés, respectivement signifiés et déposés dans les délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Moyen d’irrecevabilité du pourvoi en cassation soulevé par la partie défenderessse en cassation Dans son mémoire en réponse du 28 novembre 2024, la partie défenderesse en cassation soulève le moyen d’irrecevabilité du pourvoi en cassation au motif que même si l’original de l’acte de signification du mémoire en cassation communiqué par le mandataire de la partie demanderesse en cassation porte bien un tampon avec la date de signification, il appert que les deux exemplaires du mémoire en cassation signifiés par huissier de justice à Monsieur PERSONNE1.) ne contiennent aucune date de signification, à l’exception du document intitulé « Modalités de l’exploit avec avis de passage ».

Or, conformément à l’article 153 du Nouveau Code de procédure civile, cette mention serait exigée à peine de nullité.

Il est rappelé que l’article 153 précité prévoit que « L’huissier de justice est tenu de faire connaître, par une mention expresse portée sur l’original et sur les copies de l’acte, la date à laquelle il a procédé à la signification. À peine de nullité, cette date doit être portée sur l’acte. ».

Il résulte de ce texte que la date de signification doit figurer sur les copies destinées à la partie adverse et non seulement sur l’original conservé par l’huissier.

Dans le cas d’espèce, le document intitulé « Modalités de l’exploit avec avis de passage » annexé aux copies signifiées à Monsieur PERSONNE1.) en sa qualité de partie défenderesse en cassation, porte bien la date de signification.

Or, l’exigence de l’article 153 précité a pour finalité essentielle de permettre au destinataire de connaître avec certitude le point de départ du délai de réponse ou de défense.

En l’espèce, cette finalité est pleinement assurée, puisque la date de signification figure sur un document faisant partie intégrante de l’exploit, annexé aux pièces remises au destinataire et qu’il n’est pas contesté que le destinataire a bien reçu l’ensemble des documents avec indication claire de la date.

Par ailleurs, aux termes de l’article 264, alinéa 2, du Nouveau code de procédure civile, « aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s’il est justifié que l’inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse. » Selon la jurisprudence de votre Cour, dans le cadre d’un vice de forme allégué de la signification du pourvoi, l’appréciation du grief doit se faire in concreto1.

Dans le cas présent, aucun grief concret n’est établi ni même allégué. La partie défenderesse en cassation a pu prendre connaissance du mémoire en cassation, en débattre et conclure en temps utile. La procédure contradictoire a été respectée. Il n’y a donc ni atteinte aux droits de la défense, ni incertitude sur le déroulement de la procédure.

Le pourvoi est partant recevable tant en la forme que quant aux délais.

Faits et rétroactes En date du 1er février 2018, PERSONNE1.), après avoir déjà travaillé dans des entités du groupe SOCIETE2.), est entré au service de la la société anonyme SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. par contrat à durée indéterminée du 11 janvier 2018 en qualité de responsable « Ultra High Net Worth Individual (UHNWI) Northern & Western Europe » et de « Senior Relationship Manager Private Banking » au rang de « Managing Director ».

1 P.ex. Cass. n°36/13 du 2.5.2013, n° 3172 du registre A côté de sa rémunération fixe et d’autres éléments de rémunération variables, PERSONNE1.) s’était vu proposer le paiement d’un « Upfront Cash Award » (ci-après « UCA ») d’une valeur totale de 68.875 euros pour l’année 2020, sous réserve de la signature d’un ensemble de documents détaillant les conditions d’octroi, dont un document intitulé « Upfront Cash Award Frequently Asked Questions », transmis à Monsieur PERSONNE1.) le 4 février 2021, dans lequel il est mentionné que le salarié est libre d’accepter ou de refuser l’octroi du UCA sans que cette décision n’ait un impact sur les autres éléments variables de sa rémunération.

Plus particulièrement, le document intitulé « Upfront Cash Award Certificate », stipulait à l’article article 4(a) du « Upfront Cash Award Certificate » que le UCA sera soumis à un « clawback » proportionnel (une obligation de remboursement proportionnelle du UCA dans le chef du salarié l’ayant perçu) si au cours d’une période de trois ans à partir de la date d’octroi (ci-après la « clawback period ») un « clawback event » se produisait.

L’article 4(b) du « Upfront Cash Award Certificate », indiquait encore que toute démission volontaire du salarié ayant pour conséquence une sortie du groupe SOCIETE2.) AG constituait un tel « clawback event ».

Dans le cadre du UCA attribué à Monsieur PERSONNE1.), la « clawback period » pour le UCA versé au titre de l’année 2020 se situait entre le 11 février 2021 et le 11 février 2024.

PERSONNE1.) a signé les documents en question le 4 février 2021 et a présenté sa démission le 26 novembre 2021 moyennant un préavis de trois mois, soit avant la fin de la « clawback period ».

