N° 41 / 2025 pénal du 13.03.2025 Not. 27776/21/CD Numéro CAS-2024-00092 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, treize mars deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à Luxembourg, demeurant à L-ADRESSE1.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE2.), 3) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE3.), 4) Maître Julie DURAND, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-ADRESSE4.), agissant en sa qualité d’administrateur ad hoc de la mineure PERSONNE5.)., née le DATE2.) à Luxembourg, demeurant à L-ADRESSE2.), 5) PERSONNE6.), demeurant à D-ADRESSE5.) ADRESSE6.), demandeurs au civil, défendeurs en cassation.
l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 14 mai 2024 sous le numéro 24/24-Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;
Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 13 juin 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 9 juillet 2024 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), à PERSONNE3.), à PERSONNE4.) en leur domicile élu, à Maître Julie DURAND en sa qualité d’administrateur ad hoc de la mineure PERSONNE5.).
et à PERSONNE6.), déposé le 12 juillet 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef d’infractions aux articles 372, 375 et 377 du Code pénal commises à l’encontre de ses trois filles mineures à une peine de réclusion avec sursis partiel et aux peines accessoires légales. Au civil, le demandeur en cassation avait été condamné à indemniser la défenderesse en cassation sub 1). Une mesure d’expertise avait été ordonnée afin de déterminer le dommage subi par les trois filles du demandeur en cassation ; la demande en réparation du défendeur en cassation sub 5) avait été déclarée non fondée. La Cour d’appel a confirmé le jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de L’article 184 du Code de procédure pénale, en ce que l’arrêt attaqué a dit non fondé les appels du demandeur en cassation et en confirmant le premier jugement qui avait écarté le moyen du libellé obscur soulevé par le demandeur en cassation, alors que selon l’article 184 du Code de procédure pénale, sera donnée dans les délais prévus par l'article 146. Si ces délais n'ont pas été observés, les règles inscrites au même article seront applicables.
La citation informe le prévenu :
2 a) de la nature, de la qualification juridique et de la date présumée de l’infraction qui lui est reprochée, ainsi que de la nature présumée de sa participation à cette infraction ; en cas de saisine de la chambre correctionnelle par renvoi, cette information est faite à suffisance de droit par la notification de la décision de renvoi en vertu de l’article 127, paragraphe 9, b) des dispositions des articles 185, 187 et 188, c) de son droit de faire des déclarations et de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, de son droit de ne pas s’incriminer soi-même, ainsi que d) des droits conférés par les articles 3-2, 3-3 et 3-6.» ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 184 du Code de procédure pénale en ayant écarté l’exception de libellé obscur qui aurait affecté la citation à prévenu, celle-ci n’indiquant que des dates imprécises des faits poursuivis.
Selon la disposition visée au moyen, la citation est destinée à informer le prévenu, notamment, « de la nature, de la qualification juridique et de la date présumée de l’infraction qui lui est reprochée » afin qu’il puisse utilement préparer sa défense. Cette disposition légale n’exige pas l’indication d’une date précise, mais il suffit que les faits spécifiés dans la citation à prévenu, sinon dans la décision de renvoi, soient indiqués de façon à ce que le prévenu ne puisse se méprendre sur l’objet de la poursuite.
La citation à prévenu, qui se réfère à l’ordonnance de renvoi de la chambre du conseil, signifiée au demandeur en cassation énonce clairement les faits servant de base aux préventions mises à sa charge et les indications temporelles sont suffisamment précises pour situer ces faits dans le temps. Le demandeur en cassation était, par conséquent, en mesure de préparer utilement sa défense .
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l'article 11 de la déclaration universelle des droits de l'homme.
3 en ce que l’arrêt attaqué a dit irrecevable l’appel du demandeur en cassation et l’a donc amputé de son droit à un recours effectif contre la décision défavorable du 17 juin 2022, alors que selon l’article 48 de la charte et des autre convention et pacte visés, 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé ».
Réponse de la Cour En faisant grief aux juges d’appel d’avoir déclaré l’appel irrecevable et en se référant à une « décision défavorable du 17 juin 2022 », le moyen critique une décision non attaquée par le pourvoi.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 24,25 euros ;
le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, treize mars deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Monique HENTGEN, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Serge WAGNER et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre 1. PERSONNE2.) 2. PERSONNE3.) 3. PERSONNE4.) 4. PERSONNE6.) 5. Maître Julie DURAND Ministère Public (CAS-2024-00092 du registre) Par déclaration faite le 13 juin 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-
Duché de Luxembourg, Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation au pénal et au civil contre un arrêt n°24/24 - Crim. rendu le 14 mai 2024 par la chambre criminelle de la Cour d’appel.
