N° 184 / 2024 du 12.12.2024 Numéro CAS-2024-00027 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze décembre deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
E n t r e PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Andrea CARSTOIU, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, e t le FONDS NATIONAL DE SOLIDARITE, établissement public, établi à L-1531 Luxembourg, 8-10, rue de la Fonderie, représenté par le président du conseil d’administration, inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J15, défendeur en cassation, comparant par Maître François REINARD, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
Vu l’arrêt attaqué numéro 2024/0009 rendu le 8 janvier 2024 sous le numéro du registre FNS 2023/0190 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 19 février 2024 par PERSONNE1.) à l’établissement public FONDS NATIONAL DE SOLIDARITE (ci-après « le FNS »), déposé le même jour au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 8 avril 2024 par le FNS à PERSONNE1.), déposé le 11 avril 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, PERSONNE1.), bénéficiaire du revenu d’inclusion sociale (ci-après « le REVIS »), s’était vu imposer, par décision du comité-directeur du FNS, le recalcul rétroactif des prestations perçues pour avoir fait une déclaration incomplète, sinon inexacte sur sa situation financière au sens de l’article 3, paragraphe 1, point f, de la loi du 28 juillet 2018 portant création d’un droit à un revenu d’inclusion sociale (ci-après « la loi modifiée du 28 juillet 2018 »).
Le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait dit non fondé le recours introduit par la demanderesse en cassation contre la décision du comité-directeur du FNS.
Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé le jugement.
Sur la recevabilité du pourvoi Le défendeur en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation, lequel, bien que signifié le dernier jour du délai légal de quarante jours prévu par l’article 23, paragraphe 5, de la loi modifiée du 30 juillet 1960 concernant la création d’un Fonds national de solidarité, ne porterait pas la preuve de son dépôt au greffe de la Cour supérieure de Justice dans le délai légal de quarante jours.
L’arrêt attaqué a été notifié le 10 janvier 2024 à la demanderesse en cassation.
Il résulte des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le pourvoi a été signifié le 19 février 2024 et que le mémoire en cassation ensemble l’acte de signification ont été déposés le même jour, soit dans le délai légal, au greffe de la Cour supérieure de Justice.
Il s’ensuit que le pourvoi est recevable.
2 Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation des règles du contradictoire L’arrêt attaqué retient :
grief compte tenu de l’incidence financière, quelque soit le montant de l’appartement, de cette déclaration sur l’allocation complémentaire à allouer qui est diminuée de la rente viagère déterminée par le calcul de conversion ou même supprimée à l’issue de ce calcul ».
Une telle motivation est erronée.
La Cour ne peut pas prétendre que la valeur de l’immobilier ne peut avoir une incidence quelconque sur l’application de l’art. 29 de la loi modifiée du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale, car cela voudrait dire qu’en ne déclarant pas un bien immobilier sans valeur, le demandeur n’aurait pas droit au revenu d’inclusion.
D’autre part il est constant que la demanderesse ne peut calculer pour sa part le montant du REVIS en tenant compte de la rente de 637,89 EUR., ce que le défendeur garde bien de faire.
Il incombe au défendeur de prouver que l’inclusion de la somme de 637,89 EUR. dans le calcul du REVIS aurait pour effet d’interdire celui-ci ou de le diminuer.
Dans le cas présent la Cour a violé les droits de la demanderesse en tenant pour acquit les allégations du défendeur sans vérifier la preuve de la véracité de ces allégations.
La preuve à fournir incombe en effet au défendeur.
Il convient enfin de remarquer que le défendeur a bien calculé le montant de la rente viagère c’est-à-dire le revenu dont il convient de tenir compte pour le calcul du REVIS mais n’a jamais fait état de ce calcul.
Il convient également de remarquer que le simple fait d’établir un tableau intitulé :
en date du 14.11.2022, démontre et prouve que le défendeur reconnaît qu’il convient de tenir compte de la valeur de l’immobilier dans cette affaire sinon l’établissement de ce tableau ne fait pas de sens.