Le 17 août 2022, la société anonyme SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. (désormais « SOCIETE1.) SE, Luxembourg Branch ») a fait convoquer PERSONNE1.) par requête déposée au greffe de la justice de paix de Luxembourg, devant le Tribunal du travail pour s’y entendre condamner à lui payer la somme de 44.003,40 euros, outre les intérêts légaux, sinon tout autre montant même supérieur à déterminer par le tribunal ou à dire d’expert, ainsi qu’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros.

La société SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. reproche à PERSONNE1.) d’avoir, par sa démission le 26 novembre 2021, provoqué un « clawback event » durant la « clawback period » impliquant pour le requérant une obligation de remboursement proportionnelle du UCA qu’elle évalue au montant de (23/36 x 68.875=) 44.003,40 euros, remboursement refusé par Monsieur PERSONNE1.) malgré plusieurs demandes.

Par jugement du 6 mars 2023, le Tribunal du travail de Luxembourg, statuant contradictoirement, a déclaré la demande de la société SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. recevable en la forme, a déclaré non fondée sa demande en paiement de la somme de 44.003,40 euros, a déclaré non fondée sa demande en paiement d’une indemnité de procédure, a condamné la société SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. à payer à Monsieur PERSONNE1.) la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité de procédure, en laissant les frais et dépens de l’instance à charge de la société SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A..

De ce jugement, qui lui a été notifié le 13 mars 2023, la société SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. a régulièrement relevé appel par acte d’huissier du 18 avril 2023.

Dans un arrêt du 27 juin 2024, la troisième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière de droit du travail, a reçu l’appel en la forme, l’a déclaré non fondé, a confirmé le jugement entrepris, a débouté la société SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. de sa demande en paiement d’une indemnité de procédure en instance d’appel, l’a condamnée à payer une indemnité de procédure de 2.000 euros à Monsieur PERSONNE1.) et a condamné la société SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A. aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation, invoqué à titre principal, est tiré « de la violation de la loi par refus d'application de l'article 1134 du Code civil, En ce que, dans l'arrêt attaqué du 27 juin 2024, la Cour d'appel a déclaré non fondée la demande de l'Employeur en paiement de la somme de 44.003,40 euros, sollicitée en application de stipulations contractuelles prévoyant le remboursement d'une partie de la prime UCA, dont le caractère facultatif. Le principe et les conditions avaient été acceptés par le Salarié, Au motif que les stipulations susmentionnées aggraveraient les obligations du Salarié, Alors que (branche unique), l'article 1134 du Code du travail prévoit une force obligatoire des conventions, pourtant rappelée par la Cour d'appel de même que le principe selon lequel une telle force obligatoire n'est pas mise en échec par les règles spécifiques du droit du travail, Dès lors que la Cour d'appel aurait dû, en présence de stipulations contractuelles répondant aux conditions de validité du Code civil, donner son plein effet à l'obligation de remboursement d'une partie de la prime UCA pesant sur le Salarié. » La partie défenderesse en cassation appuie son premier moyen, sur un arrêt du 11 mai 2023 n° 21-25. 136, rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation française, considérant que l'exposé du litige et les moyens seraient similaires à ceux de l'arrêt attaqué.

La Cour de cassation française aurait fondé sa décision en grande partie sur les termes de l’article 1134 du Code civil dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui se rapprocheraient de l’article 1134 du Code civil luxembourgeois.

Dans la discussion du premier moyen, la partie demanderesse en cassation cite un passage de l’arrêt en question afin d’appuyer le fait que les primes dites « remboursables » seraient désormais admises, sans porter atteinte au principe de la liberté du travail :

« Vu les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail, et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

Aux termes du premier de ces textes, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Selon le deuxième, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.

Selon le troisième, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il résulte de ces textes qu'une clause convenue entre les parties, dont l'objet est de fidéliser le salarié dont l'employeur souhaite s'assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l'acquisition de l'intégralité d'une prime d'arrivée, indépendante de la rémunération de l'activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l'entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n 'aura pas passé dans l'entreprise avant l'échéance prévue.

Pour débouter l'employeur de l'intégralité de ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé que l'article du contrat de travail prévoyait le versement dans les trente jours de l'entrée en fonction du salarié d'une prime initiale d'un montant de 150 000 euros et que ce dernier devrait rembourser ladite prime partiellement en cas de démission dans les trente-six mois de sa prise de fonction, retient que l'employeur ne pouvait valablement subordonner l'octroi définitif de la prime initiale versée au salarié en janvier 2 016 à la condition que ce dernier ne démissionne pas, et ce, à une date postérieure à son versement, dès lors que cette condition, qui avait pour effet de fixer un coût à la démission, portait ce faisant atteinte à la liberté de travailler du salarié.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » Ainsi, à la lumière de cette jurisprudence, la troisième chambre de la Cour d’appel luxembourgeoise aurait « doublement violé l'article 1134 du Code civil » en refusant de reconnaître la force obligatoire des stipulations contractuelles querellées, « alors même qu'elle reconnaissait que celles-ci répondaient aux critères du Code civil, dont les dispositions ne sont pas mises en échec par celles du Code du travail » et en refusant « d'appliquer l'exigence de bonne foi prévue par cet article, en refusant de tirer les conclusions de la constatation de la démission d'un salarié très éduqué et parfaitement informé seulement quelques mois après la perception de la prime UCA. ».

