N° 68 / 2025 pénal du 03.04.2025 Not. 30098/18/CD Numéro CAS-2024-00096 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, trois avril deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de 1) PERSONNE1.), demeurant à I-ADRESSE1.), 2) la société anonyme SOCIETE1.)-SPF, établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demandeurs en cassation, comparant par Maître Gwennhaëlle BARRAL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, assistée de Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 11 juin 2024 sous le numéro 640/24 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Gwennhaëlle BARRAL, avocat à la Cour, assistée de Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.) et de la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), suivant déclaration du 27 juin 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 29 juillet 2024 par la société SOCIETE1.) au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Bob PIRON ;
Entendu Maître Gwennhaëlle BARRAL en ses plaidoiries et Monsieur Claude HIRSCH, avocat général, en ses conclusions.
Sur la recevabilité du pourvoi Selon l’article 43, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, la partie qui exerce le recours en cassation doit, dans le mois de la déclaration, à peine de déchéance, déposer au greffe où sa déclaration a été reçue, un mémoire signé par un avocat à la Cour.
PERSONNE1.) n’a pas déposé de mémoire.
Il s’ensuit qu’il est à déclarer déchu de son pourvoi.
Le pourvoi de la société SOCIETE1.), introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait décidé qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre les parties visées par la plainte avec constitution de partie civile déposée par la demanderesse en cassation auprès du juge d’instruction.
La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé la décision.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré du défaut de motifs en violation de l’article 109 de la Constitution, En ce que l’Arrêt Attaqué a rejeté les moyens relatifs à l’impossibilité pour la Chambre du conseil de procéder au règlement de la procédure en raison du caractère lacunaire de cette dernière ;
Alors que, dans son mémoire écrit, la Partie Demanderesse développait le moyen selon lequel tout règlement de la procédure était exclu en l’absence de décision du magistrat instructeur sur les demandes d’audition formulées par Me Kleyr le 26 novembre 2021 :
instructeur et tiers concerné) sans avoir été ni réalisées, ni refusées, exclut tout règlement de la procédure » 2 Que la Chambre du conseil de la Cour d’appel motive son arrêt en ces termes :
La circonstance que le juge d’instruction n’a pas procédé à un interrogatoire des parties visées dans la plainte des parties civile ou à une audition des parties civiles et des parties visées dans la plainte et qu’il a procédé à une clôture de l’instruction en date du 20 juin 2022 sur base des éléments recueillis jusqu’alors dans le cadre de l’enquête n’est pas de nature en soi à exclure tout règlement de la procédure » Que la Chambre du conseil de la Cour d’appel s’est contentée d’une motivation ayant trait exclusivement au fait que l’absence d’audition n’empêchait pas le règlement de la procédure, sans répondre au moyen selon lequel l’absence de décision de la part du magistrat instructeur quant aux demandes d’audition formulées dans le cadre de l’instruction empêchait le règlement de la procédure.
Que la Chambre du conseil n’a pas pris position sur ce moyen ;
Que le défaut de réponse à conclusions vaut défaut de motifs et dès lors violation de l’article 109 de la Constitution (branche unique du moyen), L’Arrêt Attaqué encourt cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à son moyen relatif à l’impossibilité pour la chambre du conseil de procéder au règlement de la procédure en raison de l’absence de décision du magistrat instructeur sur les demandes d’audition formulées dans le cadre de l’instruction.
Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme. Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, fût-elle viciée ou incomplète, sur le point considéré.
En retenant « Le rapport de police numéro n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN du 7 juin 2022 retient encore qu’une audition des parties civiles et/ou des parties visées dans la plainte ne saurait apporter de nouveaux éléments alors que ne faisant que résumer les positions contraires des deux camps d’administrateurs.
Conformément à l’article 51(1) du Code de procédure pénale, le juge d’instruction procède à tous les actes de l’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité, il dirige l’information et décide librement de l’opportunité des actes qu’il estime utiles au besoin de celle-ci.
L’article 128 du Code de procédure pénale dispose sub (1) que si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou 3 si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d'instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre.
Le juge d’instruction n’est pas obligé d’inculper les personnes soupçonnées, visées par l’instruction, s’il estime qu’il n’existe pas d’indices graves et concordants à leur encontre (v. Ch.c.C. 8 octobre 2015, n°796/15 ; Pas. 37, p. 694).
La circonstance que le juge d’instruction n’a pas procédé à un interrogatoire des parties visées dans la plainte des parties civiles ou à une audition des parties civiles et des parties visées dans la plainte et qu’il a procédé à une clôture de l’instruction en date du 20 juin 2022 sur base des éléments recueillis jusqu’alors dans le cadre de l’enquête n’est partant pas de nature en soi à exclure tout règlement de la procédure », les juges d’appel, qui ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont motivé leur décision sur le point considéré.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon du refus d’application, sinon de la fausse interprétation des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale (subsidiaire par rapport au premier moyen) Dans le cas où les éléments de motivation de la Chambre du conseil de la Cour d’appel tels que reproduits ci-dessus seraient à considérer comme une réponse implicite au moyen de la Demanderesse en cassation selon lequel le règlement de la procédure est impossible en l’absence de décision du juge d’instruction relative aux demandes d’audition, l’Arrêt Attaqué encourt cassation pour violation, sinon fausse application, sinon refus d’application, sinon fausse interprétation des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale, En ce que l’Arrêt Attaqué a rejeté les moyens relatifs à l’impossibilité pour la Chambre du conseil de procéder au règlement de la procédure en raison du caractère lacunaire de cette dernière, notamment en raison de l’absence de décision relative aux demandes d’auditions ;
Alors que, par un courrier daté du 26 novembre 2021 adressé au magistrat instructeur, Me Kleyr a sollicité l’audition de Messieurs PERSONNE2.) et PERSONNE3.) ;
Que le juge d’instruction n’a jamais tranché cette demande dans un sens ou dans un autre, cette demande ayant été purement et simplement ignorée.