Cette déclaration de recours a été suivie le 12 juillet 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour et régulièrement signifié le 9 juillet 2024 aux parties civiles, à savoir PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.), PERSONNE6.) et Maître Julie DURAND, avocat à la Cour, agissant en sa qualité d’administrateur ad hoc de la mineure PERSONNE5.)..
Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique et sur le principe de l’action civile, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.
Il en suit que le pourvoi est recevable.
Faits et rétroactes Par jugement numéro LCRI 44/2023 du 8 juin 2023, rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, douzième chambre, siégeant en matière criminelle, PERSONNE1.) a été condamné au pénal du chef d’infractions aux articles 372, 375 et 377 du Code civil, -soit de viols et d’attentats à la pudeur commis sur ses propres filles mineures-, à une peine de réclusion de quinze ans, dont cinq ans assortis du sursis intégral et aux peines accessoires prévues par la loi.
Au civil, la demande de PERSONNE6.) a été déclarée non fondée ; les demandes des trois victimes directes, à savoir PERSONNE3.), PERSONNE4.) et Maître Julie DURAND, avocat à la Cour, agissant en sa qualité d’administrateur ad hoc de la mineure PERSONNE5.)., ont été déclarées fondées en leur principe et, avant tout progrès en cause, un expert-calculateur a été nommé aux fins de se prononcer sur les dommages matériel, moral et corporel accrus aux victimes en tenant compte des prestations ainsi que des recours éventuels des organismes de sécurité sociale ; la demande de PERSONNE2.) a finalement été déclarée fondée à titre de dommage moral pour le montant symbolique d’un (1) euro.
Sur appel du mandataire de PERSONNE1.) au pénal et au civil et du procureur d’Etat de Luxembourg au pénal, la Cour d’appel, chambre criminelle a, par arrêt n°24/24 -
Crim. rendu le 14 mai 2024, reçu les appels au pénal de PERSONNE1.) et du ministère public, les a dit non fondés et a partant confirmé le jugement entrepris au pénal.
La Cour d’appel a dit irrecevable l’appel au civil de PERSONNE1.) dirigé contre PERSONNE6.), a reçu les appels au civil de PERSONNE1.) dirigés contre les quatre autres parties civiles, les a dit non fondés et a confirmé pour le surplus le jugement au civil.
Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.
Quant au premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 184 du Code de procédure pénale, en ce que l’arrêt attaqué a dit non fondé les appels du demandeur en cassation et en confirmant le premier jugement qui avait écarté le moyen du libellé obscur soulevé par le demandeur en cassation, alors que selon l’article 184 du Code de procédure pénale, « La citation sera donnée dans les délais prévus par l'article 146. Si ces délais n'ont pas été observés, les règles inscrites au même article seront applicables.
La citation informe le prévenu:
7 a) de la nature, de la qualification juridique et de la date présumée de l’infraction qui lui est reprochée, ainsi que de la nature présumée de sa participation à cette infraction; en cas de saisine de la chambre correctionnelle par renvoi, cette information est faite à suffisance de droit par la notification de la décision de renvoi en vertu de l’article 127, paragraphe 9, b) des dispositions des articles 185, 187 et 188, c) de son droit de faire des déclarations et de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, de son droit de ne pas s’incriminer soi-même, ainsi que d) des droits conférés par les articles 3-2, 3-3 et 3-6. » Le premier moyen de cassation, lu ensemble avec la discussion qui le complète, revient en substance à reprocher aux magistrats d’appel de ne pas avoir accueilli le moyen de nullité tiré de l’exception du libellé obscur de la citation à prévenu, qui avait déjà été développé par le demandeur en cassation en première instance et en instance d’appel.
Plus précisément la critique consiste à relever que ce moyen de nullité, écarté à deux reprises par les juridictions du fond, et consistant, entre autres, à dénoncer l’indication très imprécise des dates des prétendus faits mis à charge du demandeur en cassation, aurait impliqué pour ce dernier la violation de ses droits de la défense. Tout en admettant que l’objet de la poursuite, c’est-à-dire les différentes infractions lui reprochées, seraient clairement libellées, le demandeur en cassation souligne qu’il n’en resterait pas moins que les périodes infractionnelles de temps très larges et l’absence de dates précises, auraient eu pour conséquence de lui enlever toute possibilité d’organiser utilement sa défense en produisant des preuves concrètes à décharge face aux accusations portées contre lui par le ministère public.
