N° 78 / 2025 pénal du 08.05.2025 Not. 13226/19/CD Numéro CAS-2024-00124 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, huit mai deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), demandeur en cassation, comparant par Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, établie à L-2144 Luxembourg, 4, rue Mercier, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J21, 2) la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS, établissement public, établie à L-2449 Luxembourg, 6, boulevard Royal, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J93, défenderesses en cassation, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 16 mars 2021 sous le numéro 221/21 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 14 août 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation signifié le lundi 16 septembre 2024 par PERSONNE1.) à la CAISSE NATIONALE DE SANTE (ci-après « la CNS ») et à la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (ci-après « la CAE »), déposé le même jour au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Serge WAGNER ;
Entendu Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, qui a eu la parole en dernier et Monsieur Serge WAGNER, procureur général d’Etat adjoint.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré la requête en nullité du demandeur en cassation irrecevable ratione temporis en ce qu’elle était dirigée contre les décisions d’infiltration et de prolongation de l’opération d’infiltration du Procureur d’Etat des 17 juillet et 15 novembre 2019 et 10 mars et 15 juillet 2020 pour avoir été introduite hors le délai de cinq jours prévu à l’article 48-2, paragraphe 3, du Code de procédure pénale et non fondée en ce qu’elle était dirigée contre les opérations d’infiltration et le rapport de synthèse qui en consigne le résultat. La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé cette ordonnance.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi en cassation est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la CNS et la CAE, celles-ci n’ayant pas été parties à l’instance d’appel ayant conduit à l’arrêt attaqué. Les frais de signification du mémoire auxdits organismes sont à laisser à charge du demandeur en cassation.
Le pourvoi, régulier en la forme et quant au délai, est recevable pour le surplus.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Vu l’article 6 § 1 et § 3, b) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la ), garantissant le droit d’accès effectif à un tribunal et le principe de la contradiction, qui doit être concret et effectif, ce qui implique notamment que tout accusé dispose du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, 2En ce que l’arrêt attaqué a dit non fondé l’appel de PERSONNE1.) et a confirmé l’ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg N° 101/21 du 25 janvier 2021 ayant rejeté sa requête en nullité déposée le 6 janvier 2021 contre les quatre décisions du Parquet ordonnant, respectivement prolongeant les opérations d’infiltration du 17 juillet 2019, du 15 novembre 2019, du 10 mars 2020 et du 15 juillet 2020, les opérations d’infiltration effectuées par l’agent infiltré en vertu de ces ordonnances, le rapport de synthèse sur les opérations d’infiltration daté du 9 novembre 2020 entré au cabinet d’instruction le 22 décembre 2020, ainsi que tous les actes subséquents de la procédure ;
Aux motifs que :
du conseil de première instance, après analyse du dossier pénal, a considéré que le dessein de commettre l’infraction de blanchiment de l’argent en provenance d’un prétendu braquage est né dans le chef de l’appelant, pour qualifier le comportement de l’agent PERSONNE2.) de moyen légal d’investigation prévu par la loi et pour écarter toute incitation policière prohibée par l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale » ; et que (arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’appel du 16 mars 2021, p. 2) ;
Et aux motifs que :
mesures d’infiltration ont été ordonnées et exécutée", la décision de restreindre intégralement son droit de consultation du dossier prise à son encontre le même jour (cote C26-22) n’a cependant été levée par le juge d’instruction qu’en date du 20 novembre 2020 avec effet à compter du 21 novembre 2020 (v. cotes C64-01 et C64-
02). Ce n’est qu’à partir de cette dernière date que le dossier d’instruction, dont les décisions d’infiltration et de prolongation de l’opération d’infiltration, était à la libre disposition des inculpés et de leur avocat en vue de sa consultation, ce que le mandataire de l’époque de PERSONNE1.) a fait en date du 25 novembre 2020. La demande en annulation, déposée le 6 janvier 2021, est partant à déclarer irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les décisions d’infiltration et de prolongation d’infiltration des 17 juillet 2019, 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020 pour avoir été introduite en dehors du délai de cinq jours ouvrables courant en l’espèce à partir du 25 novembre 2020. » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 3) ; et que n’a été consigné que dans le rapport de synthèse n° 75673/31-WGUI entré au cabinet d’instruction le 22 décembre 2020, a été déposé le 6 janvier 2021, soit endéans le délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance dudit rapport en date du 31 décembre 2020 lors de la première consultation du dossier par PERSONNE1.) et son avocat suivant l’entrée au cabinet d’instruction du rapport d’infiltration. » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 4) ;
3 Alors que, - première branche -, l’arrêt en ayant déclaré forclose la requête en nullité déposée le 6 janvier 2021 par le demandeur en cassation pour ne pas avoir été déposée endéans le délai de 5 jours à partir de la simple consultation du dossier pénal par son conseil, en ce qu’elle visait les décisions d’infiltration et de prolongation d’infiltration des 17 juillet 2019, 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020, alors que ce délai était anormalement court et ne permettait pas au demandeur d’organiser sa défense dans des conditions raisonnables eu égard à l’ampleur exceptionnelle du dossier pénal et au fait que le rapport d’infiltration qui en consignait les résultats ne figurait même pas au dossier à cette date, l’arrêt attaqué a privé l’accusé de son droit d’accès effectif à un tribunal, et a partant violé l’article 6§1 CEDH par refus d’application ; et Alors que, - deuxième branche -, l’arrêt attaqué a conclu qu’il n’y avait pas eu incitation policière de la part de l’agent infiltré à commettre l’infraction de blanchiment provenant d’un prétendu braquage à l’égard du requérant en nullité, tirée d’une appréciation de fond sur les faits, alors même que le requérant, soumis à un délai de recours exagérément court, n’avait pas disposé du temps suffisant à l’organisation de sa défense et ne disposait même pas d’une copie du dossier pénal malgré son ampleur exceptionnelle, l’arrêt attaqué a encore violé les droits de la défense et l’article 6§3,b) CEDH et encourt de même la cassation ; ».
Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 6, paragraphes 1 et 3, point b, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour l’avoir déclaré forclos, sur base de l’article 48-2 du Code de procédure pénale, à demander la nullité des quatre décisions du Procureur d’Etat ayant ordonné et prolongé à plusieurs reprises une mesure d’infiltration. Le délai « anormalement court » dans lequel il aurait dû exercer le recours en nullité ne lui aurait pas permis de préparer utilement sa défense et il aurait, ainsi, été privé de son droit d’accès à un tribunal.
Il résulte des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que les juges d’appel n’étaient saisis que de l’annulation des opérations d’infiltration et du rapport de synthèse, qui en consigne le résultat. Il ne ressort pas de ces documents que la question de la nullité des quatre décisions du Procureur d’Etat ait été débattue en instance d’appel.