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Il y a lieu de rappeler que le « refus d’application de la loi « suppose qu’un texte parfaitement clair et n’appelant pas à interprétation spéciale ait été transgressé. La cour régulatrice annule alors la décision attaquée pour avoir « violé par refus d’application l’article susvisé.

Dans la pratique, le refus d’application, qui consiste à ne pas appliquer la règle à une situation qu’elle devait régir, se présente comme l’envers de la fausse application, qui consiste au contraire à appliquer la règle à une situation qu’elle ne devait pas régir. »2.

En général, lorsqu’une fausse interprétation engendre une violation de la loi par refus d’application, la cassation intervient pour refus d’application. Un tel constat est naturel, car la juridiction du fond qui n’a pas appliqué un texte pourtant applicable ne va pas forcément préciser pour quelle raison elle a écarté le texte en question, ce qui empêche de rendre visible l’erreur d’interprétation.

Dans le cas querellé devant Votre Cour, les juges d’appel ont, à l’instar du juge de première instance, procédé à une analyse de la relation de travail du défendeur et de la la société SOCIETE1.) SE, Luxembourg Branch, des clauses du contrat de travail et des « Plan Documents » prévoyant les conditions d’octroi et le mécanisme de la prime UCA, signés par le défendeur en cassation.

Ils ont rappelé, très justement, que l’application de l’article 1134 du Code civil consacrant le principe de la liberté contractuelle entre parties n’est pas absolu et que cette liberté peut être limitée par les règles protectrices du droit du travail, notamment celles relatives à la liberté de démissionner.

Votre Cour l’a d’ailleurs récemment rappelé dans un arrêt récent N° 45 / 2025 du 20 mars 2025, Numéro CAS-2024-00113 du registre, dans le cadre de l’application d’une clause contractuelle imposant au salarié un remboursement d’un rembourser un montant forfaitaire élevé au titre des démarches administratives internes engagées par l’employeur pour l’obtention du permis de travail.

L’article L.121-3 du Code du travail dispose :

« Les parties au contrat de travail sont autorisées à déroger aux dispositions du présent titre dans un sens plus favorable au salarié.

Est nulle et de nul effet toute clause contraire aux dispositions du présent titre pour autant qu’elle vise à restreindre les droits du salarié ou à aggraver ses obligations. ».

2 La Cassation en matière civile (éd. 2015/2016), Jacques et Louis BORE, 72.11, p. 357 Il y a encore lieu de rappeler que l’article L. 121-4 du Code du travail prévoit la liberté du salarié de démissionner, qui est un droit garanti, d’ordre public.

Dans le cas d’espèce, la Cour d’appel a retenu dans son arrêt que tout d’abord, le contrat de travail signé par le défendeur en cassation prévoyait une rémunération variable sous forme de bonus, laissé à l’appréciation discrétionnaire de l’employeur :

« Il résulte de l’article 4.3 du contrat de travail que le paiement d’une rémunération variable sous forme de bonus par l’employeur est discrétionnaire et ne confère pas au salarié un droit acquis à la perception de boni pour l’avenir.

Si, eu égard au caractère discrétionnaire de l’octroi de la gratification, l’employeur peut assortir cet octroi de certaines conditions, ces conditions ne doivent pas pour autant être de nature à restreindre les droits ou aggraver les obligations du salarié, tel que l’a relevé la juridiction du premier degré à juste titre.

Le mécanisme du « retentional bonus » classique, qui soumet le paiement d’une gratification à la présence du salarié au sein de l’entreprise au moment de son échéance, ne pose, en principe, pas de problème au regard des dispositions de l’article L.121-3 du Code du travail.

Or, il en va différemment lorsque, comme en l’espèce, le salarié se voit payer la gratification sous la condition résolutoire de rester au service de l’employeur pendant une période prolongée. ».

Il y a encore lieu de mentionner que la relation de travail entre le défendeur en cassation et l’employeur était déjà entamée, puisque le salarié avait été embauché par la société SOCIETE1.) SE, Luxembourg Branch, en 2018. Avant cette embauche, il était déjà salarié auprès du groupe SOCIETE2.). Ce détail a une importance non négligeable, dès lors que la prime UCA, dans le cas d’espèce, ne concerne pas un salarié nouvellement recruté qu’il faudrait « fidéliser » ou « retenir » mais un salarié ayant déjà fourni une prestation de travail soutenue pour l’employeur. Les conditions d’octroi de la prime UCA n’était donc pas entièrement liées au travail presté « à l’avenir ».

