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22/05/2025 | LUXEMBOURG | N°88/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 22 mai 2025, 88/25


N° 88 / 2025 du 22.05.2025 Numéro CAS-2024-00138 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq.

Composition :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie

et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au ...

N° 88 / 2025 du 22.05.2025 Numéro CAS-2024-00138 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux mai deux mille vingt-cinq.

Composition :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Stéphane LATASTE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée E2M, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Max MAILLIET, avocat à la Cour, 2) l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG, représentée par le collège des bourgmestre et échevins, ayant ses bureaux à L-2090 Luxembourg, 42, Place Guillaume II, 3) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, défendeurs en cassation.

_____________________________________________________________

Vu le jugement attaqué numéro 2024TALCH03/00134 rendu le 2 juillet 2024 sous le numéro TAL-2023-04929 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 9 septembre 2024 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) à la société anonyme SOCIETE2.), à l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, déposé le 11 septembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 5 novembre 2024 par la société SOCIETE2.) à la société SOCIETE1.), déposé le 8 novembre 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Sandra KERSCH.

Sur les faits Selon la décision attaquée, le Tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait constaté que la parcelle n° NUMERO3.) au lieu-dit ADRESSE3.) appartenant à la demanderesse en cassation était enclavée, avait donné acte à la demanderesse en cassation et à la défenderesse en cassation sub 1) de leur accord quant à l’assiette de la servitude de passage et avait fixé ex aequo et bono un montant à payer annuellement au titre de « l’indemnisation du terrain servant par le terrain dominant ».

Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance d’appel, par réformation partielle, a dit que la demanderesse en cassation bénéficie d’une servitude de passage sur certaines parcelles des défenderesses en cassation sub 1) à 3), a ordonné la transcription du jugement au bureau des hypothèques à Luxembourg et l’inscription de la servitude de passage au profit de la demanderesse en cassation sur les plans cadastraux et a confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Sur le deuxième moyen de cassation qui est préalable au premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 du Nouveau Code de Procédure Civile, et de l’article 6, alinéa 1er de la Convention Européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le jugement attaqué a rejeté le moyen de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.à r.l. tiré de la prescription de l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil en application de l’article 685 du Code civil et a dit la demande d’indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) recevable, aux motifs que de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n°NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.) », que , que et que , alors que, de même que la servitude légale de passage tirée de l’article 682 du Code civil existe dès qu’il y a enclave, l’action en indemnité, dans le cas prévu à cet article, naît au jour où le passage a commencé à être exercé à titre de droit au profit du fonds enclavé ;

alors que la servitude légale de passage en cas d’enclave tirée de l’article 682 du Code civil est une charge imposée sur un fonds, le fonds servant, au profit d’un autre fonds, le fonds dominant, et est attachée au fonds dominant et non à son propriétaire, et suit le fonds dominant en quelques mains qu’il se trouve, et que l’action en indemnité tirée de ce même article, est attachée au fonds servant et non à son propriétaire, et suit le fonds servant en quelques mains qu’ils se trouvent ;

alors que la servitude légale de passage en cas d’enclave tirée de l’article 682 du Code civil se transmet ainsi de plein droit, avec le fonds dominant auquel elle est attachée, à tous les propriétaires successifs de ce fonds et que, de son côté, l’action en indemnité, dans le cas prévu à l’article 682 du Code civil, se transmet de plein droit à tous les propriétaires successifs du fonds servant auquel elle est attachée ;

alors que la prescription de l’action en indemnité, dans le cas prévu à l’article 682 du Code civil, visée à l’article 685 du Code civil, est attachée à la possession de la servitude par tous les propriétaires successifs du fonds dominant et non simplement par le dernier de ces propriétaires, ni encore à la reconnaissance de l’état d’enclave, le propriétaire actuel du fonds dominant et le propriétaire actuel du fonds servant, notamment au pétitoire ;

alors que le temps de la prescription visé à l’article 685 du Code civil court à compter du premier jour où le passage a commencé à être exercé à titre de droit au profit du fonds enclavé par l’un ou l’autre de ses propriétaires successifs (cf. en ce sens, Cour Supérieure de Justice, 28 octobre 1975, Pasicrisie 23, page 295), et non à compter du jour où le passage a été exercé à titre de droit par le propriétaire actuel du fonds enclavé ou encore à compter du jour où le droit au passage a été constaté au pétitoire ;

alors que le changement de propriétaire du fonds dominant ou le changement de propriétaire du fonds servant ne sont pas de nature à interrompre le temps de la prescription visé à l’article 685 du Code civil (cf. en ce sens, Cour Supérieure de Justice, 28 octobre 1975, Pasicrisie 23, page 295, Cour d’appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 8 janvier 2019, 17/05315, sur www.légifrance.fr), ni à faire naître un nouveau droit à indemnité au profit du fonds servant ;

alors que l’auteur est la personne dont une autre tient un droit, à savoir notamment le vendeur pour l’acquéreur ou le défunt pour une succession ;

alors que, pour décider que l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil n’était pas prescrite en application de l’article 685 du Code civil, les juges d’appels ne pouvaient, sans se contredire, d’un côté retenir que le jugement rendu par la Justice de Paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898 et le jugement du Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898 a retenu l’état d’enclave de la parcelle n°NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.à r.l. et de l’autre, dire que ces jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre des propriétaires et qui ne sauraient donc être considérés comme les auteurs des actuels propriétaires des parcelles litigieuses ;

alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs et que les juges d’appel, en statuant comme ils l’ont fait, ont partant privé leur décision de motivation en violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 du Nouveau Code de Procédure Civile et de l’article 6, alinéa 1er de la Convention Européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. », Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir rejeté le moyen tiré de la prescription de l’action en obtention d’une indemnité sur base de l’article 682 du Code civil par application de l’article 685 du même code par des motifs contradictoires.

A l’article 89 de la Constitution invoqué à l’appui du moyen, il y a lieu de substituer l’article 109 de la Constitution dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2023, partant au jour du prononcé de la décision attaquée.

Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalent à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

En retenant, d’une part, « SOCIETE1.) renvoie à un jugement rendu par la justice de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n°NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.).

