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19/12/2024 | LUXEMBOURG | N°196/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 décembre 2024, 196/24


N° 196 / 2024 du 19.12.2024 Numéro CAS-2024-00039 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
>ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de comme...

N° 196 / 2024 du 19.12.2024 Numéro CAS-2024-00039 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée CASTEGNARO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Guy CASTEGNARO, avocat à la Cour, et PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’ordonnance attaquée numéro 107/22-III-TRAV rendue le 20 octobre 2022 sous le numéro CAL-2022-00884 du rôle en matière de délégation du personnel en application de l’article L. 415-10 du Code du travail par le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 20 mars 2024 par la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à PERSONNE1.), déposé le 22 mars 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 16 mai 2024 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 17 mai 2024 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire en réplique » signifié le 27 juin 2024 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 15 juillet 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Isabelle JUNG.

Sur les faits Selon l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal du travail d’Esch-sur-

Alzette, siégeant en application de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail, avait déclaré non fondée la demande de PERSONNE1.), délégué du personnel, tendant au maintien de la rémunération au-delà du troisième mois suivant la notification de sa mise à pied dans l’attente de la solution définitive du litige et s’était déclaré incompétent ratione materiae pour connaître de la demande reconventionnelle de la société SOCIETE1.), présentée sur base de l’article L. 415-

10, paragraphe 5, alinéa 1, du Code du travail, tendant à la résiliation du contrat de travail.

Le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail a déclaré irrecevables les appels principal de PERSONNE1.) et incident de la société SOCIETE1.) au motif que l’appel au principal avait été introduit par voie de requête, au lieu de l’être par exploit d’huissier de justice comportant constitution d’avocat à la Cour.

Sur la recevabilité Le défendeur en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation pour défaut d’intérêt dans le chef de la demanderesse en cassation, au motif que l’ordonnance attaquée ne lui aurait pas porté préjudice.

Le pourvoi en cassation n’est recevable que si le demandeur en cassation a intérêt à agir.

Il résulte de l’ordonnance attaquée que l’appel incident de la société SOCIETE1.) tendait à voir réformer l’ordonnance de première instance en ce que le président du Tribunal du travail s’était déclaré incompétent pour connaître de sa demande en résiliation du contrat de travail qui la liait au défendeur en cassation.

L’ordonnance, en ce qu’elle a déclaré l’appel incident de la demanderesse en cassation irrecevable, lui fait grief, si bien que la société SOCIETE1.) a intérêt à agir.

Il s’ensuit que le pourvoi, par ailleurs régulier quant à la forme et au délai, est recevable.

Sur le moyen d’ordre public proposé par le Ministère public qui est préalable « Tiré de la violation de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail a, dans l’ordonnance attaquée, décidé que l’appel principal était irrecevable, au motif qu’il avait été introduit par requête et non par exploit d’huissier de justice, ce qui implique, implicitement mais nécessairement, qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur l’appel formé devant lui, alors que, au vu du silence de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail, l’appel contre les décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, est à porter, conformément au droit commun de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, devant la Cour d’appel, et non devant le Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. ».

Réponse de la Cour L’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail dispose « Dans le mois qui suit la mise à pied, le délégué peut demander, par simple requête, au président de la juridiction du travail qui statue d’urgence et comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, de se prononcer sur le maintien ou la suspension du salaire au-delà de la durée de trois mois, en attendant la solution définitive du litige. ».

Vu l’article 150, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile qui dispose « L’appel relevé des décisions des tribunaux du travail est porté devant la Cour d’appel. ».

Le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail s’est, implicitement, déclaré compétent pour statuer sur base de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail en retenant qu’il avait été irrégulièrement saisi de l’appel interjeté par voie de requête.

L’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail ne contient pas de disposition relative à l’existence d’une voie d’appel et à la juridiction compétente pour en connaître.

Le droit d’appel, en toutes matières, contre les jugements de première instance, sauf s’il en est autrement disposé, découle de l’article 578 du Nouveau Code de procédure civile.

En l’absence d’une disposition légale spécifique déterminant la juridiction compétente pour connaître de l’appel d’une décision rendue sur base de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail, la disposition de droit commun de l’article 150, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile s’applique.