L’arrêt du 11 mai 2023 n° 21-25. 136, rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation française, cité à l’appui du premier moyen par la partie demanderesse en cassation, concerne un cas différent de celui exposé devant Votre Cour, puisqu’il concerne une prime remboursable attribuée en début de contrat, au moment où le salarié intègre l’entreprise, sans avoir encore fait ses preuves.

La doctrine française a commenté cet arrêt en précisant qu’« En réalité, toute atteinte au droit de démissionner n'entraîne pas l'illicéité de la clause. Si un sort particulier est réservé à juste titre aux primes différées qui sont la contrepartie du travail fourni antérieurement par le salarié, qui ne peuvent être soumises à une condition de présence future sans porter atteinte à la liberté de travailler, cette précaution ne se justifie pas à l'égard d'une gratification qui n'est pas liée à l'activité du salarié.»3.

En d’autres termes, il est nécessaire que l’avantage, dont l’acquisition définitive est différée dans le temps et dont le remboursement peut être sollicité en cas de démission prématurée, soit indépendant de la rémunération de l’activité du salarié et ait pour objet de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée.

Le contrat de travail ne peut en aucun cas prévoir que la démission du salarié remettra en cause le droit à une rémunération qui lui a été versée et qui lui est due en contrepartie de l’activité qu’il a déployée pour l’employeur.

Or, en l’espèce, la prime UCA a été considérée par les juges d’appel comme un élément variable de la rémunération du salarié :

« C’est dès lors à juste titre que PERSONNE1.) soutient qu’en mettant à sa charge une obligation de remboursement proportionnelle des rémunérations variables perçues au titre des trois années ayant précédé la démission, le mécanisme de l’UCA aggrave les obligations du salarié en cas de démission. » […] « Le paiement du bonus sous la condition résolutoire litigieuse est d’autant plus sujet à caution que l’accord quant aux modalités de l’octroi des sommes litigieuses ne permet pas de faire la distinction entre la part du bonus qui rémunère l’activité du salarié au cours de l’année pour laquelle il est attribué, en l’occurrence l’année 2020, et la part qui est censée l’inciter à rester au sein de l’entreprise, tel que le souligne la juridiction de première instance. ».

Outre le fait que les conditions d’octroi de la prime UCA ne permettait pas de faire la distinction énoncée ci-dessus, les juges d’appel, faisant usage de leur pouvoir souverain dans le cadre de l’interprétation des clauses contractuelles en matière de droit du travail, ont encore estimé que « A l’instar de la juridiction de première instance, la Cour considère que cette aggravation des obligations est notable, en ce qu’elle correspond à une part significative de la rémunération annuelle du salarié, soit 10 % en l’espèce, et que le phénomène en cause n’est pas « voué à s’estomper au fil du temps dans la mesure où le paiement des bonus a vocation à se perpétuer d’année en année » (cf. p.7 du jugement entrepris).

C’est encore de façon pertinente que le tribunal du travail a noté que, du fait qu’aux termes des « Plan Documents », le remboursement prévu porte sur le montant brut du bonus, le mécanisme litigieux entraîne, au-delà des contraintes financières, des inconvénients d’ordre administratif pour le salarié qui, en cas de remboursement, devrait entreprendre des démarches en vue de récupérer les cotisations sociales et les impôts payés.

3 Revue de droit du travail 2023 p.411 ; « Validité d'une clause stipulant une prime d'arrivée remboursable :

quand donner et retenir vaut parfois », Cour de cassation (soc.), 11 mai 2023, n° 21-25.136 (publié au Bulletin) Le tribunal est également à approuver en ce qu’il a retenu que le mécanisme en cause n’est pas comparable aux pratiques spécialement réglementées par le Code du travail, concernant l’obligation du salarié démissionnaire de rembourser les frais de formation avancés par l’employeur, ni à assimiler aux cas où il y a lieu à remboursement d’une gratification à titre de sanction. ».

Il résulte de ce qui précède que les clauses des « Plan Documents » obligeant le salarié au remboursement d’une part proportionnelle du UCA en cas de démission, constituent selon les juges d’appel, une entrave démesurée à la liberté de démissionner et sont nulles, en ce qu’elles sont contraires aux dispositions de l’article L.121-3 du Code du travail mais encore, aux dispositions de l’article L.121-4 du même code.

Finalement, il échet de rappeler que la juridiction d’appel a souverainement apprécié la nature de la clause de remboursement, considérée comme proportionnelle et acceptée, l’ancienneté du salarié et le déséquilibre résultat de l’exigence de remboursement en cas de départ anticipé, et a décidé qu’elle portait une atteinte injustifiée à la liberté contractuelle du salarié, devant ainsi être écartée comme contraire aux principes d’ordre public social. Il n’y a dès lors pas eu refus d’application de l’article 1134 du Code civil, mais application correcte des règles protectrices du droit du travail, contrôle qui échappe à Votre Cour.

