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07/11/2024 | LUXEMBOURG | N°157/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 novembre 2024, 157/24


N° 157 / 2024 pénal du 07.11.2024 Not. 17645/16/CD Numéro CAS-2024-00011 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Portugal), demeurant à F-

ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à E-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à L-AD

RESSE4.), 3) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE5.), demandeurs au civil,...

N° 157 / 2024 pénal du 07.11.2024 Not. 17645/16/CD Numéro CAS-2024-00011 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Portugal), demeurant à F-

ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à E-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE4.), 3) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE5.), demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 19 décembre 2023 sous le numéro 75/23 - Crim.

par la chambre criminelle de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 19 janvier 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 15 février 2024 aux demandeurs au civil et déposé le 19 février 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Bob PIRON.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné PERSONNE1.) du chef de viol en réunion sur une personne mineure âgée de moins de seize ans à une peine de réclusion assortie d’un sursis partiel. Au civil, elle avait condamné le demandeur en cassation, solidairement avec les co-auteurs, à dédommager les parties civiles.

La Cour d’appel a confirmé le jugement sur ces points.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt attaqué fondés ;

dit l'appel du ministère public partiellement fondé ;

réformant :

prononce contre PERSONNE5.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

prononce contre PERSONNE6.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

prononce contre PERSONNE1.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

2 confirme pour le surplus le jugement entrepris au pénal ;

condamne PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE1.) aux frais de leur poursuite pénale en instance d'appel, ces frais liquidés à 24,64 euros pour chacun ;

Au civil déclare les appel d'PERSONNE5.), de PERSONNE6.) et de PERSONNE1.) non fondés ;

confirme le jugement entrepris au civil;

condamne PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE1.) aux frais des demandes civiles dirigées contre eux en instance d'appel. » Aux motifs que 372, 375 et 377 du Code pénal, articles qui ont été modifiés par la loi du 7 août 2023 portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale en vue de renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des mineurs.

Suivant l'article 2 du Code pénal "si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée".

Les articles 372, 375 et 377 du Code pénal tels que modifiés par la loi du 7 août 2023 précité sanctionnent des mêmes peines l'infraction de l'attentat à la pudeur (actuellement l'infraction de l'atteinte à l'intégrité sexuelle) et l'infraction de viol, chaque fois avec la circonstance aggravante prévue à l'article 377 paragraphe 4°, que les anciens articles, à savoir en ce qui concerne l'infraction de l'atteinte à l'intégralité sexuelle une peine de cinq à dix ans et en ce qui concerne l'infraction de viol une peine de réclusion de cinq à dix ans, le minimum de ces peines étant chaque fois élevé conformément à l'article 266 du Code pénal et le maximum pouvant être doublé.

Les formulations des nouveaux articles 372, 372bis, 375 et 377 du Code pénal sont cependant plus larges que celles des anciens textes de loi.

Une incrimination définie de manière plus large constitue une loi pénale plus sévère, qui ne saurait par conséquent avoir d'effet rétroactif.

Il convient par conséquent d'analyser les faits reprochés aux prévenus en ce qui concerne les infractions de viol et d'attentat à la pudeur à la lumière de l'ancienne rédaction des articles 372, 375 et 377 du Code pénal, dans leur version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023 précitée, infractions 3 telles que libellées dans le réquisitoire de renvoi par le ministère public, tel que le tribunal l'a d'ailleurs fait à bon escient. » Branche unique Pour violation de l’article 2 du Code Pénal.

Alors que L’article 2 du Code pénal prévoit que jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée ».

En l’espèce, par loi du 7 août 2023 susmentionnée, a été introduit au Code pénal un article 375bis qui se lit comme suit :

quelque moyen que ce soit, qu’il soit de nature vaginale, anale, ou buccale, à l’aide notamment du sexe, d’un objet ou d’un doigt, commis sur un mineur de moins de seize ans ou à l’aide d’un mineur de moins de seize ans, y compris lorsque le mineur de moins de seize ans est amené à commettre l’acte sur son propre corps ou sur le corps d’une tierce personne, qu’il y consente ou non, sera puni de la réclusion de dix à quinze ans.

