N° 195 / 2024 pénal du 19.12.2024 Not. 5978/19/XD Numéro CAS-2024-00052 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE2.), demeurant à L-ADRESSE1.), pris en sa qualité de bourgmestre de la Commune de LIEU1.) à la date des faits, demandeur en cassation, comparant par Maître Florent KIRMANN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 12 mars 2024 sous le numéro 84/24 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Florent KIRMANN, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 11 avril 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 7 mai 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Nathalie HILGERT.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière correctionnelle, avait acquitté le demandeur en cassation de l’infraction à l’article 243 du Code pénal libellée à sa charge.
La Cour d’appel, par réformation, a condamné le demandeur en cassation du chef d’infraction à l’article 243 du Code pénal à une amende pour avoir, en violation de la délibération du Conseil communal de la Commune de LIEU1.) du 8 novembre 2016 introduisant un règlement-taxe sur la participation au financement des équipements collectifs et spécialement en violation de l’article 4 qui prévoit que la taxe visée à l’article 3 doit être consignée par le titulaire du permis de construire à la caisse communale avant la délivrance de l’autorisation de bâtir et en violation de l’article 24 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal qui prévoit que la taxe est à prélever lors de la délivrance de l’autorisation de construire, intentionnellement accordé une exonération de ladite taxe à une société lors de la délivrance d’une autorisation de bâtir.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 243 du Code pénal Il est fait grief à l’arrêt attaqué en ce que la Cour d’appel a retenu l’infraction de concussion à l’encontre des demandeurs en cassation, par violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 243 du Code pénal, aux motifs que C’est à juste titre et par une motivation que la Cour fait sienne que les juges de première instance ont retenu que l’élément matériel de l’infraction de concussion telle que prévue par l’article 243 du Code pénal est établi. », que les juges de première instance avaient affirmé sur l’élément matériel que la notion de "textes légaux ou réglementaires" inscrite à l’article 243 du Code pénal ne vise que les normes qui ont le caractère de loi ou de règlement, émis conformément aux pouvoirs accordés par la Constitution à la Chambre des Députés et au Grand-Duc » et ont conclu en conséquence que la taxe publique visée ad a) trouve en effet son origine dans les textes de loi et règlementaires susvisés », alors que le délit de concussion reproché aux prévenus trouve son fondement dans la violation d’un règlement-taxes communal adopté à la suite d’une délibération du Conseil communal de LIEU1.) du 8 novembre 2016, lequel instaura une taxe de participation aux équipements collectifs en fixant notamment son champ d’application, son tarif, son assiette et son élément déclencheur, que conformément au principe d’interprétation stricte du droit pénal, la notion de prévue par l’article 243 précité et 2 telle que définie en jurisprudence et reprise par les juges de première instance et adoptée par la Cour d’appel ne vise que les normes qui ont (i) le caractère de loi ou (ii) de règlement, normes respectivement émises conformément aux pouvoirs accordés par la Constitution (i) à la Chambre des Députés et (ii) au Grand-Duc, que le règlement-taxes communal litigieux, n’a ni le caractère de loi au sens des articles 76 et suivants de la Constitution relatifs aux pouvoirs de la Chambre des Députés ni le caractère de règlement au sens des articles 45 et suivants de la Constitution relatifs aux pouvoirs du Grand-Duc, pour reprendre les conditions posées par l’article 243 du Code pénal, que le pouvoir réglementaire des communes est régi par les articles 121 et suivants de la Constitution, dans un chapitre tout à fait distinct de ceux relatifs aux de la Chambre des Députés et du Grand-Duc en matière règlementaire, dont l’article 124, 3e alinéa, indique sans ambiguïté que , marquant une très nette distinction entre ces normes, qu’en confirmant les premiers juges par adoption de motifs, la Cour d’appel a conclu de manière erronée que l’élément matériel de l’infraction de concussion était donné en ce qu’un règlement-taxes communal rentrait dans la définition de prévue par l’article 243 du Code pénal, par violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 243 du Code pénal. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en ayant retenu que l’élément matériel de l’infraction de concussion, à savoir la violation de textes légaux ou réglementaires, était établi alors que le délit de concussion qui lui est reproché trouverait son fondement dans la violation d’un règlement-taxe communal qui ne rentrerait pas dans la définition de « textes légaux ou réglementaires » au sens de l’article 243 du Code pénal.
En l’absence de disposition limitant la notion de « textes légaux ou réglementaires » aux seuls lois ou règlements au sens des articles 76 et suivants respectivement 45 de la Constitution, les termes « textes réglementaires » couvrent également les règlements communaux pris par le conseil communal sur base des pouvoirs qui lui sont conférés par une loi, tels qu’en l’espèce le règlement-taxe du 8 novembre 2016 sur la participation au financement des équipements collectifs pris sur base de l’article 24 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
3 Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 243 du Code pénal Il est fait grief à l’arrêt attaqué en ce que la Cour d’appel a infirmé le jugement de première instance et a retenu l’infraction de concussion à l’encontre des demandeurs en cassation, en violation de l’article 243 du Code pénal, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de cet article, aux motifs que par le simple fait de la conscience de la violation de la disposition réglementaire en vigueur par les prévenus. », alors que, le délit de concussion nécessite, à titre d’élément constitutif, un élément moral correspondant à un dol général, que traditionnellement, le dol général se décompose en deux éléments distincts résumés en ces termes : , correspondant non seulement à mais également , que concernant plus spécialement le délit de concussion prévu à l’article 243 du Code pénal, dans le silence du texte, la jurisprudence en a déduit que cette infraction nécessitait la preuve d’un élément moral consistant en un dol général.