Par conséquent, l’appel contre une décision rendue sur base de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail doit être porté devant la chambre de la Cour d’appel siégeant en matière de droit du travail.

Il s’ensuit que l’ordonnance encourt la cassation.

Eu égard à la réponse donnée au moyen, il n’y a pas lieu à renvoi.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Le défendeur en cassation étant à condamner aux frais et dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens de cassation, la Cour de cassation casse et annule, sans renvoi, l’ordonnance attaquée numéro 107/22-III-

TRAV, rendue le 20 octobre 2022 sous le numéro CAL-2022-00884 du rôle par le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis ;

rejette la demande du défendeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le défendeur en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée CASTEGNARO, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’ordonnance annulée.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation SOCIETE1.) S.A. c/ Monsieur PERSONNE1.) (affaire n° CAS 2024-00039 du registre) Par mémoire signifié le 20 mars 2024 à Monsieur PERSONNE1.) et déposé le 22 mars 2024 au greffe de Votre Cour, la société anonyme SOCIETE1.) S.A. (ci-après la société SOCIETE1.) S.A.) a formé un pourvoi en cassation contre une ordonnance 107/22-III-

TRAV rendue contradictoirement le 20 octobre 2022 par le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du travail, sous le numéro CAL-2022-00884 du rôle.

La partie défenderesse en cassation a fait signifier cette ordonnance par voie d’huissier à la société SOCIETE1.) S.A. en date du 22 janvier 2024.

Le 20 mars 2024, un mémoire en cassation a été signifié au défendeur en cassation et le 22 mars 2024 ledit mémoire a été déposé au greffe de Votre Cour.

Le 16 mai 2024, un mémoire en réponse a été signifié à la partie demanderesse en cassation et déposé au greffe de Votre Cour le 17 mai 2024.

La société SOCIETE1.) S.A. a finalement fait signifier à Monsieur PERSONNE1.) un mémoire en réplique en date du 27 juin 2024. Ledit mémoire a été déposé au greffe de Votre Cour le 15 juillet 2024.

Tant le pourvoi en cassation que les mémoires en réponse et en réplique ont été interjetés, respectivement signifiés et déposés dans les délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues par cette loi.

Le défendeur en cassation soulève le défaut d’intérêt à agir en cassation de la société SOCIETE1.) S.A. et conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation.

Il fait valoir que la société SOCIETE1.) S.A. n’aurait subi aucune condamnation découlant de l’ordonnance attaquée voire, que le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel, siégeant en application de l’article 415-10 du Code du travail, aurait même rendu une décision conforme à ses conclusions en déclarant l’appel de Monsieur PERSONNE1.) irrecevable.

Or, il est rappelé qu’un intérêt, même minime, suffit à justifier un pourvoi en cassation1 y compris un intérêt éventuel ou par voie de conséquence2.

1 La cassation en matière civile, J. et L. Boré, Dalloz Action, 4e édition, n° 43.11 2 Idem, n°43.12 Dans le cas d’espèce, la société SOCIETE1.) S.A. a bien un intérêt à se pourvoir en cassation, par voie de conséquence, dès lors que la société SOCIETE1.) S.A. a interjeté appel incident de l’ordonnance de première instance afin de voir réformer la décision de première instance en ce que le Président du Tribunal du travail s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en résiliation du contrat de travail du défendeur en cassation.

Les débats en appel s’étant limités d’un commun accord à la recevabilité de l’appel, le problème de la compétence du juge de première instance, avec toutes les conséquences qui en découlent, n’a pas été toisé en raison de la décision d’irrecevabilité des appels principal et incident. La partie demanderesse en cassation a partant subi un grief par suite de la décision d’irrecevabilité prise en appel, et a partant un intérêt à se pourvoir en cassation contre l’ordonnance rendue le 15 juillet 2022, sous le numéro 1470/2022, par le Juge de paix directeur d’Esch-sur-Alzette, siégeant comme Président du Tribunal du travail.

Par conséquent, le pourvoi est recevable.

Faits et rétroactes PERSONNE1.) a été engagé par la société SOCIETE1.) S.A. en qualité d’opérateur de production, suivant contrat de travail à durée indéterminée conclu le 23 juillet 1997, et a été nommé délégué du personnel le 12 mars 2019 ainsi que délégué à la santé et à la sécurité en date du 24 juin 2020.