Il est ainsi démontré qu’en l’état, le défendeur ne peut pas se prévaloir d’aucun grief.
L’arrêt de la Cour doit être censuré de ce fait. ».
Réponse de la Cour Le moyen fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe du contradictoire, lequel se trouve consacré par l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile.
La demanderesse en cassation critique le constat, par les juges d’appel, de l’existence d’un grief provoqué par son omission d’avoir déclaré tous les éléments en lien avec sa situation financière, sinon soutient qu’ils auraient renversé la charge de la preuve en tenant pour acquises les allégations du défendeur en cassation sans en vérifier le bien-fondé.
Ces griefs sont étrangers au cas d’ouverture tiré de la violation du principe du contradictoire.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen de cassation « Absence de motivation-analyse contradictoire L’arrêt attaqué retient :
sujet de la propriété immobilière à l’étranger, il n’est pas contesté que, par signature du 25 février 2021, l’appelante a déclaré ne pas être propriétaire de bien immobilier à l’étranger, etc. » et :
l’art. 29 de la loi modifiée du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale, il est donc légal et justifié que le FNS ait procédé au retrait rétroactif de l’allocation d’inclusions de PERSONNE1.). » Il convient de constater que la Cour n’applique pas ses propres constatations dès lors qu’elle fait partir une application rétroactive au 20.11.2020 alors même que la reproche d’une déclaration incomplète n’aurait pu intervenir qu’à partir du 25 février 2021.
La censure s’impose également. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu, d’une part, que la déclaration sur sa situation patrimoniale, contraire à la vérité, avait été établie le 25 février 2021 et, d’autre part, que le retrait rétroactif du bénéfice du REVIS devait remonter au 20 novembre 2020, date de la demande initiale en obtention du REVIS.
Le grief de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.
En retenant, d’une part, que la déclaration de la demanderesse en cassation du 25 février 2021 était inexacte puisqu’elle ne mentionnait pas la propriété d’un immeuble situé en France et, d’autre part, que le recalcul rétroactif du REVIS au 20 novembre 2020 était justifié en droit sur base des articles 3, paragraphe 1, point f, et 29, paragraphe 1, point b, de la loi modifiée du 28 juillet 2018, les juges d’appel ne se sont pas déterminés par des motifs contradictoires, la demanderesse en cassation ayant déjà été propriétaire dudit immeuble à la date du 20 novembre 2020.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 1.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
la condamne à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 1.500 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître François REINARD, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint Christiane BISENIUS et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) c/ FONDS NATIONAL DE SOLIDARITÉ (affaire n° CAS-2024-00027 du registre) Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 19 février 2024 d’un mémoire en cassation signifié le même jour à la partie défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 2024/0009 rendu contradictoirement le 8 janvier 2024 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale dans la cause inscrite sous le numéro FNS 2023/0190 du registre.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est dirigé contre un arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale, contre lequel, en matière de décisions rendues par le Fonds national de solidarité, un pourvoi en cassation peut être formé sur base de l’article 23, paragraphe 5, de la loi modifiée du 30 juillet 1960 concernant la création d’un Fonds national de solidarité.
Il est recevable au regard du délai1 et de la forme2.
Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendus applicables par l’article 23, paragraphe 5, de la loi précitée du 30 juillet 1960.
Il est, partant, recevable.
1 Le délai de cassation, de quarante jours, prévu par l’article 23, paragraphe 5, de la loi modifiée du 30 juillet 1960 concernant la création d’un Fonds national de solidarité (applicable, par dérogation au droit commun, ainsi qu’il a été décidé par votre arrêt n° 24/2018, numéro 3934 du registre du 22 mars 2018), a été respecté, le délai ayant commencé à courir à partir de la notification, en date du 10 janvier 2024, de l’arrêt attaqué à la demanderesse en cassation, faite conformément à l’article 25 de la loi précitée du 30 juillet 1960, le pourvoi ayant été formé le 19 février 2024, donc le 40ième jour suivant celui de la notification, partant le dernier jour utile. Contrairement à ce qui est allégué dans le mémoire en réponse (page 2, troisième alinéa), la preuve du dépôt du mémoire résulte de l’acte de dépôt du mémoire signifié au greffe, le 19 février 2024. L’exception d’irrecevabilité du défendeur en cassation pour non-respect du délai de recours n’est donc pas fondée.