qu’en affirmant que la seule conscience de violer les textes légaux était suffisante, sans rechercher ni a fortiori démontrer que les prévenus avaient également la de commettre le délit, la Cour d’appel a violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interpréter l’article 243 du Code pénal en omettant une partie d’un de ses éléments constitutifs. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en ayant retenu que l’élément moral de l’infraction de concussion était établi par la seule conscience de violer les textes légaux, alors que le délit de concussion nécessiterait un élément moral correspondant à un dol général.
Vu l’article 243 du Code pénal qui dispose « Toute personne, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publiques, toute personne chargée d’une mission de service public, qui se sera rendue coupable de concussion, en ordonnant de percevoir, en exigeant ou recevant ce qu’elle savait n’être pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, impôts, contributions, deniers, revenus ou intérêts, pour salaires ou traitements, sera punie d’un 4 emprisonnement de six mois à cinq ans, et pourra être condamnée en outre, à l’interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics.
La peine sera la réclusion de cinq à dix ans, si la concussion a été commise à l’aide de violence ou menaces.
Sera punie des mêmes peines, toute personne, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publiques, ou chargée d’une mission de service public, qui aura accordé sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics, en violation des textes légaux ou réglementaires.
(…) ».
L’infraction de concussion est un délit intentionnel qui nécessite la démonstration d’un dol général, c’est-à-dire la volonté de réaliser, en connaissance de cause, le comportement incriminé par la loi et la conscience de commettre l’infraction.
En retenant « La Cour considère que l’élément moral de la prévention de concussion est donné par le simple fait de la conscience de la violation de la disposition réglementaire en vigueur par les prévenus. », les juges d’appel ont violé la disposition susvisée.
Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen de cassation, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu le 12 mars 2024 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, sous le numéro 84/24 V. ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé, et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;
laisse les frais de l’instance en cassation à charge de l’Etat ;
ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de l’arrêt annulé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Agnès ZAGO, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public N° CAS-2024-00052 du registre Par trois déclarations faites le 11 avril 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Florent KIRMANN, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.), PERSONNE2.) et PERSONNE3.), des recours en cassation au pénal contre un arrêt n°84/24 V. rendu le 12 mars 2024 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.
Ces déclarations de recours ont été suivies le 7 mai 2024 par le dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Florent KIRMANN, couvrant les trois affaires.
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique et ont été formés dans le délai prévu par l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le mémoire en cassation, prévu par l’article 43 de la loi précitée, a également été déposé dans la forme et le délai y imposés.
Il en suit que les pourvois sont recevables.
Faits et rétroactes Le Ministère Public a reproché aux demandeurs en cassation de s’être rendus coupables du délit de concussion. Ils ont été acquittés par jugement n°151/2023 du 23 mars 2023 du tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en chambre correctionnelle.
Statuant sur l’appel interjeté par le Ministère Public, la Cour d’appel a, par arrêt du 12 mars 2024, réformé le jugement de première instance et retenu les demandeurs en cassation dans les liens de l’infraction de concussion et les a condamnés, chacun, à une amende de 1.000 euros.
Les pourvois sont dirigés contre cet arrêt du 12 mars 2024.
7 Quant au premier moyen de cassation :
Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 243 du Code pénal. Il est reproché aux juges d’appel d’avoir retenu que l’élément matériel de l’infraction de concussion, à savoir la violation de textes légaux ou réglementaires, était établi alors que le délit de concussion reproché aux demandeurs en cassation trouve son fondement dans la violation d’un règlement-taxe communal.
La critique mise en œuvre par le moyen n’a été invoquée ni en première instance, ni en instance d’appel. Les demandeurs en cassation y ont limité leurs contestations à l’élément moral du délit de concussion et n’ont pas soulevé de contestations quant aux éléments matériels.
Le moyen, tel qu’il est présenté devant Votre Cour, est donc nouveau en ce qu’il est invoqué pour la première fois en instance de cassation et, en tant que tel, il est en principe irrecevable1.
Comme exposé dans le cadre des conclusions du Parquet général dans l’affaire CAS-
2020-00095 du registre2, seuls les moyens révélés par la décision attaquée, de même que les moyens d’ordre public, pour autant qu’ils ne soient pas mélangés de fait et de droit3 échappent à la sanction de l’irrecevabilité.
En l’espèce, le moyen mis en œuvre n’a pas été révélé par l’arrêt attaqué. Le grief aurait déjà aisément pu être invoqué dès la première instance.
Etant donné que la critique concerne une loi pénale de fond, à savoir l’article 243 du Code pénal, et que les lois pénales de fond sont en principe toutes d’ordre public, le moyen tiré de leur violation doit être considéré comme étant d’ordre public4. Le moyen d’ordre public n’est recevable que s’il a été apparent par lui-même. Tel est le cas en l’espèce, la violation du règlement communal ayant fait l’objet des débats en appel.