Par courrier recommandé du 17 mars 2022, la société SOCIETE1.) S.A. a notifié à PERSONNE1.) sa mise à pied avec effet immédiat pour faute grave en application des dispositions de l’article L. 415-10 (4) du Code du travail.

Par requête du 8 avril 2022, PERSONNE1.) a fait convoquer la société SOCIETE1.) S.A. devant le Président du Tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, sur base de l’article L. 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail, aux fins de voir condamner son employeur au maintien de son salaire au-delà du délai légal de trois mois, en attendant la solution définitive du litige relatif à la résolution de son contrat de travail. Dans le cadre de cette requête, le salarié reprochait à son employeur d’avoir invoqué les motifs servant à mise à pied pour faute grave, hors du délai légal d’un mois à compter du jour où il en aurait eu connaissance.

La société SOCIETE1.) S.A. a conclu au rejet de la demande et a formé, sur base de l’article L.415-10 (5) alinéa 1er du Code du travail une demande reconventionnelle tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu avec PERSONNE1.).

En date du 15 juillet 2022, le juge de paix directeur d’Esch-sur-Alzette, siégeant comme Président du Tribunal du travail, a rendu une ordonnance aux termes de laquelle il s’est déclaré incompétent ratione materiae pour connaître de la demande reconventionnelle et compétent pour connaître de la demande de PERSONNE1.) avant de déclarer celle-

ci recevable, mais non fondée. Cette ordonnance a été notifiée au requérant le 25 juillet 2022.

Par requête déposée au greffe de la Cour en date du 12 septembre 2022, PERSONNE1.) a relevé appel de l’ordonnance du 15 juillet 2022. La société SOCIETE1.) S.A. a relevé appel incident.

Par une ordonnance 20 octobre 2022, le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du travail, a déclaré les appels principal et incident irrecevables et a condamné PERSONNE1.) aux frais et dépens de l’instance.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cette ordonnance.

Sur le moyen d’incompétence à soulever d’office, Il est proposé de soulever d’office un moyen de pur droit tiré de la violation de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail a, dans l’ordonnance attaquée, décidé que l’appel principal était irrecevable, au motif qu’il avait été introduit par requête et non par exploit d’huissier de justice, ce qui implique, implicitement mais nécessairement, qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur l’appel formé devant lui, alors que, au vu du silence de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail, l’appel contre les décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, est à porter, conformément au droit commun de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, devant la Cour d’appel, et non devant le Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail.

L’article L. 415-10 du Code du travail, anciennement l’article L. 415-11 du Code du travail, qui prévoit la protection spéciale des délégués du personnel, a été modifié par la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises3.

L’ancien article L. 415-11 (3) du Code du travail applicable avant ladite réforme, était rédigé en ces termes : : « Dans les huit jours de la notification de la mise à pied ou du licenciement irrégulier, le travailleur membre d’une délégation ou délégué-e à l’égalité peut saisir par simple requête le président de la juridiction du travail qui, statuant comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, se prononce sur le maintien ou la suspension de la rémunération, en attendant la solution définitive 3 Mémorial A, 2015, n° 144, page 2958.

du litige. Cette disposition est susceptible d’appel dans les mêmes conditions que les jugements rendus par la juridiction du travail ; elle est exécutoire par provision, au besoin sur minute et avant l’enregistrement. ».

Sous l’empire du droit antérieur à la loi du 23 juillet 2015, l’article 415-11 (3) du Code du travail, l’ordonnance rendue par le Président de la juridiction du travail sur ce recours était donc susceptible d’un appel à porter devant la Cour d’appel dans sa forme classique.

Lors des débats sur le projet de loi n°6545 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises4, ni le Conseil le Conseil d’Etat ni la Commission du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, ni la Chambre de commerce ne se sont interrogés sur la question du principe et de la forme d’un appel contre la décision du Président du Tribunal du travail statuant sur ledit recours. La phrase concernant la voie de l’appel n’a pas été reprise par le législateur après la refonte du texte en 2015. Aucune justification n’a été avancée quant à ce retrait.