2 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi de 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendues applicables par l’article 23, paragraphe 5, de la loi précitée du 30 juillet 1960, ont été respectées.Sur les faits Saisi par PERSONNE1.) d’un recours contre la décision du FONDS NATIONAL DE SOLIDARITÉ (ci-après « le FNS ») qui, après avoir constaté que la requérante avait, contrairement à la vérité, attesté ne pas être propriétaire de biens immobiliers à l’étranger, avait rétroactivement recalculé le revenu d’inclusion sociale (REVIS) de celle-ci, le Conseil arbitral de la sécurité sociale déclarait le recours non fondé. Sur appel de la requérante, le Conseil supérieur de la sécurité sociale confirma la décision entreprise, motif tiré de ce qu’il y avait lieu d’appliquer en l’espèce l’article 3 (1) f) de la loi modifiée du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale, qui dispose que : « Ne peut prétendre au REVIS, la personne qui a fait une déclaration incomplète ou inexacte au Fonds national ».
Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la « violation des règles du contradictoire », en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l’appel de la demanderesse en cassation aux motifs que « [c]’est partant à tort que l’appelante soutient que le FNS n’aurait pas de grief compte tenu de l’incidence financière, quelque soit le montant de l’appartement, de cette déclaration sur l’allocation complémentaire à allouer qui est diminuée de la rente viagère déterminée par le calcul de conversion ou même supprimée à l’issue de ce calcul »3, alors qu’il n’est pas établi que le FNS aurait eu un grief s’il avait omis de tenir compte de l’appartement et qu’il aurait appartenu au FNS d’établir ce grief, donc d’établir que la valeur de l’appartement non déclaré, convertie en rente viagère mensuelle de 637,89.- euros, aurait eu pour effet de diminuer le montant du revenu d’inclusion sociale (REVIS) à servir à la demanderesse en cassation.
En l’espèce, la demanderesse en cassation, créancière du REVIS, attesta, contrairement à la vérité, ne pas être propriétaire de biens immobiliers à l’étranger, alors qu’elle était propriétaire d’un appartement en France. L’article 29 de la loi modifiée du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale disposant que « [l]allocation d’inclusion est […] réduite ou retirée avec effet rétroactif si : […] b) le bénéficiaire a fait une déclaration incomplète ou inexacte au Fonds », le FNS procéda au recalcul rétroactif du REVIS. Pour rejeter le recours de la demanderesse en cassation, le Conseil supérieur se référa à l’article 3 (1) f) de la loi précitée, qui dispose que « (1) [n]e peut prétendre au Revis, la personne qui : […] f) a fait une déclaration incomplète ou inexacte au Fonds »4. Il ajouta, en réponse à une « argumentation subsidiaire de l’appelante consistant à dire que la prise en considération de la valeur de cet appartement serait à ce point insignifiante qu’elle n’impacterait pas substantiellement le montant du REVIS »5, que cette argumentation « ne porte pas […] à conséquence dans la mesure où il ne revient pas à l’appelante, relancée à fournir les documents demandés et à faire des déclarations exactes et complètes sur sa fortune mobilière et immobilière, de décider unilatéralement quels éléments elle entend passer sous silence »6. Il conclut que « [c]’est partant à tort que l’appelante soutient que le FNS n’aurait pas de grief compte tenu de l’incidence financière, quelque soit le montant de l’appartement, de cette déclaration sur 3 Arrêt attaqué, page 4, quatrième alinéa.
4 Idem, même page, premier alinéa.
5 Idem, même page, troisième alinéa.
6 Idem et loc.cit.l’allocation complémentaire à allouer qui est diminuée de la rente viagère déterminée par le calcul de conversion ou même supprimée à l’issue de ce calcul »7.
Dans son premier moyen, la demanderesse en cassation critique le bien-fondé de ces motifs.
