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22/05/2025 | LUXEMBOURG | N°89/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 22 mai 2025, 89/25


N° 89 / 2025 du 22.05.2025 Numéro CAS-2024-00085 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à SE-ADRESSE1.), demandeur en cassatio

n, comparant par Maître Radu DUTA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domici...

N° 89 / 2025 du 22.05.2025 Numéro CAS-2024-00085 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à SE-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Radu DUTA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Claudine ERPELDING, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, 2) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), en sa qualité de représentante de l’enfant mineure PERSONNE3.), née le DATE1.), demeurant à L-ADRESSE2.),

_____________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué numéro 74/24-I-CIV (req.mineur) rendu le 27 mars 2024 sous le numéro CAL-2023-00108 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel contre les décisions du juge aux affaires familiales ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 28 mai 2024 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), en son nom personnel et en « sa qualité de représentant de l’enfant mineur PERSONNE3.) », déposé le 30 mai 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 25 juillet 2024 par PERSONNE2.), en nom personnel, à PERSONNE1.), à PERSONNE2.), « en sa qualité de représentant légal de l’enfant PERSONNE3.) » et à Maître Sabine DELHAYE-DELAUX, avocat à la Cour, en sa qualité d’avocat de PERSONNE3.), déposé le 26 juillet 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;

Vu la rupture du délibéré ordonnée le 23 janvier 2025 par la Cour de cassation aux fins de permettre aux parties de conclure quant au statut procédural de l’enfant mineure dans le cadre de l’instance introduite sur base de l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile et sur la nécessité de signifier le mémoire en cassation à l’enfant en personne ;

Vu les conclusions du demandeur en cassation déposées le 13 février 2025 au greffe de la Cour ;

Vu les conclusions complémentaires de Madame Simone FLAMMANG déposées le 4 mars 2025 au greffe de la Cour ;

Vu les conclusions complémentaires de la défenderesse en cassation sub 1) déposées le 11 mars 2025 au greffe de la Cour.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un juge aux affaires familiales près le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi dans les conditions de l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile, avait suspendu avec effet immédiat le droit de visite et d’hébergement du demandeur en cassation envers les enfants communs, sursis à statuer sur sa demande tendant à la mise en place d’un droit de visite encadré, dit non fondée sa demande tendant à ordonner une expertise psychiatrique ou psychologique des enfants et maintenu les contacts téléphoniques par visio-

conférence entre le père et les enfants.

La Cour d’appel a dit irrecevable la demande du demandeur en cassation à voir décharger Maître Sabine DELHAYE-DELAUX de la mission lui confiée par ordonnance du juge aux affaires familiales du 10 mai 2022 sur base de l’article 1007-

50 du Nouveau Code de procédure civile, a débouté le demandeur en cassation de ses demandes tendant à l’instauration d’une enquête sociale et à la mise en place d’un soutien psychologique des enfants communs et, par réformation, a accordé au demandeur en cassation, à titre provisoire et pour une durée limitée, un droit de visite encadré à l’égard des enfants.

Sur la recevabilité du pourvoi La défenderesse en cassation conclut d’abord à la nullité, sinon à l’irrecevabilité du mémoire en cassation pour violation des dispositions de l’article 153 du Nouveau Code de procédure civile au motif que le demandeur en cassation y aurait indiqué un « faux domicile » et soulève ensuite l’irrecevabilité du pourvoi en cassation sur base de l’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi du 18 février 1885 ») pour être dirigé contre un arrêt non définitif ou un arrêt non rendu en dernier ressort.

Il résulte des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le mémoire en cassation a été signifié, antérieurement à son dépôt, à la défenderesse en cassation tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante de l’enfant PERSONNE3.).

Le mémoire en cassation n’a pas été signifié à Maître Sabine DELHAYE-

DELAUX, nommée par le juge aux affaires familiales sur base de l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile en tant qu’avocat de l’enfant PERSONNE3.).

Suite à la rupture du délibéré et pour des raisons de logique juridique, il y a lieu tout d’abord d’examiner l’incidence de l’absence de l’enfant PERSONNE3.) à l’instance en cassation.