Le moyen est, dès lors, nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait sur la question de savoir si le délai de cinq jours, eu égard aux circonstances particulières du dossier au moment de la connaissance du rapport de synthèse lors de sa consultation par le mandataire du demandeur en cassation ayant fait courir ce délai, était de nature à porter atteinte aux droits garantis par les dispositions invoquées au moyen, mélangé de fait et de droit.
Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, est irrecevable.
4 Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Vu l’article 48-17 (4) du Code de procédure pénale qui dispose que les actes commis par l’agent infiltré ne peuvent constituer des incitations à commettre des infractions, à peine de nullité, En ce que l’arrêt attaqué a dit non fondé l’appel de PERSONNE1.) et a confirmé l’ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg N° 101/21 du 25 janvier 2021 ayant rejeté sa requête en nullité déposée le 6 janvier 2021 contre les quatre décisions du Parquet ordonnant, respectivement prolongeant les opérations d’infiltration du 17 juillet 2019, du 15 novembre 2019, du 10 mars 2020 et du 15 juillet 2020, les opérations d’infiltration effectuées par l’agent infiltré en vertu de ces ordonnances, le rapport de synthèse sur les opérations d’infiltration daté du 9 novembre 2020 entré au cabinet d’instruction le 22 décembre 2020, ainsi que tous les actes subséquents de la procédure ;
Aux motifs que :
du conseil de première instance, après analyse du dossier pénal, a considéré que le dessein de commettre l’infraction de blanchiment de l’argent en provenance d’un prétendu braquage est né dans le chef de l’appelant, pour qualifier le comportement de l’agent PERSONNE2.) de moyen légal d’investigation prévu par la loi et pour écarter toute incitation policière prohibée par l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale » ; et que (arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’appel du 16 mars 2021, p. 2) ;
Et que, selon les motifs adoptés :
soumis la proposition de blanchiment de PERSONNE1.) à " son équipe ", ce qui a abouti lors d’un dîner à Reims le 14 mars 2020 aux discussions en vue de blanchir de l’argent prétendument en provenance d’un vol à main armée commis par l’agent infiltré et son équipe, blanchiment d’argent illicite que PERSONNE1.) a ensuite proposé de réaliser en trois fois 100.000 euros (suite à la somme de 300.000 euros avancée par l’agent infiltré) et que l’agent infiltré a accepté pour 40.000 euros.
Suivant le rapport d’infiltration, cette proposition de blanchiment de PERSONNE1.) a abouti en août 2020 à la remise par l’agent infiltré de la somme de 50.000 euros en liquide, suite à la proposition modifiée par PERSONNE1.) et acceptée par l’agent infiltré de blanchir pour celui-ci la somme de 50.000 euros au lieu de 40.000 euros. » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 6 ; nous soulignons) ; ET QUE 5 d'incitation policière prohibée par l'article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale qui aurait consisté à provoquer PERSONNE1.) à commettre l'infraction de blanchiment de fonds à hauteur de 50.000 euros (…) » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 6) ;
ET QUE du requérant et l’agent infiltré s’est borné à créer l’occasion à PERSONNE1.) de commettre librement son projet délictueux préexistant de blanchir des fonds d’origine délictueuse, qu’elle qu’en soit l’origine exacte (trafic de stupéfiants, vol à main armée, etc.), dans des conditions permettant à la police d’en constater l’exécution » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 6) ; ET QUE " PERSONNE2.) " n’a pas commis à l’encontre du requérant une incitation à commettre une infraction de blanchiment en violation des dispositions légales de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 7) ;
Alors que l’arrêt a quo, en ayant refusé de prononcer la nullité de la mesure d’instruction pour provocation policière, tout en constatant que la remise des fonds d’origine prétendument illicite avait été effectuée activement par l’agent infiltré au requérant avec la mission de les blanchir, et donc que le rôle de l’infiltré n’avait pas été passif, mais celui de donneur d’ordre, et celui du demandeur en cassation n’ayant été qu’un rôle d’exécutant, qui plus est en présence d’une pression morale effectuée par l’ de l’agent infiltré se présentant comme une bande de braqueurs lors d’un dîner à Reims le 14 mars 2020, l’arrêt a quo a violé le texte susvisé par refus d’application et encourt par conséquent la cassation. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 48-17, paragraphe 4, du Code de procédure pénale en ayant admis que « le dessein de commettre l’infraction de blanchiment de l’argent en provenance d’un prétendu braquage » était né dans son chef et en ayant qualifié « le comportement de l’agent [infiltré] de moyen légal d’investigation prévu par la loi » pour écarter toute incitation policière.
En confirmant les juges de première instance qui avaient retenu « En l’espèce, l’information judiciaire a été ouverte par réquisitoire du Ministère public du 15 septembre 2020 contre vingt-et-une personnes nommément visées, dont PERSONNE3.), PERSONNE1.) et la société SOCIETE1.) Sàrl. Elle a été ouverte contre le requérant notamment du chef d’infractions aux articles 8, 8-1 et 10 la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, de blanchiment d’argent de droit commun (article 506-1 et suivants du Code pénal) et de recel, de faux et d’usage de faux et d’escroqueries. L’instruction a été ouverte à l’encontre de la société 6SOCIETE1.) Sàrl notamment du chef d’infractions à l’article 8 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, de blanchiment d’argent de droit commun (article 506-1 et suivants du Code pénal) et de recel, de faux et d’usage de faux et d’escroqueries.
Les éléments d’enquête à la connaissance du Parquet à la date de sa décision d’infiltration du 17 juillet 2019 (cf. investigations et observations policières et v.
notamment rapport de police n° JDA 2019/75288-01/KRMA du 7 mai 2019 sub cote B01 et rapport de police n° JDA 2019/75673-3/DEYV du 15 juillet 2019 sub cote 02bis) avaient déjà mis en évidence l’existence d’un large trafic de stupéfiants organisé par PERSONNE3.) en infraction aux articles 8 et 10 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie et l’existence de faits de blanchiment, blanchiment des revenus tirés notamment par PERSONNE3.) de ce trafic de stupéfiants. Ce blanchiment était organisé par le biais de la société SOCIETE1.) Sàrl, société ayant comme objet social l’achat, la vente et la location de biens immobiliers, dont PERSONNE1.) et PERSONNE3.) sont respectivement le gérant et l’employé en qualité de développeur de projet, et pour laquelle les recherches policières (annuaires professionnels, internet, etc.) et les observations policières avaient confirmé l’absence d’activité d’agent immobilier, partant le caractère fictif de son existence et du salaire payé à PERSONNE3.) permettant de blanchir les fonds générés par le trafic organisé de stupéfiants.