Force est toutefois de constater que les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses et qui ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs. » et, d’autre part, « Pour rappel, ce n’est que par le jugement du 8 février 2023, actuellement coulée en force de chose jugée, qu’il a été reconnu l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.). », les juges d’appels ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation qui est préalable aux premier, troisième et quatrième moyens de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, in specie des articles 682 et 685 du Code civil, sinon du seul article 682 du Code civil, sinon du seul article 685 du Code civil, par refus d’application de la loi, sinon fausse application de la loi, sinon fausse interprétation de la loi, en ce que le jugement attaqué rejeté le moyen de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.à r.l. tiré de la prescription de l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil en application de l’article 685 du Code civil et a dit la demande d’indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) recevable, aux motifs que de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n°NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.) », que , que et que , alors que, de même que la servitude légale de passage tirée de l’article 682 du Code civil existe dès qu’il y a enclave, l’action en indemnité, dans le cas prévu à cet article, naît au jour où le passage a commencé à être exercé à titre de droit au profit du fonds enclavé ;

alors que la servitude légale de passage en cas d’enclave tirée de l’article 682 du Code civil est une charge imposée sur un fonds, le fonds servant, au profit d’un autre fonds, le fonds dominant, et est attachée au fonds dominant et non à son propriétaire, et suit le fonds dominant en quelques mains qu’il se trouve, et que l’action en indemnité tirée de ce même article, est attachée au fonds servant et non à son propriétaire, et suit le fonds servant en quelques mains qu’ils se trouvent ;

alors que la servitude légale de passage en cas d’enclave tirée de l’article 682 du Code civil se transmet ainsi de plein droit, avec le fonds dominant auquel elle est attachée, à tous les propriétaires successifs de ce fonds et que, de son côté, l’action en indemnité, dans le cas prévu à l’article 682 du Code civil, se transmet de plein droit à tous les propriétaires successifs du fonds servant auquel elle est attachée ;

alors que la prescription de l’action en indemnité, dans le cas prévu à l’article 682 du Code civil, visée à l’article 685 du Code civil, est attachée à la possession de la servitude par tous les propriétaires successifs du fonds dominant et non simplement par le dernier de ces propriétaires, ni encore à la reconnaissance de l’état d’enclave, le propriétaire actuel du fonds dominant et le propriétaire actuel du fonds servant, notamment au pétitoire ;

alors que le temps de la prescription visé à l’article 685 du Code civil court à compter du premier jour où le passage a commencé à être exercé à titre de droit au profit du fonds enclavé par l’un ou l’autre de ses propriétaires successifs (cf. en ce sens, Cour Supérieure de Justice, 28 octobre 1975, Pasicrisie 23, page 295), et non à compter du jour où le passage a été exercé à titre de droit par le propriétaire actuel du fonds enclavé ou encore à compter du jour où le droit au passage a été constaté au pétitoire ;

alors que le changement de propriétaire du fonds dominant ou le changement de propriétaire du fonds servant ne sont pas de nature à interrompre le temps de la prescription visé à l’article 685 du Code civil (cf. en ce sens, Cour Supérieure de Justice, 28 octobre 1975, Pasicrisie 23, page 295, Cour d’appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 8 janvier 2019, 17/05315, sur www.légifrance.fr), ni à faire naître un nouveau droit à indemnité au profit du fonds servant ;

alors que l’auteur est la personne dont une autre tient un droit, à savoir notamment le vendeur pour l’acquéreur ou le défunt pour une succession ;

alors que, pour décider que l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil n’était pas prescrite en application de l’article 685 du Code civil, les juges d’appel, tout en constatant l’existence des jugements en date du 10 août 1898 et 14 décembre 1898 rendus entre le dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), propriétaires d’alors des parcelles litigieuses, jugements ont estimé que , partant qu’il n’y aurait lieu de ne tenir compte que du jugement rendu le 8 février 2023 reconnaissant et non des jugements antérieurs rendus entre les anciens propriétaires des parcelles litigieuses à propos de ces parcelles pour apprécier si l’action en indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) tirée de l’article 682 du Code civil était éteinte ou non, les juges d’appel ont donc violé la loi, in specie des articles 682 et 685 du Code civil, sinon du seul article 682 du Code civil, sinon du seul article 685 du Code civil, par refus d’application de la loi, sinon fausse application de la loi, sinon fausse interprétation de la loi. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les articles 682 et 685 du Code civil en n’ayant pas retenu la prescription de l’action en obtention d’une indemnité sur base de l’article 682 du Code civil par application de l’article 685 du même code.

Vu les articles 682 et 685 du Code civil.

L’article 682 du Code civil dispose « Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a aucune issue sur la voie publique, peut réclamer un passage sur les fonds de ses voisins pour l’exploitation de son héritage, à la charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. » L’article 685 du Code civil dispose « L’action en indemnité, dans le cas prévu par l’article 682, est prescriptible ; et le passage doit être continué, quoique l’action en indemnité ne soit plus recevable. » L’action en fixation de l’indemnité prévue à l’article 682 du Code civil repose sur la possession prolongée du propriétaire enclavé et concerne une créance à caractère réel et immobilier rattachée au fonds servant. Elle est prescriptible en vertu des dispositions de l’article 685 du Code civil et se prescrit par trente ans, conformément à l’article 2262 du même code.

La prescription de l’indemnité est intrinsèquement liée à l’état d’enclave du fonds dominant et ni les éventuels changements de propriétaires, tant du fonds dominant que du fonds servant, ni l’usage de tracés différents de la servitude de passage ne font obstacle à la prescription de l’action en indemnité qui s’éteint quels qu’aient été les propriétaires successifs des fonds, respectivement quel qu’ait été le trajet suivi, dès lors qu’ont été accomplis des actes répétés et continus de passage.

Elle commence à courir à compter du moment où le passage a été exercé à titre de servitude légale.

En retenant « SOCIETE1.) renvoie à un jugement rendu par la justice de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n°NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.).

Force est toutefois de constater que les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses et qui ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs.

Pour rappel, ce n’est que par le jugement du 8 février 2023, actuellement coulée en force de chose jugée, qu’il a été reconnu l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.).

Partant le moyen tiré de la prescription de l’action en indemnisation est à rejeter et la demande de SOCIETE2.) est à dire recevable. » et en rattachant ainsi l’état d’enclave de la parcelle litigieuse à la qualité de propriétaire du fonds, les juges d’appel ont violé les articles 682 et 685 du Code civil.

Il s’ensuit que la décision attaquée encourt la cassation.

Sur les demandes en allocation d’indemnités de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 2.500 euros.

La défenderesse en cassation sub 1) étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens de cassation, la Cour de cassation casse et annule, en ce qui concerne l’indemnisation du terrain servant par le terrain dominant, le jugement attaqué numéro 2024TALCH03/00134 rendu le 2 juillet 2024 sous le numéro TAL-2023-04929 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel ;

déclare nuls et de nul effet, dans cette mesure, ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé, et pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composé ;

rejette la demande de la défenderesse en cassation sub 1) en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la défenderesse en cassation sub 1) à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge du jugement annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.).à r. l., contre 1) la société anonyme SOCIETE2.), 2) l’Administration communale de la Ville de Luxembourg, 3) l’État du Grand-Duché de Luxembourg, (CAS-2024-00138 du registre) Par mémoire déposé au greffe de la Cour d’appel le 11 septembre 2024, la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.à r.l., ci-après la société SOCIETE1.), a introduit un pourvoi en cassation contre le jugement n° 2024TALCH03/00134, contradictoirement rendu entre parties le 2 juillet 2024, par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel.