Le moyen est également de pur droit, étant donné que son analyse peut se faire indépendamment de toute vérification de fait échappant à la compétence de Votre Cour.
En l’espèce, le moyen ne fait appel à aucun fait qui n’ait été constaté par la décision attaquée.
Il en suit que le moyen est recevable.
Aux termes de l’article 243 du Code pénal, « Toute personne, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publiques, toute personne chargée d’une mission de service 1 J. et L. BORE, La cassation en matière pénale, Dalloz, éd. 2025/2026, n°112.05, p.352.
2 Conclusions de Madame le 1er avocat général Simone FLAMMANG du 2 février 2021, Cass., 1 avril 2021, n° 58/2021 pénal.
3 J. et L. BORE, op. cit., n°112.111, p.362 et 363.
4 J. et L. BORE, op. cit., n°112.102, p.360.public, qui se sera rendue coupable de concussion, en ordonnant de percevoir, en exigeant ou recevant ce qu’elle savait n’être pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, impôts, contributions, deniers, revenus ou intérêts, pour salaires ou traitements, sera punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et pourra être condamnée en outre, à l’interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics.
La peine sera la réclusion de cinq à dix ans, si la concussion a été commise à l’aide de violences ou menaces.
Sera punie des mêmes peines, toute personne, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publiques, ou chargée d’une mission de service public, qui aura accordé sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts, taxes publics, en violation des textes légaux ou réglementaires.
(…) ».
Cette disposition a été introduite dans sa teneur actuelle (dont notamment l’alinéa 3) par la loi du 15 janvier 2001 portant approbation de la Convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques du 21 novembre 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et relatif aux détournements, aux destructions d'actes et de titres, à la concussion, à la prise illégale d'intérêts, à la corruption et portant modification d'autres dispositions légales5.
La rédaction de l’article 243 du Code pénal est inspirée de l’article 432-10 du Code pénal français.
L’article 243 du Code pénal belge ne réprime pas la concussion consistant à faire bénéficier une personne d’une exonération de droits. Cette disposition ne renferme partant pas la notion de « textes légaux ou réglementaires ».
La Cour d’appel a retenu ce qui suit en relation avec les éléments matériels de l’infraction de concussion, telle que prévue à l’alinéa 3 de l’article 243 du Code pénal :
« L’analyse de l’article 243 alinéa 3 du Code pénal montre que le délit de concussion comporte trois éléments :
-
la qualité du prévenu ;
-
l’élément matériel de l’exonération ou franchise de droits, contributions, impôts ou taxes publics, en violation de textes légaux ou réglementaires ;
-
l’élément moral qui souligne le caractère intentionnel de l’infraction.
(…).
5 Mémorial A-17 du 7 février 2001.C’est à juste titre et par une motivation que la Cour fait sienne que les juges de première instance ont retenu que l’élément matériel de l’infraction de concussion telle que prévue par l’article 243 du Code pénal est établi ».
Il convient de renvoyer à la motivation des juges de première instance relative à l’élément matériel de la « violation des textes légaux ou réglementaires » :
« Le Ministère Public reproche aux prévenus d’avoir violé la délibération du conseil communal de la commune de LIEU1.) du 8 novembre 2016 introduisant un règlement-taxe sur la participation au financement des équipements collectifs, et plus spécialement d’avoir violé l’article 4 de ce règlement-taxe qui prévoit que la taxe visée à l’article 3 doit être consignée par le titulaire du permis de construire à la caisse communale avant la délivrance de l’autorisation de bâtir, respectivement d’avoir violé l’article 24 de la loi concernant l’aménagement communal du 19 juillet 2004 qui prévoit que la taxe est à prélever lors de la délivrance de l’autorisation de construire.
Depuis l’entrée en vigueur le 1er août 2011 de la loi du 28 juillet 2011 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain et modifiant 1. la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, 2. la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, 3. la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, 4. la loi du 19 décembre 2008 relative à l'eau, l’article 24 de la loi concernant l’aménagement communal du 19 juillet 2004 se lit comme suit :
« Art. 24. Financement des travaux de viabilité et d’équipements collectif (1) Les dépenses engendrées par les travaux de voirie et d’équipements publics préfinancées par la commune sont récupérées auprès des propriétaires concernés.
Les dépenses comprennent notamment la confection des plans, le prix du terrain ainsi que les travaux mentionnés à l’article 23, alinéa 2.
La participation aux frais est calculée par l’administration communale pour chaque propriétaire en fonction soit de la longueur de la propriété donnant sur la voie publique, soit du volume à construire, soit de la surface utile, soit de la surface totale de la propriété, soit en fonction d’un système combinant ces critères.
Les conditions et modalités de la récupération des frais avancés par la commune sont fixées par le conseil communal dans un règlement communal soumis à l’approbation du ministre.
10 Les frais occasionnés par la réparation, la réfection ou le remplacement de la voirie ou d’un équipement existant vétuste ou inadapté ne peuvent être mis à la charge des propriétaires des fonds desservis, sauf si les travaux en question permettent la création de nouvelles places à bâtir, ou de nouvelles unités affectées à l’habitation ou toute autre destination, auquel cas la commune peut exiger une participation aux frais de la part des propriétaires dont les fonds sont dorénavant constructibles.