En matière de droit du travail, il existe plusieurs types de juridictions compétentes et de formes d’appels possibles :

- les appels qui sont portés, par simple requête, dans les quarante jours ou dans les quinze jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, et qui sont majoritaires5, - les appels qui sont portés dans les mêmes conditions, donc par assignation, que les appels portés contre les jugements rendus par la juridiction du travail, c’est-

à-dire devant la Cour d’appel6, et - les recours contre lesquels aucune précision n’a été donné par la législateur sur l’existence d’une voie d’appel, l’autorité compétente pour y statuer et la forme ainsi que le délai à respecter, dont celui visé à l’article 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail7.

Se pose dès lors la question de savoir si un appel est, dans ces derniers cas, légalement possible et, dans l’affirmative, quelle est la procédure applicable.

Il y a d’ores et déjà lieu de constater au vu de l’énumération ci-dessus, que la circonstance qu’un recours est à former devant le Président du Tribunal du travail 4 Projet de loi n°6545 portant réforme du dialogue social à l'intérieur des entreprises et modifiant le Code du travail et la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le Registre de Commerce et des Sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, déposé le 25.02.2013 par la Commission du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. La loi amendée a été publiée le 27 juillet 2015 au Mémorial A, 2015, n° 144, page 2958.

5 P.ex. : articles L. 166-2 (8), alinéa 2, L.234-46 (4), alinéa 8, L.241-8 alinéa 5, L.337-1 (1) alinéa 5.

6 Articles L. 337-1 (3) alinéa 3, L. 415-10 (5), alinéa 4, L. 425-4 (2) alinéa 2.

7 L’article L. 415-10 (5), alinéa 5 concerne le recours devant le Président de la juridiction du travail aux fins de voir ordonner la continuation de l’exécution du contrat de travail par un délégué du personnel mis à pied pour faute grave dont l’employeur n’engage pas dans les délais une demande en résolution judiciaire du contrat de travail.

n’implique pas forcément que l’appel est à former devant le Président de la chambre de la Cour d’appel compétente en matière de droit du travail, même s’il statue d’urgence et comme en matière sommaire.

Concernant la possibilité de former appel en l’absence d’une disposition spécifique prévoyant ce droit dans le texte définissant le recours, l’article 578 du Nouveau Code de procédure civile dispose que « la voie de l’appel est ouverte en toutes matières même gracieuses, contre les jugements de première instance s’il n’en est autrement disposé ».

Plus spécifiquement, l’article 150 du même Code dispose par ailleurs que « l’appel relevé des décisions des tribunaux du travail est porté devant la Cour d’appel », ce qui confirme le droit « commun » d’appel en matière de droit du travail, y compris celles rendues par le Président du Tribunal du travail, qui est une émanation de ce dernier.

Ainsi, même dans le silence de la loi, ces articles, pris ensemble, prévoient expressément un droit d’appel.

Quant à la procédure applicable à l’appel, l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile dispose que « l’appel est porté devant la Cour d’appel », qu’il « doit être interjeté sous peine de forclusion dans un délai de quarante jours à partir de la notification du jugement » et que « la procédure prévue par les articles 571 et suivants s’applique à la déclaration de l’appel ainsi qu’à l’instruction et au jugement de l’affaire ». Parmi ces articles figure l’article 584, qui dispose que « l’appel se fait par assignation dans les formes et délai de la loi sous peine de nullité ».

Outre les articles susmentionnés qui définissent le droit commun de l’appel, le Code du travail prévoit explicitement des cas dans lesquels l’appel est à interjeter par assignation devant la Cour d’appel et notamment :

- le recours aux fins de se prononcer sur le maintien ou la suspension du salaire d’une salariée en état de grossesse qui a été mise à pied pour faute grave ou licenciée de façon irrégulière8 ou du membre du comité mixte d’entreprise mis à pied pour faute grave9 ou - le recours aux fins de se prononcer à la demande de l’employeur sur la résolution judiciaire du contrat de travail d’un délégué du personnel mis à pied pour faute grave10.

Dans le cas de la salariée en état de grossesse, l’article L.337-1 du Code du travail prévoit même deux types d’appel. Celui interjeté en matière de nullité du licenciement est attribué au magistrat de la Cour d’appel présidant la chambre du travail et celui interjeté en matière de suspension ou maintien du salaire est dévolu à la Cour d’appel.