Il résulte du rapport n° 75673/31-WGUY rédigé conformément à l’article 48-
17 (5) du Code de procédure pénale que vers le mois de février 2020, PERSONNE1.) a expliqué à l’agent infiltré « PERSONNE2.) » certaines techniques de blanchiment utilisées par lui (versement de salaires fictifs, achat-revente de véhicules). Il en résulte encore que pendant cette période de temps, le requérant a offert, à plusieurs reprises, de manière indirecte et directe, à l’agent infiltré ses services de blanchisseur en lui expliquant notamment que l’achat et la revente de voitures automobiles serait un moyen facile pour blanchir des fonds d’origine illicite, en lui expliquant pouvoir lui proposer un prix d’ami en cas d’acceptation de ses services de blanchisseur et en lui rappelant ultérieurement qu’il est prêt à l’aider « pour faire revenir de l’argent » (v. notamment pp. 6-7 et 9 du rapport). Tel que consigné dans le rapport n° 75673/31-WGUY, l’agent infiltré a soumis la proposition de blanchiment de PERSONNE1.) à « son équipe », ce qui a abouti lors d’un dîner à Reims le 14 mars 2020 aux discussions en vue de blanchir de l’argent prétendument en provenance d’un vol à main armée commis par l’agent infiltré et son équipe, blanchiment d’argent illicite que PERSONNE1.) a ensuite proposé de réaliser en trois fois 100.000 euros (suite à la somme de 300.000 euros avancée par l’agent infiltré) et que l’agent infiltré a accepté pour 40.000 euros. Suivant le rapport d’infiltration, cette proposition de blanchiment de PERSONNE1.) a abouti en août 2020 à la remise par l’agent infiltré de la somme de 50.000 euros en liquide, suite à la proposition modifiée par PERSONNE1.) et acceptée par l’agent infiltré de blanchir pour celui-ci la somme de 50.000 euros au lieu de 40.000 euros.
La chambre du conseil relève qu’il ressort du rapport d’infiltration que PERSONNE1.) a effectué le blanchiment des 50.000 euros en connaissance de cause de sa prétendue origine illicite, qu’il a organisé tout le stratagème en fournissant la tierce personne par le compte duquel les fonds ont été blanchis et lequel a fourni une 7fausse facture pour la justification du flux des fonds et que malgré l’offre de l’agent infiltré à PERSONNE1.) de se rétracter (v. p. 13 en haut du rapport d’infiltration), le requérant a persévéré dans l’organisation et l’exécution in fine de l’opération du blanchiment en août 2020.
Les éléments du dossier susmentionnés n’ont ainsi pas dégagé d’incitation policière prohibée par l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale qui aurait consisté à provoquer PERSONNE1.) à commettre l’infraction de blanchiment de fonds à hauteur de 50.000 euros, alors que les opérations d’infiltration et les agissements de l’agent infiltré n’ont fait que révéler l’existence d’infractions de blanchiment de fonds illicites déjà mises en évidence par les recherches et les observations policières préexistantes à l’opération d’infiltration et que l’agent infiltré n’a fait qu’accepter une proposition lui préalablement soumise par PERSONNE1.) d’intervenir comme blanchisseur pour lui.
Le dessein de commettre une infraction de blanchiment est né dans le chef du requérant et l’agent infiltré s’est borné à créer l’occasion à PERSONNE1.) de commettre librement son projet délictueux préexistant de blanchir des fonds d’origine délictueuse, quelle qu’en soit l’origine exacte (trafic de stupéfiants, vol à main armée, etc.), dans des conditions permettant à la police d’en constater l’exécution. A ce dernier égard, il ne faut pas perdre de vue que l’infiltration est un moyen légal d’investigation extraordinaire, créé par le législateur afin de constater l’exécution d’infractions en matière de grande criminalité dont la révélation s’avère souvent très difficile, voire impossible par le seul recours à des moyens d’investigation ordinaires. En l’espèce, les éléments d’enquête à la connaissance du Parquet à la date de sa décision d’infiltration avaient mis en évidence l’existence d’un trafic de stupéfiants de large envergure et l’existence de faits de blanchiment de fonds, sans que l’origine délictueuse des fonds doive nécessairement être cantonnée aux seules infractions aux articles 8 et 10 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
A titre subsidiaire, le requérant invoque à l’appui de son moyen de nullité la prohibition de la provocation policière dans son acception prétorienne, qui consiste à inciter une personne à commettre une infraction, lorsque les manœuvres de la police ont déterminé la personne à commettre l’infraction et lorsqu’elles ont effectivement dominé le libre arbitre de l’auteur au point qu’il n’aurait pu agir autrement qu’il l’a fait.
Comme les agissements incriminés par le requérant dans le chef de l’agent infiltré , tombent en l’espèce sous l’application de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale pour avoir été effectués dans le cadre d’une opération d’infiltration ordonnée, la prohibition prétorienne de la provocation policière, laquelle rejoint l’interdiction textuelle prévue par la loi en matière d’infiltration, n’a pas lieu d’être analysée en l’espèce.
Il résulte des développements précédents que l’agent infiltré PERSONNE2.) » n’a pas commis à l’encontre du requérant une incitation à commettre une infraction de blanchiment en violation des dispositions légales de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale.
8 Par conséquent, ni l’opération d’infiltration et le rapport de synthèse n° 75673/31-WGUY en consignant le résultat, ni les actes subséquents n’encourent la nullité et la demande en nullité de PERSONNE1.) est à déclarer non fondée. », les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation succombant à l’instance, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation dit le pourvoi en cassation irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la CAISSE NATIONALE DE SANTE et la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS ;
rejette le pourvoi ;
rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3 euros ;
laisse les frais de signification du mémoire en cassation à la CAISSE NATIONALE DE SANTE et à la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS à charge du demandeur en cassation.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, huit mai deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, 9Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du président Thierry HOSCHEIT, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Marie-
Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.
10Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du ministère public et des parties l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE l’établissement public CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (No CAS-2024-00124 du registre)
__________________________________________________
Par déclaration faite le 14 août 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a formé pour compte et au nom de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n° 222/21 Ch.c.C. rendu le 16 mars 2021 par la chambre du conseil de la Cour d’appel.
Cette déclaration de recours a été suivie le 16 septembre 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation qui a été signifié le même jour à l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE et à l’établissement public CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS.
Le pourvoi a été déclaré dans les formes et délais de la loi. De même le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans les formes et délais y imposés.1 En effet, en vertu de l’article 416 du Code de procédure pénale, le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction n’est ouvert qu’après l’arrêt définitif, ce qui est le cas de la présente espèce alors que l’arrêt attaqué a été suivi de l’arrêt n° 258/24 X rendu le 15 juillet 2024 par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle, qui fait l’objet d’un mémoire distinct.
1 Le délai pour déposer le mémoire en cassation a expiré le samedi 14 septembre 2024, de sorte qu’il a été reporté au lundi 16 septembre 2024.
11 Le pourvoi en cassation est irrecevable en tant qu’il est dirigé contre l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE et contre l’établissement public CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS qui n’étaient pas parties à l’instance d’appel ayant mené à l’arrêt entrepris.
