N° 197 / 2024 du 19.12.2024 Numéro CAS-2024-00040 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.
Composition:
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée CASTEGNARO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Guy CASTEGNARO, avocat à la Cour, et PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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Vu l’arrêt attaqué numéro 141/23-VIII-TRAV rendu le 9 novembre 2023 sous le numéro CAL-2022-01028 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 20 mars 2024 par la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à PERSONNE1.), déposé le 22 mars 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 16 mai 2024 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 17 mai 2024 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire intitulé « mémoire en réplique » signifié le 27 juin 2024 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 15 juillet 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Isabelle JUNG.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le président du Tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, siégeant en application de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail, avait déclaré non fondée la demande de PERSONNE1.), délégué du personnel, tendant au maintien de la rémunération au-delà du troisième mois suivant la notification de sa mise à pied dans l’attente de la solution définitive du litige et s’était déclaré incompétent ratione materiae pour connaître de la demande reconventionnelle de la société SOCIETE1.), présentée sur base de l’article L. 415-10, paragraphe 5, alinéa 1, du Code du travail, tendant à la résiliation du contrat de travail.
La Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail s’est déclarée incompétente ratione materiae pour connaître de l’appel interjeté par PERSONNE1.).
Sur la recevabilité Le défendeur en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation pour défaut d’intérêt dans le chef de la demanderesse en cassation, au motif que l’arrêt attaqué ne lui aurait pas porté préjudice.
Un pourvoi en cassation est irrecevable, faute d’intérêt dans le chef du demandeur en cassation, lorsqu’il est dirigé contre une décision qui ne lui fait pas grief. L’existence du grief s’apprécie par rapport aux conclusions prises, devant les juges du fond, par le demandeur en cassation.
L’arrêt attaqué, ayant déclaré irrecevable l’appel de PERSONNE1.), ne fait pas grief à la société SOCIETE1.), celle-ci s’étant limitée dans ses conclusions à demander acte qu’elle se réservait le droit de former appel incident contre la décision de première instance, sans pour autant former pareil appel incident.
Il s’ensuit que le pourvoi est irrecevable.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS la Cour de cassation déclare le pourvoi irrecevable ;
condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Maximilien LEHNEN, sur ses affirmations de droit.
Madame le conseiller Agnès ZAGO, président, étant dans l’impossibilité de signer, la minute du présent arrêt est signée, conformément à l’article 82 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, par le conseiller le plus ancien en rang ayant concouru à l’arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Marie-Laure MEYER en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation SOCIETE1.) S.A. c/ Monsieur PERSONNE1.) (affaire n° CAS-2024-00040 du registre) Par mémoire signifié le 20 mars 2024 à Monsieur PERSONNE1.) et déposé le 22 mars 2024 au greffe de Votre Cour, la société anonyme SOCIETE1.) S.A. (ci-après la société SOCIETE1.) S.A.) a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt 141/23-VIII-TRAV rendu contradictoirement le 9 novembre 2023 par la huitième chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail, sous le numéro CAL-2022-01028 du rôle.
Le 16 mai 2024, un mémoire en réponse a été signifié à la partie demanderesse en cassation et déposé au greffe de Votre Cour le 17 mai 2024.
La société SOCIETE1.) S.A. a finalement fait signifier à Monsieur PERSONNE1.) un mémoire en réplique en date du 27 juin 2024. Ledit mémoire a été déposé au greffe de Votre Cour le 15 juillet 2024.
Tant le pourvoi en cassation que les mémoires en réponse et en réplique ont été interjetés, respectivement signifiés et déposés dans les délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues par cette loi.
Le défendeur en cassation soulève, dans son mémoire en réponse, le défaut d’intérêt à agir en cassation de la société SOCIETE1.) S.A. et conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation.
Il fait valoir que la société SOCIETE1.) S.A. n’aurait subi aucune condamnation découlant de l’arrêt attaqué d’autant plus, qu’elle n’aurait pas relevé appel incident dans le cadre de la procédure d’appel en cause.
Or, il est rappelé qu’un intérêt, même minime, suffit à justifier un pourvoi en cassation1 y compris un intérêt éventuel ou par voie de conséquence2.