La phrase qui précède ne préjudicie pas à la récupération des coûts liés à l’utilisation de l’eau conformément à la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau.
(2) Le conseil communal peut également fixer une taxe de participation au financement des équipements collectifs, tels que les écoles, les cimetières, les installations culturelles et sportives, à prélever lors de la délivrance de l’autorisation de construire conformément à l’article 37.
Cette taxe ne peut toutefois pas servir au financement des infrastructures liées aux services de l’eau tels que collecteurs d’égout, stations d’épuration ou réservoirs d’eau.
Lorsque les travaux autorisés ne sont pas réalisés, le bénéficiaire de l’autorisation de construire a droit à la restitution de la taxe payée.
Cette taxe aura le caractère d’une imposition communale. » Le tribunal rappelle que la notion de « textes légaux ou réglementaires » inscrite à l’article 243 du Code pénal ne vise que les normes qui ont le caractère de loi ou de règlement, émis conformément aux pouvoirs accordés par la Constitution à la Chambre des Députés et au Grand-Duc, et il constate en conséquence que la taxe publique visée ad a) trouve en effet son origine dans les textes de loi et réglementaires susvisés ».
A la lecture de la motivation du jugement de première instance, il apparaît que les juges n’ont pas retenu que la taxe litigieuse trouve sa base exclusivement dans le règlement-
taxe communal. Au contraire, ils ont considéré que, comme le règlement-taxe a été adopté sur base de l’habilitation légale prévue à l’article 24 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal, la taxe trouve son fondement, du moins partiellement, dans un texte de loi.
On pourrait également déduire du passage suivant de l’arrêt attaqué :
« Or, il résulte du dossier et des aveux des prévenus que la question du paiement par la société SOCIETE1.) de la taxe de participation au financement des équipements collectifs telle qu’introduite par arrêté grand-ducal du 3 février 11 20176, a été posée aux bourgmestre et échevins, mais qu’il a été décidé de ne pas en requérir le paiement au regard de ce qu’il avait été convenu avec la société SOCIETE1.), à savoir qu’elle prenne à sa charge les équipements collectifs pour une somme de 300.000 euros et que sa première demande d’autorisation de construire datait d’avant la mise en vigueur de l’arrêté grand-ducal7 » que les juges d’appel ont considéré que la taxe litigieuse n’a été introduite que par l’arrêté grand-ducal.
Le moyen de cassation, en ce qu’il reproche aux juges d’appel d’avoir conclu que le règlement-taxe communal, pris isolément, rentrait dans la définition de « textes légaux et réglementaires » procède ainsi d’une lecture erronée de l’arrêt. Il manque partant en fait.
A titre subsidiaire et pour autant que Votre Cour considère que les juges d’appel, par le renvoi à la motivation des juges de première instance, ont effectivement considéré que le règlement-taxe litigieux, à lui seul, constitue un « texte réglementaire », tel que visé par l’article 243 du Code pénal, il y a lieu de se pencher plus en détail sur la notion de « texte réglementaire » et de « règlement ».
Selon les demandeurs en cassation, la notion de « textes légaux et réglementaires » ne viserait que les normes qui ont le caractère de loi ou de règlement, normes émises conformément aux pouvoirs accordés par la Constitution à la Chambre des Députés et au Grand-Duc. Ce raisonnement semble également avoir été partagé par les juges de première instance.
Le cas d’espèce concerne le règlement-taxe sur la participation au financement des équipements collectifs, adopté par le conseil communal de la commune de LIEU1.) en date du 8 novembre 2016 et approuvé par arrêté grand-ducal du 3 février 2017 et par décision du Ministre de l’Intérieur du 10 février 2017 et qui est entré en vigueur le 26 février 2017.
Le moyen soulève en fait la question de l’interprétation de la loi.
Dans ce contexte, référence peut être faite aux conclusions de Monsieur le Procureur Général d’Etat adjoint John PETRY qui s’est exprimé de la manière suivante8:
« C’est la théorie du « texte clair », suivant laquelle seul un texte obscur ou imparfait donne lieu à interprétation, alors qu’un texte clair ne donne lieu qu’à application9. Cette théorie a été critiquée non sans raison au motif qu’elle repose sur une pétition de principe, alors que, en cas de contestation sur la signification 6 Passage souligné par la soussignée.
7 Idem.
8 Conclusions du 1er février 2008 dans l’affaire Ministère Public c/ Harff, n° 2528 du registre, Cass., 8 mai 2008, n°29/2008 pénal.
9 Pierre PESCATORE, Introduction à la Science du Droit, Luxembourg, 1960, réimpression 1978, n° 224, p. 327.d’un texte, toute la question est de savoir s’il est clair ou non, question que doit précisément élucider l’interprétation. En réalité, la nécessité de l’interprétation résulte moins de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi que de sa nature, de règle générale qu’il faut par l’interprétation rendre susceptible d’application dans le concret.
L’interprétation, qui ne se limite donc pas aux seuls textes obscurs ou imparfaits, doit respecter certains principes, dont deux paraissent pertinents dans le cas d’espèce.