A l’incipit de l’analyse du premier moyen de cassation, la soussignée entend relever que le grief invoqué peut être examiné à la lumière d’un raisonnement axé sur deux approches distinctes.
A titre principal, en suivant une approche susceptible d’être qualifiée de procédurale, il peut être retenu que le premier moyen de cassation se contente de réitérer, en instance de cassation, le moyen du libellé obscur de la citation à prévenu déjà présenté devant les juridictions du fond. Aucune critique à l’égard de la réponse à ce moyen développée dans le cadre de la motivation de l’arrêt entrepris et ayant conduit au rejet dudit moyen de nullité, n’est exprimée au moyen de cassation lui-même ou dans la discussion subséquente.
Dans la mesure où la mission de la Cour de cassation ne consiste pas à réexaminer et à rejuger les faits mais qu’elle est tenue de vérifier si les juridictions du fond ont correctement appliqué la loi, tout moyen de cassation tiré de la violation de la loi doit,sous peine d’irrecevabilité, expliquer en quoi consiste l’erreur juridique figurant dans la motivation de la décision entreprise.
Cette approche a déjà été adoptée à plusieurs reprises par Votre Cour et Vous avez alors retenu que, « attendu que le recours en cassation est une voie de recours extraordinaire et non une troisième instance ; qu’il en suit que le moyen de cassation […] en ce qu’il ne précise pas en quoi les juges d’appel, en statuant comme ils l’ont fait, auraient violé la loi, est irrecevable »1 Dès lors que l’on se retrouve en l’occurrence en présence d’un moyen libellé de manière analogue, qui se borne à faire grief aux magistrats d’appel d’avoir « écarté le moyen du libellé obscur », une analyse des éléments de fond du moyen n’est, de l’avis de la soussignée, pas requise.
Votre Cour pourra par conséquent s’en tenir à constater qu’en se limitant à réitérer le moyen de nullité exposé devant les juridictions du fond sans émettre la moindre critique à l’égard de la motivation développée dans l’arrêt attaqué, le demandeur en cassation reste en défaut de préciser en quoi les magistrats d’appel auraient violé la loi.
Le premier moyen de cassation est irrecevable.
A titre subsidiaire, Votre Cour pourrait également adopter une approche plus factuelle pour examiner le grief invoqué au premier moyen de cassation en analysant, sur base de la motivation développée dans l’arrêt attaqué, si l’article de loi invoqué au moyen a été correctement appliqué par les magistrats d’appel.
La Cour d’appel a motivé sa décision comme suit sur le point considéré, « Le moyen soulevé par la défense tiré du libellé obscur du réquisitoire de renvoi et du libellé obscur de l’ordonnance de renvoi de la chambre du conseil du 19 août 2022 qui ne permettrait pas, à défaut d’indications plus précises quant aux lieux de commission des prétendus faits et de leur date de commission, au prévenu d’organiser sa défense, vise moins l’ignorance des faits reprochés - ce que PERSONNE1.) devrait avoir compris depuis son premier interrogatoire par la police judiciaire le 4 janvier 2022 et le 5 janvier 2022 par le juge d’instructionque le reproche de se trouver, à défaut de l’indication de la journée précise auquel il aurait commis tel fait précis au préjudice de telle ou telle de ses filles, dans l’impossibilité d’organiser sa défense et de lui donner l’opportunité de réfuter point par point les accusations du ministère public par la production de pièces ou l’indication de témoin attestant sa présence à un autre endroit au moment du prétendu fait.
Or ce moyen vaut en principe pour toutes les infractions pénales commises dans un passé plus ou moins éloigné pendant une période de faits prolongée et affecte la preuve 1 Cour de cassation, n°135/2019 pénal du 31 octobre 2019, numéro 4075 du registre.de la commission des faits et de l’imputabilité des faits, charge qui incombe au ministère public.
Cette difficulté de la preuve se présente notamment dans le cadre de la poursuite de faits pour lesquels le délai de prescription s’élève à trente ans ou pour les infractions dont le point de départ est retardé par le législateur, comme en matière d’atteinte sexuelle à des mineurs.
Dans le cadre de la protection des droits de la défense, la juridiction doit dès lors prendre avec d’autant plus de circonspection les éléments de preuve produits par la partie poursuivante, de la difficulté pour la juridiction de vérifier leur caractère certain, mais surtout de tenir compte de la circonstance liée à l’écoulement du temps pour la défense pour produire un élément pouvant contredire tant soit peu les éléments de la partie poursuivante.