L’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE et l’établissement public CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS n’ont pas déposé de mémoire en réponse.
Faits et rétroactes :
Par requête déposée le 6 janvier 2021, PERSONNE1.) a demandé à la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg d’annuler, en application de l’article 126 du Code de procédure pénale, « les quatre ordonnances du juge d'instruction ordonnant, respectivement prolongeant les opérations d’infiltration de 17.7.19, 17.11.19, 17.3.20 et 17.7.20 », les opérations d’infiltration effectuées par l’agent infiltré « PERSONNE2.) » en vertu de ces ordonnances, le rapport de synthèse sur les opérations d’infiltration daté du 9 novembre 2020 et entré au cabinet d’instruction le 22 décembre 2020, ainsi que tous les actes subséquents de la procédure.
A l’appui de sa demande en nullité, PERSONNE1.) a invoqué principalement une violation de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale, subsidiairement la prohibition jurisprudentielle de la provocation policière, en faisant valoir que tel que consigné au rapport de synthèse relatif à l’infiltration, l’agent infiltré aurait clairement pris l’initiative de demander à PERSONNE1.) de blanchir des fonds d’une provenance illégale, l’incitant par cet acte à commettre une infraction.
Par ordonnance n° 101/21 du 25 janvier 2021, la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a déclaré la requête en nullité de PERSONNE1.) déposée le 6 janvier 2021 irrecevable ratione temporis en ce qu’elle est dirigée contre les décisions d’infiltration et de prolongation de l’opération d’infiltration des 17 juillet 2019, 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020, a déclaré la requête en nullité recevable pour le surplus, mais non fondée.
Par déclaration déposée le 1er février 2021 au greffe du Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, PERSONNE1.) a fait relever appel de cette ordonnance lui notifiée le 28 janvier 2021.
Par arrêt n° 222/21 Ch.c.C. rendu le 16 mars 2021, chambre du conseil de la Cour d’appel a déclare l’appel recevable, l’a dit non fondé et a partant confirmé l’ordonnance entreprise.
12Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.
Quant au premier moyen de cassation « VU l’article 6 § 1 et § 3, b) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), garantissant le droit d’accès effectif à un tribunal et le principe de la contradiction, qui doit être concret et effectif, ce qui implique notamment que tout accusé dispose du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, EN CE QUE l’arrêt attaqué a dit non fondé l’appel de PERSONNE1.) et a confirmé l’ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg N° 101/21 du 25 janvier 2021 ayant rejeté sa requête en nullité déposée le 6 janvier 2021 contre les quatre décisions du Parquet ordonnant, respectivement prolongeant les opérations d’infiltration du 17 juillet 2019, du 15 novembre 2019, du 10 mars 2020 et du 15 juillet 2020, les opérations d’infiltration effectuées par l’agent infiltré « PERSONNE2.) » en vertu de ces ordonnances, le rapport de synthèse sur les opérations d’infiltration daté du 9 novembre 2020 entré au cabinet d’instruction le 22 décembre 2020, ainsi que tous les actes subséquents de la procédure ;
AUX MOTIFS QUE :
« C’est à bon droit et pour les motifs que la Cour fait siens, que la chambre du conseil de première instance, après analyse du dossier pénal, a considéré que le dessein de commettre l’infraction de blanchiment de l’argent en provenance d’un prétendu braquage est né dans le chef de l’appelant, pour qualifier le comportement de l’agent PERSONNE2.) de moyen légal d’investigation prévu par la loi et pour écarter toute incitation policière prohibée par l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale » ; et que « Pour les mêmes raisons, il y a lieu de suivre le premier juge en ce qu’il a retenu qu’il n’y a pas lieu d’examiner le moyen subsidiaire de la provocation policière » (arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’appel du 16 mars 2021, p. 2) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE :
« si PERSONNE1.) a certes été informé lors de son inculpation que « des mesures d’infiltration ont été ordonnées et exécutée »2, la décision de restreindre intégralement son droit de consultation du dossier prise à son encontre le même jour (cote C26-22) n’a cependant été levée par le juge d’instruction qu’en date du 20 novembre 2020 avec effet à compter du 21 novembre 2020 (v. cotes C64-01 et C64-02). Ce n’est qu’à partir de cette dernière date que le dossier d’instruction, 2 Note de bas de page 1 de l’ordonnance : « Sans autres précisions, tel que cela résulte du procès-verbal de première comparution de PERSONNE1.). » 13dont les décisions d’infiltration et de prolongation de l’opération d’infiltration, était à la libre disposition des inculpés et de leur avocat en vue de sa consultation, ce que le mandataire de l’époque de PERSONNE1.) a fait en date du 25 novembre 2020. La demande en annulation, déposée le 6 janvier 2021, est partant à déclarer irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les décisions d’infiltration et de prolongation d’infiltration des 17 juillet 2019, 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020 pour avoir été introduite en dehors du délai de cinq jours ouvrables courant en l’espèce à partir du 25 novembre 2020. » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 3) ; ET QUE « La requête en nullité contre les opérations d’infiltration, dont le résultat n’a été consigné que dans le rapport de synthèse n° 75673/31-WGUI entré au cabinet d’instruction le 22 décembre 2020, a été déposé le 6 janvier 2021, soit endéans le délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance dudit rapport en date du 31 décembre 2020 lors de la première consultation du dossier par PERSONNE1.) et son avocat suivant l’entrée au cabinet d’instruction du rapport d’infiltration. » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 4) ;
ALORS QUE, - première branche -, l’arrêt en ayant déclaré forclose la requête en nullité déposée le 6 janvier 2021 par le demandeur en cassation pour ne pas avoir été déposée endéans le délai de 5 jours à partir de la simple consultation du dossier pénal par son conseil, en ce qu’elle visait les décisions d’infiltration et de prolongation d’infiltration des 17 juillet 2019, 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020, alors que ce délai était anormalement court et ne permettait pas au demandeur d’organiser sa défense dans des conditions raisonnables eu égard à l’ampleur exceptionnelle du dossier pénal et au fait que le rapport d’infiltration qui en consignait les résultats ne figurait même pas au dossier à cette date, l’arrêt attaqué a privé l’accusé de son droit d’accès effectif à un tribunal, et a partant violé l’article 6§1 CEDH par refus d’application ; et ALORS QUE, – deuxième branche -, l’arrêt attaqué a conclu qu’il n’y avait pas eu incitation policière de la part de l’agent infiltré à commettre l’infraction de blanchiment provenant d’un prétendu braquage à l’égard du requérant en nullité, tirée d’une appréciation de fond sur les faits, alors même que le requérant, soumis à un délai de recours exagérément court, n’avait pas disposé du temps suffisant à l’organisation de sa défense et ne disposait même pas d’une copie du dossier pénal malgré son ampleur exceptionnelle, l’arrêt attaqué a encore violé les droits de la défense et l’article 6§3,b) CEDH et encourt de même la cassation ; » Selon la jurisprudence de votre Cour :
« Toutes les nullités de la procédure préliminaire et de la procédure d’instruction, quelle que soit la violation de la règle de droit invoquée, législation nationale ou internationale, sont soumises au délai de forclusion des articles 48-2 et 126, paragraphe 3, du Code de procédure pénale.