Le premier principe, de portée générale, donc non circonscrit au seul domaine du droit pénal, est celui qui a été exprimé par l’article 5 du titre V du projet de Livre préliminaire du Code civil, qui disposait :
« Quand une loi est claire, il ne faut point en éluder la lettre sous prétexte d’en pénétrer l’esprit »10.
Cette maxime exprime le principe que le texte formulé de la loi doit prévaloir sur les intentions réelles ou supposées du législateur, mais restées inexprimées dans le texte.
Ce principe comporte deux conséquences.
La première conséquence est relative à la valeur des travaux préparatoires.
Le Conseil d’Etat l’avait exprimée en ces termes :
« Les travaux préparatoires de la loi, de quelque pertinence qu’ils soient, ne peuvent servir ni à suppléer aux lacunes du texte légal, ni à déroger à ses dispositions ».
Bref, les travaux préparatoires ne peuvent pas servir à compléter le texte et encore moins à le dénaturer. Il en est ainsi, d’une part, parce que, selon la Constitution, seul le texte légal est obligatoire, alors que les travaux préparatoires ne sont pas soumis aux mêmes garanties que l’élaboration du texte légal et, d’autre part, parce que les travaux préparatoires, en raison de leur caractère souvent lacunaire et partial, ne peuvent être maniés qu’avec prudence.
La Cour de cassation de Belgique applique cette même solution en décidant de façon constante que :
10 Idem, p. 327.« Les travaux préparatoires d’une loi ne peuvent être invoqués à l’encontre d’un texte légal clair et précis de celle-ci »11.
La deuxième conséquence du principe est que la prééminence du texte formulé de la loi sur l’intention éventuellement contraire du législateur restée inexprimée dans le texte s’applique, bien entendu, outre aux travaux préparatoires, également à toute autre technique du raisonnement juridique destinée à découvrir les intentions du législateur. (…) Le texte formulé de la loi, s’il est clair et précis, ne saurait être écarté au profit de la prétendue intention du législateur qui ne s’est pas exprimée dans le texte et qui est déduite soit des travaux préparatoires, soit d’autres méthodes encore plus aléatoires du raisonnement juridique. (…) Un deuxième principe, lui aussi de portée générale, est qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas12.
Il en est déduit en droit pénal le principe qu’une loi pénale s’applique à tous les cas rentrant dans ses termes. Il s’ensuit que restreint abusivement la portée de la loi pénale, le juge qui ajoute aux conditions d’existence de l’infraction. » Ce dernier principe est de même appliqué en matière civile : il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas. L’interprète n’est pas autorisé à écarter l’application d’un texte conçu en termes généraux ».
Il découle notamment du principe qu’il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas que la notion de « texte réglementaire », en ce qu’elle est générale, ne saurait être restreinte aux règlements grand-ducaux. Il n’y a partant pas lieu de distinguer (entre règlements grand-ducaux et règlements communaux) là où la loi ne distingue pas.
De même, une interprétation dite logique du droit pénal doit prévaloir. Elle consiste à donner à la loi la pleine mesure de sa portée. Il en découle que « les dispositions dont les termes sont généraux répugnent à une interprétation stricte ou même restrictive »13.
Il s’agit de ne pas réduire sans motif la portée de la loi14.
Une telle interprétation englobe dans le champ d’application de la loi tous les faits qui peuvent être compris dans la définition légale de l’incrimination. Elle étend la portée de 11 Cour de cassation de Belgique, 30 juin 2006, n° C05117F ; solution déjà adoptée notamment par : Cour de cassation de Belgique, 22 décembre 1994, n° C940035F et 20 février 1951, Pas. belge, I, page 410.
12 Idem, pages 348 à 349. 91 Voir en Belgique : Cour de cassation de Belgique, 30 juin 2006, mentionné ci-avant ; en France:
Cass. crim., 15 avril 1982, Bull. crim., n° 90 ; Cass. soc., 22 octobre 1996, pourvoi n° 94-43319 ; au Luxembourg : Cour d’appel, 8 juillet 1997, n° 257/97 V.
13 Franklin KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, Bruxelles, Larcier, n°335, p. 219.
14 Idem, n° 340, p. 224.la loi pénale à ses implications logiques, c’est-à-dire à tous les faits que ses termes contiennent implicitement mais certainement15.
Afin d’être complet, il convient de préciser que les travaux parlementaires sont muets quant à la signification à conférer aux termes de « textes légaux ou réglementaires »16, qui ne semblent pas non plus avoir donné lieu à de grand débats en doctrine et jurisprudence françaises.
Sur base de tout ce qui précède, la soussignée conclut qu’en admettant qu’un règlement communal est couvert par la notion, générale, de texte réglementaire, le juges d’appel ont fait une correcte application de l’article 243 du Code pénal.
Quant au deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 243 du Code pénal, en ce que les juges d’appel ont jugé que l’élément moral de la prévention de concussion est donné par le simple fait de la conscience de la violation de la disposition réglementaire en vigueur par les prévenus alors que le délit de concussion nécessite un élément moral correspondant à un dol général.