Le premier moyen de cassation n’est partant pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation, pris en ses deux branches Le deuxième moyen de cassation, invoqué à titre subsidiaire, est tiré de la « violation de la loi par refus d'application et par fausse application de l'article L. 121-3 du Code du travail, En ce que la Cour d'appel, dans son arrêt attaqué, a déclaré que les stipulations litigieuses étaient nulles, Au motif qu'elles entraînaient pour le Salarié une aggravation de ses obligations au sens de l'article L. 121-3 du même Code, Alors que, selon l'article L. 121-3 alinéa 2 du Code du travail, « Est nulle et de nul effet toute clause contraire aux dispositions du présent titre pour autant qu'elle vise à restreindre les droits du salarié ou à aggraver ses obligations. », Que le titre visé par cet article est le titre II du Code du travail intitulé « Contrat de travail », Qu'une clause frappée de nullité par cet article serait une clause répondant aux deux conditions cumulatives qu'il énumère. La première condition est que la clause doit être « contraire aux dispositions » du titre II du Code du travail. La seconde condition est constituée de deux sous-conditions alternatives : la clause doit soit « restreindre les droits du salarié » soit « aggraver ses obligations », Qu’il s'ensuit que le demandeur en cassation peut formuler les griefs suivants :

• Première branche De sorte que la Cour d'appel a violé l'article L. 121-3 du Code du travail par refus d'application, en ne vérifiant pas que les deux conditions cumulatives requises pour l'application de cet article étaient remplies, en l'occurrence la première.

• Seconde branche De sorte que la Cour d'appel a violé l'article L. 121-3 du Code du travail par fausse application, la correcte qualification des obligations en cause conduisant à la conclusion que les deux conditions cumulatives requises pour l'application de cet article ne sont pas remplies, en particulier la seconde, Qu'en effet ne constitue pas une aggravation des obligations du Salarié les clauses subordonnant l'acquisition de l'intégralité d'une prime à une condition de présence après son versement pendant une durée convenue entre les parties et prévoyant l'acquisition de cette prime au prorata du temps passé et le remboursement du solde en cas de démission avant l'échéance prévue. ».

Concernant la première branche du second moyen, la partie demanderesse en cassation considère que la Cour d’appel aurait sanctionné l’application des clauses accordant la prime UCA, sans procéder à la vérification des deux conditions cumulatives posées par l’article L. 121-3 alinéa 2 du Code du travail. Plus particulièrement, elle n’aurait cité aucune disposition du Code du travail auxquelles les stipulations contestées seraient contraires.

Concernant la seconde branche du deuxième moyen, la demanderesse en cassation fait valoir que la Cour d’appel aurait en réalité aggravé les obligations de l’employeur en laissant de côté l'analyse de l'autre sous-condition alternative, à savoir la restriction des droits, arguant que « même si le remboursement de la prime UCA est déclenché par la démission du Salarié, il ne trouve pas sa source dans la démission du Salarié. Affirmer le contraire serait assimiler le type de clause en question à une clause pénale ou à une clause résolutoire, ce qui a été fermement démenti par la doctrine. ».

Citant la doctrine en matière de droit du travail et de clause pénale, la demanderesse estime qu’en acceptant la prime UCA le salarié aurait accepté une « obligation alternative » en s’engageant à rester dans l’entreprise pendant une période définie soit à rembourser tout ou partie de la somme perçue, comme en matière de dédit-formation.

Par ailleurs, le salarié devrait uniquement restituer la somme déjà perçue, ce qui, contrairement à ce qu'affirmé la cour d'appel, ne constituerait pas un « coût » pour le salarié, « mais tout au plus un manque à gagner ».

Concernant la distinction entre la clause litigieuse et la clause résolutoire, citant la doctrine française à ce propose, la demanderesse affirme que contrairement à ce que la Cour d'appel aurait considéré dans son arrêt, la clause litigieuse ne répondrait pas à la définition de « condition résolutoire », telle qu'elle prévue dans l'article 1183 alinéa 1er du Code civil. Les juges d’appel auraient « confondu fait générateur et temporalité :

bien que l'Employeur ait avancé l'intégralité de la somme, le Salarié n'avait droit qu'à une partie de cette somme au jour de sa démission. ».

Ainsi, l’obligation de remboursement de la partie de prime correspondant à la durée où le salarié ne serait plus présent dans l’entreprise, représenterait un simple remboursement de l'indu, le paiement des sommes correspondant à la période restant à courir étant sans cause.

Comme pour le premier moyen de cassation, la partie demanderesse considère que les juge d’appel ont refusé d’appliquer, voire faussement appliqué la loi, à savoir l’article L.121-3 du Code du travail.

Il y a lieu de se référer aux développements théoriques précédents concernant le refus et la fausse application de la loi.