L’arrêt attaqué a été rendu dans le cadre d’une procédure spéciale, fondée sur l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile, dans laquelle le tribunal nomme par voie d’ordonnance un avocat qui a pour mission d’introduire au nom de l’enfant une requête modificative de l’autorité parentale, respectivement du droit de visite et d’hébergement. Dans le cadre d’une telle procédure, l’enfant mineur en cause n’est pas représenté par le détenteur de l’autorité parentale à son égard, mais par l’avocat qui a été nommé par le juge aux affaires familiales.

Selon l’article 10, alinéa 1, de la loi du 18 février 1885, la partie demanderesse en cassation doit, sous peine d’irrecevabilité, déposer au greffe de la Cour un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse.

Selon l’article 155, paragraphe 5, alinéa 3, du Nouveau Code de procédure civile, lors de la signification d’un acte d’huissier, la copie ne peut être remise à un enfant qui n’a pas atteint l’âge de quinze ans accomplis.

Dans le cadre de la procédure spéciale basée sur l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile, l’enfant est partie à la procédure à travers l’assistance d’un avocat nommé à cette fin par le juge aux affaires familiales. L’enfant n’est dès lors pas représenté par le détenteur de l’autorité parentale, mais par l’avocat nommé par le juge aux affaires familiales. L’enfant, qui peut initier la procédure sur base de l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile, doit pouvoir interjeter appel ou se défendre au cours de l’instance d’appel, tout comme il doit pouvoir introduire un recours en cassation ou s’y défendre. Il en découle que l’avocat nommé par le juge aux affaires familiales, suite à la requête basée sur l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile, représente le mineur au cours de toutes les instances y relatives. Le mémoire aurait partant dû être signifié à l’avocat de l’enfant nommé par le juge aux affaires familiales.

Il s’ensuit que le pourvoi en cassation est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation sub 1) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le pourvoi en cassation irrecevable ;

rejette la demande de la défenderesse en cassation sub 1) en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre 1. PERSONNE2.) 2. PERSONNE2.), en sa qualité de représentant de l’enfant mineur PERSONNE3.) N° CAS-2024-00085 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête de PERSONNE1.), signifié en date du 28 mai 2024 à PERSONNE2.), tant en nom personnel qu’en sa qualité de représentant de l’enfant mineure PERSONNE3.), et déposé le 30 mai 2024 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt rendu le 27 mars 2024 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2023-00108 du rôle.

La date de notification de l’arrêt, rendu en matière familiale, ne se dégage pas du dossier.

La soussignée suppose que le pourvoi, déposé selon les forme et délai de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation telle que modifiée, est recevable1 de ce point de vue.

Il n’est toutefois pas opposable à l’enfant PERSONNE3.), dès lors que l’arrêt 1 Le délai de deux mois, prévu par l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, se trouve en l’espèce allongé de 15 jours, conformément aux articles 7, alinéa 2, de la prédite loi et de l’article 167 du Nouveau code de procédure civile, étant donné que le demandeur en cassation demeure à l’étranger. Ce délai court contre un arrêt rendu en matière familiale à partir de la notification par les soins du greffe. En l’espèce, l’arrêt a été rendu le 27 mars 2024. La notification est forcément postérieure, de sorte que la signification et le dépôt au greffe du mémoire en cassation sont intervenus endéans le délai de 2 mois et 15 jours.

attaqué a été rendu dans le cadre d’une procédure spéciale, fondée sur l’article 1007-50 du Nouveau Code de procédure civile permettant à un enfant mineur, capable de discernement, de s’adresser au tribunal pour toute demande relative à une modification de l’exercice de l’autorité parentale ou de l’exercice du droit de visite et d’hébergement à son encontre. Dans ce cas, le tribunal lui nomme par voie d’ordonnance un avocat qui a pour mission d’introduire en son nom une requête modificative de l’autorité parentale, respectivement du droit de visite et d’hébergement. Dans le cadre d’une telle procédure, l’enfant mineur en cause n’est pas représenté par le détenteur de l’autorité parentale à son égard, mais par l’avocat qui a été nommé à cette fin par le juge aux affaires familiales.