Les demandeurs en cassation exposent que le dol général se décompose en deux éléments distinctifs résumés en les termes : conscience et volonté infractionnelle, correspondant non seulement à la conscience chez le coupable d’enfreindre les prohibitions légales mais également la volonté de commettre le délit tel qu’il est déterminé par la loi.
Le moyen a trait à l’élément moral du délit de concussion.
Dans le cas d’espèce, seul l’alinéa 3 de l’article 243 du Code pénal, précité, est en cause.
Cet aliéna est muet quant à l’élément moral de l’infraction17.
Dans le silence de la loi quant à l’élément moral d’une infraction, Votre Cour a jugé que :
« Les juges d’appel ont correctement retenu que l’infraction à l’article 107, paragraphe 1, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain comportait, outre un élément matériel, également un élément moral.
15 Idem, n° 336, p. 221.
16 Voir documents parlementaires n° 4400, Projet de loi relatifs aux détournements, aux destructions d’actes et de titres, à la concussion, à la prise illégale d’intérêts, à la corruption et portant modification d’autres dispositions légales.
17 Les développements qui suivent sont repris de la note du Parquet Général quant à l’élément moral de l’infraction de concussion, envoyée au mandataire des prévenus et à la Cour d’appel en date du 15 février 2024.Mais, en acquittant les cités directs de l’infraction à l’article 107, paragraphe 1, précité, au motif que l’élément moral de l’infraction consistait dans le fait de commettre l’infraction volontairement, c’est-à-dire de façon délibérée et consciente, et qu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure que cette preuve eût été rapportée, alors que, dans le silence de l’article 107, paragraphe 1, précité, l’élément moral de l’infraction consiste dans la transgression matérielle de la disposition légale, commise librement et consciemment, et que l’auteur est présumé se trouver en infraction par suite du seul constat de cette transgression, sauf à lui de renverser cette présomption en faisant valoir qu’il n’a pas agi librement et consciemment, c’est-à-dire en rendant crédible une cause de justification, les juges d’appel ont violé la disposition susvisée »18.
L’élément moral, à savoir la transgression matérielle de la disposition légale commise librement et consciemment, est donc présumé par le fait de cette transgression, mais l’auteur peut renverser la présomption en rendant crédible une cause de justification.
La faute infractionnelle, caractérisée par la transgression matérielle de loi commise librement et consciemment, est à distinguer de la faute intentionnelle19. Cette dernière suppose que l’auteur ait eu la volonté de réaliser, en connaissance de cause, l’acte interdit ou l’abstention coupable20. En revanche, la faute infractionnelle peut indifféremment prendre la forme de l’intention ou de la négligence21. Comme elle peut trouver son origine dans une négligence, elle ne requiert pas nécessairement que l’agent ait connaissance de ce que son comportement réalise les éléments matériels constitutifs de l’infraction22.
La présomption de faute infractionnelle résultant de la transgression matérielle de la loi ne pouvant être renversée qu’en rendant crédible l’existence d’une cause de justification, l’erreur et l’ignorance ne sont justificatives que lorsqu’elles sont invincibles.
Il en suit que l’agent ne saurait renverser la présomption en se limitant à alléger sa bonne foi. Il doit de surcroît rendre crédible que son erreur ou son ignorance étaient invincibles.
La doctrine admet cependant que, lorsque la loi est muette quant à l’élément fautif de l’infraction, comme en l’espèce, la nature intentionnelle de celui-ci peut se déduire des travaux préparatoires consacrés à la disposition interprétée ou encore de la nature du 18 Cour de cassation, 19 décembre 2019, n° 170/2019 pénal, n° CAS 2019-00012 du registre avec les conclusions de Monsieur le Procureur général d’Etat adjoint ; Cour de cassation, 25 février 2010, n° 11/2010 pénal, n° 2734 du registre avec les conclusions de Monsieur le Procureur général d’Etat adjoint, Pas. 35, p. 135.
19 Franklin KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, Bruxelles, Larcier, n° 1176, page 321.
20 Idem et loc.cit.
21 Idem et loc.cit.
22 Idem et loc.cit., ainsi que n° 1175, page 320.comportement incriminé. Les textes de loi n’évoquent pas toujours l’élément intentionnel alors même que le législateur a pourtant clairement entendu l’exiger23.
Tel est en effet le cas en l’espèce dans la mesure où les documents parlementaires précisent que « l’infraction suppose, bien entendu, l’intention de la commettre, une erreur n’entrant pas en ligne de compte »24.
A cela s’ajoute qu’une telle interprétation est cohérente avec l’alinéa 1er de l’article 243 du Code pénal qui prévoit expressément que l’auteur doit savoir que ce qui est réclamé n’est pas dû ou excède ce qui est dû.
A remarquer finalement qu’en droit français le délit de concussion requiert également un élément intentionnel et ce en application de l’article 121-3 du Code pénal français qui prévoit en son premier alinéa que « il n’y a point de crime ou délit sans intention de le commettre ».
Au vu de ce qui précède, la soussignée conclut, sur base d’un souci de respect de la volonté du législateur, de cohérence avec l’article 243 alinéa 1er du Code pénal et afin de ne pas se départir de la jurisprudence française en cette matière, que l’élément moral de l’infraction visée à l’article 243 alinéa 3 du Code pénal est la faute intentionnelle.
