N° 90 / 2025 pénal du 22.05.2025 Not. 19762/24/CD Numéro CAS-2024-00153 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Bosnie-Herzégovine), demeurant à L-ADRESSE2.), demandeur en cassation, comparant par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 29 octobre 2024 sous le numéro 1019/24 Ch.c.C.
VI. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 21 novembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 23 décembre 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Michelle ERPELDING.
Sur la recevabilité du pourvoi Le Ministère public soulève l’irrecevabilité du pourvoi sur base de l’article 416 du Code de procédure pénale.
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel qui a confirmé une ordonnance de la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ayant déclaré non fondée la requête du demandeur en cassation tendant à la nullité de la perquisition effectuée à son domicile durant la nuit.
L’article 416 du Code de procédure pénale dispose « (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif ; (…).
(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile. ».
Les juges d’appel n’ont statué ni sur une question de compétence ni définitivement sur l’action publique ou sur le principe d’une action civile.
Le demandeur en cassation, qui fait valoir que l’article 416 du Code de procédure pénale, en ne permettant la possibilité d’un recours en cassation à l’encontre d’un arrêt de la chambre du conseil qu’après l’arrêt ou le jugement définitif rendu au fond, serait contraire au « principe de bonne administration de la justice et de sécurité juridique », demande à voir analyser la conformité de cet article aux principes constitutionnels d’accès au juge et de recours effectif découlant du principe fondamental de l’Etat de droit. Il demande à la Cour de soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« En énonçant que le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif, l’article 416 (1) du Code de procédure pénale ne viole-t-il pas les principes constitutionnels d’accès au juge et de recours effectif découlant du principe fondamental de l’Etat de droit ? ».
L’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle dispose « Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :
a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;
b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;
2 c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.
Si une juridiction estime qu’une question de conformité d’une loi à la Constitution se pose et qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, elle doit la soulever d’office après avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations. ».
Etant donné que les conditions d’une dispense de saisine de la Cour constitutionnelle ne sont pas réunies, il y a lieu de faire droit à la demande et de saisir la Cour constitutionnelle de la question énoncée au dispositif de l’arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation défère la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle :
« En énonçant que le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif, l’article 416 (1) du Code de procédure pénale viole-t-il les principes constitutionnels d’accès au juge et de recours effectif découlant du principe fondamental de l’Etat de droit ? » ;
sursoit à statuer en attendant la décision de la Cour constitutionnelle ;
réserve les frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public N°CAS-2024-00153 du registre Par déclaration faite le 21 novembre 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) un recours en cassation contre l’arrêt n°1019/24 Ch.c.C.VI. rendu le 29 octobre 2024 par la Chambre du conseil de la Cour d’appel. La déclaration de recours a été suivie en date du 23 décembre 2024 du dépôt d’un mémoire en cassation.
Le pourvoi respecte le délai d’un mois courant à partir du prononcé de la décision attaquée dans lequel la déclaration de pourvoi doit, conformément à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, intervenir. Il respecte en outre le délai d’un mois, prévu par l’article 43 de la loi du 18 février 1885, dans lequel la déclaration du pourvoi doit être suivie du dépôt d’un mémoire en cassation.
Le pourvoi est donc recevable quant à la pure forme et quant aux délais.
Faits et rétroactes :
Par requête déposée le 30 mai 2024, PERSONNE1.) demande à la chambre du conseil d’annuler la perquisition opérée à son domicile dans la nuit du 23 mai 2024, ainsi que l’ensemble des actes subséquents de la procédure d’enquête et de l’instruction ultérieure comme conséquence de l’acte nul et tout particulièrement le mandat de dépôt décerné à son encontre. Le requérant fait valoir que les conditions de flagrance, prévues par l’article 30 du Code de procédure pénale, n’auraient pas été réunies en l’occurrence, alors qu’aucun indice quant à la commission d’une infraction n’aurait existé. Il critique encore le fait de n’avoir été informé que tardivement de ses droits, tels qu’exigé par l’article 39(2) du Code de procédure pénale.