Aux termes de l’arrêt attaqué, les parties se sont mises d’accord afin de voir les débats limités à la question de la compétence de la huitième chambre, siégeant collégialement :
« Il y a lieu de donner acte aux parties litigantes de leur accord à voir limiter les débats à la question de la compétence de la Cour d’appel pour connaître de l’appel de PERSONNE1.) relevé par acte d’huissier de justice, voie à la question de la recevabilité de cet appel. ».
1 La cassation en matière civile, J. et L. Boré, Dalloz Action, 4e édition, n° 43.11 2 Idem, n°43.12 Dans le cas d’espèce, même si la société SOCIETE1.) S.A. n’a pas formé appel incident au regard de la limitation des débats décidée d’un commun accord entre les parties au litige, elle a bien un intérêt à se pourvoir en cassation, par voie de conséquence. En effet, la société SOCIETE1.) S.A à intérêt à voir réformer la décision de première instance en ce que le Président du Tribunal du travail s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en résiliation du contrat de travail du défendeur en cassation.
Les débats en appel s’étant limités d’un commun accord à la compétence de la huitième chambre de la Cour l’appel, le problème de la compétence du juge de première instance, avec toutes les conséquences qui en découlent, n’a pas été toisé en raison de la décision qui fait actuellement l’objet du recours en cassation. La partie demanderesse en cassation a partant subi un grief et a partant un intérêt à se pourvoir en cassation contre l’arrêt 141/23-VIII-TRAV rendu contradictoirement le 9 novembre 2023 par la huitième chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail, sous le numéro CAL-
2022-01028 du rôle.
Par conséquent, le pourvoi est recevable.
Faits et rétroactes PERSONNE1.) a été engagé par la société SOCIETE1.) S.A. en qualité d’opérateur de production, suivant contrat de travail à durée indéterminée conclu le 23 juillet 1997, et a été nommé délégué du personnel le 12 mars 2019 ainsi que délégué à la santé et à la sécurité en date du 24 juin 2020.
Par courrier recommandé du 17 mars 2022, la société SOCIETE1.) S.A. a notifié à PERSONNE1.) sa mise à pied avec effet immédiat pour faute grave en application des dispositions de l’article L. 415-10 (4) du Code du travail.
Par requête du 8 avril 2022, PERSONNE1.) a fait convoquer la société SOCIETE1.) S.A. devant le Président du Tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, sur base de l’article L. 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail, aux fins de voir condamner son employeur au maintien de son salaire au-delà du délai légal de trois mois, en attendant la solution définitive du litige relatif à la résolution de son contrat de travail. Dans le cadre de cette requête, le salarié reprochait à son employeur d’avoir invoqué les motifs servant à mise à pied pour faute grave, hors du délai légal d’un mois à compter du jour où il en aurait eu connaissance.
La société SOCIETE1.) S.A. a conclu au rejet de la demande et a formé, sur base de l’article L.415-10 (5) alinéa 1er du Code du travail une demande reconventionnelle tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu avec PERSONNE1.).
En date du 15 juillet 2022, le juge de paix directeur d’Esch-sur-Alzette, siégeant comme Président du Tribunal du travail, a rendu une ordonnance aux termes de laquelle il s’est déclaré incompétent ratione materiae pour connaître de la demande reconventionnelle et compétent pour connaître de la demande de PERSONNE1.) avant de déclarer celle-
ci recevable, mais non fondée. Cette ordonnance a été notifiée au requérant le 25 juillet 2022.
Par acte d’huissier du 5 septembre 2022, PERSONNE1.) a, à titre subsidiaire et conservatoire, relevé appel de l’ordonnance du 15 juillet 2022 pour le cas où l’appel interjeté par voie de requête déposée à la même date devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail, serait déclarée irrecevable.
En effet, il s’avère que parallèlement, PERSONNE1.) a relevé appel de la même ordonnance du juge de paix directeur d’Esch-sur-Alzette, siégeant comme Président du Tribunal du travail du 15 juillet 2022, par voie de requête déposée au greffe de la Cour en date du 12 septembre 2022. La société SOCIETE1.) S.A. a relevé appel incident de cette même ordonnance.