Le mémoire déposé par la partie demanderesse en cassation, signé par un avocat à la Cour, a été signifié1 antérieurement à son dépôt aux parties adverses, de sorte que le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Maître Max MAILLET, avocat à la Cour, en sa qualité de mandataire de la société anonyme SOCIETE2.), a fait signifier le 5 novembre 2024, au domicile élu de la partie demanderesse en cassation, un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour d’appel le 8 novembre 2024.

Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été signifié dans les forme et délai de la loi précitée du 18 février 1885.

1 Le mémoire en cassation a été signifié le 9 septembre 2024 aux parties défenderesses en cassation.

2 Selon la partie défenderesse SOCIETE2.), le jugement no 2024TALCH03/00134 du 2 juillet 2024 a été signifié le 12 juillet 2024 à la société SOCIETE1.), ainsi qu’à son mandataire.

Faits et rétroactes Par exploits d’huissier de justice des 10 juin 2022 et 15 septembre 2022, la société SOCIETE1.) a fait donner citation à la société anonyme SOCIETE2.) (ci-après la société SOCIETE2.)), à l’Administration communale de la Ville de Luxembourg et à l’État du Grand-Duché de Luxembourg, respectivement recitation à ces deux dernières parties, à comparaître par devant le tribunal de paix de Luxembourg pour voir statuer sur les mérites de sa demande en constat d’enclave de la parcelle inscrite au cadastre de la Commune de Luxembourg, section LA de ADRESSE4.), sous le n° NUMERO3.), lieu-dit ADRESSE3.), et de l’existence d’une servitude légale de passage par les parcelles inscrites audit cadastre sous les nos NUMERO4.) et NUMERO5.) appartenant SOCIETE2.), les nos NUMERO6.) et NUMERO7.) appartenant à l’État et le n° NUMERO8.) appartenant à la Ville de Luxembourg, en fixation de l’assiette de cette servitude légale de passage vers la voie publique, le cas échéant après une visite des lieux, sur les parcelles désignées dans la citation aux fins de rejoindre la voie publique via le pont dit « Margot Liebens-Reiffers », telle que reprise sur le plan GEOCAD n° 09476-06 du 6 février 2015, marquée en jaune, et à en voir ordonner la transcription au bureau de la conservation des hypothèques de Luxembourg.

Elle a encore sollicité la condamnation de SOCIETE2.) à lui fournir, endéans la huitaine de la signification du jugement, le système d’interphone permettant l’activation des bornes hydrauliques escamotables à distance via le réseau téléphonique, sinon tout autre dispositif d’activation à distance desdites bornes, à toute heure du jour et de la nuit, le tout sous peine d’une astreinte de 1 000.- euros par jour de retard.

Elle a en outre conclu à l’allocation d’une indemnité de procédure de 6 000.- euros et à voir ordonner l’exécution provisoire du jugement.

A l’audience des plaidoiries de première instance du 25 janvier 2023, la Ville de Luxembourg et l’État n’ont pas comparu. Ils avaient été au préalable reconvoqués, conformément aux prescriptions de l’article 84 du Nouveau Code de Procédure civile, les courriers recommandés ayant été à chaque fois acceptés par une personne habilitée à ce faire pour les destinataires respectifs le 16 septembre 2022. Conformément à l’article 84, alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure civile, le juge de paix a statué contradictoirement à leur encontre.

SOCIETE2.) a conclu au non-fondé de la demande adverse au motif que l’enclave serait inexistante au regard du droit de passage conventionnel conclu entre parties et permettant à la demanderesse, de jour comme de nuit, de passer par le terrain de la citée pour accéder à sa propriété.

Elle a réclamé une indemnité de procédure de 5 000.- euros au vœu de l’article 240 du Nouveau Code de Procédure civile. Elle conclut également à voir condamner la partie requérante aux frais et dépens de l’instance.

Par jugement du 8 février 2023, le tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement et en premier ressort, s’est déclaré compétent pour connaître de la demande, l’a dite recevable en la pure forme, a constaté que la parcelle inscrite au cadastre de la Commune de Luxembourg, Section LA de ADRESSE4.), sous le n° NUMERO3.), lieu-dit ADRESSE3.), place (occupée), bâtiment à usage d’habitation, bâtiment à usage mixte, appartenant à la société SOCIETE1.), est enclavée et a dit qu’il doit dès lors exister au profit de cette parcelle une servitude de passage qui devra être déterminée conformément aux prescriptions des articles 683 et 684 du Code civil.

Le juge de paix a, avant tout autre progrès en cause et aux fins de pouvoir apprécier toutes les possibilités se présentant pour donner accès à ladite parcelle enclavée, ordonné une visite des lieux, a refixé l’affaire pour continuation des débats et a réservé les autres demandes.

Par jugement du 10 mai 2023, le tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement et en premier ressort, ayant revu le jugement n° 389/2023 du 8 février 2023 et le procès-verbal de la visite des lieux du 10 mars 2023, a donné acte aux sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) de leur accord quant à l’assiette de passage de la servitude, retenue par les lettres j-k-l-m-n-o-p-q-r-s-t-u-v-w-x-y sur le plan GEOCAD du 6 février 2015 et a donné acte à SOCIETE1.) et à SOCIETE2.) de leur accord quant à voir relier la maison de la première au système d’activation à distance des bornes, à installer aux frais de celle-ci.

Il a débouté SOCIETE1.) de sa demande à voir adapter le nombre de badges à celui d’habitants de l’immeuble.

Il a fixé l’indemnisation du terrain servant par le terrain dominant au regard des coûts d’usure à prévoir ex aequo et bono à 1 500.- euros par an, montant payable et portable par SOCIETE1.) à SOCIETE2.) pour le 5 du mois de janvier de chaque année à partir de 2024 et pour l’année en cours le 5 juin 2023.

Il a condamné la société SOCIETE2.) à payer à la société SOCIETE1.) le montant de 1 000.-

euros à titre d’indemnité de procédure.

Il a débouté la société SOCIETE2.) de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et a condamné celle-ci aux frais et dépens de l’instance.

Par exploit d’huissier de justice du 2 juin 2023, la société SOCIETE1.) a régulièrement interjeté appel contre le prédit jugement du 10 mai 2023. Lors de l’audience de plaidoiries de l’affaire, la société SOCIETE2.) a interjeté appel incident et demandé, par réformation du jugement entrepris, à voir « fixer le montant unique de l’indemnité prévue à l’article 682 du Code civil suivant un critère objectif, respectivement sur base du coût actuel d’un abonnement annuel avec tarif résident multiplié par le nombre de badges, respectivement par le nombre de parkings sollicités. » Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel a par jugement no 2024TALCH03/00134, du 2 juillet 2024, reçu les appels principal et incident en la forme, a dit l’appel incident non fondé et l’appel principal partiellement fondé.