4 Que la Chambre du conseil, informée de cette absence de réponse, devait surseoir à statuer quant à la procédure de règlement (première branche du moyen), Alors que lors de la transmission du dossier aux enquêteurs, le 29 novembre 2021, le magistrat instructeur a sollicité l’audition de Yann Baden, Madame PERSONNE4.), SOCIETE1.), PERSONNE5.) et PERSONNE1.).
Que les enquêteurs n’ont que partiellement répondu à cette demande du juge d’instruction alors que toutes les auditions demandées n’ont pas été réalisées, Que l’instruction était manifestement incomplète de sorte que la Chambre du conseil devait surseoir à statuer quant à la procédure de règlement (seconde branche du moyen), Qu’en confirmant l’Ordonnance de la chambre du conseil de la Cour d’appel, laquelle a procédé au règlement de l’instruction et déclaré qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre, les magistrats de la Chambre du conseil de la Cour d’appel ont violé, sinon fait une fausse application, sinon fait une fausse interprétation des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale.
L’arrêt Attaqué encourt cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les articles 127 et 128 du Code de procédure pénale en n’ayant pas sursis à statuer sur la procédure de règlement malgré l’absence de décision à caractère juridictionnel du juge d’instruction sur les demandes de la demanderesse en cassation tendant à voir procéder à l’interrogatoire des parties visées dans la plainte. Elle fait de même grief aux juges d’appel de ne pas avoir suivi une jurisprudence selon laquelle « il ne pourra être procédé au règlement de la procédure que si le juge d’instruction a statué sur l’ensemble des demandes dont il est saisi ».
Les articles visés au moyen ne prévoient pas l’obligation pour le juge d’instruction de prendre une décision à caractère juridictionnel sur chaque demande d’audition formulée par une plaignante s’étant constituée partie civile.
Le fait de ne pas suivre une jurisprudence ne constitue pas un cas d’ouverture à cassation.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.
Sur la seconde branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir constaté le caractère incomplet de l’instruction alors que les auditions demandées par le juge d’instruction n’ont pas été intégralement réalisées par les enquêteurs.
En retenant « La chambre du conseil de la Cour d’appel se réfère à cet effet aux constatations et investigations policières telles que résultant du rapport de police numéro n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN du 7 juin 2022, investigations dont il ressort qu’il a été procédé à une analyse exhaustive et minutieuse des faits contenus dans la plainte de la partie civile, de même qu’il a été procédé à l’audition de Maître Yann BADEN en sa qualité d’administrateur provisoire d’SOCIETE2.), ainsi que des responsables du réviseur d’entreprise SOCIETE3.) en charge des comptes annuels d’SOCIETE2.).
Concernant la question du blocage en relation avec l’approbation des comptes d’SOCIETE2.) pour l’exercice social 2014, il y apparait que si PERSONNE2.) et PERSONNE3.) se sont certes opposés à leur approbation, le rapport précité indique également que PERSONNE1.) et PERSONNE5.) ont également contribué à ce blocage, blocage qui est la conséquence du désaccord fondamental des parties sur la propriété des patrimoines d’SOCIETE2.).
Concernant le refus d’PERSONNE2.) et de PERSONNE3.) de renouveler le mandat du réviseur d’entreprises SOCIETE3.) à partir de l’exercice social 2015, il apparait que si ce refus trouve certes son origine dans un litige entre SOCIETE3.) et la société SOCIETE4.), il en ressort également que les parties PERSONNE1.) /PERSONNE5.) se sont opposées à voir nommer les réviseurs remplaçants proposés par PERSONNE2.) et PERSONNE3.), de sorte que le blocage en résultant était à priori imputable aux deux parties.
Concernant les lettres d’intention formulées par la société SOCIETE5.), les investigations policières ont permis de retenir que la situation financière liquide d’SOCIETE2.) commençait à devenir critique dès 2016 et que les banques commençaient à s’inquiéter du remboursement des prêts, suite au fait que les parties n’arrivaient pas à se concerter en vue d’organiser un refinancement ; une solution concertée était cependant nécessaire.
Si la société SOCIETE5.) (détenue par les groupes THOMAS & PIRON et la société SOCIETE4.)), a émis deux lettres d’intention pour des terrains, la première lettre d’intention n’a pas abouti suite à l’absence d’accord de PERSONNE1.) ou PERSONNE5.) et la seconde a été faite alors qu’SOCIETE2.) se trouvait déjà sous administration provisoire, dépassant les compétences de l’administrateur provisoire.
Les constatations et investigations policières ne laissent pas de doute au fait que le blocage d’SOCIETE2.) et d’SOCIETE6.) résidait/réside dans le conflit existant entre administrateurs quant au devenir d’SOCIETE2.), ainsi que sur la question du partage de patrimoine d’SOCIETE2.). La situation financière d’SOCIETE2.) serait entretemps très bonne, alors que la mise en valeur des projets immobiliers a pu continuer ; la CSSF n’aurait pas non plus retiré l’agrément à SOCIETE2.).