La faute intentionnelle se traduit par l’existence, dans le chef du prévenu, de la volonté de réaliser, en connaissance de cause, le comportement incriminé par la loi pénale et ses éventuelles conséquences illicites25.
Il faut une connaissance de fait, qui suppose dans le chef de l’auteur non seulement la volonté libre et consciente d’adopter le comportement interdit par la loi mais encore la connaissance de ce que ce comportement réalise les éléments matériels constitutifs de l’infraction ou, en d’autres termes, la conscience de la méconnaissance de l’interdit légal. Il doit avoir conscience de ce qu’il commet une infraction à la loi pénale26.
La volonté du résultat consiste dans la volonté libre et consciente de réaliser en connaissance de cause, tant le comportement interdit par la loi que ses éventuelles conséquences illicites. Il s’agit de la volonté d’accomplir le fait et d’en réaliser les conséquences27.
La Cour d’appel a retenu ce qui suit :
« L’analyse de l’article 243 alinéa 3 du Code pénal montre que le délit de concussion comporte trois éléments :
- la qualité du prévenu ;
23 F. KUTY, op. cit., n°1130, p. 258 et 259.
24 Doc. Parl., n° 4400, p. 16.
25 F. KUTY, op. cit., n° 1130, p. 259.
26 F. KUTY, op. cit., n° 1131, p. 259.
27 F. KUTY, op. cit., n° 1135, p. 264.- l’élément matériel de l’exonération ou franchise de droits, contributions, impôts ou taxes publics, en violation de textes légaux ou réglementaires ;
- l’élément moral qui souligne le caractère intentionnel de l’infraction.
Il est précisé dans les travaux parlementaires no 4400-7 relatifs à l’article 243 du Code pénal que l’infraction est intentionnelle et que comme pour toute autre infraction au Code pénal les mobiles sont indifférents, « mais que l’intention disparaît en cas de perception exigée ou d’exonération accordée indûment par suite d’une erreur. (JCL op cit, No 32 et 33 » Doc.parl. no 4400, commentaire des articles p.19).
(…) Concernant l’élément intentionnel, les juges de première instance avaient retenu qu’il « n’avait à aucun moment été dans les intentions de l’un quelconque des prévenus de favoriser la société SOCIETE1.) par le fait de ne pas avoir taxé d’emblée l’autorisation de bâtir numéro 16/2017 au montant de 71.727,75 euros calculé par application de la taxe communale de participation au financement des équipements collectifs », que l’intention de commettre l’infraction de concussion n’est pas donnée et que l’erreur est aussi à retenir.
Or, il résulte du dossier et des aveux des prévenus que la question du paiement par la société SOCIETE1.) de la taxe de participation au financement des équipements collectifs telle qu’introduite par arrêté grand-ducal du 3 février 2017, a été posée aux bourgmestre et échevins, mais qu’il a été décidé de ne pas en requérir le paiement au regard de ce qu’il avait été convenu avec la société SOCIETE1.), à savoir qu’elle prenne à sa charge les équipements collectifs pour une somme de 300.000 euros et que sa première demande d’autorisation de construire datait d’avant la mise en vigueur de l’arrêté grand-ducal.
En effet, les prévenus concèdent autant auprès de la police qu’en audiences que la question du paiement de la taxe en cause avait été abordée et posée notamment par la secrétaire communale PERSONNE4.), mais qu’il avait été décidé de ne pas la réclamer comme les négociations étaient anciennes avec la société SOCIETE1.) qui avait fait une première demande d’autorisation de bâtir avant l’entrée en vigueur du règlement-taxe. PERSONNE1.) a notamment précisé dès son audition auprès de la police qu’il savait que la réglementation introduisant ladite taxe était entrée en vigueur.
La Cour considère que l’élément moral de la prévention de concussion est donné par le simple fait de la conscience de la violation de la disposition réglementaire en vigueur par les prévenus.
Par ailleurs, la demande d’autorisation de bâtir de la société SOCIETE1.) ayant abouti à l’accord du bourgmestre a été déposée après l’introduction par le conseil communal de la commune de LIEU1.) de la taxe en cause. Le bourgmestre et les échevins ne peuvent partant pas légitimement avoir cru qu’elle n’était pas due ».
Au vu de la motivation précitée, il apparaît clairement que la Cour d’appel a correctement analysé les faits de l’espèce et le rôle joué par les demandeurs en cassation et a retenu, sur base de ces analyses, que l’élément moral requis pour les fautes intentionnelles était donné. Elle a ainsi, certes implicitement, constaté que les prévenus avaient conscience de commettre une infraction pénale et qu’ils avaient la volonté de l’accomplir avec son résultat.
Le moyen est partant à rejeter.
Quant au troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 243 du Code pénal, en ce que les juges d’appel ont retenu l’infraction de concussion aux motifs que « concernant l’excuse soulevée les prévenus, il y a lieu de rappeler que l’erreur qu’elle soit de fait ou de droit doit présenter un caractère invincible pour pouvoir être retenue comme cause d’irresponsabilité. Or, les erreurs alléguées par les prévenus ne sont pas invincibles étant donné que s’ils avaient eu des doutes quant à l’applicabilité de la nouvelle réglementation, ils auraient pu recourir à une consultation juridique et ce tout en considérant l’intérêt de la Commune de LIEU1.) », alors que l’erreur qui fait disparaître l’intention en matière de concussion n’est pas l’erreur invincible, mais une notion sui generis de l’erreur propre à l’élément moral de la concussion, qualifiable d’erreur simple.