Toutefois, un mineur qui a atteint l’âge de treize ans accomplis mais pas l’âge de seize ans, peut consentir librement si la différence d’âge avec l’autre personne n’est pas supérieure à quatre ans. » En n’appliquant pas ce nouveau texte de loi, moins sévère que l’article 375 ancien, la Cour d’appel a violé l’article 2 du Code pénal. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 2 du Code pénal en ayant appliqué aux faits qui lui étaient reprochés les articles 375 et 377 du Code pénal dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs (ci-après « la loi du 7 août 2023 »), partant une loi pénale plus sévère que celle du 7 août 2023, laquelle, par l’introduction dans le Code pénal de l’article 375bis, serait à considérer comme la loi pénale la plus douce.

L’article 2, alinéa 1, du Code pénal pose le principe que la loi pénale applicable est celle en vigueur à la date des faits. L’alinéa 2 du même article consacre l’application immédiate de la loi pénale plus douce, exception qui vise tant l’infraction elle-même que la peine.

Afin de vérifier si les juges d’appel ont fait l’exacte application de l’article 2, alinéa 2, du Code pénal, il importe de comparer les deux lois. La comparaison entre les deux lois ne s’opère pas de manière abstraite, mais consiste en un examen concret des éléments amenant à appliquer une loi pénale plutôt qu’une autre.

Il ressort de cette comparaison que la loi nouvelle est, au regard des peines, identique à la loi ancienne en ce qu’elle prévoit les mêmes sanctions, et au regard des faits punissables, plus sévère que la loi ancienne en ce qu’elle élargit les faits susceptibles d’être qualifiés de viol.

La loi nouvelle est cependant plus douce sur le point de l’élément constitutif de l’infraction de viol tenant à l’absence de consentement de la victime en ce que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal dans sa version antérieure à la loi du 7 août 2023 présumait irréfragablement, dans tous les cas, l’absence de consentement du mineur de moins de seize ans, tandis que l’article 375bis, alinéa 2, du Code pénal tel qu’introduit par la loi du 7 août 2023 admet la possibilité du consentement du mineur de moins de seize ans à la double condition qu’il ait atteint l’âge de treize ans accomplis à la date des faits et que la différence d’âge entre les deux personnes impliquées dans l’acte sexuel ne soit pas supérieure à quatre ans.

Il résulte de l’arrêt attaqué qu’à la date des faits, le demandeur en cassation était âgé de dix-huit ans et que la mineure était âgée de quinze ans. Les conditions objectives relatives à l’âge étant remplies, l’article 375bis, alinéa 2, du Code pénal tel qu’issu de la loi du 7 août 2023 trouve à s’appliquer, excluant la qualification de viol dans le chef du demandeur en cassation si la preuve de l’absence de consentement de la mineure n’est pas rapportée.

Il ressort, par ailleurs, des constatations souverainement opérées par les juges d’appel « C’est de même à bon droit que le tribunal a également retenu l’absence de consentement sur base de l’état d’inconscience, dû à la consommation de cannabis et d’alcool, dans lequel la victime se trouvait au moment des viols et sur base des violences qui ont été utilisées par les prévenus pour la retenir pendant les moments où elle se débattait, violences qui résultent des dépositions de PERSONNE7.) et de l’examen médical subi par la victime le 28 juin 2016, étant précisé que les violences qui ont été exercées sur la victime PERSONNE2.) ne sont pas à qualifier de circonstance aggravante, mais sont à analyser au niveau de l’absence de consentement tel qu’exposé ci-avant au vu du libellé même de l’article 375 alinéa 1 du Code pénal, l’absence de consentement pouvant notamment résulter de l’emploi de violences pour forcer l’acte sexuel. ».

Les juges d’appel ont ainsi légalement justifié leur décision, au regard de l’article 375bis, alinéa 2, du Code pénal, tel qu’issu de la loi du 7 août 2023, quant à l’absence de consentement de la victime mineure âgée de moins de seize à la date des faits.

Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux des juges d’appel, la décision de retenir le demandeur en cassation dans les liens de la prévention de viol se trouve légalement justifiée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt attaqué fondés ;

dit l'appel du ministère public partiellement fondé ;

réformant :

prononce contre PERSONNE5.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

prononce contre PERSONNE6.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

prononce contre PERSONNE1.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

confirme pour le surplus le jugement entrepris au pénal ;

condamne PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE1.) aux frais de leur poursuite pénale en instance d'appel, ces frais liquidés à 24,64 euros pour chacun ;

Au civil déclare les appels d'PERSONNE5.), de PERSONNE6.) et de PERSONNE1.) non fondés ;

confirme le jugement entrepris au civil;

condamne PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE1.) aux frais des demandes civiles dirigées contre eux en instance d'appel. » Aux motifs que décidé, pour chaque prévenu, qu'une partie de la peine de réclusion devra être ferme au vu de la gravité intrinsèque des infractions commises et des conséquences néfastes pour les deux victimes qui doivent vivre avec ce trauma le restant de leur vie.

6 La peine de réclusion de huit ans dont l'exécution est assortie d'un suris pour la durée de cinq ans, prononcée à l'égard de PERSONNE5.) et la peine de réclusion de six ans dont l'exécution est assortie d'un sursis pour la durée de quatre ans, prononcée à l'égard de PERSONNE1.), ainsi que la peine de réclusion de huit ans dont l'exécution est assortie d'un sursis pour la durée de cinq ans, prononcée à l'égard de PERSONNE6.), constituent des peines adaptées à la gravité des faits et elles sont à confirmer. » Branche unique Pour violation de l’article 195-1 du Code de procédure pénale.

Alors que L’article 195-1 du Code de procédure pénale dispose qu’en correctionnelle et criminelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ou de réclusion sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette mesure. Toutefois, il n'y a pas lieu à motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. ».

En n’assortissant pas la peine de réclusion de six ans de Monsieur PERSONNE1.) d’un sursis intégral sans motivation spéciale, la Cour d’appel a violé l’article 195-1 du Code de procédure pénale. ».

Réponse de la Cour L’article 195-1 du Code de procédure pénale impose aux juridictions l’obligation de motiver spécialement le refus d’octroi d’un sursis intégral dans les décisions prononçant une peine d’emprisonnement ou de réclusion.

Les juges d’appel ont confirmé la décision des juges de première instance ayant condamné le demandeur en cassation à une peine de réclusion partiellement ferme. Ayant assorti la peine de réclusion d’un sursis partiel, ils n’avaient pas à motiver spécialement leur décision sur le point du sursis.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt attaqué fondés ;

7 dit l'appel du ministère public partiellement fondé ;

réformant :

prononce contre PERSONNE5.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

prononce contre PERSONNE6.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

prononce contre PERSONNE1.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu ;

confirme pour le surplus le jugement entrepris au pénal ;

condamne PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE1.) aux frais de leur poursuite pénale en instance d'appel, ces frais liquidés à 24,64 euros pour chacun ;

Au civil déclare les appel d'PERSONNE5.), de PERSONNE6.) et de PERSONNE1.) non fondés ;

confirme le jugement entrepris au civil;

condamne PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE1.) aux frais des demandes civiles dirigées contre eux en instance d'appel. » Aux motifs que concordantes et crédibles et corroborées par les résultats des analyses ADN, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal s'est, entre autres, basé sur ces déclarations pour apprécier la participation des prévenus dans la commission des infractions qui sont reprochées à PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE1.).

» Branche unique Pour violation des articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale, ainsi que de l’article 6.3., et plus particulièrement l’article 6.3.d) de la Convention européenne des Droits de l'Homme en ce sens que la Cour d'appel a privé le requérant de facto et de jure du droit fondamental en matière pénale, de pouvoir confronter, à l’audience publique d’appel lors des débats sur le fond, les témoins de l’accusation.

Alors que 8 La Cour d’appel s’est basée sur les déclarations d’un co-prévenu et d’un co-

inculpé ; déclarations qui ne constituent pas une preuve légalement admissible, pour condamner Monsieur PERSONNE1.).

Au vu de leur qualité de co-inculpé et de co-prévenu respectivement, les Messieurs PERSONNE8.) et PERSONNE7.) n’avaient pas vocation à être auditionné sous la foi du serment et partant ne pouvaient pas être questionnés par Monsieur PERSONNE1.).

Ce droit de confronter en audience publique, autant en première instance qu’en appel, les témoins de l’accusation est encore plus significatif lorsque le prévenu conteste les charges libellées à son encontre. (En l’espèce le viol par le sexe).