Suivant arrêt prononcé le 29 octobre 2024, la chambre du conseil de Cour d’appel confirme l’ordonnance du 10 juin 2024 de la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, déclarant recevable, mais non fondée la requête de PERSONNE1.).
Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt du 29 octobre 2024.
1) Sur la recevabilité du pourvoi au vu de l’article 416 du Code de procédure pénale :
Aux termes de l'article 416 du Code de procédure pénale, le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif. Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile.
La formule de l’article 416 du Code de procédure pénale a trait à toutes les décisions qui ne terminent pas le litige ou l’instance et partant le pourvoi doit se limiter aux décisions qui épuisent les pouvoirs juridictionnels du juge pénal, soit en se prononçant sur le fond, par acquittement ou condamnation, soit en admettant une exception d’incompétence ou une fin de non-recevoir.
En l’occurrence, le demandeur en cassation a introduit un pourvoi contre un arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel qui a confirmé une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ayant déclaré recevable, mais non fondée sa requête en nullité.
Etant donné que l’arrêt attaqué n’a statué ni définitivement sur le fond de l’affaire ni sur une question de compétence, voire une fin de non-recevoir, le pourvoi est à déclarer irrecevable au titre de l’article 416 du Code de procédure pénale.
Les demandeurs en cassation estiment que la disposition de l’article 416 du Code de procédure pénale violerait les principes d’accès à un tribunal et du droit à un recours effectif et obérait sérieusement les droits de la défense en privant le prévenu de contester une décision de justice et la régularité de la procédure d’enquête et d’instruction. En cela l’article 416 du Code de procédure pénale serait contraire à l’article 6§1de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
La jurisprudence constante de la Cour européenne des Droits de l’Homme à ce sujet retient que le droit à un tribunal, dont le droit d’accès constitue un aspect, n’est pas absolu et qu’il se prête à des limitations implicites, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d’un recours. Elle admet encore que ces limitations ne peuvent toutefois pas en restreindre l’exercice d’une manière ou à un point tels qu’il se trouve atteint dans sa substance même. Elles doivent tendre à un but légitime et il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.1 Concernant plus particulièrement les pourvois en cassation, les conditions de recevabilité peuvent être plus rigoureuses que pour un appel.2 1 Cour européenne des droits de l’homme [GC], 29 juillet 1998, Guérin c. France, n° 51/1997/835/1041 ;
19 mai 2005, Kaufmann c. Italie, no 14021/02, § 31, 2Cour européenne des droits de l’homme 14 décembre 1999, Khalfaoui c. France, no 34791/97 L’article 416 du Code d’instruction criminelle ne prive pas l’inculpé de tout recours en cassation, mais ne fait que différer l’exercice de ce recours jusqu’après la décision définitive en dernier ressort. Il ne restreint ainsi manifestement pas l’exercice du droit d’accès à la Cour de cassation d’une manière ou à un point tels qu’il se trouve atteint dans sa substance même. Comme les décisions préparatoires et d’instruction peuvent toujours être attaquées par un pourvoi après la décision définitive, et qu’en cas de bien-fondé de ce pourvoi outre l’annulation de la décision attaquée, tous les actes subséquents, y compris le jugement et l’arrêt rendus sur le fond, sont à leurs tour annulés, l’arrêt de cassation a pour effet de sanctionner efficacement une violation des droits de la défense commise par la décision attaquée.
