N° 166 / 2024 pénal du 21.11.2024 Not. 29548/21/CD Numéro CAS-2024-00020 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-et-un novembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Allemagne), demeurant à L-
ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Edoardo TIBERI, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 20 décembre 2023 sous le numéro 453/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Edoardo TIBERI, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 22 janvier 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 22 février 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef d’infractions aux articles 457-1, 3° et 275 du Code pénal à une peine d’emprisonnement assortie du sursis intégral et à une amende. La Cour d’appel a confirmé le jugement.
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui dispose que Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-
fondé́ de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » Par citation du Parquet Général, Madame la Procureure Général d’État près la Cour Supérieure de Justice à Luxembourg a requis Monsieur PERSONNE1.) de comparaitre le lundi 20 novembre 2023 à 15h00, devant la Cour d’appel à Luxembourg, Bâtiment de la Cour Supérieure de Justice, Cité Judiciaire, Plateau du Saint Esprit, rez-de-chaussée, salle d’audience n° CR.0.19, qui statuera sur l’appel interjeté par le prévenu préqualifiée PERSONNE1.) et par le Ministère public contre un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 29 juin 2023 dans l’affaire entre le Ministère public, partie poursuivante et PERSONNE1.), prévenu préqualifié.
Cependant, Monsieur PERSONNE1.) a été convoqué le même jour à la même heure par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, Bâtiment TL, Cité Judiciaire, Plateau du Saint Esprit, 1. étage, salle d’audience n° TL.1.10, pour voir statuer sur un renvoi de la Cour d’appel, dixième chambre, portant le numéro de notice 35607/21/CD.
L’affaire devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg portant le numéro de notice 35607/21/CD a été remise de façon contradictoire par le mandataire du demandeur en cassation.
Monsieur PERSONNE1.) qui n’était pas assisté par ministère d’avocat dans l’affaire du prédit pourvoi en cassation n’était donc pas en mesure de concevoir équitablement et de façon raisonnable que le même jour il devait se présenter à deux audiences différentes.
Le fait de convoquer la même personne, le même jour, à la même heure dans deux affaires distinctes devant la Cour d’appel et devant le tribunal d’arrondissement n’a pas donné la possibilité à Monsieur PERSONNE1.) de se défendre raisonnablement et de façon équitable devant la Cour d’appel, dixième chambre le 20 novembre 2023 à 15h00 dans la salle CR.0.19.
2 Il y a donc lieu de retenir que la Cour d’appel a violé, sinon mal appliqué le prédit principe confirmé par l’arrêt numéro 453/23 X du 20 décembre 2023.
Il en découle que les juges de la Cour d’appel ont violé, sinon, procédé par une application erronée dudit article.
L’arrêt encours la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours. Selon l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire que le demandeur en cassation est tenu de déposer devra contenir les moyens de cassation, qui doivent énoncer le texte de loi dont la violation est alléguée, les motifs auxquels il est fait grief, la raison de la critique et la solution qui, selon le demandeur en cassation, aurait dû être retenue.
Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen, alors qu’il avait été convoqué le même jour, à la même heure, dans deux affaires distinctes, l’une devant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg et l’autre devant la Cour d’appel, et qu’il n’aurait, partant, pas été en mesure de « se défendre raisonnablement et de façon équitable » devant la Cour d’appel.
Les prévenus sont convoqués aux audiences par le Ministère public.
Le demandeur en cassation reste en défaut de préciser en quoi les juges d’appel auraient violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-et-un novembre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Marie-Laure MEYER, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) / Ministère public affaire n° CAS-2024-00020 du registre Par déclaration faite le 22 janvier 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Edoardo TIBERI, avocat à la Cour, demeurant à Differdange, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre l’arrêt n° 453/23 rendu le 20 décembre 2023 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours a été suivie en date du 22 février 2024 du dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Edoardo TIBERI, préqualifié, au nom et pour le compte de PERSONNE1.).
Le pourvoi respectant les conditions de recevabilité définies par les articles 411 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, il est recevable en la pure forme pour respecter les exigences légales de délai et forme.
Quant aux faits et rétroactes :
Aux termes de l’arrêt n° 453/23 dont pourvoi, les juges d’appel, ayant constaté que la citation à prévenu a fait l’objet d’une notification à personne et qu’à l’audience du 20 novembre 2023 PERSONNE1.) n’a pas comparu, ne s’est pas fait représenter et n’a pas présenté d’excuse valable justifiant son absence, ont retenu, en application de l’article 185 alinéa 2bis du Code de procédure pénale, qu’il y a lieu de statuer par arrêt réputé contradictoire à l’égard de PERSONNE1.).