Par une ordonnance 20 octobre 2022, le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du travail, a déclaré les appels principal et incident irrecevables et a condamné PERSONNE1.) aux frais et dépens de l’instance3.
Par un arrêt 141/23-VIII-TRAV rendu contradictoirement le 9 novembre 2023, la huitième chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail, s’est déclarée incompétente ratione materiae pour connaître de l’appel et a condamné PERSONNE1.) aux frais et dépens de l’instance.
Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.
Sur le moyen d’incompétence à soulever d’office Il est proposé de soulever d’office un moyen de pur droit tiré de la violation de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que les magistrats de la huitième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière de droit du travail, se sont, dans leur arrêt, déclarés incompétents pour connaître de l’appel interjeté par voie d’assignation contre une ordonnance rendue en première instance par le Président de la juridiction de travail sur requête d’un délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, au motif que, à l’instar des affaires prévues aux articles L.415-10 (1) et L.415-10 (2) du Code du travail, le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, est seul compétent pour 3 Il y a lieu de préciser que cette décision fait également l’objet d’un recours en cassation enregistré sous le numéro CAS-2024-00039. La soussignée a conclu à la cassation de cette ordonnance dans ses conclusions du 14 novembre 2024.
connaître des affaires relatives aux demandes au maintien du salaire d’un délégué du personnel mis à pied, sur base de l’article L.415-10 (4) du Code du travail, alors que, au vu du silence de l’article L. 415-10, (4), alinéa 5, du Code du travail, l’appel contre les décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, est à porter, conformément au droit commun de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, devant la Cour d’appel, et non devant le Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail.
L’article L. 415-10 du Code du travail, anciennement l’article L. 415-11 du Code du travail, qui prévoit la protection spéciale des délégués du personnel, a été modifié par la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises4.
L’ancien article L. 415-11 (3) du Code du travail applicable avant ladite réforme, était rédigé en ces termes : : « Dans les huit jours de la notification de la mise à pied ou du licenciement irrégulier, le travailleur membre d’une délégation ou délégué-e à l’égalité peut saisir par simple requête le président de la juridiction du travail qui, statuant comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, se prononce sur le maintien ou la suspension de la rémunération, en attendant la solution définitive du litige. Cette disposition est susceptible d’appel dans les mêmes conditions que les jugements rendus par la juridiction du travail ; elle est exécutoire par provision, au besoin sur minute et avant l’enregistrement. ».
Sous l’empire du droit antérieur à la loi du 23 juillet 2015, l’article 415-11 (3) du Code du travail, l’ordonnance rendue par le Président de la juridiction du travail sur ce recours était donc susceptible d’un appel à porter devant la Cour d’appel dans sa forme classique.
Lors des débats sur le projet de loi n°6545 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises5, ni le Conseil le Conseil d’Etat ni la Commission du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, ni la Chambre de commerce ne se sont interrogés sur la question du principe et de la forme d’un appel contre la décision du Président du Tribunal du travail statuant sur ledit recours. La phrase concernant la voie de l’appel n’a pas été reprise par le législateur après la refonte du texte en 2015. Aucune justification n’a été avancée quant à ce retrait.
En matière de droit du travail, il existe plusieurs types de juridictions compétentes et de formes d’appels possibles :
4 Mémorial A, 2015, n° 144, page 2958.
5 Projet de loi n°6545 portant réforme du dialogue social à l'intérieur des entreprises et modifiant le Code du travail et la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le Registre de Commerce et des Sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, déposé le 25.02.2013 par la Commission du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. La loi amendée a été publiée le 27 juillet 2015 au Mémorial A, 2015, n° 144, page 2958.
- les appels qui sont portés, par simple requête, dans les quarante jours ou dans les quinze jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, et qui sont majoritaires6, - les appels qui sont portés dans les mêmes conditions, donc par assignation, que les appels portés contre les jugements rendus par la juridiction du travail, c’est-
à-dire devant la Cour d’appel7, et - les recours contre lesquels aucune précision n’a été donné par la législateur sur l’existence d’une voie d’appel, l’autorité compétente pour y statuer et la forme ainsi que le délai à respecter, dont celui visé à l’article 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail8.