La restriction qu’il engendre poursuit un but légitime, à savoir la prévention des recours dilatoires. La prévention de tels recours et donc des tentatives de retarder indûment la procédure judiciaire, permet de maintenir un rythme de procès plus efficace et est ainsi essentielle pour garantir le respect du délai raisonnable du procès. Dans le cadre de l’arrêt MONNELL ET MORRIS c. Royaume-Uni, la Cour européenne des Droits de l’Homme a notamment retenu à propos de la loi britannique de 1968 sur les appels criminels que :
« En bref, il s’agit d’un pouvoir utilisé pour décourager des saisines abusives de la cour. (…) Le pouvoir d’ordonner la non-imputation, (…) doit servir en pratique à décourager les requêtes manifestement mal fondées en autorisation d’appel qui, sans cela, freineraient de manière inacceptable le traitement des recours défendables. L’article 6 § 1 lui-même exige que les affaires pénales soient entendues "dans un délai raisonnable". Partant, l’application de l’article 29 § 1 de la loi de 1968 tend à n’en pas douter à un but légitime, conforme à l’intérêt d’une bonne administration de la justice aux fins de l’article 6 de la Convention.3 » Finalement, en raison du fait déjà invoqué, que loin de supprimer la possibilité d’exercer un recours en cassation, l’article 416 du Code de procédure pénale ne fait que la différer, il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
A de maintes reprises, votre Cour a eu l’occasion de se prononcer sur la question soulevée par le demandeur en cassation et donc d’analyser l’article 416 du Code de procédure pénale à la lumière des exigences posées par l’article 6§1 de la Convention n de sauvegarde des droits de l’Homme et de la jurisprudence correspondante de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Invariablement votre Cour en est venue à la conclusion, que les principes d’accès à un tribunal 3 Cour européenne des Droits de l’Homme, 2 mars 1987, Monnell et Morris c. Royaume-Uni, no 34791/97et du droit à un recours effectif ne sont pas mis en cause par les dispositions de l’article 416 (1) du Code de procédure pénale4.
2) Quant à la question préjudicielle :
Il est demandé à votre Cour de soumettre la question suivante à la Cour constitutionnelle :
« En énonçant que le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif, l’article 416 (1) du Code de procédure pénale ne viole-t-il pas les principes constitutionnels d’accès au juge et de recours effectif découlant du principe fondamental de l’Etat de droit ? » L’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle dispose que :
« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que:
a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;
b) la question de constitutionnalité soulevée est dénuée de tout fondement ;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet… » L’article 8 de cette même loi dispose que:
« La question préjudicielle qui figure au dispositif du jugement ne doit répondre à aucune condition particulière de forme. Elle indique avec précision les dispositions législatives et constitutionnelles sur lesquelles elle porte… ».
Avant la révision de la Constitution, la Cour constitutionnelle déduisait le droit d’accès à un tribunal des articles 1er et 51 de la Constitution. Elle considérait notamment que :
« (…) les règles de primauté du Droit et de soumission de tout acte public ou privé à la règle de droit, toutes deux caractérisant le principe fondamental de l’Etat de droit, sont inhérentes à l’article 1 de la Constitution suivant lequel 4 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 29 octobre 2009, n° 35/2009 pénal ; 3 mars 2011, n° 13/2011 pénal et n° 14/2011 pénal ; 16 juin 2011, n° 68/2011 pénal ; 14 juillet 2011, n° 82/2011 pénal ; 6 décembre 2012, n° 55/2012 pénal et n° 56/2012 pénal, 6 juin 2013, n° 34/2013 pénal ; Cour de cassation, 6 juin 2013, n°34/2013 pénal, numéro 3210 du registre ; Cour de cassation, 14 juillet 2016, n° 32/2016 pénal ; Cour de cassation, 15 novembre 2018, n° 98/2018 pénal, numéro 4033 du registre ; Cour de cassation, 19 novembre 2020, n°153/2020 pénal, numéro 00167 du registre ; Cour de cassation, 28 avril 2022, n° 59/2022 pénal, n° 00087 du registre.le Grand-Duché de Luxembourg est un Etat démocratique et à son article 51, paragraphe 1, suivant lequel le Grand-Duché de Luxembourg est placé sous le régime de la démocratie parlementaire (…) que le principe de l’Etat de droit est à considérer sous les aspects d’accès à un juge et de recours effectif en découlant directement 5 » Dans sa version consolidée actuelle, applicable depuis le 1er juillet 2023, le droit à un tribunal est expressément prévu par la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg en son article 18, selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit portée devant la juridiction prévue par la loi. Ce droit à un tribunal comprend nécessairement le droit d’accès à celui-ci.