En l’espèce le ministère public produit un ensemble d’éléments convergents résultant des circonstances particulières de la première révélation, des dépositions convergentes des jeunes filles, des déclarations de la mère, des enfants et de l’ami de PERSONNE4.) sur le caractère de PERSONNE1.), des expertises de crédibilité des enfants, des contradictions des dépositions du prévenu et ainsi que l’a souligné la judication de première instance par le défaut d’indication d’un témoin et d’un quelconque élément vérifiable par le juge d'instruction dès sa première confrontation avec les faits, deux ans après le dernier fait reproché.
Toutes les personnes présentes au moment lorsque PERSONNE4.) accusait devant toute la famille et son copain, d’avoir abusé d’elle lors de l’altercation verbale et de l’échange de coups de poings et de pieds entre père et fils, ont été entendus par les enquêteurs.
La date du mois d’août 2020 a été à plusieurs fois relevée et les endroits avaient été spécialement mis en exergue, comme la salle de bain, le rituel de se laver les mains après les faits, la chambre à coucher conjugale, la cave, le garage et leur voiture Hyunda, les bois entre ADRESSE7.) et ADRESSE8.), l’endroit secret du couple GROUPE1.) dans la ADRESSE8.), sans que PERSONNE1.) n’aurait réclamé un devoir d’instruction ou produit un commencement de preuve qui aurait pu amener le juge d'instruction de procéder à un acte d’instruction à décharge.
En l’occurrence, le moyen ne s’analyse pas comme un moyen d’acquittement en raison d’une prétendue violation des droits de la défense, mais comme un moyen de fond quant à la preuve de la culpabilité de PERSONNE1.) qui incombe au ministère public.
Les poursuites ont dès lors été déclarées à juste titre recevables. »2 2 Voir l’arrêt entrepris, pages 81 et 82.Le raisonnement ainsi suivi par la Cour d’appel peut être scindé en deux étapes.
Dans une première étape, la Cour d’appel commence par constater que le moyen de nullité soulevé par le demandeur en cassation affecte la preuve de la commission et de l’imputabilité des faits dont la charge incombe au ministère public.
Elle relève ensuite que l’imprécision dans l’indication des lieux et dates des faits objets de la poursuite est liée à la nature des infractions en cause et souligne qu’il appartient à toute juridiction saisie d’un dossier dans le cadre duquel les infractions pénales reprochées remontent à une période plus éloignée et prolongée dans la durée, de tenir compte, dans le cadre de son appréciation souveraine des éléments de preuve lui présentés de part et d’autre, de la circonstance liée à l’écoulement du temps.
Dans une deuxième étape, la Cour d’appel se livre à une analyse in concreto des éléments de preuve dégagés par l’instruction dans le cadre de la présente affaire et retient que le ministère public a présenté à l’appui de la poursuite engagée, un faisceau d’éléments concordants, sans que le demandeur en cassation n’ait apporté le moindre commencement de preuve à décharge.
La Cour d’appel termine son raisonnement en procédant à une requalification du moyen de nullité tiré du libellé obscur, en moyen de fond portant sur la preuve de la culpabilité.
Ce faisant, les magistrats d’appel déplacent le débat, qui avait été initialement lancé par le demandeur en cassation sous l’angle d’une irrégularité procédurale, vers l’analyse des preuves de culpabilité. Faute d’avoir constaté une quelconque irrégularité procédurale, la Cour déclare les poursuites recevables.
La soussignée conclut de l’analyse de la motivation de l’arrêt entrepris qui précède, qu’en requalifiant dans un premier temps le moyen de nullité tiré du libellé obscur, en moyen de fond sur la preuve de la culpabilité, -requalification non mise en cause par le moyen de cassation sous analyse-, et en retenant, dans un deuxième temps, après s’être livrés à une analyse détaillée des éléments de preuve à sa disposition, qu’au fond la culpabilité du prévenu est établie, les juges d’appel ont souverainement apprécié les faits et éléments de preuve du dossier, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Quant au deuxième moyen de cassation Tiré de la violation de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), de l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l’article 11 de la déclaration universelle des droits l’homme, en ce que l’arrêt attaqué a dit irrecevable l’appel du demandeur en cassation et l’a donc amputé de son droit à un recours effectif contre la décision défavorable du 17 juin 2022, alors que selon l’article 48 de la charte et des autres convention et pacte visés, 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, 2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé.
Le deuxième moyen de cassation, en faisant référence à une décision datée du 17 juin 2022 -décision à priori sans lien avec l’affaire en cause-, critique l’arrêt attaqué pour avoir déclaré l’appel irrecevable et pour avoir, de ce fait, privé le demandeur en cassation d’un recours effectif en lui refusant le droit de se défendre dans le cadre d’un procès en appel, contre une condamnation pénale prononcée à son égard en première instance.