Elle conteste plus particulièrement l’existence d’un grief du FNS du fait de la non-déclaration de l’appartement. Le FNS aurait, selon elle, dû établir l’existence de ce grief. Cette preuve aurait, plus particulièrement, dû avoir pour objet d’établir que la prise en considération de la valeur de l’appartement, que la demanderesse en cassation considère être à ce point insignifiante qu’elle se considère avoir été justifiée de ne pas la déclarer, aurait eu pour effet de diminuer le REVIS lui redû. La demanderesse en cassation fait, dans cet ordre d’idées, état de ce que l’avocat du FNS aurait admis au cours de l’audience d’appel que la valeur de l’appartement, qui, pour l’évaluation de son incidence sur le droit au REVIS, aurait été convertie par le FNS en une rente viagère mensuelle hypothétique de 637,89.- euros, aurait été trop modeste pour entraîner une diminution, voire une suppression du REVIS8.
Le moyen est tiré de la violation du principe du contradictoire.
Suivant votre jurisprudence, le demandeur en cassation ne saurait se contenter d’invoquer un principe général du droit, mais il doit en outre faire valoir un texte de loi qui exprime ce principe, la violation d’un principe général du droit ne donnant ouverture à cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale9. Le principe du contradictoire est consacré par l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, sinon par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il reste que le demandeur en cassation a omis de rattacher le principe à un texte de loi, au sens large.
À suivre votre jurisprudence, qui sanctionne l’omission formelle du demandeur en cassation d’indiquer la disposition légale dont le principe général de droit est déduit, le moyen est irrecevable.
Dans un ordre subsidiaire il est observé que le moyen est tiré de la violation du principe du contradictoire, mais qu’il critique le mal-fondé en fait de la conclusion du Conseil supérieur que l’omission de déclaration, par la demanderesse en cassation, de son immeuble en France a été la source d’un grief, sinon qu’il critique que le Conseil supérieur, en admettant l’existence d’un grief sans imposer au FNS la preuve de ce dernier, a renversé la charge de la preuve.
Or, le cas d’ouverture tiré de la violation du principe du contradictoire est étranger à la critique relative au bien-fondé en fait du constat de l’existence d’un grief provoqué par la non-
déclaration de l’immeuble ou à celle d’un renversement de la charge de la preuve.
Le cas d’ouverture étant étranger au grief, le moyen est, à titre subsidiaire, irrecevable.
Dans un ordre plus subsidiaire, il est relevé que le moyen repose sur la prémisse que le Conseil supérieur a considéré que la valeur de l’immeuble non-déclaré était suffisamment importante pour entraîner une diminution, voire une suppression du REVIS de la demanderesse en cassation. Cette prémisse méconnaît toutefois que le Conseil supérieur, pour conclure que 7 Idem, même page, quatrième alinéa.
8 Mémoire en cassation, page 2, dernier alinéa.
9 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 7 mars 2024, n° 37/2024, numéro CAS-2023-00067 du registre (réponse au sixième moyen).« [c]’est partant à tort que l’appelante soutient que le FNS n’aurait pas de grief »10, constate que l’« argumentation subsidiaire de l’appelante consistant à dire que la prise en considération de la valeur de cet appartement serait à ce point insignifiante qu’elle n’impacterait pas substantiellement le montant du REVIS ne porte pas […] à conséquence dans la mesure où il ne revient pas à l’appelante, relancée à fournir les documents demandés et à faire des déclarations exactes et complètes sur sa fortune mobilière et immobilière, de décider unilatéralement quels éléments elle entend passer sous silence »11.
Le « grief » envisagé par le Conseil supérieur du fait de la non-déclaration, par la demanderesse en cassation, de son immeuble situé à l’étranger n’est donc, contrairement à ce qui est soutenu par elle, pas un paiement indu de REVIS, mais la simple existence d’un risque d’un tel paiement indu, provoqué par l’inexactitude, du fait de la non-déclaration, des informations à disposition du FNS.