14Le droit d'accès au juge tel que prévu par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n'est pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu'ils organisent et en fixer les conditions d'exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice. »3 Or, l’obligation de former le recours en nullité d’un acte de l’enquête, si aucune instruction préparatoire n’a été ouverte sur base de l’enquête, devant la juridiction de jugement, à peine de forclusion, avant toute demande, défense ou exception autre que les exceptions d’incompétence et si une instruction préparatoire a été ouverte, à peine de forclusion, dans un délai de cinq jours ouvrables à partir de son inculpation, telle que prévue à l’article 48-2 du Code de procédure pénale a pour but d’assurer une bonne administration de la justice dans un délai raisonnable.
L’interdiction de former, voire de réitérer devant les juridictions de fond, des recours en nullité à l’encontre d’actes de l’instruction préparatoire a également pour but d’assurer une bonne administration de la justice dans un délai raisonnable.4 Il en résulte que l’obligation de former des recours en nullité à l’encontre d’actes de l’instruction préparatoire « à peine de forclusion, au cours même de l’instruction, dans un délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance de l’acte. » telle que prévu par l’article 126 du Code de procédure pénale poursuit ce même but.
En confiant, sauf de rares exceptions5, le contentieux relatif à l’instruction préparatoire aux seules juridictions d’instruction à l’exclusion des juridictions de fond, le droit interne luxembourgeois assure la sécurité juridique en évitant une continuelle remise en question des décisions prises au cours de l’instruction préparatoire et dissuade les recours dilatoires.6 Le droit interne luxembourgeois critiqué sous ce rapport n’enfreint donc pas la Convention de sauvegarde. Il n’y a partant pas lieu de l’écarter.7 Le premier moyen de cassation n’est partant pas fondé.
Quant au second moyen de cassation « VU l’article 48-17 (4) du Code de procédure pénale qui dispose que les actes commis 3 Voir notamment Cass 13 février 2020, No 24/2020 pénal, n° CAS-2019-00040 du registre 4 Voir notamment Cass 28 avril 2016, No 17/2016 pénal, n° 3589 du registre (réponse au troisième moyen de cassation) 5 L’inobservation des formalités prévues aux paragraphes (6) et (9) de l’article 127 du Code d’instruction peuvent encore être soulevées, par la force des choses (ces inobservations étant spécifiques à la procédure de règlement elle-même), sur base de l’article 126, paragraphe (7), du même Code, devant la juridiction de jugement 6 Voir arrêt au fond dans la même affaire Cour d’appel 15 juillet 2024, n° 258/24 X, p.67 7 Idem 15par l’agent infiltré ne peuvent constituer des incitations à commettre des infractions, à peine de nullité, EN CE QUE l’arrêt attaqué a dit non fondé l’appel de PERSONNE1.) et a confirmé l’ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg N° 101/21 du 25 janvier 2021 ayant rejeté sa requête en nullité déposée le 6 janvier 2021 contre les quatre décisions du Parquet ordonnant, respectivement prolongeant les opérations d’infiltration du 17 juillet 2019, du 15 novembre 2019, du 10 mars 2020 et du 15 juillet 2020, les opérations d’infiltration effectuées par l’agent infiltré « PERSONNE2.) » en vertu de ces ordonnances, le rapport de synthèse sur les opérations d’infiltration daté du 9 novembre 2020 entré au cabinet d’instruction le 22 décembre 2020, ainsi que tous les actes subséquents de la procédure ;
AUX MOTIFS QUE :
« C’est à bon droit et pour les motifs que la Cour fait siens, que la chambre du conseil de première instance, après analyse du dossier pénal, a considéré que le dessein de commettre l’infraction de blanchiment de l’argent en provenance d’un prétendu braquage est né dans le chef de l’appelant, pour qualifier le comportement de l’agent PERSONNE2.) de moyen légal d’investigation prévu par la loi et pour écarter toute incitation policière prohibée par l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale » ; et que « Pour les mêmes raisons, il y a lieu de suivre le premier juge en ce qu’il a retenu qu’il n’y a pas lieu d’examiner le moyen subsidiaire de la provocation policière » (arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’appel du 16 mars 2021, p. 2) ;
ET QUE, selon les motifs adoptés :
« Tel que consigné dans le rapport n°75673/31-WGUI, l’agent infiltré a soumis la proposition de blanchiment de PERSONNE1.) à « son équipe », ce qui a abouti lors d’un dîner à Reims le 14 mars 2020 aux discussions en vue de blanchir de l’argent prétendument en provenance d’un vol à main armée commis par l’agent infiltré et son équipe, blanchiment d’argent illicite que PERSONNE1.) a ensuite proposé de réaliser en trois fois 100.000 euros (suite à la somme de 300.000 euros avancée par l’agent infiltré) et que l’agent infiltré a accepté pour 40.000 euros. Suivant le rapport d’infiltration, cette proposition de blanchiment de PERSONNE1.) a abouti en août 2020 à la remise par l’agent infiltré de la somme de 50.000 euros en liquide, suite à la proposition modifiée par PERSONNE1.) et acceptée par l’agent infiltré de blanchir pour celui-ci la somme de 50.000 euros au lieu de 40.000 euros. » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 6 ; nous soulignons) ; ET QUE « Les éléments du dossier susmentionnés n’ont ainsi pas dégagé d'incitation policière prohibée par l'article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale qui aurait consisté à provoquer PERSONNE1.) à commettre l'infraction de blanchiment de fonds à hauteur de 50.000 euros (…) » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 6) ; ET QUE « Le dessein de commettre une infraction de blanchiment est né dans le chef du requérant et l’agent infiltré s’est borné à créer l’occasion à PERSONNE1.) de commettre librement son projet délictueux préexistant de blanchir des fonds d’origine délictueuse, qu’elle qu’en soit l’origine exacte (trafic de stupéfiants, vol à main armée, etc.), dans des conditions 16permettant à la police d’en constater l’exécution » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 6) ; ET QUE « Il résulte des développements précédents que l’agent infiltré « PERSONNE2.) » n’a pas commis à l’encontre du requérant une incitation à commettre une infraction de blanchiment en violation des dispositions légales de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale » (Ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement du 25 janvier 2021, p. 7) ;
ALORS QUE l’arrêt a quo, en ayant refusé de prononcer la nullité de la mesure d’instruction pour provocation policière, tout en constatant que la remise des fonds d’origine prétendument illicite avait été effectuée activement par l’agent infiltré au requérant avec la mission de les blanchir, et donc que le rôle de l’infiltré n’avait pas été passif, mais celui de donneur d’ordre, et celui du demandeur en cassation n’ayant été qu’un rôle d’exécutant, qui plus est en présence d’une pression morale effectuée par l’ « équipe » de l’agent infiltré se présentant comme une bande de braqueurs lors d’un dîner à Reims le 14 mars 2020, l’arrêt a quo a violé le texte susvisé par refus d’application et encourt par conséquent la cassation. » A titre principal Dans notre système de preuve qui est celui de l’intime conviction du juge pénal, le juge apprécie librement la valeur des preuves, sans que la loi en règle l’effet probatoire. Le juge répressif apprécie librement les résultats des mesures d’instruction ordonnées et la valeur des preuves versées aux débats, hors de tout contrôle de la Cour de cassation, autre que celui de la motivation8.