Etant donné que le mémoire en cassation n’a pas été signifié antérieurement à son dépôt à Maître Sabine DELHAYE-DELAUX, nommée par ordonnance du 10 mai 2022 du juge aux affaires familiales2 pour entendre la mineure et introduire en son nom une requête en modification des conditions d’exercice de l’autorité parentale à son encontre, il ne saurait être opposé à l’enfant PERSONNE3.), partie à la procédure en cause par le biais de son avocat.

PERSONNE2.) a fait verser un mémoire en réponse, signifié le 25 juillet 2024 à PERSONNE1.) en son domicile élu, à PERSONNE2.) en sa qualité de représentant de l’enfant mineure PERSONNE3.) ainsi qu’à Maître Sabine DELHAYE-DELAUX, avocat à la Cour, en sa qualité d’avocat de l’enfant PERSONNE3.). Ce mémoire a été déposé au greffe de la Cour le 26 juillet 2024, de sorte qu’il peut être pris en considération.

Quant à la recevabilité du pourvoi qui est contestée PERSONNE2.) conclut à la nullité, sinon à l’irrecevabilité du mémoire en cassation pour violation des dispositions de l’article 153 du Nouveau code de procédure civile. Plus particulièrement, le demandeur en cassation aurait indiqué un faux domicile dans le mémoire en cassation.

Elle fait exposer que PERSONNE1.) indiquerait dans son mémoire en cassation comme domicile une adresse à ADRESSE3.) en Suède, alors qu’il se dégagerait d’une fiche de retenue d’impôts3, envoyée à l’adresse des parents de la défenderesse en cassation, qu’il aurait dorénavant une adresse au Luxembourg, justement au domicile de ces derniers.

Or, l’envoi de cette fiche d’imposition par l’administration des contributions 2 Farde de pièces n°IV de Maître Claudine ERPELDING, pièce n°2 3 Farde de pièces n°IV de Maître Claudine ERPELDING, pièce n°1 directes ne saurait établir que le domicile indiqué sur le mémoire en cassation est faux. Selon le système RNPP, PERSONNE1.) n’a plus d’adresse sur le territoire luxembourgeois depuis février 2021. Il est dès lors impossible d’affirmer que l’adresse indiquée dans le mémoire en cassation ne correspond pas à celle du domicile réel du demandeur en cassation.

Selon la demanderesse en cassation, le pourvoi serait encore irrecevable en ce qu’il serait dirigé contre un arrêt non définitif.

L’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose, en ses deuxième et troisième alinéas :

« Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal.

Il en est de même lorsque l’arrêt ou le jugement rendu en dernier ressort qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de procédure met fin à l’instance. » Le dispositif de l’arrêt attaqué se lit comme suit :

« reçoit l’appel en la forme, dit irrecevable la demande de PERSONNE1.) tendant à voir décharger Maître Sabine DELHAYE-DELAUX de la mission lui confiée suivant ordonnance du juge aux affaires familiales du 10 mai 2022, déboute PERSONNE1.) de ses demandes tendant à l’instauration d’une enquête sociale et à la mise en place d’un soutien psychologique des enfants PERSONNE3.) et PERSONNE4.), avant tout autre progrès en cause, accorde à PERSONNE1.), à titre provisoire et pendant la durée d’une année, un droit de visite à l’égard des enfants communes mineures PERSONNE3.), née le DATE1.), et PERSONNE4.), née le DATE2.), à exercer, sauf meilleur accord des parties, par l’entremise du Service Treff-Punkt selon les modalités à déterminer par ce service, mais au début sous la surveillance d’un professionnel dudit service, un samedi par mois, à convenir avec ledit service, pendant deux heures, à augmenter, le cas échéant, dans la mesure où les responsables dudit service le jugent opportun eu égard à l’évolution des enfants, précise que le Service Treff-Punkt est habilité à organiser des sorties non accompagnées de PERSONNE1.) avec les enfants communes mineures PERSONNE3.) et PERSONNE4.), une fois qu’il jugera pareilles sorties adéquates, dit qu’il appartient à PERSONNE1.) de contacter le Service Treff-Punkt aux fins de l’exercice de son droit de visite, dit que le Service Treff-Punkt est tenu de déposer un rapport, ayant pour objet de décrire le déroulement du droit de visite exercé par PERSONNE1.) à l’égard des enfants communes mineures PERSONNE3.) et PERSONNE4.) et l’évolution de leur relation, au greffe de la Cour pour le 28 février 2025 au plus tard, réserve le surplus, fixe la continuation des débats à l’audience du 26 mars 2025, à 09.00 heures en la salle CR 2.28, deuxième étage, bâtiment de la Cour d’appel à L-2080 Luxembourg, Plateau du saint Esprit. » Le premier moyen de cassation concerne la décision de la Cour d’appel qui a déclaré irrecevable la demande du demandeur en cassation tendant au remplacement de l’avocat de l’enfant.