(…) Au vu des éléments en cause, c’est à bon droit que la juridiction d’instruction de premier degré a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité permettant de croire qu’PERSONNE2.), PERSONNE3.) et/ou la société SOCIETE4.) auraient fait de leurs pouvoirs un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts d’SOCIETE2.) ou d’SOCIETE6.) à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement de même que l’instruction menée en cause par le juge d’instruction n’a pas révélé de charges suffisantes de culpabilité permettant de croire que les personnes visées dans la plainte de constitution de partie civile aient commis les faits qualifiés par les parties civiles de corruption active et/ou passive, d’association de malfaiteurs, respectivement d’organisation criminelle, ainsi que de blanchiment, sinon de tentative de blanchiment, mais que les faits dénoncés par les parties civiles s’inscrivent dans un contexte de mésentente grave entre PERSONNE1.) et PERSONNE2.) en relation avec le fonctionnement et la gestion d’SOCIETE2.).
Si la chambre du conseil de la Cour peut, sur base des pouvoirs lui conférés par les articles 134 et 134-1 du Code de procédure pénale, ordonner toute acte d’information complémentaire qu’elle juge utile, il n’y a cependant, en l’espèce, pas lieu de procéder à un complément d’information tel que sollicité par la partie appelante, les devoirs supplémentaires sollicités n’étant pas de nature à apporter des éléments de preuve pertinents par rapport aux éléments recueillis par l’enquête », les juges d’appel ont, par une appréciation souveraine des éléments du dossier et sans violer les dispositions visées au moyen, considéré que l’instruction était complète et que des mesures d’instruction supplémentaires n’étaient pas pertinentes.
Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges d’appel des éléments du dossier les ayant amenés à retenir que l’instruction était complète et n’avait pas permis de révéler des charges suffisantes de culpabilité à l’égard des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré du défaut de motifs, en violation de l’article 109 de la Constitution En ce que l’Arrêt Attaqué a confirmé l’Ordonnance rendue par la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement, sans répondre au moyen relatif à l’impossibilité de rendre une ordonnance de non-lieu en l’absence d’audition par le juge d’instruction des personnes visées par la Plainte, 7 Alors que la Partie Demanderesse, à l’appui de son appel, développait le moyen selon lequel une Ordonnance de non-lieu ne pouvait pas être rendue en l’absence d’audition par le juge d’instruction des personnes visées par la plainte :
127 et 128 du code de procédure pénale comme cadre légal aux présentes.
Or, il ressort de la conjugaison des dispositions des articles 128 (1) et 81 (7) du code de procédure pénale qu’en l’absence d’interrogatoire de la personne contre laquelle l’information été ouverte - suivi ou non d’inculpation - elle ne peut prendre d’ordonnance suivant laquelle il n’y aurait "pas lieu à suivre".
En effet, l’article 128 (1) prévoit que :
"Si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d’instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre." Selon les dispositions de l’article 81(7) :
"Après avoir, le cas échéant, recueilli les déclarations de la personne ou procédé à son interrogatoire et entendu les observations de son avocat, le juge d’instruction lui fait connaître soit qu’elle n’est pas inculpée, soit qu’elle est inculpée, ainsi que les faits et la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés, si ces faits ou ces qualifications diffèrent de ceux qu’il lui a déjà fait connaître." Dans son ordonnance du 10 octobre 2023, la Chambre du conseil a motivé son non-lieu comme suit :
"Au vu du dossier lui soumis, la chambre du conseil considère que l’instruction menée n’a pas dégagée de charges suffisantes de culpabilité permettant de croire qu’PERSONNE2.), PERSONNE3.) et/ou SOCIETE4.) auraient fait de leurs pouvoirs un usage qu’ils savaient contraire aux intérêts d’SOCIETE2.) ou d’SOCIETE6.) ‡ des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement. En effet, il résulte des développements qui précèdent que les faits dénoncés par les parties civiles dans leur plainte avec constitution de partie civile sont susceptibles de s’inscrire dans un contexte de mésentente grave entre PERSONNE1.) et PERSONNE2.) en relation avec le fonctionnement et la gestion d’SOCIETE2.)." (p.7) L’on se trouve donc dans le 3e cas de figure visé à l’article 128 (1) reproduit ci-dessus soit :
"…s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge 8 d’instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre." Or, il ressort de la lecture conjuguée de ce texte avec l’article 81(7) que l’absence d’interrogatoire de l’inculpé ou de la personne contre laquelle l’instruction est ouverte n’est pas même envisagée.
Au cas présent, s’agissant des personnes visées par la plainte, et contre lesquelles l’instruction a été ouverte, il est incontestable que leurs déclarations n’ont pas été recueillies, il n’a pas non plus été procédé à leur interrogatoire et leur avocat n’a logiquement pas été entendu en ses observations dans la mesure où elles n’ont pas même été convoquées.
Les conditions mentionnées par les articles 128 (1) et 81 (7) du code de procédure pénale n’étaient donc pas satisfaites.
Cela interdisait, sur le fondement des deux textes sus-énoncés, qu’une ordonnance de non-lieu à suivre soit prise par la Chambre du conseil.
Il incombait à cette dernière de surseoir à statuer et renvoyer le dossier au Procureur afin qu’il puisse remédier à cette lacune.
De surcroît, il sera à cet égard rappelé que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a édicté des standards en matière d’effectivité de l’enquête. Une ordonnance de non-lieu en l’absence d’audition de la plaignante et des personnes pertinentes pourra, ainsi, faire l’objet d’une contestation :
"37. En ce qui concerne l’effectivité de l’enquête, la Cour se réfère aux principes qui se dégagent de sa jurisprudence (Jeronovičs c. Lettonie [GC], no 44898/10, §§ 103-109, 5 juillet 2016, Bouyid c. Belgique [GC], précité́, §§ 114-123, Mocanu et autres c. Roumanie [GC], nos 10865/09, 45886/07 et 32431/08, §§ 316-
326, CEDH (extraits) et, notamment, El-Masri c. l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, §§ 182-185, CEDH 2012).