Par réformation du jugement entrepris, il a déclaré fondée la demande de la société à SOCIETE1.) basée sur l’article 682 du Code civil, a dit que la société SOCIETE1.) SARL bénéficie d’une servitude de passage sur les parcelles appartenant à l’Administration communale de la Ville de Luxembourg et à l’État, telles que précisées au dispositif du jugement, et a ordonné la transcription du jugement au Premier Bureau des Hypothèques à Luxembourg et l’inscription de la servitude de passage au profit de la société SOCIETE1.) sur les plans cadastraux de l’Administration du Cadastre et de la Topographie.

Le jugement entrepris a été confirmé pour le surplus, sauf à dire que l’indemnité annuelle de 1 500.- euros est payable et portable le 5 du mois de janvier de chaque année et pour l’année 2024 dès le 5 du mois d’août 2024.

Les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) ont été déboutées de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel, Le pourvoi sous examen est dirigé contre le jugement no 2024TALCH03/00134 précité, rendu par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

PREMIER MOYEN DE CASSATION Le premier moyen de cassation est tiré de la dénaturation d’un écrit clair, à savoir l’extrait cadastral de provenance de la parcelle appartenant aujourd’hui à la SOCIETE1.), en ce que le jugement attaqué a rejeté le moyen de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S. à r. l.

tiré de la prescription de l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil en application de l’article 685 du Code civil et a dit la demande d’indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) recevable, aux motifs que « SOCIETE1.) renvoie à un jugement rendu par la justice de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n° NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.) », que « force est toutefois de constater que les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses et qui ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs », que « Pour rappel, ce n’est que par le jugement du 8 février 2023, actuellement coulée en force de chose jugée, qu’il a été reconnu l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.) » et que « partant le moyen tiré de la prescription de l’action en indemnisation est à rejeter et la demande de SOCIETE2.) est à dire recevable »3, (…) alors que, pour décider que l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil n’était pas prescrite en application de l’article 685 du Code civil, les juges d’appels en retenant que « les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses et qui ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs » ont donc affirmé un fait directement contredit par l’extrait cadastral de provenance de la parcelle appartenant aujourd’hui à la société à responsabilité limitée 3 Page 24 du mémoire en cassation, SOCIETE1.) S. à r. l. du 4 mars 2016 qui était versé en pièce n°37 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.à r. l et ont partant dénaturé cet extrai4t.

Aux termes du moyen, la partie demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel, d’avoir, dans le cadre de l’analyse de la recevabilité de la demande en indemnité introduite par la société SOCIETE2.), conclu que « les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses ». Cette conclusion serait en contradiction flagrante avec les informations, relatives à la provenance de la parcelle appartenant aujourd’hui à la société SOCIETE1.), contenues dans l’extrait cadastral du 4 mars 2016, versé en pièce à la procédure par la demanderesse en cassation.

Les juges d’appel n’ont cependant pas motivé l’absence d’incidence des jugements de 1898, sur le litige en cours par rapport à la situation de la parcelle appartenant à SOCIETE1.), mais par rapport à l’identité de propriétaires parties aux procédures en cause Le moyen repose donc sur une lecture erronée du jugement entrepris et manque en fait.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Le deuxième moyen est tiré de la violation, sinon du refus d’application, de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 du Nouveau Code de Procédure civile, et de l’article 6, alinéa 1er de la Convention Européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le jugement attaqué a rejeté le moyen de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S. à r. l.

tiré de la prescription de l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil en application de l’article 685 du Code civil et a dit la demande d’indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) recevable,5 « alors que, pour décider que l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil n’était pas prescrite en application de l’article 685 du Code civil, les juges d’appels ne pouvaient, sans se contredire, d’un côté retenir que le jugement rendu par la Justice de Paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898 et le jugement du Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898 a retenu l’état d’enclave de la parcelle n° NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.à r.l. et de l’autre, dire que ces jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre des propriétaires « sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses » et qui ne sauraient donc être considérés comme les auteurs des actuels propriétaires des parcelles litigieuses »6 En l’espèce, la demanderesse en cassation avait, sur base de l’article 685 du Code civil invoqué la prescription de l’action en indemnisation intentée par SOCIETE2.) et, à l’appui de son moyen, elle avait fait valoir un jugement de la justice de paix de 1898, confirmé la même année en appel.7 4 Page 26 du mémoire en cassation, alinéa dernier du moyen 5 Page 26 du mémoire en cassation, alinéa 2 du moyen, 6 Page 27 du mémoire en cassation, dernier alinéa 7 Jugement entrepris, page 16.

La demanderesse en cassation reproche au Tribunal d’arrondissement de Luxembourg de s’être contredit en s’exprimant comme suit :

« SOCIETE1.) renvoie à un jugement rendu par la justice de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n° NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.).

Force est toutefois de constater que les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses et qui ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs.

Pour rappel, ce n’est que par le jugement du 8 février 2023, actuellement coulée en force de chose jugée, qu’il a été reconnu l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.).

Partant le moyen tiré de la prescription de l’action en indemnisation est à rejeter et la demande de SOCIETE2.) est à dire recevable. »8 Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision9.

Il ressort de la lecture de l’extrait précité qu’en retenant « SOCIETE1.) renvoie à un jugement rendu par la justice de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n° NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.). » la juridiction du fond n’a pas constaté que les décisions de 1898 établissent l’état d’enclave, mais elle s’est limitée à reprendre le moyen développé à ce sujet par la partie appelante.

Ce n’est que dans l’alinéa suivant celui repris ci-dessus que la juridiction du fond tire ses conclusions quant à l’incidence des décisions de 1898 sur la solution du litige, pour les écarter.

Le moyen qui repose donc sur une mauvaise lecture de la décision entreprise et sur une prémisse erronée, manque dès lors en fait.