Se pose dès lors la question de savoir si un appel est, dans ces derniers cas, légalement possible et, dans l’affirmative, quelle est la procédure applicable.
Il y a d’ores et déjà lieu de constater au vu de l’énumération ci-dessus, que la circonstance qu’un recours est à former devant le Président du Tribunal du travail n’implique pas forcément que l’appel est à former devant le Président de la chambre de la Cour d’appel compétente en matière de droit du travail, même s’il statue d’urgence et comme en matière sommaire.
Concernant la possibilité de former appel en l’absence d’une disposition spécifique prévoyant ce droit dans le texte définissant le recours, l’article 578 du Nouveau Code de procédure civile dispose que « la voie de l’appel est ouverte en toutes matières même gracieuses, contre les jugements de première instance s’il n’en est autrement disposé ».
Plus spécifiquement, l’article 150 du même Code dispose par ailleurs que « l’appel relevé des décisions des tribunaux du travail est porté devant la Cour d’appel », ce qui confirme le droit « commun » d’appel en matière de droit du travail, y compris celles rendues par le Président du Tribunal du travail, qui est une émanation de ce dernier.
Ainsi, même dans le silence de la loi, ces articles, pris ensemble, prévoient expressément un droit d’appel.
Quant à la procédure applicable à l’appel, l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile dispose que « l’appel est porté devant la Cour d’appel », qu’il « doit être interjeté sous peine de forclusion dans un délai de quarante jours à partir de la notification du jugement » et que « la procédure prévue par les articles 571 et suivants s’applique à la déclaration de l’appel ainsi qu’à l’instruction et au jugement de l’affaire ». Parmi ces articles figure l’article 584, qui dispose que « l’appel se fait par assignation dans les formes et délai de la loi sous peine de nullité ».
6 P.ex. : articles L. 166-2 (8), alinéa 2, L.234-46 (4), alinéa 8, L.241-8 alinéa 5, L.337-1 (1) alinéa 5.
7 Articles L. 337-1 (3) alinéa 3, L. 415-10 (5), alinéa 4, L. 425-4 (2) alinéa 2.
8 L’article L. 415-10 (5), alinéa 5 concerne le recours devant le Président de la juridiction du travail aux fins de voir ordonner la continuation de l’exécution du contrat de travail par un délégué du personnel mis à pied pour faute grave dont l’employeur n’engage pas dans les délais une demande en résolution judiciaire du contrat de travail.
Outre les articles susmentionnés qui définissent le droit commun de l’appel, le Code du travail prévoit explicitement des cas dans lesquels l’appel est à interjeter par assignation devant la Cour d’appel et notamment :
- le recours aux fins de se prononcer sur le maintien ou la suspension du salaire d’une salariée en état de grossesse qui a été mise à pied pour faute grave ou licenciée de façon irrégulière9 ou du membre du comité mixte d’entreprise mis à pied pour faute grave10 ou - le recours aux fins de se prononcer à la demande de l’employeur sur la résolution judiciaire du contrat de travail d’un délégué du personnel mis à pied pour faute grave11.
Dans le cas de la salariée en état de grossesse, l’article L.337-1 du Code du travail prévoit même deux types d’appel. Celui interjeté en matière de nullité du licenciement est attribué au magistrat de la Cour d’appel présidant la chambre du travail et celui interjeté en matière de suspension ou maintien du salaire est dévolu à la Cour d’appel.
Ces deux recours sont à porter en première instance devant le Président du Tribunal du travail et ils sont à juger comme en matière sommaire. Les appels contre ces décisions sont pourtant confiés en appel à deux formations de juridiction différentes. La seule explication plausible de cette distinction retenue, manifestement à dessein, par le législateur dans le cadre d’un même article, tient à l’objet du recours et à l’étendue du pouvoir d’appréciation confié au juge.