38. En l’espèce, la Cour constate que, à la suite de la plainte déposée par la requérante, une enquête pénale a été menée par le parquet compètent et qu’elle s’est soldée par un non-lieu. [… Force est de constater que le procureur de la République qui a pris le dossier en charge n’a pas procédé́ à l’audition de la requérante, des policiers accusés ni des témoins oculaires des évènements.
Pour la Cour, ces lacunes ont compromis l’effectivité́ de l’enquête judiciaire effectuée par le parquet dans l’établissement des faits. Elle considère que les autorités judiciaires ont donc manqué à leur obligation positive de mener une enquête effective sur les allégations de mauvais traitements formulées par la requérante." (CEDH, 2e section, İLTÜMÜR OZAN ET AUTRES c. TURQUIE, 16 février 2021, no 38949/09 - Soulignement et surlignement ajoutés.) 9 L’ordonnance entreprise sera infirmée sur ce seul fondement. » Que la Chambre du conseil de la Cour d’appel n’a pas répondu à ce moyen, Ce défaut de réponse équivaut à un défaut de motif et constitue dès lors une violation de l’article 109 de la constitution, (branche unique) L’Arrêt Attaqué encourt cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir omis de répondre à son moyen relatif à l’impossibilité pour la chambre du conseil de rendre une décision de non-lieu en l’absence d’audition par le juge d’instruction des personnes visées par la plainte.
Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme. Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, fût-elle viciée ou incomplète, sur le point considéré.
En retenant « L’article 128 du Code de procédure pénale dispose sub (1) que si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d'instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre. » et « La circonstance que le juge d’instruction n’a pas procédé à un interrogatoire des parties visées dans la plainte des parties civiles ou à une audition des parties civiles et des parties visées dans la plainte et qu’il a procédé à une clôture de l’instruction en date du 20 juin 2022 sur base des éléments recueillis jusqu’alors dans le cadre de l’enquête n’est partant pas de nature en soi à exclure tout règlement de la procédure », les juges d’appel, qui ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont motivé leur décision sur le point considéré.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
10 Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse interprétation, sinon de l’interprétation erronée des dispositions de l’article 128 (1) du Code de procédure pénale (subsidiaire par rapport au troisième moyen) Dans l’hypothèse où l’Arrêt Attaqué devrait être considéré comme contenant une motivation implicite en réponse au moyen relatif à l’impossibilité de rendre une ordonnance de non-lieu en l’absence d’audition des personnes visées par la plainte, quod non, l’Arrêt Attaqué encourt cassation pour violation, sinon fausse interprétation, sinon interprétation erronée des dispositions de l’article 128 (1) du Code de procédure pénale ;
En ce que l’Arrêt Attaqué a confirmé l’Ordonnance rendue par la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg le 11 octobre 2023, laquelle a déclaré qu’il n’y aurait pas lieu à poursuivre, Alors qu’il ressort de la lecture combinée des articles 128 (1) et 81 (7) du Code de procédure pénale qu’en l’absence d’interrogatoire de la personne contre laquelle l’information est ouverte - suivi ou non d’inculpation - la Chambre du conseil ne peut pas rendre d’ordonnance selon laquelle il n’y aurait pas lieu de poursuivre.
Qu’en confirmant l’Ordonnance, les juges de la Chambre du conseil de la Cour d’appel ont violé, sinon faussement appliqué, sinon refusé d’appliquer, sinon donné une fausse interprétation de l’article 128 (1) du Code de procédure pénale, (branche unique) Partant l’Arrêt Attaqué encourt cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 128, paragraphe 1, du Code de procédure pénale en ayant confirmé la décision de non-lieu à poursuivre en l’absence d’interrogatoire des personnes contre lesquelles l’information avait été ouverte.
Ni la disposition visée au moyen ni l’article 81, paragraphe 7, du Code de procédure pénale auquel elle renvoie ne prévoient l’obligation pour le juge d’instruction de procéder à l’interrogatoire de la personne contre laquelle une information est ouverte à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile.
L’article 128, paragraphe 1, du Code de procédure pénale vise spécifiquement le cas de figure d’un non-lieu à poursuivre, en raison de l’absence de charges suffisantes, à l’égard d’une personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d’instruction, sans exiger qu’il ait été procédé à son audition.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le demandeur en cassation sub 1) déchu de son pourvoi ;
rejette le pourvoi formé par la demanderesse en cassation sub 2) ;
condamne les demandeurs en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3,75 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, trois avril deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Monique HENTGEN, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de 1. PERSONNE1.), 2. la société SOCIETE1.) S.a.
3.
en présence du Ministère Public (CAS-2024-00096 du registre) Par déclaration faite le 27 juin 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Gwennhaëlle BARRAL, avocat à la Cour, assistée de Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) et de la société SOCIETE1.) S.A. un recours en cassation au pénal contre un arrêt n° 640/24 rendu le 11 juin 2024 par la chambre du conseil de la Cour d’appel.
Cette déclaration de recours a été suivie le 29 juillet 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Gwennhaëlle BARRAL.