8 Page 16 du jugement dont pourvoi 9 Cour de cassation, 8 juillet 2021, n° 114/2021, numéro CAS-2020-00113 du registre TROISIÈME MOYEN DE CASSATION et QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION réunis Les troisième et quatrième moyens de cassation sont tirés du « défaut de base légale au regard des articles 682 et 685 du Code civil, sinon du seul article 682 du Code civil, sinon du seul article 685 du Code civil » en ce que le jugement attaqué a rejeté le moyen de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S. à r. l. tiré de la prescription de l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil en application de l’article 685 du Code civil et a dit la demande d’indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) recevable, aux motifs que « SOCIETE1.) renvoie à un jugement rendu par la justice de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n° NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.) », que « force est toutefois de constater que les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses et qui ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs », que « Pour rappel, ce n’est que par le jugement du 8 février 2023, actuellement coulée en force de chose jugée, qu’il a été reconnu l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.) » et que « partant le moyen tiré de la prescription de l’action en indemnisation est à rejeter et la demande de SOCIETE2.) est à dire recevable », (…)10 alors que (troisième moyen) « pour décider que l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil n’était pas prescrite en application de l’article 685 du Code civil, les juges d’appel, se référant aux jugements en date du 10 août 1898 et 14 décembre 1898 rendus entre le dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), propriétaires d’alors des parcelles litigieuses, n’ont pas expliqué en quoi ces anciens propriétaires des parcelles litigieuses seraient, selon le jugement attaqué, « sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses » et « ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs », ni en quoi il n’y aurait lieu de ne tenir compte que du jugement rendu le 8 février 2023 reconnaissant « l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.) » et non des jugements antérieurs rendus entre les anciens propriétaires des parcelles litigieuses à propos de ces parcelles pour apprécier si l’action en indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) tirée de l’article 682 du Code civil était éteinte ou non, les juges d’appel n’ont donc pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 682 et 685 du Code civil, sinon du seul article 682 du Code civil, sinon du seul article 685 du Code civil. »11 alors que, (quatrième moyen) « pour décider que l’action en obtention d’une indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil n’était pas prescrite en 10 Page 28 du mémoire en cassation 11 Page 30 du mémoire en cassation, alinéa dernier du troisième moyen application de l’article 685 du Code civil, les juges d’appel, tout en constatant l’existence des jugements en date du 10 août 1898 et 14 décembre 1898 rendus entre le dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), propriétaires d’alors des parcelles litigieuses, jugements « retenant l’état d’enclave de la parcelle n° NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.) », ont estimé que « Pour rappel, ce n’est que par le jugement du 8 février 2023, actuellement coulée en force de chose jugée, qu’il a été reconnu l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.)», partant qu’il n’y aurait lieu de ne tenir compte que du jugement rendu le 8 février 2023 reconnaissant « l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.) » et non des jugements antérieurs rendus entre d’anciens propriétaires des parcelles litigieuses à propos de ces parcelles pour apprécier si l’action en indemnité de la société anonyme SOCIETE2.) tirée de l’article 682 du Code civil était éteinte ou non, les juges d’appel n’ont donc pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 682 et 685 du Code civil, sinon du seul article 682 du Code civil, sinon du seul article 685 du Code civil. »12 Avant d’analyser le fond des moyens, leur forme rédactionnelle suscite quelques remarques.

A la lecture des deux moyens, on note que la partie demanderesse fait état d’un défaut de base légale en relation avec deux dispositions légales différentes, à savoir les articles 682 et 685 du Code civil, et laisse à la Cour de cassation le soin de déterminer quel grief est le plus adapté au moyen présenté : le défaut de base légale en relation avec la violation conjointe des deux articles ou avec la violation alternative de l’article 682 et de l’article 685 du Code civil.

Le moyen articule donc, d’une part, un défaut de base légale au regard de l’article 682 du Code civil qui traite des conditions d’obtention d’un du droit de passage, et, d’autre part, un défaut de base légale au regard de l’article 685 du Code civil, qui traite de la prescription de l’action en indemnité prévue à l’article 682 du Code civil. On pourrait y voir deux cas d’ouverture distincts.

Les moyens n’expliquent que vaguement en quoi la motivation critiquée omet de constater les faits nécessaires à la mise en œuvre des règles de droit.

Dans une approche très formaliste, les moyens pourraient être déclarés irrecevables au regard de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, qui dispose qu’un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture et chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué.

Au vu de l’imbrication des articles 685 et 682 du Code civil et par une interprétation moins rigoureuse de l’article 10 précité, partagée par la soussignée, les moyens sous examen pourraient cependant être déclarés recevables.

Le défaut de base légale vise le cas où la décision entreprise comporte des motifs, de sorte que sa régularité formelle ne saurait être contestée, mais où les motifs sont imprécis ou incomplets 12 Page 32 du mémoire en cassation, alinéa dernier du quatrième moyen à un point tel que la Cour de cassation est dans l’impossibilité de contrôler l’application de la loi. Il constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

En l’espèce, le défaut de base légale est invoqué en relation avec l’article 685 du Code civil, qui se lit comme suit :

« L’action en indemnité, dans le cas prévu par l’article 682, est prescriptible, et le passage doit être continué, quoique l’action en indemnité ne soit plus recevable. » et l’article 682 du Code civil, qui dispose :

« Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a aucune issue sur la voie publique, peut réclamer un passage sur les fonds de ses voisins pour l’exploitation de son héritage, à la charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. » L’action visée par l’article 685 du Code civil est littéralement l’action en indemnité, c’est-à-

dire l’action que le propriétaire du fonds par lequel le passage est réclamé a contre le propriétaire du fonds enclavé pour faire régler l’indemnité à laquelle il est tenu en vertu de l’article 682 du Code civil.13 Cette action en fixation de l’indemnité, qui repose sur la possession prolongée du propriétaire enclavé et qui, en tant que créance à caractère réel et immobilier, paraît devoir se prescrire par 30 ans conformément à l’article 2227 du Code civil14, ne doit pas être confondue avec l’action en paiement de l’indemnité déjà fixée qui, quant à elle, se prescrit dans les termes du droit commun15. Tout comme la prescription de l’assiette de la servitude, celle de l’indemnité est intrinsèquement liée à l’état d’enclave du fonds.

Pour que la possession puisse conduire à l’extinction de l’action en indemnité, il faut que l’exercice du passage présente tous les caractères requis par l’article 2261 du Code civil.

Contrairement à la règle retenue en matière de prescription de l’assiette de la servitude où il est généralement admis que le passage exercé en plusieurs points du fonds servant est inapte à caractériser une possession utile, l’usage de tracés différents sur le même fonds ne fait pas obstacle à la prescription de l’action en indemnité qui s’éteint quel qu’ait été le trajet suivi dès lors qu’ont été accomplis des actes répétés et continus de passage16. En effet, l’article 685 du Code civil distingue, d’un côté, la prescription acquisitive de l’assiette et du mode de servitude, et, d’un autre côté, la prescription extinctive de l’action en indemnité17. Une décision fort ancienne avait même admis que le propriétaire enclavé, qui était passé pendant 30 ans sur les héritages de l’un des propriétaires voisins, avait prescrit par là même l’indemnité due à raison 13 F. Laurent, Principes de droit civil, t. VIII : Durand et Pedone, 1873, n° 103, p. 135 14 J.-L. Bergel, S. Cimamonti, J.-M. Roux et L. Tranchant, Traité de droit civil, Les biens : LGDJ-Lextenso, 3e éd., 2019, n° 398, p. 455. - L. Leveneur et S. Mazeaud-Leveneur, Droit des biens : LexisNexis, 2021, n° 358, p. 256. -

En ce sens : CA Caen, ch. 1, sect. civ. et com., 2 mars 2006, n° 04/02009 : JurisData n° 2006-323096 15 G. Baudry-Lacantinerie et E. Chauveau, Traité théorique et pratique de droit civil, Des biens, t. VI : Librairie du recueil général des lois et arrêts, 2e éd., 1896, n° 1067, p. 774. - Comp. évoquant l’application à l’action en indemnité de la prescription de droit commun applicable aux actions mobilières et personnelles : CA Nouméa, ch.

civ., 13 avr. 2023, n° 21/00218 : JurisData n° 2023-006669 16 Cass. req., 10 févr. 1941 : S. 1941, 1, p. 123 17 CA Toulouse, 1re ch., 1re sect., 16 janv. 2012, n° 11/00016. - CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 18 nov. 2021, n° 18/20073 de ce passage, bien que le passage ait été exercé tantôt sur un fonds, tantôt sur un autre, étant établi qu’il n’avait agi ainsi qu’en bon voisin et pour ne pas aggraver la servitude18.