Dans le cas d’espèce, les juges de la huitième chambre de la Cour d’appel, ont, pour asseoir leur décision d’incompétence à connaître de l’appel intenté par la partie défenderesse en cassation, considéré que « L’article 578 du NCPC dispose que « la voie de l’appel est ouverte en toutes matières même gracieuses, contre les jugements de première instance s’il n’en est autrement disposé ». L’article L.415-10 du Code du travail ne contenant aucune disposition en sens contraire, il convient de retenir que la voie de l’appel est ouverte contre les ordonnances rendues par le président de la juridiction du travail par rapport à une demande en maintien du salaire d’un délégué du personnel mis à pied.
Quant à la procédure applicable à l’appel, il est vrai que l’article 150 du NCPC dispose que « l'appel relevé des décisions des tribunaux du travail est porté devant la Cour d'appel », que « l’appel doit être interjeté sous peine de forclusion dans un délai de quarante jours à partir de la notification du jugement, (…), et que « la procédure prévue par les articles 571 et suivants s'applique à la déclaration de l'appel ainsi qu'à l'instruction et au jugement de l'affaire ».
9 Article L. 337-1, paragraphe 3, alinéa 1.
10 Article L. 425-4, paragraphe 2, alinéa 2.
11 Article L. 415-10, paragraphe 5, alinéa 1 du Code du travail. La compétence pour statuer sur cette demande appartient, en première instance, au Tribunal du travail, et non au Président de ce tribunal.
Il importe de rappeler que les affaires prévues à l’article L.415-10 (1) alinéa 2, L.415-
10 (2) alinéa 2 et L.415-10 (4) alinéa 5, du Code du travail qui concerne la demande en maintien du salaire du délégué du personnel mis à pied, sont jugées en première instance en urgence et comme en matière sommaire par le président de la juridiction de travail.
Il résulte des considérations qui précèdent, que les affaires prévues aux articles L.415-
10 (1) et L.415-10 (2) sont soumises aux mêmes règles en instance d’appel.
A l’instar des affaires ayant trait à un recours en nullité d’un licenciement d’un délégué du personnel, ainsi qu’à un recours en cessation d’une modification unilatérale d’une clause essentielle du contrat de travail d’un délégué du personnel, les affaires concernant le maintien du salaire d’un délégué du personnel mis à pied visées par l’article L.415-10 (4) du Code du travail sont des affaires qui, de par leur nature requièrent célérité, et partant une évacuation rapide sur le plan juridictionnel, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’attribuer pour ces affaires une compétence matérielle en instance d’appel à une juridiction autre que celle pour les affaires visées par les articles L.415-
10 (1) et L.415-10 (2) ( voir en ce sens Cour d’appel, 29 avril 2021, n°47/21, rôle Cal-
2020-00993). » Outre le silence de la loi sur la voie de l’appel dans le cadre du recours prévu par l’article L. 415-10 (4) alinéa 5, il appert de cet arrêt du 9 novembre 2023 qui est actuellement querellé devant Vous, que les rares décisions jurisprudentielles de la Cour d’appel sur cette question contiennent des interprétations tenant au parallélisme des procédure de première instance et des instances d’appel, de la célérité nécessaire dans certaines matières et des références à des articles relatifs à certaines procédures applicables en matière de protection spéciale des délégués.
Ainsi, dans l’arrêt numéro 47/21 du 29 avril 202112 cité dans la décision attaquée, la troisième chambre de la Cour d’appel, siégeant en composition collégiale, en matière de droit du travail, avait été saisie, par voie d’assignation, d’un appel d’un délégué du personnel dirigé contre une ordonnance rendue par la Président du Tribunal du travail ayant constaté la régularité de la mise à pied et ayant rejeté la demande en maintien du salaire au-delà de la durée de trois mois en attendant la solution définitive du litige relative à la résolution du contrat de travail.
Les juges d’appel s’étaient déclarés incompétents pour connaître de l’appel interjeté par le délégué du personnel, en invoquant les éléments suivants :
« Il est indéniable que l’article L.415-10 (4), et plus spécialement son alinéa 5, ne précise pas si la décision du président du tribunal du travail est susceptible d’appel et, dans l’affirmative, devant quelle juridiction, dans quelle forme et dans quel délai cet appel est à former.