La Cour d’appel, après avoir énoncé le principe de la liberté contractuelle visé à l’article 1134 du Code civil, a rappelé que des limitations peuvent être apportées par des lois spécifiques en matière de droit du travail, en l’espèce par l’article L.121-3 du Code du travail, qui est d’ordre public dès lors qu’il protège le salarié de clauses abusives. Sans le mentionner explicitement, la Cour d’appel a également fait application de l’article L.121-4 du Code du travail consacrant la liberté de démissionner d’un salarié.

Contrairement à ce que la partie demanderesse en cassation affirme dans les deux branches de son deuxième moyen, les juges d’appel ont bien analysé, au regard de la combinaison de ces trois articles, les éléments factuels qui leur étaient soumis par les parties afin de déterminer si la prime UCA était à qualifier d’abusive.

Concernant l’affirmation, dans la première branche du moyen, que la Cour d’appel n’aurait pas analysé si la prime UCA était « contraire aux dispositions » du titre II du Code du travail, il échet de constater que cette interprétation résulte d’une lecture très partielle de l’arrêt attaqué.

En effet, les juges d’appel ont rappelé que « Si, eu égard au caractère discrétionnaire de l’octroi de la gratification, l’employeur peut assortir cet octroi de certaines conditions, ces conditions ne doivent pas pour autant être de nature à restreindre les droits ou aggraver les obligations du salarié, tel que l’a relevé la juridiction du premier degré à juste titre. ».

Concernant les « dispositions contraires » au titre II du Code du travail, la Cour d’appel s’est exprimé comme suit : « Il résulte des dispositions du Code du travail que le salarié engagé sous contrat à durée indéterminé est libre de démissionner à tout moment, sauf à respecter - en l’absence de faute grave de l’employeur justifiant une démission avec effet immédiat - un délai de préavis correspondant à la moitié du délai de préavis que l’employeur devrait respecter en cas de licenciement.

En prévoyant que le salarié doit rembourser une partie des montants qui lui ont été payés au titre de sa rémunération variable brute, dans l’hypothèse de sa démission endéans les trois ans de l’octroi desdits montants, les clauses litigieuses des « Plan Documents » entraînent pour le salarié une aggravation de ses obligations prévues par le Code du travail. ».

Même si l’article L.121-4 du Code du travail qui garantit au salarié la liberté de démissionner n’a pas été cité expressément par les juges d’appel, il est évident, à la seule lecture du passage ci-dessus, qu’il s’agissait de cet article précisément.

Quant à la seconde branche du deuxième moyen, reprochant aux juges d’appel une fausse application de l’article L.121-3 du Code du travail alors que la prime UCA prévoyant une acquisition au prorata du temps passé dans l’entreprise et le remboursement du seul solde en cas de démission, ne constituait pas une aggravation des obligations du défendeur en cassation, il y a lieu de rappeler qu’ils ont souverainement apprécié l’étendue des obligations stipulées entre parties au contrat de travail à savoir, la nature de la clause de remboursement, considérée comme proportionnelle et acceptée, l’ancienneté du salarié et le déséquilibre résultat de l’exigence de remboursement en cas de départ anticipé. Au regard de ces éléments, ils ont décidé qu’elle portait une atteinte injustifiée à la liberté de démission du salarié, en application des articles 1134 du Code civil, L.121-3 et L.121-4 du Code du travail.

Il n’y a dès lors ni refus d’application, ni fausse application de l’article L.121-3 du Code du travail mais une application correcte des règles protectrices du droit du travail après examen approfondi des éléments de fait soumis aux juges d’appel, contrôle qui échappe à Votre Cour.

Le deuxième moyen, pris en ses deux branches, ne saurait partant être accueilli.

Sur le troisième moyen de cassation, pris en ses deux branches Le troisième moyen de cassation, invoqué à titre plus subsidiaire, est tiré « du défaut de base légale au regard du principe qu'il ne peut être apporté à un droit « que des restrictions justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché » et de l'article 1134 du Code civil, En ce que, dans l'arrêt attaqué, la Cour d'appel conclut que le mécanisme litigieux est contraire à l'article L. 121-3 du Code du travail, Au motif que l’« aggravation des obligations » et l’« entrave à la liberté de démissionner » qu'elle évoque seraient respectivement « notable » et « démesurée », Alors que l'article L. 121 -3 du Code du travail n'exige en aucun cas une condition de gravité, Que, par ailleurs, la Cour d'appel s'est gardée de caractériser une entrave à la liberté de démissionner du Salarié, a fortiori de démontrer en quoi cette atteinte était illicite, Qu'il s'ensuit que le demandeur en cassation peut formuler les griefs suivants :

• Première branche De sorte qu'en affirmant que l'octroi définitif de la prime, subordonné à la condition que le Salarié ne démissionne pas à une date postérieure à son versement, avait pour effet de porter atteinte à sa liberté de démissionner sans concrètement caractériser en quoi, compte tenu notamment de son niveau de rémunération, les conditions de rengagement pris par le Salarié, précisément définies par les clauses contractuelles en cause, de rembourser cette prime au prorata de son temps de présence, avaient pour effet de le priver de la faculté de démissionner, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale.

