N° 172 / 2024 pénal du 28.11.2024 Not. 15740/22/CD Numéro CAS-2024-00036 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 7 février 2024 sous le numéro 48/24 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 7 mars 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 8 avril 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Sandra KERSCH.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation notamment du chef d’infraction aux articles 2 et 7 de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions, à une peine d’emprisonnement.
La Cour d’appel a confirmé le jugement sur ce point.
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la mauvaise application, sinon interprétation de la loi, à savoir :
- L’article 68 de la loi modifiée du 2 février 2022 selon lequel :
présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit sa publication au journal officiel de Luxembourg ».
- Les articles 2 et 7 de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions.
En ce que l’arrêt attaqué a :
considéré, sans rechercher la date d’acquisition de 1’arme soumise à autorisation et donc du début de la possession de ladite arme, que la loi applicable était celle du 2 février 2022 et non la loi modifiée du 19 avril 1983 ;
Au motif que :
Cour d’appel constate qu’il est constant en cause que la matraque a été saisie sur la personne de PERSONNE1.) au moment de son interpellation » Alors que :
Il est établi que le délit de possession d’une arme soumise à autorisation est une infraction continue.
En tant que telle, la question de la détermination exacte de l’entrée en possession de ladite arme constitue une question de droit lorsqu’elle est mise en relation avec l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle entre entrée en possession et le moment de la constatation policière de la possession de ladite arme.
Il est également constant en cause que le moyen tiré de 1' application de la loi nouvelle à une situation de fait passée est une question d’ordre public.
Le moyen tiré de l’application de ladite loi dans le temps est donc un moyen d’ordre public qui peut être soulevé pour la première fois en instance de Cassation.
2 Les premiers juges, suivis en cela par les juges d’appel n’ont pas recherché à déterminer avec exactitude la date d’entrée en possession de l’arme soumise à autorisation par Monsieur PERSONNE1.).
Ils se sont contentés de déterminer que le demandeur en cassation était en possession en date du 16 mai 2022 de cette arme.
Or la loi du 2 février 2022 est entrée en vigueur le 1er mai 2022.
La question de savoir si le demandeur en cassation était entré en possession de l’arme en question avant le 1er mai 2022 est donc une question primordiale d’ordre public afin de déterminer laquelle de la loi du 19 avril 1983 ou de celle du 2 février 2022 est applicable en l’espèce.
En s’abstenant de faire cette vérification et d’établir cette date, les juges d’appel ont méconnu la portée des textes susvisés.
La Cour d’Appel a partant fait une mauvaise application des dispositions précitées.
En rendant 1’arrêt du 7 février 2024 (n° 48/24 X), la Cour d’Appel a commis une erreur de droit. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir décidé que la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions (ci-après « la loi du 2 février 2022 ») était applicable en l’espèce et non l’ancienne loi du 19 avril 1983, sans rechercher la date d’acquisition et le début de la possession de l’arme soumise à autorisation.
Devant les juges du fond, le demandeur en cassation n’avait, à aucun moment, soutenu avoir détenu la matraque avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 2 février 2022, mais avait soutenu, en première instance, « qu’il l’avait enlevée à PERSONNE2.), alors que ce dernier faisait n’importe quoi » avec l’arme » et, en instance d’appel, qu’il « ignorerait qui lui a mis la matraque dans la poche de sa veste », soit à son insu, lorsqu’il était descendu du bus.
Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait invoqué devant les juges du fond la question de la date de l’acquisition de l’arme.
Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
3 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 4,75 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Marie-Laure MEYER, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère public (Affaire numéro CAS-2024-00036 du registre) Par déclaration faite le 7 mars 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), un recours en cassation contre un arrêt rendu de façon contradictoire le 7 février 2024, sous le numéro 48/24 X. par la dixième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours a été suivie en date du 8 avril 2024 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Edévi AMEGANDJI pour le compte de PERSONNE1.).
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation et est partant à déclarer recevable.
Rétroactes Par jugement contradictoire rendu par la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg le 20 avril 2023 sous le numéro 1007/2023, PERSONNE1.) a été acquitté des infractions non établies à sa charge, à savoir de l’infraction de vol commis à l’aide de violences et de menaces, de l’infraction d’extorsion, de l’infraction de coups et blessures volontaires, de l’infraction de menaces verbales et par gestes ainsi que de l’infraction de blanchiment-conversion.
Les juges de première ont cependant condamné PERSONNE1.) à une peine d'emprisonnement de 12 mois pour avoir, en date du 16 mai 2022, vers 19.15 heures à Luxembourg-Ville, acquis et détenu les écouteurs Airpods préalablement dérobés à PERSONNE3.), sachant au moment où il les recevait, qu’ils provenaient d’une infraction (infraction aux articles 506-1 et 506-4 du Code pénal) ainsi que pour avoir détenu et transporté une matraque télescopique noire, partant une arme de la catégorie B, sans être titulaire de l’autorisation requise par le Ministre de la Justice ( infraction à l’article 59 de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions).