Aux termes de l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885, « [l]orsque la partie condamnée ou la partie civile exercera le recours en cassation, l'une ou l'autre devront, dans le mois de la déclaration qu'elles en auront faite, à peine de déchéance, déposer au greffe où cette déclaration aura été reçue, un mémoire qui sera signé par un avocat à la Cour et qui précisera les dispositions attaquées du jugement ou de l'arrêt et contiendra les moyens de cassation ».
L’article 4, paragraphe 2, de la Convention européenne sur la computation des délais, signée à Bâle le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, également applicable en matière de procédure pénale, dispose que « lorsqu’un délai est exprimé en mois (…), le dies ad quem est le jour du dernier mois (…) dont la date correspond à celle du dies a quo (…). ».
Le dies a quo est, en l’espèce, le 27 juin 2024, jour de la déclaration du pourvoi, de sorte que le délai pour déposer le mémoire au greffe où la déclaration a été reçue a expiré le samedi 27 juillet 2024, à minuit.
L’article 5 de la Convention européenne sur la computation des délais dispose ce qui suit :
« Il est tenu compte des samedis, dimanches et fêtes légales dans la computation d'un délai.
Toutefois, lorsque le dies ad quem d'un délai avant l'expiration duquel un acte doit être accompli est un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou considéré comme tel, le délai est prolongé de façon à englober le premier jour ouvrable qui suit ».
En déposant le mémoire le 29 juillet 2024, les demandeurs en cassation ont respecté le délai prévu par la loi.
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel confirmant, sur appel de la partie civile, une ordonnance de non-lieu de la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement.
Par un arrêt du 4 janvier 20241, Vous avez jugé ce qui suit :
« Une décision de non-lieu à suivre rendue par la chambre du conseil de la Cour d’appel, non déférée à la Cour de cassation par le Ministère public, a pour conséquence l’extinction de l’action publique.
La demanderesse en cassation, en tant que partie civile, ne pouvant remettre en cause par son pourvoi les dispositions de l’arrêt attaqué par lesquelles il a été statué définitivement sur l’action publique, son pourvoi est irrecevable au pénal.
La partie civile n’est pas recevable à se pourvoir en cassation contre le volet civil d’une telle décision, la Cour de cassation ne pouvant connaître de l’action civile lorsque l’action publique est éteinte.
Il s’ensuit que le pourvoi est irrecevable ».
Cet arrêt a été suivi d’un arrêt en sens contraire reprenant la solution constante contraire2, avec la nuance que le pourvoi était dirigé contre un arrêt intervenu à la suite d’une ordonnance de non-informer d’un magistrat instructeur et non pas un arrêt de non-lieu.3 A moins que Votre arrêt du 4 janvier 2024 ne constitue l’annonce d’un revirement de jurisprudence, il est conclu, conformément à Votre jurisprudence constante, que l’arrêt de non-
lieu attaqué en l’espèce est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi par la partie civile.
Le pourvoi respectant par ailleurs les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, il est recevable.
Faits et rétroactes En date du 29 octobre 2018, PERSONNE1.) et la société SOCIETE1.) S.A. ont déposé une plainte avec constitution de partie civile au greffe du cabinet d’instruction près le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg contre PERSONNE2.), PERSONNE3.), la société SOCIETE4.), la société SOCIETE5.) (Luxembourg) S.A. et la société SOCIETE7.) (Luxembourg) S.A. du chef d’abus de pouvoir, de corruption privée active et/ou passive, d’association de malfaiteurs, respectivement d’organisation criminelle, de blanchiment, sinon tentative de blanchiment, sinon de toute autre qualification pénale que les faits dénoncés dans la plainte seraient susceptibles de revêtir.
1 Cour de cassation 4 janvier 2024, n° 02/2024 pénal, numéro CAS-2023-00023 du registre 2 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 18 novembre 2004, n° 45/2004 pénal, numéro 2115 du registre (non-informer) ; idem, 22 octobre 2015, n° 47/2015 pénal, numéro 3549 du registre (non-lieu) ; idem, 13 octobre 2016, n° 44/2016 pénal, numéro 3677 du registre (non-informer) ; idem, 29 novembre 2018, n° 116/2018 pénal, numéro 4043 du registre (non-lieu).
3 Cour de cassation 21 mars 2024, n° 44/2024 pénal, numéro CAS-2023-00098 du registreAux termes de leur plainte, les actuels demandeurs en cassation soutiennent qu’PERSONNE2.) et PERSONNE3.) auraient abusé de leurs qualités d’administrateurs au sein de la société SOCIETE6.) S.A. ainsi que de leurs qualités d’actionnaires directs/indirects d’SOCIETE4.), afin d’obtenir un avantage financier au détriment de la société SOCIETE2.) S.C.A., SICAV-
FIS ainsi que de PERSONNE1.) et de SOCIETE1.).
Le 5 février 2019, le juge d’instruction en charge du dossier a donné commission rogatoire à la police Grand-Ducale de Luxembourg, service de police judiciaire, département infractions économiques et financières, de procéder à l’analyse de la plainte avec constitution de partie civile du 29 octobre 2018 et d’auditionner notamment Maître Yann BADEN, les responsables du réviseur d’entreprises SOCIETE3.) et la partie civile.
Le 7 juin 2022, le service de police judiciaire a établi le rapport de police n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN, duquel il résulte que seuls ont été entendus par la police Maître Yann BADEN et les responsables du réviseur d’entreprises SOCIETE3.) -
PERSONNE4.) et PERSONNE6.). Le rapport précise qu’étant « donné ce qui précède, nous ne sommes pas convaincus qu’une audition du plaignant GROUPE1.) ou des interrogatoires de PERSONNE2.)/GROUPE2.) n’apporteraient de nouveaux éléments. Il en est de même d’une audition en tant que témoin de PERSONNE5.) comme il forme un des camps d’administrateurs ensemble avec PERSONNE1.) ».