Il échet de remarquer qu’en vérité l’arrêt attaqué n’a, ni déclaré l’appel irrecevable, ni visé une décision intervenue le 17 juin 2022.
Le deuxième moyen de cassation repose donc sur la prémisse manifestement erronée que l’appel interjeté par le demandeur en cassation contre le jugement de première instance aurait été « dit irrecevable ». L’arrêt entrepris n’a, par voie de conséquence, pas pu priver le demandeur en cassation d’un recours effectif en l’empêchant de faire présenter sa défense dans le cadre d’un procès en appel.
Par ailleurs, la « décision défavorable du 17 juin 2022 », -qui est supposée être comprise comme étant la décision de condamnation de première instance-, dont le fond n’a pas été rejugé en appel en raison de la prétendue irrecevabilité de l’appel prononcée par l’arrêt entrepris, est sans corrélation quelconque avec le présent dossier.
Le grief invoqué est dès lors empreint d’une erreur manifeste et il est, de ce fait, entièrement incohérent et dénué de tout rapport avec la décision attaquée.
Ce n’est finalement que dans le cadre de la discussion du moyen que le demandeur en cassation relance le reproche invoqué à l’appui de son moyen de nullité tiré du libellé obscur, et critique les magistrats d’appel de ne pas avoir tenu compte de son impossibilité de pouvoir préparer une défense utile due à l’imprévisibilité des dates et des longues périodes infractionnelles mises à sa charge.
A titre principal la soussignée considère que le deuxième moyen de cassation, dans la mesure où il repose sur une assertion erronée, c’est à dire sur un raisonnementfactuellement incorrect3 -l’appel du demandeur en cassation n’a pas été déclaré irrecevable par l’arrêt attaqué-, est étranger à la décision entreprise.
Le deuxième moyen de cassation est inopérant.
Votre Cour pourrait néanmoins tout aussi bien considérer, à l’instar de la réponse donnée à un moyen de cassation libellé en des termes identiques à celui sous analyse dans le présent dossier, qu’en se référant à une « décision défavorable du 17 juin 2022 » contre laquelle l’appel du demandeur en cassation aurait été « dit irrecevable », le moyen critique une décision non attaquée par le pourvoi.4 Considéré de ce point de vue, le deuxième moyen de cassation est irrecevable.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où Votre Cour viendrait à considérer que l’incohérence manifeste de la critique exprimée au moyen avec celle spécifiée dans le cadre de la discussion censée compléter le moyen ne soit pas de nature à le vider de toute pertinence, et qu’il puisse donc être fait abstraction de l’erreur factuelle sur laquelle repose la critique exprimée au moyen, la soussignée conclut au rejet du moyen par référence à une jurisprudence bien établie de Votre Cour en réponse à des moyens identique ou similaire à celui sous analyse dans le cadre du présent pourvoi.5 Il convient à cet égard de relever en premier lieu que, dans la mesure où la résolution de l’assemblée générale des Nations Unies réunie à Paris le 10 décembre 1948 constitue un acte à portée politique n’ayant qu’une valeur déclarative, la Déclaration universelle des droits de l’homme ne saurait être invoquée à l’appui d’un moyen de cassation tiré de la violation de la loi.
En second lieu doit-il être rappelé que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose en son article 51, paragraphe 1er, que les « dispositions de la […] Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». Dans la mesure où, en l’occurrence, les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appellent pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont étrangères au litige.
Le deuxième moyen de cassation, en ce qu’il est tiré de ces deux textes, est irrecevable.
3 Les faits mentionnés sont sans liens aucuns avec la réalité de l’affaire sous analyse.
4 Cour de cassation n°140/2024 pénal du 10.10.2024, n° CAS-2024-00017 du registre, réponse au quatrième moyen de cassation.
5 Cour de cassation n°56/2024 pénal du 28.03.2024, n°CAS-2023-00138 du registre, réponse au troisième et quatrième moyen ; Pour ce qui est de l’invocation des autres dispositions visées au moyen, à savoir l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, ainsi que l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui réaffirme les principes de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’il garantit un procès équitable, la soussignée renvoie à ses observations formulées au premier moyen de cassation de l’arrêt attaqué qui a retenu que le moyen de nullité tiré du libellé obscur de la citation à prévenu n’affecte pas la régularité de la procédure mais l’appréciation, par les juges du fond, des preuves de culpabilité.
Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées, le moyen ne tend dès lors qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond, des éléments de fait et de preuve leur soumis, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le second moyen de cassation ne saurait être accueilli.
Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Anita LECUIT 14