Ces deux recours sont à porter en première instance devant le Président du Tribunal du 8 Article L. 337-1, paragraphe 3, alinéa 1.

9 Article L. 425-4, paragraphe 2, alinéa 2.

10 Article L. 415-10, paragraphe 5, alinéa 1 du Code du travail. La compétence pour statuer sur cette demande appartient, en première instance, au Tribunal du travail, et non au Président de ce tribunal.

travail et ils sont à juger comme en matière sommaire. Les appels contre ces décisions sont pourtant confiés en appel à deux formations de juridiction différentes. La seule explication plausible de cette distinction retenue, manifestement à dessein, par le législateur dans le cadre d’un même article, tient à l’objet du recours et à l’étendue du pouvoir d’appréciation confié au juge.

Outre le silence de la loi sur la voie de l’appel dans le cadre du recours prévu par l’article L. 415-10 (4) alinéa 5, il appert que les rares décisions jurisprudentielles de la Cour d’appel sur cette question contiennent des interprétations tenant au parallélisme des procédure de première instance et des instances d’appel, de la célérité nécessaire dans certaines matières et des références à des articles relatifs à certaines procédures applicables en matière de protection spéciale des délégués.

Ainsi, dans un arrêt numéro 47/21 du 29 avril 202111, la troisième chambre de la Cour d’appel, siégeant en composition collégiale, en matière de droit du travail, avait été saisie par assignation d’un appel d’un délégué du personnel dirigé contre une ordonnance rendue par la Président du Tribunal du travail ayant constaté la régularité de la mise à pied et ayant rejeté la demande en maintien du salaire au-delà de la durée de trois mois en attendant la solution définitive du litige relative à la résolution du contrat de travail.

Les juges d’appel s’étaient déclarés incompétents pour connaître de l’appel interjeté par le délégué du personnel, en invoquant les éléments suivants :

« Il est indéniable que l’article L.415-10 (4), et plus spécialement son alinéa 5, ne précise pas si la décision du président du tribunal du travail est susceptible d’appel et, dans l’affirmative, devant quelle juridiction, dans quelle forme et dans quel délai cet appel est à former.

Quant à la possibilité de former appel, l’article 578 du Nouveau Code de procédure civile dispose que : « la voie de l’appel est ouverte en toutes matières même gracieuses, contre les jugements de première instance s’il n’en est autrement disposé ».

L’article 150 du même Code indique par ailleurs que : « l’appel relevé des décisions des tribunaux du travail est porté devant la Cour d’appel », ce qui confirme le droit d’appel contre ces décisions, y compris celles rendues par le président du tribunal du travail, qui est une émanation de ce dernier.

L’appel est en l’occurrence possible.

Quant à la forme de cet appel et au point de savoir devant quelle juridiction il doit être formé, la Cour relève, sur base des décisions judiciaires rendues avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises et modifiant le Code du travail ainsi que la loi modifiée du 19 décembre 2001 concernant le registre de Commerce et des Sociétés, entrée en vigueur le 1er 11 Arrêt n°47/21 – III – TRAV du 29 avril 2021, n° CAL-2020-00993 du rôle janvier 2016, que la compétence pour connaître des litiges ayant trait aux délégués du personnel, qui ont été licenciés, était déjà dévolue en appel au Président de la chambre de la Cour ayant à connaître des affaires de droit du travail et non à la chambre de la Cour d’appel prise dans sa collégialité.

Le législateur n’a pas entendu modifier cette compétence lors de l’introduction du nouvel article L. 415-10 dans le Code du travail.

Celle-ci s’explique par ailleurs par le fait, qu’en première instance, les susdites affaires sont portées en vertu des articles L.415-10 (1) alinéa 2 et (2) alinéa 2, par simple requête devant le Président de la juridiction du travail, qui « statue d’urgence et comme en matière sommaire ».

Les affaires prévues à l’article L.415-10 du Code du travail qui sont introduites, instruites et jugées en première instance en urgence et comme en matière sommaire sont soumises aux mêmes règles de procédure en instance d’appel.

S’agissant d’affaires qui, de par leur nature, requièrent célérité et partant une évacuation rapide sur le plan juridictionnel, il n’y a pas lieu d’attribuer une compétence matérielle en instance d’appel à une autre juridiction pour les litiges prévus sub 2, que pour les litiges prévus sub 1.