Ce chef du dispositif, en ce qu’il porte sur l’une des prétentions formulées en instance d’appel par l’actuel demandeur en cassation, est définitif et tranche donc une partie du principal. A cet égard, le pourvoi est donc recevable.

En revanche, par son second moyen de cassation, le pourvoi vise une partie de la motivation de l’arrêt qui porte sur le droit de visite et d’hébergement du père.

Ce point n’a pas été tranché de manière définitive. La Cour d’appel a certes réformé le jugement de première instance qui avait suspendu ce droit et elle a accordé un droit de visite supervisé à l’appelant. Néanmoins, il ne s’agit que d’une disposition provisoire, limitée à la durée d’une année et susceptible d’évoluer progressivement.

Les magistrats d’appel ne se sont donc pas dessaisis sur ce point. Ceci se comprend notamment à l’utilisation des termes « avant tout autre progrès en cause » et à la fixation d’une continuation des débats avec une date d’audience précise afin de statuer en continuation de l’arrêt attaqué sur la question du droit de visite et d’hébergement.

Il en découle que le pourvoi est irrecevable en ce qu’il est dirigé, en son second moyen de cassation, contre la disposition instituant un droit de visite provisoire en faveur de l’actuel demandeur en cassation4.

A cet égard se pose aussi la question de l’intérêt à agir du demandeur en cassation.

Il a en effet obtenu gain de cause, vu que par réformation, il s’est vu attribuer un droit de visite, certes de manière provisoire, sa demande en rétablissement de son droit de visite et d’hébergement ayant été tenue en suspens. En première instance, par contre, son droit de visite et d’hébergement avait été complètement suspendu pour une durée indéterminée.

Ainsi, il n’a pas d’intérêt à se pourvoir en cassation contre ce chef de la décision qui est en sa faveur. Sous cette optique, le pourvoi est encore irrecevable en sa partie visant le droit de visite et d’hébergement.

Finalement, la défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi en ce qu’il serait formé contre « un jugement non rendu en premier ressort »5.

Elle critique un passage du mémoire en cassation qui vise le dispositif du jugement de première instance.

La soussignée suppose qu’il y a lieu d’interpréter ce moyen d’irrecevabilité en ce sens que le pourvoi serait dirigé contre un jugement non rendu en dernier ressort.

La partie en cause du mémoire en cassation semble erronée. Il y est indiqué que « l’arrêt est attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement n°2022 TALJAF/004012 du juge aux affaires familiales Luxembourg rendu en date du 19 décembre 2022 »6. Or, l’arrêt attaqué n’a pas confirmé la décision de première instance et, au contraire, l’a réformée notamment quant à la suspension du droit de visite, faisant donc partiellement droit aux prétentions de l’actuel demandeur en cassation.

Au vu de cette réformation, le dispositif du jugement de première d’instance ne subsiste pas et n’a donc pas besoin d’être visé par le mémoire en cassation.

Mais cette erreur ne saurait entraîner l’irrecevabilité du pourvoi, puisque celui-

ci indique également, tel qu’exigé par la loi, les dispositions attaquées de l’arrêt7.

4 Voir, pour une telle recevabilité partielle : Cass. 1er juin 2017, n°54/2017, n°3800 du registre 5 Mémoire en réponse, page 6, dernier alinéa 6 Mémoire en cassation, page 3, 1er alinéa 7 Mémoire en cassation, page 2 Faits et rétroactes Selon l’arrêt attaqué, un juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait, sur demande de l’enfant mineure PERSONNE3.), introduite par son avocat, Maître Sabine DELHAYE-

DELAUX, sur le fondement de l’article 1007-50 du Nouveau code de procédure civile, suspendu le droit de visite et d’hébergement du père, PERSONNE1.), vis-à-vis de cette enfant, mais aussi à l’égard de l’enfant mineure PERSONNE4.), à laquelle le jugement a été déclaré commun. Il avait également sursis à statuer sur la demande du père tendant à la mise en place d’un droit de visite encadré par le Service TELOS, rejeté sa demande en institution d’une expertise psychiatrique ou psychologique et maintenu les contacts téléphoniques par visio-conférence entre le père et les enfants.