Votre Cour est régulièrement amenée à affirmer le principe de l’appréciation souveraine des éléments de preuve par les juges du fond.
Les juges d’appel ont valablement pu se baser sur tous les éléments de fait et de preuve leur soumis et notamment sur le contenu du rapport de synthèse sur les opérations d’infiltration pour décider, par confirmation de l’ordonnance de première instance, que l’agent infiltré « PERSONNE2.) » n’a pas commis à l’encontre de PERSONNE1.) une incitation à commettre une infraction de blanchiment en violation des dispositions légales de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale.
Sous le couvert de la violation du texte invoqué, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et éléments de preuve leur soumis, appréciation échappant au contrôle de la Cour de cassation.9 8 Boré, La cassation en matière pénale, Dalloz Action 2025-
2026, no 74.13, page 212 9 Voir notamment Cass 25 janvier 2018, No 07/2018 pénal, n° 3901 du registre, réponse au dernier moyen de cassation ; Cass 11 février 2010, No 6/2010 pénal, n° 2710 du registre ; Cass 11 mars 2010, No 12/2010 pénal, n° 2318 du registre 17Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation ne saurait être accueilli.
A titre subsidiaire Les juges de première instance ont d’abord décidé ce qui suit en ce qui concerne la recevabilité de la requête en annulation déposée par PERSONNE1.) en date du 6 janvier 2021 auprès de la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg :
« 1. Recevabilité de la requête en annulation La demande en nullité a été introduite contre la décision d’infiltration du 17 juillet 2019 et contre les décisions en prolongation de l’opération d’infiltration des 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020, décisions prises par le Ministère public, et non par le juge d'instruction.
Sur base de l’enquête préliminaire et sur base des diverses opérations menées, notamment sur base de la décision d’infiltration du 17 juillet 2019 et des trois décisions de prolongation, le Ministère public a requis le 15 septembre 2020 l’ouverture d’une instruction judiciaire contre vingt-et-une personnes nommément visées, dont PERSONNE1.), et contre inconnu(s).
Le Code de procédure pénale prévoit deux types de recours en nullité dont connaît la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement, l’un, prévu par l’article 48-
2, concernant les nullités des actes de la procédure d’enquête et l’autre, prévu par l’article 126, concernant les nullités des actes de la procédure d’instruction.
En présence d’une enquête policière suivie d’une instruction menée par un magistrat instructeur dans le déroulement successif de la procédure pénale, le réquisitoire d’ouverture d’instruction du Ministère public, portant saisine du juge d’instruction, est à considérer comme premier acte d’instruction et tient partant lieu d’élément séparateur des prévisions des deux recours susvisés.
La décision d’infiltration du 17 juillet 2019 et les décisions de prolongation du Ministère public, ainsi que le résultat de l’opération d’infiltration consigné dans le rapport de synthèse n° SPJ/AP-AJ-MP/2019/75673/31-WGUY daté du 9 novembre 2020 et clos le 27 novembre 2020 - infiltration ordonnée par le Ministère public et effectuée en cours d’enquête -, sont des actes accomplis lors de la procédure d’enquête. Il en va de même des mesures d’infiltration, qui constituent les actes d’exécution de la décision d’infiltration prise par le Parquet, et partant des actes juridiques de la procédure d’enquête.
La recevabilité de la demande en annulation introduite le 6 janvier 2021 est dès lors à analyser sur base de l’article 48-2 du Code de procédure pénale, et non sur la base du 126 du même code.
18 Comme PERSONNE1.) a été inculpé par le juge d'instruction en date du 11 novembre 2020 du chef des faits, objet de l’instruction préparatoire, plus précisément du chef d’infractions aux articles 8, 8-1 et 10 la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, de blanchiment d’argent de droit commun, de recel, de faux et d’usage de faux et d’escroqueries, il a qualité à introduire une demande en annulation sur base de l’article 48-2 susvisé contre les opérations d’infiltration le visant et contre les ordonnances du Ministère public des 17 juillet 2019, 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020.
En vertu de l’article 48-2 (3) du Code de procédure pénale, si une instruction préparatoire a été ouverte sur base de l’enquête, la demande est à produire par l’inculpé dans un délai de forclusion de cinq jours ouvrables à partir de son inculpation.
Or, si PERSONNE1.) a certes été informé lors de son inculpation que « des mesures d’infiltration ont été ordonnées et exécutées »10, la décision de restreindre intégralement son droit de consultation du dossier prise à son encontre le même jour (cote C 26-22) n’a cependant été levée par le juge d'instruction qu’en date du 20 novembre 2020 avec effet à compter du 21 novembre 2020 (v. cotes C 64-01 et C64-02). Ce n’est qu’à partir de cette dernière date que le dossier d’instruction, dont les décisions d’infiltration et de prolongation de l’opération d’infiltration, était à la libre disposition des inculpés et de leur avocat en vue de sa consultation, ce que le mandataire de l’époque de PERSONNE1.) a fait en date du 25 novembre 2020. La demande en annulation, déposée le 6 janvier 2021, est partant à déclarer irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les décisions d’infiltration et de prolongation de l’opération d’infiltration des 17 juillet 2019, 15 novembre 2019, 10 mars 2020 et 15 juillet 2020 pour avoir été introduite en dehors du délai de cinq jours ouvrables courant en l’espèce à partir du 25 novembre 2020.
Il y a lieu de relever que l’unique moyen de nullité - qui incrimine la légalité des actes d’infiltration tels que consignés dans le rapport n° SPJ/AP-AJ-
MP/2019/75673/31-WGUY pour prétendue incitation de PERSONNE1.) par l’agent infiltré à commettre l’infraction de blanchiment de fonds prohibée par l’article 48-17 du Code de procédure pénale, respectivement par l’application prétorienne de la notion de provocation policière - ne s’assoit que sur l’exécution matérielle des décisions d’infiltration et de prolongation, et non sur la légalité intrinsèque de ces décisions.