Il s’ensuit, à titre plus subsidiaire, que le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de l’« absence de motivation » et de l’« analyse contradictoire », en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a retenu que : « En l’espèce, même si le formulaire initial ne prévoit pas de mention expresse au sujet d’une propriété immobilière à l’étranger, il n’est pas contesté que, par signature du 25 février 2021, l’appelante a déclaré ne pas être propriétaire de biens immobiliers situés à l’étranger […] »12 pour ensuite conclure que : « Au vu des développements qui précèdent, y compris les dispositions de l’article 29 de la loi modifiée du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale, il est donc légal et justifié que le FNS a procédé au retrait rétroactif de l’allocation d’inclusion de PERSONNE1.) »13, étant précisé que ce retrait rétroactif ainsi validé s’applique avec effet au 1er novembre 202014, alors que le Conseil supérieur de la sécurité n’applique ainsi pas ses propres constatations étant donné qu’il aurait dû retenir que la rétroactivité s’applique au 25 février 2021, date de la signature par la demanderesse en cassation de la déclaration dans laquelle celle-ci atteste, contrairement à la vérité, ne pas être propriétaire de biens immobiliers à l’étranger, et non au 20 novembre 2020, date de la demande initiale en obtention d’une allocation d’inclusion sociale, ne prévoyant pas de mention expresse au sujet d’une propriété immobilière à l’étranger.
Le moyen est tiré d’un défaut de motifs par contradiction de motifs. Cette contradiction résulterait de ce que le Conseil supérieur a, d’une part, retenu que la fausse déclaration de la demanderesse en cassation, dans laquelle celle-ci a attesté, contrairement à la vérité, ne pas être propriétaire d’immeubles à l’étranger, a été établie le 25 février 2021, mais a, d’autre part, constaté le caractère légal et justifié de la décision du FNS de lui retirer de façon rétroactive le bénéfice du REVIS avec effet à la date de la demande initiale en obtention de cette allocation, soit au 20 novembre 2020, tant bien même que cette déclaration « ne prévoit [suivant ses constatations] pas de mention expresse au sujet d’une propriétaire immobilière à l’étranger »15.
10 Arrêt attaqué, page 4, quatrième alinéa.
11 Idem, même page, troisième alinéa.
12 Idem, page 3, dernier alinéa.
13 Idem, page 4, cinquième alinéa.
14 Idem, page 2, sixième alinéa.
15 Idem, page 3, dernier alinéa.Le moyen repose sur la prémisse que le retrait rétroactif de l’allocation ne saurait produire ses effets qu’à partir d’une déclaration mensongère. Cette prémisse méconnaît cependant que, ainsi que le constate le Conseil supérieur, « l’article 3 (1) f), de la loi modifiée du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale [dispose que] : « Ne peut prétendre au REVIS, la personne qui a fait une déclaration incomplète ou inexacte au Fonds national de solidarité » […] »16. Une fausse déclaration remet donc ab initio en cause le droit à l’octroi du REVIS. Il n'existe dès lors aucune contradiction de faire rétroagir, en cas de fausse déclaration, le recalcul provoqué par celle-ci, à partir de la date d’octroi de l’allocation, soit en l’occurrence à partir du 20 novembre 2020. Le choix de cette date est, comme le signala à juste titre le FNS dans son mémoire en réponse17, d’autant plus cohérent que la demanderesse en cassation est, suivant les constatations souveraines du Conseil supérieur, propriétaire de l’immeuble litigieux depuis juillet 201918, donc antérieurement à la date d’octroi de l’allocation, du 20 novembre 2020.
Il n’existe dès lors aucune contradiction de motifs.
Ce grief, de pure forme, ne permet pas de critiquer le bien-fondé des motifs, de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’interroger si les motifs critiqués sont justifiés en droit.
Il s’ensuit que le second moyen n’est pas fondé, à supposer que vous considérez qu’il puisse être déclaré recevable tant bien même qu’il omet de préciser de la violation de quelle disposition légale il est tiré.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 16 Idem, page 4, premier alinéa.
17 Mémoire en réponse, page 9, septième alinéa.
18 Arrêt attaqué, page 3, dernier alinéa.