Ces solutions ont pu être approuvées en ce qu’elles ne contreviennent pas au principe selon lequel la possession doit présenter notamment un caractère de continuité. En effet, même si le passage a une assiette fluctuante sur un fonds, son propriétaire est bel et bien mis en demeure de réagir par l’accomplissement de ces actes de passage à titre de servitude.

Le principe posé par l’article 685 du Code civil est que, dès le premier jour où un passage a été exercé sur le fonds d’un voisin, une action est née au profit de ce dernier pour réclamer l’indemnité que lui offre l’article 682 : l’exercice du passage équivaut en effet à une réclamation du droit de passer et met le propriétaire du fonds servant en demeure de réclamer son dû19.

Cette prescription court donc du jour où a commencé à être utilisé le passage à titre de droit20.

Cela présuppose, pour bénéficier des dispositions de l’article 685 du Code civil, de démontrer que le fonds est enclavé depuis plus de 30 ans21. En effet, la prescription ne commence à courir qu’à compter du moment où le passage a été exercé à titre de servitude légale, et non pas seulement à titre de pure tolérance antérieure à l’état d’enclave Aussi, lorsque l’assiette de la servitude de passage est déterminée par le juge conformément aux directives des articles 682 et 683 du Code civil, la prescription de l’action en indemnité court-elle à compter du prononcé de la décision de justice instituant la servitude légale22. Dans l’hypothèse où l’enclave résulte de la situation naturelle des lieux, elle est nécessairement antérieure aux faits de possession et le juge n’a pas à rechercher à quelle époque l’enclave s’est manifestée, le propriétaire du fonds devant prouver que la possession existait plus de 30 ans avant le jour où la prescription est invoquée23.

En l’espèce, la juridiction du fond a raisonné comme suit pour conclure à l’absence de prescription de l’action en indemnité :

« La reconnaissance d’une servitude légale de passage a donc pour contrepartie, selon l’article 682 du Code civil, le versement d’une indemnité proportionnée au dommage occasionné.

Celle-ci se définit en fonction de la dépréciation du terrain et du fait qu’il se trouve désormais grevé d’un droit réel, mais également en tentant compte des éventuels dommages matériels et de divers troubles et nuisances causés.

18 Cass. req., 21 mars 1831 : S. 1831, 1, p. 187 19 E. Fuzier-Herman, Répertoire général alphabétique du droit français, t. XX, par A. Carpentier et G. Fréjouan du Saint : Sirey, 1900, V° Enclave, n° 199, p. 103 20 CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 30 janv. 2012, n° 10/14333 : JurisData n° 2012-001719. - Dans le même sens :

CA Metz, 19 janv. 1865 : DP 1865, 2, p. 52. - Dans le même sens, indiquant que l’action s’éteint au bout de 30 ans à compter du moment où le droit de passage a commencé à s’exercer : CA Agen, 1re ch. civ., 3 juin 2015, n° 13/00691 21 CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. D, 20 juin 2007, n° 04/01835. - CA Versailles, 19e ch., 5 sept. 2008, n° 07/06544 22 Cass. 3e civ., 9 juill. 2020, n° 18-24.426 : JurisData n° 2020-010104 ; AJDI 2020, p. 786. - Cass. 3e civ., 3 nov.

2021, n° 20-20.135 : JurisData n° 2021-017799 ; AJDI 2022, p. 61 23 Cass. req., 30 janv. 1884 : DP 1884, 1, p. 364. À l’instar de la solution retenue pour prescrire le mode et l’assiette de passage, la possession nécessaire pour prescrire l’action en indemnité doit être publique et ininterrompue. Cass.

3e civ., 29 oct. 2013, n° 12-21.076 : RTD civ. 2014, p. 144, obs. W. Dross SOCIETE1.) invoque principalement, sur base de l’article 685 du Code civil, la prescription de l’action en indemnisation de SOCIETE2.).

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 685 du Code civil, l’action en indemnité, dans le cas prévu à l’article 682 du même code, est prescriptible et le passage peut être continué quoique l’action en indemnité ne soit plus recevable.

« (…) de même que le droit au passage existe au profit du propriétaire du fonds enclavé, dès qu’il y a enclave, le droit à indemnité naît au profit du propriétaire du fonds assujetti du jour où le passage a été exercé à titre de droit au profit d’un fonds enclavé ; que le propriétaire du fonds assujetti ne peut donc plus réclamer l’indemnité, lorsque le temps nécessaire à la prescription est écoulé à partir du jour où le passage a commencé d’être exercé à titre d’enclave. » (Cour, 28 octobre 1975, Pas. 23, p. 294) « L’action s’éteint toutefois au bout de trente ans à compter du moment où le droit de passage a commencé à s’exercer (Req. 10 févr. 1941, Gaz. Pal. 1941. 1. 153). Après trente ans d’exercice, le propriétaire du fonds servant ne peut plus réclamer d’indemnité (Req. 30 janv.

1884, DP 1884. 1. 364 ; 21 juill. 1944, JCP 1946. II. 2962, note Boré) » (Dalloz, Répertoire de Droit Civil, Servitudes – Constitution des servitudes, n° 378) La prescription ne commence donc à courir que du jour où le passage à titre d’enclave a été exercé pour la première fois en qualité de droit de servitude, sans qu’il soit possible, le cas échéant, de tenir compte de la durée pendant laquelle il a pu exister à titre de simple tolérance.

SOCIETE1.) renvoie à un jugement rendu par la justice de paix de et à Luxembourg en date du 10 août 1898, confirmé en appel par décision du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 décembre 1898, et retenant l’état d’enclave de la parcelle n° NUMERO3.) appartenant aujourd’hui à SOCIETE1.).

Force est toutefois de constater que les jugements des 10 août 1898 et 14 décembre 1898 ont été rendus entre un dénommé PERSONNE1.) et la société en commandite par SOCIETE3.), soit entre des propriétaires sans aucun lien avec les propriétaires actuels des parcelles litigieuses et qui ne sauraient donc être considérés comme leurs auteurs.