Pour le surplus, ils ont déclaré les appels au pénal de PERSONNE1.) et du Ministère public non fondés, et ont confirmé les premiers juges qui, aux termes du jugement n° 1462/2023 rendu le 29 juin 2023, ont condamné PERSONNE1.) à une peine d’emprisonnement de six mois, assortie du sursis intégral, et à une amende de 1.000 1 PERSONNE1.) s’est vu notifier l’arrêt n° 453/23X réputé contradictoire par la voie postale, l’avis prévu à l’article 386 (4) du Code de procédure pénale ayant été déposé à son adresse à L-ADRESSE2.), en date du 27 décembre 2023, et le destinataire ayant retiré l’envoi recommandé en date du 3 janvier 2024 ; euros pour avoir contrevenu à l’article 457-1, 3°2 du Code pénal et à l’article 2753 du même code.
Quant à l’unique moyen de cassation :
L’unique moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en ce que, convoqué le 20 novembre 2023 à 15.00 heures devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, Bâtiment TL, Cité Judiciaire, Plateau du Saint Esprit, 1. étage, salle d’audience n° TL.1.10, pour voir statuer sur un renvoi de la Cour d’appel, dixième chambre, portant le numéro de notice 35607/21/CD, PERSONNE1.) fut mis dans l’impossibilité « de se défendre raisonnablement et de façon équitable devant la Cour d’appel, dixième chambre le 20 novembre 2023 à 15h00 dans la salle CR.0.19. » dans l’affaire d’appel contre le jugement n° 1462/2023 du 29 juin 2023, portant le numéro de notice 29548/21/CD, et vidée par l’arrêt dont pourvoi.
Le demandeur en cassation, se limitant à dire que les juges d’appel auraient violé la disposition visée au moyen, omet toutefois d’indiquer quelles dispositions de l’arrêt n° 453/23 il entend critiquer.
En effet, faisant valoir avoir été cité par le Ministère public pour deux différentes affaires le même jour à la même heure, il reste en souffrance de formuler un reproche à l’égard de la motivation des juges d’appel et ne dit pas en quoi et par quel raisonnement les juges d’appel auraient violé son droit à un procès équitable, voire l’auraient privé de ses droits de la défense.
Sous ce rapport, le moyen sous examen est à déclarer irrecevable.
Pour être complet, pour autant que le demandeur en cassation devait faire grief aux juges d’appel d’avoir retenu l’affaire et d’avoir décidé de statuer par un jugement réputé contradictoire, alors qu’il devait se présenter et défendre en même temps devant une autre juridiction, le reproche ne se conçoit pas en raison de la double considération qui suit.
D’une part, PERSONNE1.) n’a pas mis les juges d’appel en mesure d’avoir connaissance de l’impossibilité alléguée, si bien que ces derniers étaient en droit 1.) 2 « ( …) d’avoir incité à la haine, à raison de leur orientation sexuelle, à l’égard d’une communauté de personnes, et à l’égard du premier ministre du gouvernement luxembourgeois, impopulaire dans la mouvance de contestataires dont l’internaute fait partie, suite aux mesures de lutte contre la pandémie », cf. p 5-6 de l’arrêt dont pourvoi ;
3 « (…) d’avoir publié le commentaire plus amplement décrit ci-avant, et partant, d’avoir outragé le premier ministre. », cf. p. 6 de l’arrêt dont pourvoi ; de constater que le prévenu n’a pas comparu à l’audience du 20 novembre 2023, ne s’est pas fait représenter par un mandataire et n’a pas présenté d’excuse valable expliquant son absence, et 2.) de statuer en conséquence en application de l’article 185 alinéa 2bis du Code de procédure pénale.
D’autre part, tel qu’il ressort de la pièce n° 3 versée par le demandeur en cassation, l’affaire portant le numéro de notice 35607/21/CD, pour laquelle il fut cité pour le même jour et la même heure devant le tribunal d’arrondissement, fut décommandée. Le mandataire de PERSONNE1.) ayant été informé par courrier du Parquet près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 13 novembre 2023 que l’affaire ne paraîtra pas à l’audience du 20 novembre 2023, et ce dernier ayant été convié d’en informer son mandant, le demandeur en cassation n’était donc pas dans l’impossibilité alléguée de se présenter devant la Cour d’appel pour s’y défendre.
Pour autant que le demandeur en cassation, affirmant que, non assisté par ministère d’avocat dans l’affaire d’appel, il n’était « pas en mesure de concevoir équitablement que le même jour il devait de présenter à deux audiences différentes », devait in fine faire valoir qu’il aurait été égaré et qu’il ne se serait pas rendu compte d’avoir été cité devant la Cour d’appel pour voir trancher l’appel contre le jugement prononcé à son encontre le 29 juin 2023, toujours est-il qu’il aurait incombé à PERSONNE1.), qui a retiré le 3 octobre 20234 la citation devant la Cour d’appel, de s’enquérir y relativement et de se mettre activement en mesure de savoir s’il devait honorer ou non la citation devant la Cour d’appel. En conclusion, c’est l’inertie de PERSONNE1.) qui est à l’origine de l’arrêt réputé contradictoire rendu à son encontre.
Au regard des considérations qui précèdent, le moyen n’est pas fondé.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.
Luxembourg, le 14 octobre 2024 Pour le Procureur Général d’Etat Monique SCHMITZ 1er avocat général 4 cf. p. 9 de l’arrêt dont pourvoi ;