La Cour d’appel, par arrêt du 27 mars 2024, a déclaré irrecevable la demande du père tendant au remplacement de l’avocat de l’enfant, débouté l’appelant de sa demande en instauration d’une enquête sociale et d’un soutien psychologique pour les enfants et, par réformation, accordé à titre provisoire un droit de visite encadré au père, tout en fixant une continuation des débats quant à l’évolution du droit de visite et d’hébergement.

Quant aux moyens de cassation :

Quant au premier moyen de cassation :

« tiré de la violation des articles 2, 3§3 et 5 de la Convention internationale des droits de l’enfant et les articles 6-1, 8 et 13 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, en ce que la Cour d’appel a déclaré irrecevable la demande de remplacement de Maître Sabine DELHAYE-DELAUX en tant qu’avocat désigné de l’enfant PERSONNE3.), alors que l’ordre juridique interne doit offrir des voies de recours efficaces lorsque l’avocat désigné pour la préservation des intérêts de l’enfant n’est pas à la hauteur de sa mission, qu’un droit de recours effectif s’avère indispensable pour permettre la révocabilité de l’avocat pour enfant lorsqu’il entrave l’intérêt supérieur de l’enfant. » Aux termes de son premier moyen, le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à voir remplacer l’avocat nommé par le juge aux affaires familiales pour l’enfant mineure PERSONNE3.), qui s’était adressée par écrit à ce juge afin de voir modifier les conditions de l’exercice de l’autorité parentale et l’organisation du droit de visite et d’hébergement de son père à son égard. Ce faisant, les magistrats d’appel, qui s’étaient référés à l’article 1007-50, alinéa 7, du Nouveau code de procédure civile, qui dispose qu’une telle ordonnance de nomination d’un avocat pour l’enfant n’est pas susceptible d’appel, l’auraient privé d’un recours effectif contre cette décision.

Le moyen de cassation se trouve articulé en deux branches qui mettent en œuvre le même grief. La première branche vise les articles 2, 3§3 et 5 de la Convention internationale des droits de l’enfant, tandis que la deuxième s’appuie sur les articles 6-1, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

A noter que les parties réservées aux développements des deux branches du moyen ne concernent pas le grief mis en œuvre, à savoir la violation du droit à un recours effectif, mais se résument essentiellement à des critiques formulées à propos de la manière dont Maître Sabine DELHAYE-DELAUX, avocat de l’enfant mineure PERSONNE3.), s’est exécutée du mandat lui confié par le juge aux affaires familiales. Cette argumentation n’est pas pertinente et ne peut pas être prise en considération, dès lors qu’elle ne tend pas à exposer le reproche se dégageant du moyen de cassation et qu’elle est par ailleurs de nature purement factuelle.

Concernant la première branche, il faut constater que les normes juridiques visées sont toutes étrangères au grief mis en œuvre.

En effet, aucun des textes invoqués ne concerne le droit à un recours effectif.

L’article 2 de la Convention internationale des droits de l’enfant, cité de manière incorrecte dans le mémoire en cassation8, impose à l’Etat l’obligation de protéger l’enfant contre toute forme de discrimination.

8 Mémoire en cassation, page 8 : le demandeur en cassation y cite l’article 2 de la Convention internationale des droits de l’enfant comme suit : « Dans toutes les décisions qui concernant les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » Il s’agit en réalité de l’article 3, paragraphe 1, de la convention.

L’article 2 de la prédite convention dispose, en revanche : « 1. Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les L’article 3 prévoit que toute décision concernant un enfant doit tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et que l’Etat doit garantir à l’enfant la protection et les soins nécessaires au cas où ses parents ou autres personnes responsables à son égard en sont incapables.