La requête en nullité dirigée contre les opérations d’infiltration, dont le résultat n’a été consigné que dans le rapport de synthèse n° 75673/31-WGUY entré au cabinet d'instruction le 22 décembre 2020, a été déposée le 6 janvier 2021, soit endéans le délai de cinq jours ouvrables à partir de la connaissance dudit rapport en date du 31 décembre 2020 lors de la première consultation du dossier par PERSONNE1.) 10 Sans autres précisions, tel que cela résulte du procès-verbal de première comparution de PERSONNE1.).
19et son avocat suivant l’entrée au cabinet d’instruction du rapport d’infiltration. Par conséquent, la demande dirigée contre les actes d’infiltration et le rapport d’infiltration est à déclarer recevable quant à la forme et quant au délai sur base de l’article 48-2 du Code de procédure pénale. En effet, l’appréciation de la légalité des actes d’infiltration au regard des dispositions telles que prescrites par l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale, présuppose nécessairement la connaissance de ces actes, soit du rapport rédigé conformément à l’article 48-17 (5) du Code de procédure pénale. »11 En ce qui concerne le fond de cette demande en nullité, les juges de première instance ont retenu ce qui suit :
« 2. Appréciation de la demande en annulation Saisie d’une demande en nullité sur base de l’article 48-2 du Code de procédure pénale, la chambre du conseil a pour seule mission de toiser si le Ministère public ou les officiers et agents de police judiciaire ont failli à une obligation leur imposée à peine de nullité par la loi ou s’ils ont agi en violation des droits élémentaires d’une des parties en cause de façon à engendrer une lésion importante et réelle des droits légitimes et essentiels de cette partie.
L’article 48-17 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit :
« (1) Si l’enquête ou l’instruction préparatoire l’exigent et que les moyens ordinaires d’investigation s’avèrent inopérants en raison de la nature des faits et des circonstances spéciales de l’espèce, le procureur d’État ou le juge d’instruction saisi peuvent, à titre exceptionnel, si la poursuite pénale a pour objet un fait emportant une peine criminelle ou une peine correctionnelle dont le maximum est égal ou supérieur à deux ans d’emprisonnement, décider qu’il soit procédé, sous leur contrôle respectif, à une opération d’infiltration dans les conditions prévues par le présent chapitre.
(2) L’opération d’infiltration ne pourra être ordonnée à l’égard d’un inculpé après son premier interrogatoire par le juge d’instruction et celles ordonnées antérieurement cesseront leurs effets sans préjudice des dispositions prévues à l’article 48-21.
(3) L’infiltration consiste à surveiller des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves qu’elles commettent un ou plusieurs des faits visés au paragraphe précédent, en se faisant passer, auprès de ces personnes, notamment comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs.
11 Ordonnance n° 101/21 du 25 janvier 2021 de la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg p.5-6 20(4) L’infiltration ne peut être effectuée que par un officier de police judiciaire ou un agent étranger habilité par sa législation nationale à exécuter ce type de mesure et agissant sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire chargé de coordonner l’opération. L’officier de police judiciaire ou l’agent étranger est à cette fin autorisé à faire usage d’une identité d’emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés au paragraphe (1) de l’article 48-19. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions.
(5) L’infiltration fait l’objet d’un rapport rédigé par l’officier de police judiciaire ayant coordonné l’opération. Ce rapport comprend les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne met pas en danger la sécurité de l’officier ou de l’agent infiltré et des personnes requises au sens du paragraphe (2) de l’article 48-19. » L’article 48-17 du Code de procédure pénale relatif aux règles de fond régissant les opérations d’infiltration, se fonde sur le libellé de l’article 706-81 du code de procédure pénale français12, lequel prescrit la nullité textuelle des actes d’infiltration constitutifs d’une incitation à commettre des infractions, en des termes identiques.
Les juridictions d’instruction sont amenées à analyser le bien-fondé de cette nullité textuelle prévue en matière d’infiltration pour sanctionner d’éventuels détournements de procédure par la nullité de la procédure d’infiltration (cf.
applications jurisprudentielles en France, sub T. Meindl, J.-Cl. procédure pénale, articles 706-73 à 706-106, Fasc. 20 Procédure applicable à la criminalité et la délinquance organisées, mise à jour 01,2020, n° 39).
Si les agents infiltrés peuvent commettre des infractions pénales aux fins de se faire passer « notamment comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs » et être exonérés de responsabilité pénale, ils ne peuvent cependant, « à peine de nullité », inciter à commettre des infractions. Leur mission doit uniquement poursuivre comme but de révéler les infractions (cf. T. Meindl, ibidem, n° 39).
En l’espèce, l’information judiciaire a été ouverte par réquisitoire du Ministère public du 15 septembre 2020 contre vingt-et-une personnes nommément visées, dont PERSONNE3.), PERSONNE1.) et la société SOCIETE1.) Sàrl. Elle a été ouverte contre le requérant notamment du chef d’infractions aux articles 8, 8-1 et 10 la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, de blanchiment d’argent de droit commun (article 506-1 et suivants du Code pénal) et de recel, de faux et d’usage de faux et d’escroqueries. L’instruction a été ouverte à l’encontre de la société SOCIETE1.) Sàrl notamment du chef d’infractions à l’article 8 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, de blanchiment d’argent de droit commun (article 506-1 et suivants du Code pénal) et de recel, de faux et d’usage de faux et d’escroqueries.
12 Doc. Parl. 5588, commentaire des articles, p. 8 21 Les éléments d’enquête à la connaissance du Parquet à la date de sa décision d’infiltration du 17 juillet 2019 (cf. investigations et observations policières et v.
notamment rapport de police n° JDA 2019/75288-01/KRMA du 7 mai 2019 sub cote B01 et rapport de police n° JDA 2019/75673-3/DEYV du 15 juillet 2019 sub cote 02bis) avaient déjà mis en évidence l’existence d’un large trafic de stupéfiants organisé par PERSONNE3.) en infraction aux articles 8 et 10 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie et l’existence de faits de blanchiment, blanchiment des revenus tirés notamment par PERSONNE3.) de ce trafic de stupéfiants. Ce blanchiment était organisé par le biais de la société SOCIETE1.) Sàrl, société ayant comme objet social l’achat, la vente et la location de biens immobiliers, dont PERSONNE1.) et PERSONNE3.) sont respectivement le gérant et l’employé en qualité de développeur de projet, et pour laquelle les recherches policières (annuaires professionnels, internet, etc.) et les observations policières avaient confirmé l’absence d’activité d’agent immobilier, partant le caractère fictif de son existence et du salaire payé à PERSONNE3.) permettant de blanchir les fonds générés par le trafic organisé de stupéfiants.