12 Arrêt n°47/21 – III – TRAV du 29 avril 2021, n° CAL-2020-00993 du rôle Quant à la possibilité de former appel, l’article 578 du Nouveau Code de procédure civile dispose que : « la voie de l’appel est ouverte en toutes matières même gracieuses, contre les jugements de première instance s’il n’en est autrement disposé ».
L’article 150 du même Code indique par ailleurs que : « l’appel relevé des décisions des tribunaux du travail est porté devant la Cour d’appel », ce qui confirme le droit d’appel contre ces décisions, y compris celles rendues par le président du tribunal du travail, qui est une émanation de ce dernier.
L’appel est en l’occurrence possible.
Quant à la forme de cet appel et au point de savoir devant quelle juridiction il doit être formé, la Cour relève, sur base des décisions judiciaires rendues avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises et modifiant le Code du travail ainsi que la loi modifiée du 19 décembre 2001 concernant le registre de Commerce et des Sociétés, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, que la compétence pour connaître des litiges ayant trait aux délégués du personnel, qui ont été licenciés, était déjà dévolue en appel au Président de la chambre de la Cour ayant à connaître des affaires de droit du travail et non à la chambre de la Cour d’appel prise dans sa collégialité.
Le législateur n’a pas entendu modifier cette compétence lors de l’introduction du nouvel article L. 415-10 dans le Code du travail.
Celle-ci s’explique par ailleurs par le fait, qu’en première instance, les susdites affaires sont portées en vertu des articles L.415-10 (1) alinéa 2 et (2) alinéa 2, par simple requête devant le Président de la juridiction du travail, qui « statue d’urgence et comme en matière sommaire ».
Les affaires prévues à l’article L.415-10 du Code du travail qui sont introduites, instruites et jugées en première instance en urgence et comme en matière sommaire sont soumises aux mêmes règles de procédure en instance d’appel.
S’agissant d’affaires qui, de par leur nature, requièrent célérité et partant une évacuation rapide sur le plan juridictionnel, il n’y a pas lieu d’attribuer une compétence matérielle en instance d’appel à une autre juridiction pour les litiges prévus sub 2, que pour les litiges prévus sub 1.
Il s’ensuit que le Président de la chambre de la Cour d’appel ayant à connaître des affaires de droit du travail est seul compétent pour connaître de l’affaire sur base de l’article L.415-10 du Code du travail.
La chambre de la Cour d’appel ayant dans ses attributions le droit du travail, prise dans sa collégialité, est incompétente pour connaître de la demande de PERSONNE2.).
Par ailleurs, PERSONNE2.) aurait dû interjeter appel de l’ordonnance rendu en date du 24 septembre 2020 par voie de requête. ».
La troisième chambre de la Cour d’appel indique dans son arrêt qu’ « avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises et modifiant le Code du travail, la compétence pour connaître des litiges ayant trait aux délégués du personnel, qui ont été licenciés, était déjà dévolue en appel au Président de la chambre de la Cour ayant à connaître des affaires de droit du travail et non à la chambre de la Cour d’appel prise dans sa collégialité ». Cette affirmation est correcte en ce qui a trait au licenciement d’un délégué du personnel 13, mais dans cette hypothèse l’appel était, et est toujours, expressément prévu par le texte, ce qui n’est pas le cas pour le recours exercé par un délégué pour le maintien du salaire au-delà des trois mois depuis la réforme de 2015.
Les juges d’appel ont encore estimé que le silence de la loi sur la voie et la procédure à respecter en appel des recours prévus dans la nouvelle mouture de l’article L. 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail, s’expliquerait par le fait que le législateur n’aurait pas eu la volonté de modifier la compétence dévolue au Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. Cette compétence serait dictée par la nature même des affaires relatives aux délégués du personnel qui requièrent une célérité particulière et par le fait que ces affaires sont dévolues en première instance au Président de la juridiction du travail qui juge en urgence et comme en matière sommaire. Dans le même arrêt, il est indiqué que l’appel aurait dû être interjeté par voie de requête, comme en première instance.