L’article 5, enfin, concerne l’obligation de l’Etat de respecter les droits et responsabilités des parents et des membres de la famille élargie de guider l’enfant d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités.

Le droit à un recours effectif ne se laisse déduire d’aucune de ces trois dispositions.

Il s’ensuit que la première branche du moyen est irrecevable.

La deuxième branche du premier moyen de cassation se fonde sur différents articles de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Là encore, il échet de constater que l’article 8, protégeant le droit au respect de la vie privée et familiale, est étranger au grief mis en œuvre par le moyen de cassation qui est donc irrecevable à cet égard.

Sous réserve de passer le cap de l’irrecevabilité en raison d’une pluralité de cas d’ouverture au vu de la multitude de textes invoqués, tendant tous à des fins différentes, la troisième disposition invoquée, à savoir l’article 13 de la prédite convention, concerne effectivement le droit à un recours effectif.

Le droit d’accès au juge, consacré par les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales , de même que le droit à un recours effectif, prévu par l’article 13 de la même convention, ne sont pas absolus, les Etats pouvant édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et en fixer les conditions d’exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice et qu’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé existe9.

L’article 1007-50, alinéa 7, du Nouveau code de procédure civile, sur lequel la Cour d’appel s’est appuyée pour déclarer irrecevable la demande en remplacement de l’avocat de l’enfant, dispose :

activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. » 9 Cass. 30 mai 2024, n°89/2024, n° CAS-2023-00125 du registre « L’ordonnance de nomination d’un avocat à l’enfant n’est pas susceptible d’appel. » Il se dégage des travaux parlementaires relatifs au projet de loi instituant le juge aux affaires familiales10, et plus particulièrement des commentaires de l’article 1007-50 du Nouveau code de procédure civile, que le but du législateur était de protéger l’enfant, qui prend l’initiative de solliciter une modification des conditions d’exercice de l’autorité parentale ou d’un droit de visite et d’hébergement à son égard, d’une ingérence de la part de ses parents, et notamment de celui qui se trouve visé par le changement demandé. Ainsi, on peut y lire : « Cependant, l’ordonnance de nomination d’un avocat à l’enfant n’est pas susceptible d’appel. L’enfant est en droit de se faire assister par un avocat et ce droit ne doit pas pouvoir être contesté par une voie de recours exercée par un des parents. » Cette règle est donc édictée non seulement dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, en ce qu’elle empêche un attardement indu des procédures par des recours intempestifs contre les nominations d’avocats de l’enfant, mais également et surtout dans l’intérêt supérieur de l’enfant, principe à valeur constitutionnelle11 et supranationale, en ce qu’il se trouve formellement consacré par l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Il s’y ajoute que même si l’ordonnance de nomination d’un avocat de l’enfant n’est pas susceptible d’appel, le parent qui a des raisons sérieuses pour remettre en cause la manière dont un avocat ainsi désigné s’exécute de ses missions pourrait s’adresser au juge compétent afin d’y solliciter son remplacement. Ainsi, il ne se trouve donc pas privé de tout recours contre une telle décision, même si la voie de l’appel est légalement exclue.

Il en découle que la deuxième branche du premier moyen de cassation n’est pas fondée.

Quant au second moyen de cassation :

« tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de l’article 89 de la Constitution pour absence de motifs, sinon insuffisance de motifs valant absence de motifs, en ce que la Cour d’appel s’est basée exclusivement sur des éléments du dossier discutables dont notamment le rapport du psychologue Brachtenbach et des dires de Maître Sabine DELHAYE-DELAUX sans prendre en 10 PL 6996 11 Article 15 (5) de la Constitution : « Dans toute décision qui le concerne, l’intérêt de l’enfant est pris en considération de manière primordiale. » considération les pièces du requérant venant les contredire, alors que le requérant a soumis de nombreuses pièces venant contredire le soi-disant rapport Brachtenbach et les allégations de l’avocat pour enfant, sans pour autant que l’arrêt reprenne la discussion dans sa motivation. » Comme indiqué ci-dessus, le second moyen s’attaque à une partie non définitive de l’arrêt du 27 mars 2024, à savoir la décision des magistrats d’appel d’accorder à l’actuel demandeur en cassation, dans une première phase et à titre provisoire, un droit de visite encadré par les soins du Service Treff-

Punkt.