L’instruction a finalement été clôturée le 20 juin 2022 sans que le juge d’instruction n’ait procédé à une inculpation.
Par ordonnance no 1488/23 (Ve) rendue le 11 octobre 2023, la chambre du conseil de première instance, a déclaré qu’il n’y a pas lieu de poursuivre ni PERSONNE2.), ni PERSONNE3.), ni la société SOCIETE4.) S.C.A., ni la société SOCIETE7.) (Luxembourg) S.A., ni la société SOCIETE5.) (Luxembourg) S.A. du chef des faits soumis au juge d’instruction suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée le 29 octobre 2018 et au réquisitoire du Ministère public du 11 janvier 2019.
Sur l’appel des parties civiles, la chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance de non-lieu par arrêt n° 640/24 rendu le 11 juin 2024.
Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.
Sur le premier moyen de cassation Aux termes du premier moyen de cassation, les demandeurs en cassation reprochent aux magistrats d’appel un défaut de motivation en violation de l’article 109 de la Constitution pour avoir rejeté les moyens relatifs à l’impossibilité pour la chambre du conseil de procéder au règlement de la procédure en raison du caractère lacunaire de l’instruction en se contentant d’une motivation ayant trait exclusivement au fait que l’absence d’audition n’empêcherait pas le règlement de la procédure sans répondre au moyen selon lequel l’absence de décision du magistrat instructeur quant aux demandes d’audition formulées dans le cadre de l’instruction empêchait le règlement de la procédure.
L’article 109 de la Constitution dispose ce qui suit : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique ».
L’article 109 de la Constitution sanctionne l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion4. Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré5.
Il suffit donc de constater qu’une décision est motivée sur le point concerné pour écarter le moyen tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution.
Les magistrats d’appel ont répondu d’une manière exhaustive et correcte au moyen présenté en instance d’appel aux termes duquel l’absence de décision du magistrat instructeur quant aux demandes d’audition formulées dans le cadre de l’instruction empêcherait le règlement de la procédure, en retenant ce qui suit :
« Le rapport de police numéro n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN du 7 juin 2022 retient encore qu’une audition des parties civiles et/ou des parties visées dans la plainte ne saurait apporter de nouveaux éléments alors que ne faisant que résumer les positions contraires des deux camps d’administrateurs.
Conformément à l’article 51(1) du Code de procédure pénale, le juge d’instruction procède à tous les actes de l’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité, il dirige l’information et décide librement de l’opportunité des actes qu’il estime utiles au besoin de celle-ci.
L’article 128 du Code de procédure pénale dispose sub (1) que si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d'instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre.
Le juge d’instruction n’est pas obligé d’inculper les personnes soupçonnées, visées par l’instruction, s’il estime qu’il n’existe pas d’indices graves et concordants à leur encontre (v.
Ch.c.C. 8 octobre 2015, n°796/15 ; Pas. 37, p. 694).
La circonstance que le juge d’instruction n’a pas procédé à un interrogatoire des parties visées dans la plainte des parties civiles ou à une audition des parties civiles et des parties visées dans la plainte et qu’il a procédé à une clôture de l’instruction en date du 20 juin 2022 sur base des éléments recueillis jusqu’alors dans le cadre de l’enquête n’est partant pas de nature en soi à exclure tout règlement de la procédure ».
Il résulte de la simple lecture de l’arrêt entrepris que celui-ci est motivé sur le point considéré en ce qu’il s’est expressément référé aux constatations et investigations policières résultant du rapport numéro n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN du 7 juin 2022, dont il ressort qu’une audition des parties civiles et/ou des parties visées dans la plainte, décidée par le magistrat instructeur, ne saurait apporter de nouveaux éléments alors que ne faisant que résumer les positions contraires des deux camps d’administrateurs.
4 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, 6ème édition, 2015, n° 77.70.
5 ibidem, n° 77.41.L’arrêt a encore clairement retenu que le juge d’instruction dirige l’information et décide librement de l’opportunité des actes qu’il estime utiles au besoin de celle-ci, de sorte que la circonstance que le juge d’instruction n’a pas procédé à un interrogatoire des parties visées dans la plainte ou à une audition des parties civiles et qu’il a procédé à une clôture de l’instruction, n’est pas de nature à exclure tout règlement de la procédure, en répondant ainsi – du moins implicitement - au moyen selon lequel l’absence de décision du magistrat instructeur quant aux demandes d’audition formulées dans le cadre de l’instruction empêchait le règlement de la procédure, le juge d’instruction n’ayant précisément pas persévéré dans sa décision initiale de faire procéder à une audition du plaignant GROUPE1.) ou des interrogatoires de PERSONNE2.)/GROUPE2.), en procédant à la clôture de l’instruction, une fois qu’il avait pris connaissance des conclusions du rapport de police n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN du 7 juin 2022, révélant que ces auditions et interrogatoires n’étaient pas utiles à la manifestation de la vérité.
Il en suit que le moyen tiré du défaut de motifs, n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Aux termes du deuxième moyen de cassation, les demandeurs en cassation reprochent aux magistrats d’appel une violation, sinon une fausse application, sinon une fausse interprétation des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale, au motif qu’ils auraient décidé que l’absence de décision du juge d’instruction relative aux demandes d’un interrogatoire des parties visées dans la plainte des parties civiles ou d’une audition des parties civiles n’est pas de nature à exclure le règlement de la procédure.