Dans l’arrêt qui est désormais soumis à Votre examen, les juges de la huitième chambre de la Cour d’appel, siégeant en composition collégiale, en matière de droit du travail, se sont déclarés incompétents pour connaître de l’appel interjeté par Monsieur PERSONNE1.), par voie d’assignation, contre l’ordonnance ayant rejeté sa demande en maintien de son salaire au-delà de la période de trois mois en attendant la solution définitive au litige relatif à la résolution de son contrat de travail, en reprenant, en grande partie, la motivation de l’arrêt numéro 47/21 rendu le 29 avril 2021 par la troisième chambre de la Cour d’appel.
13 Ancien article L. 415-11 (1) du Code du travail disposait que « Pendant la durée de leur mandat, les membres titulaires et suppléants des différentes délégations du personnel, le/la délégué-e à l’égalité et le/la délégué-e à la sécurité ne peuvent être licencié-e-s; le licenciement notifié par l’employeur à un de ces délégués ou, le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable sont nuls et sans effet. Dans les quinze jours qui suivent la résiliation du contrat, le salarié peut demander, par simple requête, au président de la juridiction du travail qui statue d’urgence et comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, de constater la nullité du licenciement et d’ordonner son maintien, ou le cas échéant, sa réintégration conformément aux dispositions de l’article L. 124-12. L’ordonnance du président de la juridiction du travail est exécutoire par provision ; elle est susceptible d’appel qui est porté par simple requête, dans les quarante jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. Il est statué d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées. ».
Toutefois, ils ont encore cité à l’appui de leur motivation, un autre arrêt de cassation numéro 63/2018 du 14 juin 2018, numéro 3984 du registre, aux termes duquel il a été décidé que la compétence pour connaître de la cessation d’une modification unilatérale d’une clause essentielle du contrat de travail d’un délégué du personnel en instance d’appel est dévolue, comme pour le licenciement d’un délégué du personnel, au magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail.
Là encore, cette analyse est correcte en ce qui a trait à la modification d’une clause substantielle du contrat de travail d’un délégué du personnel, équivalent à un licenciement 14, mais dans cette hypothèse, l’appel est expressément prévu par le texte, ce qui n’est pas le cas pour le recours exercé par un délégué pour le maintien du salaire au-delà des trois mois, recours prévu par l’article 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail.
Une autre décision est venue compliquer le régime d’appel des décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel en vertu de l’article 415-10 (49 du Code du travail, à savoir l’ordonnance 107/22-III-TRAV rendue contradictoirement le 20 octobre 2022 par le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du travail, sous le numéro CAL-2022-00884 du rôle. Cette décision fait actuellement l’objet d’un recours en cassation15.
Aux termes de cette décision, le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel, siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du travail, s’est implicitement mais nécessairement déclaré compétent pour connaître du recours de Monsieur PERSONNE1.), mais il a déclaré l’appel irrecevable estimant que, dans le silence de la loi, les règles du droit commun de l’appel s’appliquaient à la forme de l’appel des ordonnances rendues conformément à l’article 415-10 (4) du Code du travail. Pour soutenir son raisonnement, il fait encore expressément référence à l’article L. 337-1 (3) du Code du travail applicable en cas de recours d’une femme enceinte, mise à pied ou licenciée, en vue du maintien du salaire au-delà de la période de trois mois, aux termes duquel « l’ordonnance du président de la juridiction du travail est susceptible d’appel dans les mêmes conditions que les jugements rendus par la juridiction du travail », afin de conclure qu’une assignation par voie d’huissier est nécessaire afin de rendre l’appel recevable.
Il y a lieu de remarquer qu’au vu des divergences d’interprétation des juges de la Cour d’appel et du regrettable silence du législateur concernant le principe, la forme et le délai de l’appel contre le recours prévu à l’article L. 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail, une insécurité juridique intolérable s’est dessinée peu à peu après l’adoption de la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises.
La soussignée considère, au vu des développements susmentionnés, que le droit commun de l’appel en matière de droit du travail trouve à s’appliquer dans le cadre des 14 Article L. 415-10 (1) et (2) du Code du travail 15 Recours CAS-2024-00039 du registre.
recours contre les décisions prises en vertu de l’article 415-10 (4) du Code du travail.