A cet égard, le pourvoi est irrecevable, de sorte que les développements qui suivent sont formulés à titre subsidiaire.

Le second moyen de cassation est tiré du défaut de motifs, vice de forme de l’arrêt attaqué. Il vise à tort l’article 89 de la Constitution, concernant les incompatibilités de la fonction de membre du gouvernement avec d’autres fonctions publiques. Il faut supposer qu’il entend viser en réalité l’article 109 de la nouvelle Constitution, pourtant en vigueur depuis le 1er juillet 2023, donc antérieurement au dépôt du pourvoi.

Il se résume à reprocher aux magistrats d’appel de n’avoir pas pris en considération les arguments et pièces leur soumises par l’actuel demandeur en cassation afin de contredire les déclarations de l’avocat de l’enfant ainsi que les conclusions d’un rapport psychologique versé en cause. Ils se seraient basés exclusivement sur ces deux éléments pour décider de l’attribution d’un droit de visite encadré au père.

Il se dégage de la lecture de l’arrêt attaqué que tel n’est pas le cas :

« En l’espèce, une analyse détaillée des pièces soumises à l’appréciation de la Cour12 ne permet pas de conclure à l’existence de motifs graves, imputables à PERSONNE1.) et s’opposant à l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement par ce dernier, ce d’autant plus que les agissements reprochés à PERSONNE1.) visant la période du séjour en Suède datent non seulement de l’année 2020, mais ont été considérés dans le cadre de l’arrêt précité du 24 février 2021 ayant notamment, par réformation, accordé à PERSONNE1.) un droit de visite et d’hébergement à l’égard des enfants PERSONNE3.) et PERSONNE4.) à exercer chaque deuxième week-end du mois, pendant les mois où PERSONNE1.) n’exerce pas son droit de visite et d’hébergement pendant les vacances scolaires, du vendredi après-midi au lundi matin. »13 Les magistrats d’appel se sont donc bien penchés sur l’ensemble des pièces 12 Souligné par la soussignée 13 Arrêt attaqué, page 7, alinéa 4 versées en cause, tel que cela résulte de la motivation citée ci-dessus.

De même, en retenant qu’il « résulte cependant des éléments du dossier, dont notamment14 des rapports de Monique Brachtenbach, psychologue diplômée auprès de l’association sans but lucratif Mamerhaff et voyant les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE4.) en consultation psychologique depuis le 14 octobre 2021, ainsi que des dires de Maître Sabine Delhaye-Delaux que les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE4.) n’ont plus vu leur père depuis presque 2 ans et qu’elles s’opposent à le voir alors qu’elles nourriraient des sentiments de peur et de tristesse à son encontre » 15, la Cour d’appel a clairement indiqué qu’elle ne s’est pas limitée à l’examen des ces deux sources d’informations pour prendre la décision d’attribuer à l’actuel demandeur en cassation un droit de visite encadré.

Le moyen, tiré du défaut de motifs, manque donc en fait, voire il n’est pas fondé.

En réalité, sous le couvert du grief d’un défaut de motivation, il ne tend qu’à remettre en cause la prise en considération par les magistrats d’appel des pièces et moyens de preuve versés en cause. Cet examen relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et échappe au contrôle de Votre Cour, de sorte que sous cette optique, le second moyen de cassation ne saurait être accueilli.

Conclusion le pourvoi n’est pas opposable à l’enfant PERSONNE3.), le pourvoi est recevable en ce qu’il est dirigé, en son premier moyen de cassation, contre la décision de la Cour d’appel qui a déclaré irrecevable la demande de l’actuel demandeur en cassation tendant au remplacement de l’avocat de l’enfant, il est cependant non fondé à cet égard, le pourvoi est irrecevable en son second moyen de cassation, en ce qu’il critique une disposition non définitive de l’arrêt attaqué, à titre subsidiaire, le second moyen de cassation n’est pas fondé, en conclusion, le pourvoi est à rejeter.

14 Souligné par la soussignée 15 Arrêt attaqué, page 7, alinéa 5 Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 89/25
Date de la décision : 22/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-05-22;89.25 ?

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