Il s’ensuit que le Président de la chambre de la Cour d’appel ayant à connaître des affaires de droit du travail est seul compétent pour connaître de l’affaire sur base de l’article L.415-10 du Code du travail.

La chambre de la Cour d’appel ayant dans ses attributions le droit du travail, prise dans sa collégialité, est incompétente pour connaître de la demande de PERSONNE2.).

Par ailleurs, PERSONNE2.) aurait dû interjeter appel de l’ordonnance rendu en date du 24 septembre 2020 par voie de requête. ».

La troisième chambre de la Cour d’appel indique dans son arrêt qu’ « avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises et modifiant le Code du travail, la compétence pour connaître des litiges ayant trait aux délégués du personnel, qui ont été licenciés, était déjà dévolue en appel au Président de la chambre de la Cour ayant à connaître des affaires de droit du travail et non à la chambre de la Cour d’appel prise dans sa collégialité ». Cette affirmation est correcte en ce qui a trait au licenciement d’un délégué du personnel 12, mais dans 12 Ancien article L. 415-11 (1) du Code du travail disposait que « Pendant la durée de leur mandat, les membres titulaires et suppléants des différentes délégations du personnel, le/la délégué-e à l’égalité et le/la délégué-e à la sécurité ne peuvent être licencié-e-s; le licenciement notifié par l’employeur à un de ces délégués ou, le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable sont nuls et sans effet. Dans les quinze jours qui suivent la résiliation du contrat, le salarié peut demander, par simple requête, au président de la juridiction du travail qui statue d’urgence et comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, de constater la nullité du licenciement et d’ordonner son maintien, ou le cas échéant, sa réintégration conformément aux dispositions de l’article L. 124-12. L’ordonnance du président de la juridiction du travail est exécutoire par cette hypothèse l’appel était, et est toujours, expressément prévu par le texte, ce qui n’est pas le cas pour le recours exercé par un délégué pour le maintien du salaire au-delà des trois mois depuis la réforme de 2015.

Les juges d’appel ont encore estimé que le silence de la loi sur la voie et la procédure à respecter en appel des recours prévus dans la nouvelle mouture de l’article L. 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail, s’expliquerait par le fait que le législateur n’aurait pas eu la volonté de modifier la compétence dévolue au Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. Cette compétence serait dictée par la nature même des affaires relatives aux délégués du personnel qui requièrent une célérité particulière et par le fait que ces affaires sont dévolues en première instance au Président de la juridiction du travail qui juge en urgence et comme en matière sommaire. Dans le même arrêt, il est indiqué que l’appel aurait dû être interjeté par voie de requête, comme en première instance.

Dans un arrêt numéro 141/23 - VIII - TRAV du 29 novembre 2023, la huitième chambre de la Cour d’appel, siégeant en composition collégiale, en matière de droit du travail, a rendu un arrêt impliquant les mêmes parties que celles du présent recours en cassation.

Il est précisé que cet arrêt est actuellement frappé d’un recours en cassation (n° CAS-

2024-00040 du registre). Elle s’est déclarée incompétente pour connaître de l’appel interjeté par Monsieur PERSONNE1.), par requête, contre l’ordonnance ayant rejeté sa demande en maintien de son salaire au-delà de la période de trois mois en attendant la solution définitive au litige relatif à la résolution de son contrat de travail, en reprenant, en grande partie, la motivation de l’arrêt numéro 47/21 rendu le 29 avril 2021 par la troisième chambre de la Cour d’appel. Toutefois, la huitième chambre a encore cité à l’appui de sa motivation, un arrêt de cassation numéro 63/2018 du 14 juin 2018, numéro 3984 du registre, aux termes duquel la compétence pour connaître de la cessation d’une modification unilatérale d’une clause essentielle du contrat de travail d’un délégué du personnel en instance d’appel est dévolue, comme pour le licenciement d’un délégué du personnel, au magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail.

Là encore, cette analyse est correcte en ce qui a trait à la modification d’une clause substantielle du contrat de travail d’un délégué du personnel, équivalent à un licenciement 13, mais dans cette hypothèse, l’appel est prévu par le texte, ce qui n’est pas le cas pour le recours exercé par un délégué pour le maintien du salaire au-delà des trois mois, recours prévu par l’article 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail.