Il résulte du rapport n° 75673/31-WGUY rédigé conformément à l’article 48-17 (5) du Code de procédure pénale que vers le mois de février 2020, PERSONNE1.) a expliqué à l’agent infiltré « PERSONNE2.) » certaines13 techniques de blanchiment utilisées par lui (versement de salaires fictifs, achat-revente de véhicules). Il en résulte encore que pendant cette période de temps, le requérant a offert, à plusieurs reprises, de manière indirecte et directe, à l’agent infiltré ses services de blanchisseur en lui expliquant notamment que l’achat et la revente de voitures automobiles serait un moyen facile pour blanchir des fonds d’origine illicite, en lui expliquant pouvoir lui proposer un prix d’ami en cas d’acceptation de ses services de blanchisseur et en lui rappelant ultérieurement qu’il est prêt à l’aider « pour faire revenir de l’argent » (v. notamment pp. 6-7 et 9 du rapport). Tel que consigné dans le rapport n° 75673/31-WGUY, l’agent infiltré a soumis la proposition de blanchiment de PERSONNE1.) à « son équipe », ce qui a abouti lors d’un dîner à Reims le 14 mars 2020 aux discussions en vue de blanchir de l’argent prétendument en provenance d’un vol à main armée commis par l’agent infiltré et son équipe, blanchiment d’argent illicite que PERSONNE1.) a ensuite proposé de réaliser en trois fois 100.000 euros (suite à la somme de 300.000 euros avancée par l’agent infiltré) et que l’agent infiltré a accepté pour 40.000 euros. Suivant le rapport d’infiltration, cette proposition de blanchiment de PERSONNE1.) a abouti en août 2020 à la remise par l’agent infiltré de la somme de 50.000 euros en liquide, suite à la proposition modifiée par PERSONNE1.) et acceptée par l’agent infiltré de blanchir pour celui-ci la somme de 50.000 euros au lieu de 40.000 euros.
La chambre du conseil relève qu’il ressort du rapport d’infiltration que PERSONNE1.) a effectué le blanchiment des 50.000 euros en connaissance de cause de sa prétendue origine illicite, qu’il a organisé tout le stratagème en 13 L’opération d’infiltration va révéler que PERSONNE1.) utilisait diverses méthodes de blanchiment.
22fournissant la tierce personne par le compte duquel les fonds ont été blanchis et lequel a fourni une fausse facture pour la justification du flux des fonds et que malgré l’offre de l’agent infiltré à PERSONNE1.) de se rétracter (v. p. 13 en haut du rapport d’infiltration), le requérant a persévéré dans l’organisation et l’exécution in fine de l’opération du blanchiment en août 2020.
Les éléments du dossier susmentionnés n’ont ainsi pas dégagé d’incitation policière prohibée par l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale qui aurait consisté à provoquer PERSONNE1.) à commettre l’infraction de blanchiment de fonds à hauteur de 50.000 euros, alors que les opérations d’infiltration et les agissements de l’agent infiltré n’ont fait que révéler l’existence d’infractions de blanchiment de fonds illicites déjà mises en évidence par les recherches et les observations policières préexistantes à l’opération d’infiltration et que l’agent infiltré n’a fait qu’accepter une proposition lui préalablement soumise par PERSONNE1.) d’intervenir comme blanchisseur pour lui.
Le dessein de commettre une infraction de blanchiment est né dans le chef du requérant et l’agent infiltré s’est borné à créer l’occasion à PERSONNE1.) de commettre librement son projet délictueux préexistant de blanchir des fonds d’origine délictueuse, quelle qu’en soit l’origine exacte (trafic de stupéfiants, vol à main armée, etc.), dans des conditions permettant à la police d’en constater l’exécution. A ce dernier égard, il ne faut pas perdre de vue que l’infiltration est un moyen légal d’investigation extraordinaire, créé par le législateur afin de constater l’exécution d’infractions en matière de grande criminalité dont la révélation s’avère souvent très difficile, voire impossible par le seul recours à des moyens d’investigation ordinaires. En l’espèce, les éléments d’enquête à la connaissance du Parquet à la date de sa décision d’infiltration avaient mis en évidence l’existence d’un trafic de stupéfiants de large envergure et l’existence de faits de blanchiment de fonds, sans que l’origine délictueuse des fonds doive nécessairement être cantonnée aux seules infractions aux articles 8 et 10 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
A titre subsidiaire, le requérant invoque à l’appui de son moyen de nullité la prohibition de la provocation policière dans son acception prétorienne, qui consiste à inciter une personne à commettre une infraction, lorsque les manœuvres de la police ont déterminé la personne à commettre l’infraction et lorsqu’elles ont effectivement dominé le libre arbitre de l’auteur au point qu’il n’aurait pu agir autrement qu’il l’a fait.
Comme les agissements incriminés par le requérant dans le chef de l’agent infiltré « PERSONNE2.) », tombent en l’espèce sous l’application de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale pour avoir été effectués dans le cadre d’une opération d’infiltration ordonnée, la prohibition prétorienne de la provocation policière, laquelle rejoint l’interdiction textuelle prévue par la loi en matière d’infiltration, n’a pas lieu d’être analysée en l’espèce.
23 Il résulte des développements précédents que l’agent infiltré « PERSONNE2.) » n’a pas commis à l’encontre du requérant une incitation à commettre une infraction de blanchiment en violation des dispositions légales de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale.
Par conséquent, ni l’opération d’infiltration et le rapport de synthèse n° 75673/31-
WGUY en consignant le résultat, ni les actes subséquents n’encourent la nullité et la demande en nullité de PERSONNE1.) est à déclarer non fondée. »14 Les juges d’appel ont confirmé l’ordonnance de première instance en utilisant les termes suivants :
« C’est à bon droit et pour les motifs que la Cour fait siens, que la chambre du conseil de première instance, après analyse du dossier pénal, a considéré que le dessein de commettre l’infraction de blanchiment de l’argent en provenance d’un prétendu braquage est né dans le chef de l’appelant, pour qualifier le comportement de l’agent PERSONNE2.) de moyen légal d’investigation prévu par loi et pour écarter toute incitation policière prohibée par l’article 48-17(4) dernière phrase du Code de procédure pénale.
Pour les mêmes raisons, il y a lieu de suivre le premier juge en ce qu’il a retenu qu’il n’y a pas lieu d’examiner le moyen subsidiaire de la provocation policière. »15 Les juges d’appel ont à bon droit, par adoption de la motivation exemplaire des juges de première instance, retenu que l’agent infiltré « PERSONNE2.) » n’a pas commis à l’encontre de PERSONNE1.) une incitation à commettre une infraction de blanchiment en violation des dispositions légales de l’article 48-17 (4) dernière phrase du Code de procédure pénale.
Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation n’est pas fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable.
Le pourvoi est à rejeter.
14 Ordonnance n° 101/21 du 25 janvier 2021 de la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg p.7-9 15 Arrêt entrepris p.2 24La demande à voir condamner le MINISTERE PUBLIC à payer au demandeur en cassation une indemnité de procédure de 1.500 euros est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat, le Procureur général d’Etat adjoint, Serge WAGNER 25