Sur la première branche du moyen Les demandeurs en cassation déduisent la violation de la loi du fait que l’arrêt entrepris n’a pas suivi une jurisprudence qui a pu retenir « qu’il ne pourra être procédé au règlement de la procédure que si le juge d’instruction a statué sur l’ensemble des demandes dont il est saisi ».
Pour autant que la mauvaise application de la loi soit visée, les demandeurs en cassation omettent d’indiquer en quoi l’arrêt entrepris aurait violé la loi, respectivement quelle disposition précise des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale, les magistrats d’appel auraient méconnu.
Le soussigné relève que c’est à tort que les demandeurs en cassation invoquent la mauvaise application, sinon interprétation des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale, en invoquant une jurisprudence de la Cour d’appel du 22 octobre 2012 (No 674/12).
En effet, d’une part un demandeur en cassation ne peut pas invoquer la violation d’une jurisprudence mais seulement la violation de la loi et d’autre part, c’est à tort que les demandeurs en cassation allèguent que par l’arrêt entrepris, les magistrats d’appel auraient décidé que l’absence de décision du juge d’instruction relative aux demandes d’un interrogatoire des parties visées dans la plainte des parties civiles ou d’une audition des parties civiles n’est pas de nature à exclure le règlement de la procédure, étant donné que ce reproche part de la prémisse erronée que le juge d’instruction n’aurait pas pris de décision au sujet de l’interrogatoire respectivement de l’audition des personnes en question alors que le juge d’instruction n’a précisément pas persévéré dans sa décision initialement prise de faire procéder à une audition du plaignant GROUPE1.) ou des interrogatoires dePERSONNE2.)/GROUPE2.), en procédant à la clôture de l’instruction, une fois qu’il avait pris connaissance des conclusions du rapport de police n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN du 7 juin 2022.
Le moyen n’est dès lors pas fondé.
Sur la deuxième branche du moyen Les demandeurs en cassation déduisent la violation de la loi du fait que l’arrêt entrepris n’a pas décidé une surséance à statuer quant à la procédure de règlement dans la mesure où l’instruction n’aurait pas été complète, étant donné que les auditions demandées par le juge d’instruction n’ont pas été intégralement réalisées.
La chambre du conseil de la Cour d’appel a décidé que l’instruction menée en cause n’a pas permis de dégager des éléments suffisants permettant de croire que les personnes visées dans la plainte avec constitution de partie civile du 29 octobre 2018 auraient commis les infractions leur reprochées et a dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner un complément d’information, en retenant ce qui suit :
« La chambre du conseil de la Cour d’appel se réfère à cet effet aux constatations et investigations policières telles que résultant du rapport de police numéro n° SPJ/FAME/2022/74047.15/BOAN du 7 juin 2022, investigations dont il ressort qu’il a été procédé à une analyse exhaustive et minutieuse des faits contenus dans la plainte de la partie civile, de même qu’il a été procédé à l’audition de Maître Yann BADEN en sa qualité d’administrateur provisoire d’SOCIETE2.), ainsi que des responsables du réviseur d’entreprise SOCIETE3.) en charge des comptes annuels d’SOCIETE2.).
Concernant la question du blocage en relation avec l’approbation des comptes d’SOCIETE2.) pour l’exercice social 2014, il y apparait que si PERSONNE2.) et PERSONNE3.) se sont certes opposés à leur approbation, le rapport précité indique également que PERSONNE1.) et PERSONNE5.) ont également contribué à ce blocage, blocage qui est la conséquence du désaccord fondamental des parties sur la propriété des patrimoines d’SOCIETE2.).
Concernant le refus d’PERSONNE2.) et de PERSONNE3.) de renouveler le mandat du réviseur d’entreprises SOCIETE3.) à partir de l’exercice social 2015, il apparait que si ce refus trouve certes son origine dans un litige entre SOCIETE3.) et la société SOCIETE4.), il en ressort également que les parties PERSONNE1.) /PERSONNE5.) se sont opposées à voir nommer les réviseurs remplaçants proposés par PERSONNE2.) et PERSONNE3.), de sorte que le blocage en résultant était à priori imputable aux deux parties.
Concernant les lettres d’intention formulées par la société SOCIETE5.), les investigations policières ont permis de retenir que la situation financière liquide d’SOCIETE2.) commençait à devenir critique dès 2016 et que les banques commençaient à s’inquiéter du remboursement des prêts, suite au fait que les parties n’arrivaient pas à se concerter en vue d’organiser un refinancement ; une solution concertée était cependant nécessaire.
Si la société SOCIETE5.) (détenue par les groupes SOCIETE7.) et la société SOCIETE4.)), a émis deux lettres d’intention pour des terrains, la première lettre d’intention n’a pas abouti suite à l’absence d’accord de PERSONNE1.) ou PERSONNE5.) et la seconde a été faite alors 18 qu’SOCIETE2.) se trouvait déjà sous administration provisoire, dépassant les compétences de l’administrateur provisoire.
Les constatations et investigations policières ne laissent pas de doute au fait que le blocage d’SOCIETE2.) et d’SOCIETE6.) résidait/réside dans le conflit existant entre administrateurs quant au devenir d’SOCIETE2.), ainsi que sur la question du partage de patrimoine d’SOCIETE2.). La situation financière d’SOCIETE2.) serait entretemps très bonne, alors que la mise en valeur des projets immobiliers a pu continuer ; la CSSF n’aurait pas non plus retiré l’agrément à SOCIETE2.).