Dans l’ordonnance actuellement querellée devant Vous, le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du provision ; elle est susceptible d’appel qui est porté par simple requête, dans les quarante jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. Il est statué d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées. ».

13 Article L. 415-10 (1) et (2) du Code du travail travail, n’a pas analysé expressément sa compétence mais, en déclarant la requête d’appel déposée par Monsieur PERSONNE1.) d’office irrecevable, il s’est déclaré implicitement mais nécessairement compétent.

Pour déclare la requête irrecevable, le Président a fait application du droit commun de la procédure civile, en motivant comme suit :

« Ni l’article L. 415-10 (4) du Code du travail ni aucune autre disposition légale n’ouvre la possibilité d’interjeter appel contre une ordonnance rendue sur requête d’un délégué du personnel mis à pied, tendant à obtenir le maintien de son salaire au-delà du délai légal de trois mois.

Aux termes de l’article 578 du Nouveau Code de procédure civile, « la voie de l’appel est ouverte en toutes matières même grâcieuses, contre les jugements de première instance s’il n’en est autrement disposé ».

Cette règle vaut pour toute décision faisant grief, qu’elle soit rendue sous forme de jugement ou d’ordonnance (cf. not Cour d’appel, 19.10.2016, Pas. 38, 167 ; 10.05.2017, n° du rôle 43834).

En l’absence de disposition légale interdisant l’appel contre une ordonnance rendue sur base de l’article L. 415-10 (4) du Code du travail, l’appel contre une telle ordonnance est dès lors possible.

L’article 584 du Nouveau Code de procédure civile dispose que « l’appel se fait par assignation dans les formes et délais de la loi, sous peine de nullité ».

L’article 585 du même Code précise qu’outre les mentions prescrites aux articles 153 et à 154, l’acte d’appel doit contenir notamment « la constitution de l’avocat de l’appelant » ainsi que « le délai de 15 jours dans lequel l’intimé est tenu de constituer avocat ». […] Il s’ensuit que l’appel contre une telle ordonnance doit être relevé par un exploit d’huissier de justice, comportant « la constitution de l’avocat de l’appelant » et la mention du « délai de 15 jours dans lequel l’intimé est tenu de constituer avocat », conformément aux dispositions susmentionnées. ».

Le Président poursuit en ajoutant que « C’est à tort que l’appelant soutient qu’il conviendrait de respecter un parallélisme procédural entre la première instance et l’instance d’appel.

Outre qu’aucune disposition légale n’exige un tel parallélisme, celui-ci a été écarté par le législateur dans plusieurs cas de figure, et notamment en matière de protection spéciale des femmes enceintes, l’article L. 337-1 (3) du Code du travail disposant que la demande en maintien du salaire est à introduire par requête adressée au président de la juridiction du travail, et que l’appel doit être relevé par exploit d’huissier de justice.

Comme, en l’espèce, l’appel a été introduit par voie de requête déposée au greffe de la juridiction d’appel, et non par exploit d’huissier conformément aux dispositions des articles 584 et 585 du Nouveau Code de procédure civile, l’appel est entaché d’une nullité de fond et doit être déclaré irrecevable. ».

Ainsi, le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du travail, a fait, à raison, application des dispositions du droit commun de l’appel, aux appels interjetés contre les décisions de première instance rendues conformément à l’article 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail, motivant cette solution par le silence de la loi sur la procédure et la forme à respecter en matière d’appel desdites décisions.

En outre et contrairement aux motifs contenus dans les arrêts de la Cour d’appel numéros 47/21 du 29 avril 2021 et 141/23 du 29 novembre 2023 susmentionnés concernant le parallélisme procédural, il rejette cette théorie alors qu’aucun texte légal ne le prescrit.

Finalement, il fait expressément référence à l’article L. 337-1 (3) du Code du travail applicable en cas de recours d’une femme enceinte, mise à pied ou licenciée, en vue du maintien du salaire au-delà de la période de trois mois, aux termes duquel « l’ordonnance du président de la juridiction du travail est susceptible d’appel dans les mêmes conditions que les jugements rendus par la juridiction du travail », afin de conclure qu’une assignation par voie d’huissier est nécessaire afin de rendre l’appel recevable.