Les demandeurs en cassation exposent encore que l’intention disparaît par suite d’erreur en matière de concussion.
La Cour d’appel a retenu ce qui suit en relation avec l’erreur alléguée :
« Il est précisé dans les travaux parlementaires no 4400-7 relatifs à l’article 243 du Code pénal que l’infraction est intentionnelle et que comme pour toute autre infraction au Code pénal les mobiles sont indifférents, « mais que l’intention disparaît en cas de perception exigée ou d’exonération accordée indûment par suite d’une erreur. (JCL op cit, No 32 et 33 » Doc.parl. no 4400, commentaire des articles p.19). (…) La Cour considère que l’élément moral de la prévention de concussion est donné par le simple fait de la conscience de la violation de la disposition réglementaire en vigueur par les prévenus.
Par ailleurs, la demande d’autorisation de bâtir de la société SOCIETE1.) ayant abouti à l’accord du bourgmestre a été déposée après l’introduction par le conseil communal de la commune de LIEU1.) de la taxe en cause. Le bourgmestre et les échevins ne peuvent partant pas légitimement avoir cru qu’elle n’était pas due.
19 Concernant l’excuse soulevée les prévenus, il y a lieu de rappeler que l’erreur qu’elle soit de fait ou de droit doit présenter un caractère invincible pour pouvoir être retenue comme cause d’irresponsabilité.
Or, les erreurs alléguées par les prévenus ne sont pas invincibles étant donné que s’ils avaient eu des doutes quant à l’applicabilité de la nouvelle réglementation, ils auraient pu recourir à une consultation juridique et ce tout en considérant l’intérêt de la Commune de LIEU1.) ».
Il est admis en doctrine que dès lors que les infractions intentionnelles requièrent la connaissance de la commission de l’infraction, l’ignorance et l’erreur, même fautives, relatives à la matérialité de l’acte ou de l’omission qui les caractérisent ou à la nature des circonstances qui les rendent punissables excluent l’intention et, partant, l’élément fautif de l’infraction28.
Autrement dit en matière de concussion, l’intention disparaît si la perception a été faite ou exigée à la suite d’une erreur de fait commise par le dépositaire de l’autorité publique ou encore en raison d’une interprétation erronée de la loi ou du règlement29.
Il résulte par ailleurs des travaux parlementaires que l’infraction de concussion « suppose, bien entendu, l’intention de la commettre, une erreur n’entrant pas en ligne de compte »30 ou encore que « l’infraction est intentionnelle, les mobiles sont toutefois indifférents. L’intention disparaît en cas de perception exigée ou d’exonération accordée indûment par suite d’une erreur »31.
Il en découle que l’appréciation de l’erreur se fait dans le cadre de l’examen de l’élément moral de l’infraction, en ce sens que l’erreur commise exclut l’élément intentionnel de l’infraction. Le caractère invincible de l’erreur n’est pas exigé.
La Cour d’appel a expressément cité les travaux parlementaires et elle a retenu que les demandeurs en cassation ne pouvaient pas légitimement avoir cru que la taxe n’était pas due32. Elle conclut donc nécessairement que les demandeurs en cassation ont renoncé à réclamer la taxe, non pas par erreur, mais en toute connaissance du caractère redu de la taxe. En effet, la Cour a encore précisé que « la question du paiement de la taxe en cause avait été abordée et posée notamment par la secrétaire communale PERSONNE4.), mais qu’il avait été décidé de ne pas la réclamer comme les négociations étaient anciennes avec la société SOCIETE1.) qui avait fait une première demande d’autorisation de bâtir avant l’entrée en vigueur du règlement-taxe.
PERSONNE1.) a notamment précisé dès son audition auprès de la police qu’il savait que la réglementation introduisant ladite taxe était entrée en vigueur ».
28 F. KUTY, op. cit., n° 1133, p. 262.
29 Jurisclasseur, Code pénal, Art. 432-10, n°24.
30 Documents parlementaires, n° 4400, p. 16.
31 Idem, p. 19.
32 Page 16 de l’arrêt attaqué.Il faut en déduire que la Cour a apprécié correctement si l’élément intentionnel est donné ou, au contraire, si les demandeurs en cassation ont erronément pensé que la taxe n’était pas due. Après analyse des arguments avancés, elle a conclu que les demandeurs en cassation n’ont pas pu légitimement croire que la taxe n’était pas due, donc qu’ils n’ont pas commis d’erreur.
Ce constat n’est pas remis en cause par la référence faite par la Cour d’appel aux notions, non pertinentes en l’espèce, d’excuse d’erreur et d’erreur invincible.
Il est partant permis de conclure que le moyen critique un motif surabondant qui ne constitue pas l’unique support de la décision de retenir la faute intentionnelle dans le chef des demandeurs en cassation sans qu’ils puissent se prévaloir d’une erreur. Le moyen est dès lors inopérant.
Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.
Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Nathalie HILGERT 21