• Seconde branche Qu'en réalité, la Cour d'appel a pressenti la nécessité d'un contrôle de proportionnalité du mécanisme litigieux, tout en refusant d'appliquer le principe selon lequel il ne peut être apporté à un droit « que des restrictions justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché » et le double-critère qu'il énonce, De sorte qu'une clause restreignant la liberté de démissionner d'un salarié est valable si elle est justifiée et proportionnée au but recherché ; qu'à supposer même qu'elles portent atteinte à la liberté du travail, en s’abstenant de rechercher si les conditions d'acquisition et de remboursement de la prime n'étaient pas justifiées et proportionnées au but recherché, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale. ».

Dans la discussion de la première branche du troisième moyen, la partie demanderesse en cassation argue, en citant la Cour de cassation française et des jurisprudences de la Cour d’appel et du Tribunal du travail luxembourgeois, que la Cour d’appel a analysé la licéité des clauses litigieuses sur le fondement erroné de l’article L.121-3 du Code du travail alors qu’elle aurait dû fonder son analyse en effectuant un double-contrôle de la justification et de la proportionnalité de l'atteinte à cette liberté que constitue une obligation de remboursement partiel.

Dans la seconde branche du troisième moyen, la demanderesse analyse l’arrêt litigieux au regard des deux critères de « justification » et de « proportionnalité » Concernant le critère de justification, la Cour d'appel n’aurait pas examiné si les stipulations prévoyant le remboursement de la prime UCA étaient « justifiées par un but légitime », alors qu’elles avaient pour but la fidélisation du salarié et que ce but est parfaitement légitime.

Concernant le critère de proportionnalité, la Cour d'appel n’aurait pas examiné les différents critères en cause afin de justifier en quoi l'atteinte à la liberté de démissionner du salarié était disproportionnée.

_________________________________

Il y a lieu de rappeler que le défaut de base légale suppose que l’arrêt attaqué comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis qui ne permettent pas à Votre Cour d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi4.

Il s’agit de « l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit », et dire que la cassation prononcée sur ce fondement s’analyse, en quelque sorte, en une demande de supplément d’instruction sur les faits, adressée par le juge de cassation à la juridiction de renvoi.5 Or, les constatations de fait souveraines de l’arrêt attaqué sont suffisamment précises et complètes pour permettre à Votre Cour d’exercer son contrôle sur le droit.

En effet, pour arriver à la conclusion que c’est à bon droit que le juge de première instance a considéré que les clauses des « Plan Documents », bien qu’acceptées par le salarié, prévoyant les modalités d’octroi de la prime UCA et le remboursement d’un important montant proportionnel de cette prime variable suite à une démission au cours d’une période déterminée, même proportionnel, étaient nulles, les juges d’appels ont motivé comme suit :

« Aux termes de l’article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Ce principe n’est pas mis en échec par les règles spécifiques du droit du travail, à moins que les stipulations des parties viseraient à restreindre les droits du salarié ou à aggraver ses obligations, auquel cas la clause est réputée nulle et de nul effet en application de l’article L.121-3 du Code du travail (cf. Cour, 26 mars 2019, n° 33269 du rôle).

Il est rappelé qu’en date du 4 février 2021, la société SOCIETE2.) a soumis à PERSONNE1.) les « Plan documents », constitués par le « Upfront Cash Award Certificate », le « SOCIETE2.) Group AG Master Share Plan » et le « International Supplement to SOCIETE2.) Group AG Master Share Plan » et que, par le biais du système informatique, le salarié a cliqué sur la mention « accepter » le même jour.

4 C. Cass. N°28/2017 du 23 mars 2017, numéro 3761 du registre 5 La Cassation en matière civile (éd. 2015/2016), Jacques et Louis BORE, n° 78.21, p.429 L’article 4(a) du « Upfront Cash Award Certificate » stipule que le UCA sera soumis à un « clawback » proportionnel si, au cours d’une période de trois ans à partir de la date d’octroi (la « clawback period »), un « clawback event » se produit.

L’article 4(b) du « Upfront Cash Award Certificate » prévoit que la démission volontaire du salarié ayant pour conséquence une sortie du groupe SOCIETE2.) AG constitue un « clawback event ».

Au mois de février 2021, PERSONNE1.) a bénéficié d’un UCA d’un montant brut de 68.874,89 euros.

Ledit montant est repris dans le décompte intitulé « Summary of 2020 Total Compensation », adressé à PERSONNE1.) par la société SOCIETE2.).

Il convient d’analyser, en l’espèce, si l’engagement contractuel du salarié au remboursement proportionnel d’un bonus, dans l’hypothèse de sa démission endéans les trois ans de la perception du bonus, est contraire aux dispositions de l’article L.121-

3 du Code du travail.