Il y a lieu de remarquer qu’au vu de cette ordonnance qui fait l’objet du présent pourvoi en cassation, au vu des divergences d’interprétation des juges de la Cour d’appel et du regrettable silence du législateur concernant le principe, la forme et le délai de l’appel contre le recours prévu à l’article L. 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail, une insécurité juridique intolérable s’est dessinée peu à peu après l’adoption de la loi du 23 juillet 2015 portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises.

La soussignée partage l’analyse en droit qui se déduit, dans le silence de la loi, de l’application de la combinaison des articles 578 et 150 du Nouveau Code de procédure civile pour le principe de l’appel, les article 584 et 585 du même code en ce qui concerne la forme de l’acte d’appel et l’article 571 du même code en ce qui a trait au délai d’appel.

En outre, en matière de protection de la femme enceinte, le recours prévu par l’article L. 337-1 (3) du Code du travail en vue du maintien du salaire au-delà de la période de trois mois jusqu’à la solution quant à la résolution du contrat de travail est identique et constitue une indication juridiquement forte plaidant en faveur d’un appel par voie d’assignation devant la chambre de la Cour d’appel, en sa forme collégiale, siégeant en matière de droit du travail.

Toutefois, il aurait appartenu au magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail, d’analyser en premier lieu, avant la recevabilité de l’appel, sa compétence en matière d’appel des décisions du Président de la juridiction du travail dans le cas du maintien du salaire d’un délégué au-

delà des trois mois jusqu’à la solution définitive sur la résolution du contrat de travail.

En effet, la compétence du juge d’appel des décisions en matière de droit du travail est d’ordre public et constitue, en matière de cassation, un motif de pur droit14 qui doit être soulevé d’office, même si les parties demanderesse et défenderesse ne soulèvent pas dans leurs mémoires respectifs.

En omettant cet examen et en se déclarant implicitement mais nécessairement compétent pour connaître de l’appel dirigé contre une ordonnance du Président du Tribunal du travail prise en vertu de l’article L. 415-10 du (4) alinéa 5 du Code du travail, le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail a violé l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile alors qu’au vu du silence de l’article L. 415-10 (4), alinéa 5, du Code du travail, l’appel contre les décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, est à porter, conformément au droit commun de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, devant la Cour d’appel, et non devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail.

Au vu des développements ci-dessus, il n’y a pas lieu d’examiner les moyens soulevés par la partie demanderesse en cassation qui sont basés sur l’hypothèse que le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail est compétent pour connaître de l’appel dirigé contre une ordonnance rendue par le Président du Tribunal du travail sur base de de l’article L. 415-10 (4) alinéa 5 du Code du travail.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable.

Il y a lieu de relever d’office et de déclarer fondé le moyen de pur droit suivant :

- le moyen d’office, de pur droit, tiré de la violation de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail a, dans l’ordonnance attaquée, décidé que l’appel principal était irrecevable, au motif qu’il avait été introduit par requête et non par exploit d’huissier de justice, ce qui implique, implicitement mais nécessairement, qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur l’appel formé 14 Cf. C. Cass. No 17/05 du 10 mars 2005, Numéro 2168 du registre, sur conclusions de Monsieur Pierre SCHMIT, Procureur général d’Etat adjoint.

devant lui, alors que, au vu du silence de l’article L. 415-10, paragraphe 4, alinéa 5, du Code du travail, l’appel contre les décisions du Président de la juridiction de travail rendues sur requête du délégué du personnel qui s’est vu notifier une mise à pied par suite de l’invocation, par le chef d’entreprise, d’une faute grave, et qui demande un maintien de son salaire au-delà de trois mois en attendant la solution définitive sur la résolution de son contrat de travail, est à porter, conformément au droit commun de l’article 150 du Nouveau Code de procédure civile, devant la Cour d’appel, et non devant le Président de la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail et de casser l’ordonnance 107/22-III-TRAV rendue contradictoirement le 20 octobre 2022 par le Président de la troisième chambre de la Cour d’appel siégeant en application de l’article L. 415-10 du Code du travail, sous le numéro CAL-2022-00884 du rôle.

Pour le Procureur général d’État Premier avocat général Isabelle JUNG 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 196/24
Date de la décision : 19/12/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-12-19;196.24 ?

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