Pour rappel, ce n’est que par le jugement du 8 février 2023, actuellement coulée en force de chose jugée, qu’il a été reconnu l’état d’enclave en ce qui concerne les actuels propriétaires, soit SOCIETE1.) et SOCIETE2.).

Partant le moyen tiré de la prescription de l’action en indemnisation est à rejeter et la demande de SOCIETE2.) est à dire recevable. »24 Au vu des principes régissant le régime de prescription de l’action en indemnité rappelés ci-

dessus, on constate que la juridiction du fond n’a pas raisonné par rapport à l’état d’enclave du fonds, mais par rapport à la qualité de parties aux instances ayant abouti aux décisions de 1898, qualité qui est indifférente pour la solution du problème posé. Si les juges du fond ont certes rappelé certaines règles régissant l’action en indemnité, ils n’en ont pas fait application au cas d’espèce et omis d’analyser les faits à la base du litige au regard de ces règles.

24 Pages 15 et 16 du jugement dont pourvoi Ainsi, d’un côté, les juges du fond invoquent, pour écarter les décisions de 1898 au bénéfice de la décision du 8 février 2023, des motifs qui ne s’avèrent guère être pertinents et, de l’autre côté, ils ne se prononcent pas sur le prétendu exercice d’un droit de passage depuis 120 ans sur le fonds servant par les propriétaires respectifs du fonds enclavé.

Les juges d’appel n’ont dès lors pas procédé aux constations nécessaires pour permettre à la Cour de cassation de contrôler le bien-fondé de la décision au regard des dispositions légales visées au moyen.

Il en suit qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges d’appel n’ont pas donné de base légale à leur décision.

Les moyens sont fondés et il en suit qu’à cet égard le jugement encourt la cassation.

CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION Le cinquième moyen est « tiré de la violation de la loi, in specie des articles 682 et 685 du Code civil, sinon du seul article 682 du Code civil, sinon du seul article 685 du Code civil, par refus d’application de la loi, sinon fausse application de la loi, sinon fausse interprétation de la loi. » Au vu de la cassation encourue, en vertu des troisième et quatrième moyens regroupés, pour violation des mêmes dispositions légales, il est superfétatoire de répondre au cinquième moyen de cassation.

A titre subsidiaire et pour autant que les moyens relatifs à la recevabilité de l’action en indemnités aient été rejetés, l’analyse des sixième et septième moyens de cassation suscite les observations suivantes :

SIXIÈME MOYEN DE CASSATION Le sixième moyen a trait à la violation de l’article 682 du Code civil, « par refus d’application de la loi, sinon fausse application de la loi, sinon fausse interprétation de la loi, « en ce que le jugement attaqué a, par confirmation du jugement numéro 1329/2023 du Tribunal de Paix de et à Luxembourg, siégeant en matière civile, du 10 mai 2023, fixé l’indemnité devant revenir à la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil à 1 500 euros par an, aux motifs que « en l’espèce SOCIETE2.) reste en défaut de verser la moindre preuve quant au dommage causé par le passage de SOCIETE1.), (…)» et que « en l’absence de preuve mais étant donné que toute utilisation régulière du chemin et des bornes hydrauliques par SOCIETE1.) entraînera nécessairement leur usure, le tribunal décide, par confirmation du jugement entrepris, de fixer l’indemnité devant revenir à SOCIETE2.) au montant annuel de 1 500.- euros (…) », alors que ce faisant les juges d’appel ont procédé à une évaluation ex aequo et bono de l’indemnité visée à l’article 682 du Code civil, alors que l’indemnité prévue suivant les dispositions de l’article 682 du Code civil n’a pas un caractère automatique et que le fonds assujetti au passage a seulement droit à une indemnité strictement proportionnée au dommage que le passage peut occasionner » (…) alors que dès lors, en estimant, pour statuer comme ils l’ont fait, que « en l’absence de preuve mais étant donné que toute utilisation régulière du chemin et des bornes hydrauliques par SOCIETE1.) entraînera nécessairement leur usure, le tribunal décide, par confirmation du jugement entrepris, de fixer l’indemnité devant revenir à SOCIETE2.) au montant annuel de 1 500.- euros (…) » alors pourtant que tel qu’ils l’ont constaté, la société anonyme SOCIETE2.) restait « en défaut de verser la moindre preuve quant au dommage causé par le passage de SOCIETE1.) » et notamment en défaut de verser la moindre preuve quant à l’existence d’une usure qui pourrait être entraînée par l’utilisation régulière du chemin et des bornes hydrauliques par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.à r. l, ou de l’étendue de cette usure, les juges d’appel ont donc violé la loi, in specie l’article 682 du Code civil, par refus d’application de la loi, sinon fausse application de la loi, sinon fausse interprétation de la loi. »25 Comme l’indique explicitement le texte de loi, l’indemnité due au titre de l’article 682 du Code civil a pour fonction de réparer le dommage causé par l’exercice du droit de passage. Dès lors, l’indemnité est indépendante du profit procuré au fonds enclavé.26 Les juges du fond, qui disposent d’un pouvoir souverain quant à la fixation de l’indemnité27 doivent, à la demande du propriétaire du fonds servant, rechercher si les inconvénients et les désagréments subis par ce dernier en raison du passage grevant à l’avenir son fonds ne sont pas de nature à lui ouvrir droit à indemnité28. Ils ne peuvent donc, pour condamner les bénéficiaires de la servitude de passage à verser une certaine somme à titre d’indemnité aux propriétaires du fonds servant, retenir, sans prendre en considération le seul dommage occasionné à ce dernier, que cette indemnité doit être fixée selon la valeur vénale du terrain correspondant à l’assiette du passage.29 Si le juge ne peut allouer une indemnité représentant la seule valeur vénale de l’emprise, c’est parce que l’indemnisation doit compenser non pas la perte de l’assiette, mais le préjudice causé par le fait que l’emprise de la servitude a vocation à être utilisée pour le passage des voisins, ce qui entraîne notamment la nécessité de la laisser libre de toute occupation permanente.30 25 Page 36 du mémoire en cassation, 26 Cass. 3e civ., 16 avr. 1973, n° 71-14.703 : Bull. civ. III, n° 302 ; D. 1973, p. 501. - CA Grenoble, 1re ch. civ., 4 juill. 2000, n° 98/03855 : JurisData n° 2000-131658 . - CA Pau, 1re ch., 25 sept. 2013, n° 11/04373 : JurisData n° 2013-026427 . - CA Douai, 1re ch., 2e sect., 24 mai 2018, n° 17/03900 : JurisData n° 2018-008563 .