(…) Au vu des éléments en cause, c’est à bon droit que la juridiction d’instruction de premier degré a considéré que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé de charges suffisantes de culpabilité permettant de croire qu’PERSONNE2.), PERSONNE3.) et/ou la société SOCIETE4.) auraient fait de leurs pouvoirs un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts d’SOCIETE2.) ou d’SOCIETE6.) à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement de même que l’instruction menée en cause par le juge d’instruction n’a pas révélé de charges suffisantes de culpabilité permettant de croire que les personnes visées dans la plainte de constitution de partie civile aient commis les faits qualifiés par les parties civiles de corruption active et/ou passive, d’association de malfaiteurs, respectivement d’organisation criminelle, ainsi que de blanchiment, sinon de tentative de blanchiment, mais que les faits dénoncés par les parties civiles s’inscrivent dans un contexte de mésentente grave entre PERSONNE1.) et PERSONNE2.) en relation avec le fonctionnement et la gestion d’SOCIETE2.).
Si la chambre du conseil de la Cour peut, sur base des pouvoirs lui conférés par les articles 134 et 134-1 du Code de procédure pénale, ordonner toute acte d’information complémentaire qu’elle juge utile, il n’y a cependant, en l’espèce, pas lieu de procéder à un complément d’information tel que sollicité par la partie appelante, les devoirs supplémentaires sollicités n’étant pas de nature à apporter des éléments de preuve pertinents par rapport aux éléments recueillis par l’enquête ».
En statuant ainsi, la Cour d’appel a fait l’exacte application des 127 et 128 du Code de procédure pénale.
Elle a, en effet, à la suite d’une appréciation souveraine qui échappe à votre contrôle et dont elle a indiqué les motifs, considéré que l’instruction était complète, que des mesures d’instruction supplémentaires n’étaient, à ses yeux, pas opportunes et que l’instruction menée en cause n’a pas permis de dégager des éléments suffisants permettant de croire que les personnes visées dans la plainte avec constitution de partie civile du 29 octobre 2018 auraient commis les infractions leur reprochées.
Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen, les demandeurs en cassation ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation par les magistrats d’appel du caractère complet de l’instruction et de l’existence des charges rassemblées, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le moyen n’est dès lors pas fondé.
Sur le troisième moyen de cassation Aux termes du troisième moyen de cassation, les demandeurs en cassation reprochent aux magistrats d’appel un défaut de motivation pour avoir omis de répondre à leur moyen relatif à l’impossibilité pour la chambre du conseil de rendre une décision de non-lieu en l’absence d’audition par le juge d’instruction des personnes visées par la plainte.
Sur le point considéré, les magistrats d’appel ont relevé que l’article 128 du Code de procédure pénale dispose sub (1) que si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d'instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre.
Il résulte de la simple lecture de l’arrêt entrepris que les magistrats d’appel ont implicitement mais nécessairement retenu que l’article 128 (1) du Code de procédure pénale permet de rendre une décision de non-lieu en faveur de personnes visées par une instruction qui n’a pas dégagé de charges suffisantes à leur charge et qui n’ont pour cette raison pas été soumis à un interrogatoire.
Il en suit que le moyen tiré du défaut de motifs, n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation Les demanderesses en cassation font grief aux magistrats d’appel d’avoir violé l’article 128 (1) du Code de procédure pénale en prononçant un non-lieu à l’égard de personnes qui n’ont pas été inculpées.
L’article 128 (1) du Code de procédure pénale dispose ce qui suit :
« Si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d’instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre. » La loi du 8 mars 2017 renforçant les garanties procédurales en matière pénale6 a modifié l’article 128 (1) du Code de procédure pénale en ce qu’elle a introduit la possibilité pour la chambre du conseil d'ordonner un non-lieu à poursuite, en raison de l'absence de charges suffisantes contre une personne contre laquelle l'instruction est ouverte, mais qui n'a pas été inculpée par le juge d'instruction.
Cette modification législative est intervenue afin d'éviter que le juge d'instruction, constatant à l’issu de l'instruction l'absence de charges suffisantes, soit néanmoins obligé d'interroger et d’inculper une personne contre laquelle le non-lieu à poursuivre paraît évident, afin que la chambre du conseil soit en mesure de prononcer une décision de non-lieu7.
6 Mémorial A n° 346 du 30 mars 2017.
7 Doc. parl. 6758, page 50 : « Ajoute tenant compte de l’observation que la faculté prévue par l’article 81 (7) de ne pas inculper la personne contre laquelle l’instruction est ouverte (étant donné qu’il s’est révélé au cours de Votre Cour de cassation a d’ailleurs décidé que l’article 128 (1) du Code de procédure pénale vise spécifiquement le cas de figure d’un non-lieu à poursuite, en raison de l’absence de charges suffisantes, à l’égard d’une personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d’instruction, en retenant que le moyen tiré de la violation l’article 128 (1) du Code de procédure pénale, en ce que le non-lieu est prononcé à l’égard de personnes qui n’ont pas été inculpées, est basé sur une lecture erronée de la disposition visée au moyen et n’est pas fondé8.
Le moyen n’est dès lors pas fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Bob Piron l’instruction que celle-ci se terminera nécessairement par une décision de non-lieu) risque de déboucher sur le défaut de non-lieu par la chambre du conseil, étant donné que l’article 128 ne prévoit pas ce cas de figure ».
8 Arrêt N° 105 / 2023 pénal du 19.10.2023, Not. 4114/09/CD, Numéro CAS-2023-00009 du registre.