Cette solution se déduit, dans le silence de la loi, de l’application de la combinaison des articles 578 et 150 du Nouveau Code de procédure civile pour le principe de l’appel, les article 584 et 585 du même code en ce qui concerne la forme de l’acte d’appel et l’article 571 du même code en ce qui a trait au délai d’appel.
En outre, en matière de protection de la femme enceinte, le recours prévu par l’article L. 337-1 (3) du Code du travail en vue du maintien du salaire au-delà de la période de trois mois jusqu’à la solution quant à la résolution du contrat de travail est identique et constitue une indication juridiquement forte plaidant en faveur d’un appel par voie d’assignation devant la chambre de la Cour d’appel, en sa forme collégiale, siégeant en matière de droit du travail.
La compétence du juge d’appel des décisions en matière de droit du travail est d’ordre public et constitue, en matière de cassation, un motif de pur droit16 qui doit être soulevé d’office, même si les parties demanderesse et défenderesse ne soulèvent pas dans leurs mémoires respectifs.
En se déclarant incompétente pour connaître de l’appel dirigé contre une ordonnance rendue en première instance par le Président de la juridiction de travail rendue sur requête d’un délégué du personnel en vertu de l’article 415-10 (4) du Code du travail, en considérant qu’à l’instar des affaires prévues aux articles L.415-10 (1) et L.415-10 (2) du Code du travail, le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, est seul compétent pour connaître des affaires relatives aux demandes au maintien du salaire d’un délégué du personnel mis à pied, sur base de l’article L.415-10 (4) du Code du travail, alors que, au vu du silence de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail, l’appel contre les décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, est à porter, conformément au droit commun de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, devant la Cour d’appel et non devant le Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, la huitième chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail a violé l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile. Partant l’arrêt encourt la cassation.
Au vu des développements ci-dessus, il n’y a pas lieu de répondre aux deux premiers moyens de cassation invoqués par la partie demanderesse en cassation qui ont le même objet que le moyen d’office, de pur droit, mais dont la base légale est inopérante.
16 Cf. C. Cass. No 17/05 du 10 mars 2005, Numéro 2168 du registre, sur conclusions de Monsieur Pierre SCHMIT, Procureur général d’Etat adjoint.
Quant au troisième moyen de cassation ayant trait à une violation de l’article 15 de la Constitution, il y a lieu de le déclarer sans objet dans l’hypothèse où Votre Cour devait soulever le moyen d’office et de pur droit. Dans ce cas, la question de la conformité de l’article 415-10 (4) du Code du travail au principe d’égalité devant la loi ne se pose pas en cas de compétence de la formation collégiale de la Cour d’appel, siégeant en matière de droit du travail pour toiser l’appel dirigé contre une ordonnance rendue en première instance par le Président de la juridiction de travail sur requête d’un délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable.
Il y a lieu de relever d’office et de déclarer fondé le moyen de pur droit suivant :
- le moyen d’office, de pur droit, tiré de la violation de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que les magistrats de la huitième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière de droit du travail, se sont, dans leur arrêt, déclarés incompétents pour connaître de l’appel interjeté par voie d’assignation contre une ordonnance rendue en première instance par le Président de la juridiction de travail sur requête d’un délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, au motif que, à l’instar des affaires prévues aux articles L.415-10 (1) et L.415-10 (2) du Code du travail, le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, est seul compétent pour connaître des affaires relatives aux demandes au maintien du salaire d’un délégué du personnel mis à pied, sur base de l’article L.415-10 (4) du Code du travail, alors que, au vu du silence de l’article L. 415-10, (4), alinéa 5, du Code du travail, l’appel contre les décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, est à porter, conformément au droit commun de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, devant la Cour d’appel, et non devant le Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, et de casser l’arrêt 141/23-VIII-TRAV rendu contradictoirement le 9 novembre 2023 par la huitième chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail, sous le numéro CAL-2022-01028 du rôle.
Pour le Procureur général d’État Premier avocat général Isabelle JUNG 16