Il résulte de l’article 4.3 du contrat de travail que le paiement d’une rémunération variable sous forme de bonus par l’employeur est discrétionnaire et ne confère pas au salarié un droit acquis à la perception de boni pour l’avenir.

Si, eu égard au caractère discrétionnaire de l’octroi de la gratification, l’employeur peut assortir cet octroi de certaines conditions, ces conditions ne doivent pas pour autant être de nature à restreindre les droits ou aggraver les obligations du salarié, tel que l’a relevé la juridiction du premier degré à juste titre.

Le mécanisme du « retentional bonus » classique, qui soumet le paiement d’une gratification à la présence du salarié au sein de l’entreprise au moment de son échéance, ne pose, en principe, pas de problème au regard des dispositions de l’article L.121-3 du Code du travail.

Or, il en va différemment lorsque, comme en l’espèce, le salarié se voit payer la gratification sous la condition résolutoire de rester au service de l’employeur pendant une période prolongée.

Le paiement du bonus sous la condition résolutoire litigieuse est d’autant plus sujet à caution que l’accord quant aux modalités de l’octroi des sommes litigieuses ne permet pas de faire la distinction entre la part du bonus qui rémunère l’activité du salarié au cours de l’année pour laquelle il est attribué, en l’occurrence l’année 2020, et la part qui est censée l’inciter à rester au sein de l’entreprise, tel que le souligne la juridiction de première instance.

Il résulte des dispositions du Code du travail que le salarié engagé sous contrat à durée indéterminé est libre de démissionner à tout moment, sauf à respecter - en l’absence de faute grave de l’employeur justifiant une démission avec effet immédiat - un délai de préavis correspondant à la moitié du délai de préavis que l’employeur devrait respecter en cas de licenciement.

En prévoyant que le salarié doit rembourser une partie des montants qui lui ont été payés au titre de sa rémunération variable brute, dans l’hypothèse de sa démission endéans les trois ans de l’octroi desdits montants, les clauses litigieuses des « Plan Documents » entraînent pour le salarié une aggravation de ses obligations prévues par le Code du travail.

A l’instar de la juridiction de première instance, la Cour considère que cette aggravation des obligations est notable, en ce qu’elle correspond à une part significative de la rémunération annuelle du salarié, soit 10 % en l’espèce, et que le phénomène en cause n’est pas « voué à s’estomper au fil du temps dans la mesure où le paiement des bonus a vocation à se perpétuer d’année en année » (cf. p.7 du jugement entrepris).

C’est encore de façon pertinente que le tribunal du travail a noté que, du fait qu’aux termes des « Plan Documents », le remboursement prévu porte sur le montant brut du bonus, le mécanisme litigieux entraîne, au-delà des contraintes financières, des inconvénients d’ordre administratif pour le salarié qui, en cas de remboursement, devrait entreprendre des démarches en vue de récupérer les cotisations sociales et les impôts payés.

Le tribunal est également à approuver en ce qu’il a retenu que le mécanisme en cause n’est pas comparable aux pratiques spécialement réglementées par le Code du travail, concernant l’obligation du salarié démissionnaire de rembourser les frais de formation avancés par l’employeur, ni à assimiler aux cas où il y a lieu à remboursement d’une gratification à titre de sanction.

Il résulte de ce qui précède que les clauses des « Plan Documents » obligeant le salarié au remboursement d’une part proportionnelle du UCA en cas de démission, constituent une entrave démesurée à la liberté de démissionner et sont nulles, en ce qu’elles sont contraires aux dispositions de l’article L.121-3 du Code du travail.

Il devient partant superfétatoire d’analyser les moyens de l’intimé quant au défaut d’acceptation valable desdites clauses dans son chef et quant à la question de savoir si l’introduction du système de l’UCA aurait dû faire l’objet d’une discussion avec la délégation du personnel, en application de l’article L.414-9 du Code du travail.

Le jugement est, par conséquent, à confirmer en ce qu’il a débouté la société SOCIETE2.) de sa demande principale en remboursement du montant de 44.003,40 euros et de sa demande subsidiaire en remboursement du montant de 24.227,07 euros.

».

Par conséquent, la Cour d’appel a fondé sa décision sur une appréciation globale et souveraine des faits et éléments de fait lui soumis par les parties. Le fait que la Cour n’ait pris en considération ni le principe qu'il ne peut être apporté à un droit « que des restrictions justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché » ni l'article 1134 du Code civil, n’entraîne certainement pas que la décision est entachée d’un défaut de base légale.

En prenant en compte tous les éléments susmentionnés la Cour d’appel s’est déterminée par des constatations de fait suffisamment précises et complètes donnant ainsi une base légale à sa décision permettant à Votre Cour d’exercer son contrôle de la bonne application de la loi.

Le moyen, pris en ses deux branches, n’est partant pas fondé.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État Premier avocat général Isabelle JUNG 26


Synthèse
Numéro d'arrêt : 93/25
Date de la décision : 22/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-05-22;93.25 ?

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