27 Cass. 3e civ., 27 oct. 2010, n° 09-66.270 : JurisData n° 2010-019659 28 Cass. 3e civ., 12 nov. 2020, n° 19-16.841 : JurisData n° 2020-018586 29 Cass. 3e civ., 9 févr. 1994, n° 92-11.500 : JurisData n° 1994-000118 ; Bull. civ. III, n° 20 ; D. 1994, p. 166 ; RD imm. 1994, p. 408, obs. J.-L. Bergel ; RTD civ. 1995, p. 157, obs. F. Zénati. - Cass. 3e civ., 1er oct. 1997, n° 95-

10.277 : JurisData n° 1997-003913 . - CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 9 sept. 1997 : JurisData n° 1997-047304 . -

CA Chambéry, 2e ch., 13 juin 2019, n° 17/02697 : JurisData n° 2019-012194 30 CA Saint-Denis de La Réunion, ch. civ., 8 mai 2018, n° 16/01274 : JurisData n° 2018-021257 De manière plus large, l’indemnité due au propriétaire du fonds servant d’une servitude en cours de création sert à compenser la contrainte permanente venant grever le droit de propriété du titulaire du fonds servant et doit donc être calculée en proportion de l’ensemble des dommages occasionnés par cette création et en fonction de l’objectif poursuivi par la servitude et non selon la seule valeur du terrain.

L’indemnisation intervient uniquement en cas de préjudice existant31 et certain32. Fixée indépendamment du coût des travaux nécessaires à l’aménagement du passage33, elle n’a pas davantage vocation à permettre au propriétaire du fonds servant de se voir rembourser des frais dont il est seul redevable tels que les frais de gardiennage des locaux, des primes d’assurance, les frais de syndic ou les impôts fonciers34.

Il se dégage des développements35 ci-dessus que l’exercice d’un droit de passage n’engendre pas nécessairement de plein droit le paiement d’une indemnité au propriétaire du fonds servant.

L’allocation d’une indemnité suppose en effet la preuve de l’existence d’un dommage certain, causé directement en raison du passage grevant le fonds servant.

En l’espèce les juges du fond ont retenu :

« Or, en l’espèce SOCIETE2.) reste en défaut de verser la moindre preuve quant au dommage causé par le passage de SOCIETE1.), tel que par exemple des factures relatives à l’entretien des bornes hydrauliques. » pour motiver le rejet de la demande en institution d’une expertise judiciaire.

Ils continuent cependant « En l’absence de preuve mais étant donné que toute utilisation régulière du chemin et des bornes hydrauliques par SOCIETE1.) entraînera nécessairement leur usure, le tribunal décide, par confirmation du jugement entrepris, de fixer l’indemnité devant revenir à SOCIETE2.) au montant annuel de 1 500.- euros, ce montant payable et portable le 5 du mois de janvier de chaque année et pour l’année 2024 dès le 5 du mois d’août 2024. » Les juges du fonds ont en quelque sorte présumé l’existence d’un dommage à la suite d’une usure qualifiée de nécessaire de l’infrastructure de clôture du fonds servant, du fait de l’exercice du droit de passage, sans que la preuve d’un dommage effectif soit rapportée de ce fait Ils ont ensuite procédé à une indemnisation d’office du propriétaire, qui en a fait la demande.

En fixant ex aequo et bono le montant de l’indemnité réclamée par le propriétaire du fonds servant, sans que ce dernier n’ait rapporté la preuve de l’existence même d’un dommage certain en lien direct avec l’exercice du droit de passage de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond ont violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est à déclarer fondé.

31 CA Orléans, 2e ch. civ., 4 juin 1996 : JurisData n° 1996-043477 . - CA Toulouse, 1re ch., 1re sect., 19 janv.

2009, n° 08/00349 : JurisData n° NUMERO10.) 32 CA Cayenne, ch. civ., 14 mars 2016, n° 14/00352 : JurisData n° 2016-008036 . - CA Reims, ch. civ., 1re sect., 2 juill. 2007, n° 05/3271 et 05/3142 : JurisData n° 2007-343601 33 CA Douai, 1re ch., 2e sect., 24 mai 2018, n° 17/03900 : JurisData n° 2018-008563 34 CA Reims, 12 avr. 1994 : JurisData n° 1994-043342 35 Développements extraits de JurisClasseur Notarial Répertoire, V° Servitudes Fasc. 55 : SERVITUDES. – Servitudes légales. – Droit de passage, § 56 SEPTIÈME MOYEN DE CASSATION Le septième moyen est « tiré de la violation de la loi, in specie l’article 58 du Nouveau Code de Procédure Civile et l’article 1315 du Code civil, par refus d’application de la loi, sinon fausse application de la loi, sinon fausse interprétation de la loi, en ce que le jugement attaqué a, par confirmation du jugement numéro 1329/2023 du Tribunal de Paix de et à Luxembourg, siégeant en matière civile, du 10 mai 2023, fixé l’indemnité devant revenir à la société anonyme SOCIETE2.) sur base de l’article 682 du Code civil à 1 500 euros par an », aux motifs que « en l’espèce SOCIETE2.) reste en défaut de verser la moindre preuve quant au dommage causé par le passage de SOCIETE1.), (…) » et que « en l’absence de preuve mais étant donné que toute utilisation régulière du chemin et des bornes hydrauliques par SOCIETE1.) entraînera nécessairement leur usure, le tribunal décide, par confirmation du jugement entrepris, de fixer l’indemnité devant revenir à SOCIETE2.) au montant annuel de 1 500.- euros », (…) alors que dès lors, en estimant, pour statuer comme ils l’ont fait, que « en l’absence de preuve mais étant donné que toute utilisation régulière du chemin et des bornes hydrauliques par SOCIETE1.) entraînera nécessairement leur usure, le tribunal décide, par confirmation du jugement entrepris, de fixer l’indemnité devant revenir à SOCIETE2.) au montant annuel de 1 500.- euros (…) » alors pourtant que tel qu’ils l’ont constaté, la société anonyme SOCIETE2.) restait « en défaut de verser la moindre preuve quant au dommage causé par le passage de SOCIETE1.) » et notamment en défaut de verser la moindre preuve quant à l’existence d’une usure qui pourrait être entraînée par l’utilisation régulière du chemin et des bornes hydrauliques par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.à r. l, ou de l’étendue de cette usure, les juges d’appel ont donc violé la loi, in specie l’article 58 du Nouveau Code de Procédure Civile et l’article 1315 du Code civil, par refus d’application de la loi, sinon fausse application de la loi, sinon fausse interprétation de la loi.36 Etant donné que le moyen sous examen traite, tout comme le sixième moyen, certes sous un aspect différent, la question de la preuve du dommage à la base de l’action en indemnité, il est superfétatoire de l’analyser, au vu de la cassation encourue en vertu du sixième moyen.

Conclusion Le pourvoi est recevable et fondé en son troisième et quatrième moyens regroupés, sinon en ce sixième moyen.

L’arrêt entrepris encourt la cassation.

Pour le Procureur général d’État, le premier avocat général, Sandra KERSCH 36 Page 38 du mémoire en cassation 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 88/25
Date de la décision : 22/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-05-22;88.25 ?

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