Suite à l’appel interjeté par le prévenu de cette décision, suivi de l’appel du Ministère public, la Cour d’appel a, par arrêt n°48/24 X. du 7 février 2024, reçu les appels en la forme, réformé le jugement de première instance et acquitté le prévenu PERSONNE1.) de l’infraction de blanchiment-détention mise à sa charge par le Ministère public. Par voie de conséquence la peine d’emprisonnement a été ramenée à six mois. Le jugement dont appel a été confirmé pour le surplus.
Le présent pourvoi est dirigé contre l’arrêt précité du 7 février 2024.
Quant au premier moyen de cassation Le premier et unique moyen est tiré de la mauvaise application, sinon interprétation de la loi, à savoir :
- L’article 68 de la loi modifiée du 2 février 2022, selon lequel « La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit sa publication au journal officiel de Luxembourg ».
- Les articles 2 et 7 de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions.
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir retenu : « Quant à l’infraction de détention d’une arme soumise à autorisation, la Cour d’appel constate qu’il est constant en cause que la matraque a été saisie sur la personne de PERSONNE1.) au moment de son interpellation. » et d’avoir décidé que la loi applicable était la loi nouvelle du 2 février 2022 sur les armes et munitions et non la loi ancienne du 19 avril 1983, sans rechercher la date d’acquisition de l’arme soumise à autorisation, alors que les juges d’appel auraient dû rechercher avec exactitude la date d’entrée en possession de l’arme soumise à autorisation pour ensuite déterminer la loi applicable.
À titre principal, il y a lieu de noter qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué, ni d’ailleurs des actes de procédure auxquels Votre Cour peut avoir égard, que le moyen énoncé ci-dessus ait été développé devant les juges du fond.
Tout au long de la procédure, PERSONNE1.) a d’ailleurs contesté être le propriétaire de l’arme soumise à autorisation et a soutenu que l’entrée en possession de l’arme s’est faite à son insu.
Il ressort ainsi de l’arrêt entrepris :
« À l’audience de la Cour d’appel du 8 janvier 2024, PERSONNE1.), sans contester sa présence sur le lieu des infractions, a fait valoir que les Airpods trouvés sur lui lors de son interpellation du 16 mai 2022, étaient les siens et qu’il n’aurait pas vu qui lui aurait mis la matraque dans sa poche.
Le mandataire de PERSONNE1.) a conclu à l’acquittement des deux infractions retenues à charge de son mandant. En effet, il résulterait des déclarations des victimes que son mandant aurait été sur les lieux, mais qu’il se serait tenu en retrait et qu’il n’aurait rien subtilisé au préjudice des victimes. Bien que PERSONNE1.) aurait été trouvé en possession d’Airpods, il aurait été formel tout au long de la procédure que ces Airpods seraient les siens. Concernant la matraque trouvée sur lui lors de son interpellation, son mandant ne l’aurait pas utilisée et il ignorerait qui lui a mis la matraque dans la poche de sa veste. »1 « Les déclarations du prévenu tendant à dire que quelqu’un lui aurait mis la matraque dans la poche, mais qu’il se trouverait dans l’ignorance complète de qui il pourrait s’agir, ne sont pas crédibles. »2 1 page 14 de l’arrêt dont pourvoi 2 page 16 de l’arrêt dont pourvoiAu vu de la position adoptée par le prévenu devant les juges du fond de première et de deuxième instance, la question de la date d’acquisition de l’arme n’a pas été soulevée par la défense, étant donné que le prévenu a contesté avoir détenu l’arme soumise à autorisation de son plein gré.
Il ne fait dès lors pas de doute que le moyen est nouveau.
Or le recours en cassation est une voie de recours extraordinaire et non une troisième instance dans le cadre de laquelle la défense développe les moyens qu’elle a omis de présenter en instance d’appel.
L’analyse du moyen comporterait nécessairement un examen des circonstances de fait, vu que la date de l’acquisition de l’arme serait à dégager des faits à la base du dossier.
Le moyen étant mélangé de fait et de droit, il est à déclarer irrecevable.
À titre subsidiaire, il y a lieu de préciser que suivant ordonnance de renvoi n° 763/22 (XIXe), rendue le 12 octobre 2022 par la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, l’étendue de la saisine temporelle de la juridiction du fond quant au fait de détention d’arme soumise à autorisation est limitée à la période « depuis le 16 mai 2022, vers 19.15 heures » C’est la décision de renvoi de la juridiction d’instruction qui saisit le tribunal des faits donnant lieu la poursuite. La juridiction de jugement ne peut statuer (sauf comparution volontaire) sur d’autres faits, que ceux dont elle a été saisie par la décision de la juridiction d’instruction.
En l’espèce la partie demanderesse en cassation soutient que la juridiction d’appel aurait omis de rechercher la date précise de l’acquisition de l’arme litigieuse. Or imposer à la juridiction d’appel de rechercher la date exacte de l’acquisition de l’arme, reviendrait à exiger de cette juridiction d’analyser des faits antérieurs au 16 mai 2022, soit des faits qui dépassaient l’étendue de sa saisine.
Au vu de l’entrée en vigueur en date du 1er mai 2022, de la nouvelle loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions, et de la période infractionnelle libellée, débutant le 16 mai 2022, c’est à juste titre que la Cour d’appel a confirmé le tribunal en ce qu’il a retenu PERSONNE1.) dans les liens de l’infraction aux articles 2 et 7 de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’État, le premier avocat général Sandra KERSCH 8