La question préjudicielle, telle qu’elle se trouve formulée par le demandeur en cassation doit donc être déclarée irrecevable au titre de l’article 8 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.
À titre subsidiaire, et pour autant que votre Cour devait considérer que la question indique avec une clarté suffisante la règle juridique contenue dans une ou plusieurs dispositions de la Constitution, il résulte des travaux préparatoires ayant abouti à la révision de la Constitution, et notamment du chapitre dédié aux droits et libertés, que ses auteurs se sont fortement inspirés de textes internationaux, dont notamment la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Plus particulièrement l’article 18 consacrant le droit au juge s’inspire directement de l’article 6 de la Convention.
Il en est de même en ce qui concerne la teneur actuelle de l’article 110 qui, à côté de l’impartialité des magistrats du siège, du respect du contradictoire et des droits de la défense, du caractère équitable et loyal des procédures, constitutionnalise pareillement le délai raisonnable des procédures6.
Tels que la soussignée l’a relevé ci-dessus sub 1) votre Cour a toujours et invariablement retenu, que les principes d’accès à un tribunal et du droit à un recours effectif ne sont pas mis en cause par les dispositions de l’article 416 (1) du Code de procédure pénale, mais que cette disposition tend à garantir le délai raisonnable des procédures et ce précisément à la lumière de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.
Pour être complet, et pour autant que le principe de sécurité juridique puisse être considéré comme ayant valeur constitutionnelle, il y a lieu de noter que la Cour européenne des Droits de l’Homme considère qu’un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit est le principe de la sécurité des rapports juridiques, qui veut, entre autres, que la solution donnée de manière définitive à tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause. Dans ce contexte, dans l’arrêt Brumarescu c. Roumanie, à propos de l’article 330 du code de procédure civile 5 Cour constitutionnelle, 28 mai 2018, n° 146 du registre 6 Proposition de révision du chapitre II de la Constitution des 5.5.2020 et 29.04.2021, documents parlementaires n°7755 (page 2 et 10) et n°7575 (page 8)roumain, conférant au procureur général roumain le pouvoir d’attaquer un jugement définitif par la voie du recours en annulation, la Cour note que :
« Dans l’exercice de son pouvoir, le procureur général (roumain) n’était tenu par aucun délai, de sorte que les jugements pouvaient être perpétuellement remis en cause. La Cour relève qu’en accueillant le recours en annulation introduit en vertu du pouvoir susmentionné, la Cour suprême de justice (de la Roumanie) a effacé l’ensemble d’une procédure judiciaire qui avait abouti, selon les termes de la Cour suprême de justice, à une décision judiciaire « irrévocable », ayant donc acquis l’autorité de la chose jugée et ayant, de surcroît, été exécutée. En appliquant de la sorte les dispositions de l’article 330 précité, la Cour suprême de justice a enfreint le principe de la sécurité des rapports juridiques. En l’espèce, et de ce fait, le droit du requérant à un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention a été méconnu.7 » Etant donné que le recours prévu par l’article 416 du Code de procédure pénale ne met pas en cause une décision devenue irrévocable et qu’il est clairement limité dans le temps, son application ne saurait être contraire au principe de la sécurité des rapports juridiques.
A titre plus subsidiaire, si votre Cour ne devait pas considérer la question préjudicielle proposée par le demandeur en cassation comme étant dénuée de tout fondement, celle-ci devrait être reformulée et se poser comme suit :
« En énonçant que le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif, l’article 416 (1) du Code de procédure pénale est-il contraire à l’article 18 de la Constitution consacrant le droit d’accès au juge ? » Conclusion Le pourvoi est irrecevable.
La question préjudicielle de constitutionnalité proposée est irrecevable, sinon dénuée de tout fondement, de sorte qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle.
Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Michelle ERPELDING 7 Cour européenne des Droits de l’Homme, 28 octobre 1999, Brumarescu c. Roumanie, no 28342/95 9