Ce droit de confrontation des témoins de l’accusation est non seulement une exigence procédurale nationale prévue par les articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale, mais relève encore de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme prononcée en application de la convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. (entre autres Arrêt KESKIN c.

PAYS-BAS) ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions visées au moyen en ce qu’ils l’auraient privé du droit « de pouvoir confronter, à l’audience publique d’appel lors des débats sur le fond, les témoins de l’accusation ».

Les articles 210 et 211 du Code de procédure pénale visent l’ordre de prise de parole à l’audience et les conditions de forme du jugement et sont, dès lors, étrangers au grief.

Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait demandé à « pouvoir confronter, à l’audience publique d’appel lors des débats sur le fond, les témoins de l’accusation », sinon d’autres personnes, de sorte que l’arrêt attaqué n’encourt pas le reproche allégué.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 23,75 euros ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de PERSONNE1.) en présence du Ministère Public (CAS-2024-00011 du registre) Par déclaration faite le 19 janvier 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-

Duché de Luxembourg, Maître Bryan HELLINCKX, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation au pénal contre un arrêt n° 75/23 - Crim.

rendu le 19 décembre 2023 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 19 février 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Bryan HELLINCKX.

Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.

Il en suit que le pourvoi est recevable au pénal.

Faits et rétroactes Par jugement n° LCRI 68/2022 du 17 novembre 2022, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en chambre correctionnelle, a condamné PERSONNE1.) à une peine de réclusion de 6 ans, assortie d’un sursis quant à l’exécution de 4 ans de cette peine, du chef d’infractions aux articles 375 et 377 du Code pénal pour avoir commis des actes de pénétration sexuelle sur la mineure PERSONNE2.), née le DATE2.).

Sur l’appel du prévenu et du Ministère public, la Cour d’appel a déclaré l’appel de PERSONNE1.) non fondé et l’appel du Ministère public partiellement fondé et a prononcé, par réformation du premier jugement, contre PERSONNE1.) la destitutions des titres, grades, fonctions, emplis et offices publics dont il est revêtu.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Sur le premier moyen de cassation Aux termes du premier moyen de cassation, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 2 du Code pénal, en faisant une fausse application de la loi pénale dans le temps, en appliquant aux faits reprochés au prévenu, les articles 375 et 377 du Codepénal dans leur version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs, en ce qu’ils ont décidé que la nouvelle loi définit une incrimination plus large et constitue ainsi une loi pénale plus sévère alors que la loi du 7 août 2023, par application de son article 375bis serait à considérer comme loi la plus douce quant à l’incriminations de viol, eu égard à la différence d’âge de la victime et de l’auteur des faits.

L’article 2 du Code pénal stipule que :

« Nulle infraction ne peut être punie de peines qui n’étaient pas portées par la loi avant que l’infraction fût commise.

Si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l’infraction, la peine la moins forte sera appliquée ».

Suivant l’article 2 du Code pénal, il s’agit de comparer la loi existant au moment de la commission de l’infraction et la loi existant au moment du jugement.

L'énonciation du principe fondamental de la non-rétroactivité de la loi de pénalité est immédiatement suivie de l'affirmation, à l'alinéa 2, d'un autre principe, celui de la rétroactivité de la loi de pénalité favorable qualifiée de rétroactivité in mitius.

La rétroactivité in mitius pose deux problèmes : quand peut-on dire qu'une loi est plus douce que la loi ancienne ? Quel est le domaine de la rétroactivité in mitius ? Il s'agit de comparer la loi ancienne et la loi nouvelle.

Il faut distinguer deux hypothèses, selon que la loi nouvelle est simple ou complexe.

La loi nouvelle est simple lorsqu'elle ne modifie la loi ancienne que sur un seul point. La comparaison est alors facile. Est une loi plus douce une loi qui supprime une infraction, qui diminue la peine, qui supprime une circonstance aggravante, qui cesse d'incriminer la tentative, la complicité, etc.

Dans ce cas de figure, la détermination de la loi qui doit trouver application est aisée.

Les choses se compliquent lorsque la loi nouvelle est complexe, c’est-à-dire lorsque la loi nouvelle modifie la loi ancienne sur deux points et en des sens opposés : sur un point, la loi nouvelle est plus douce, mais sur un autre point, elle est plus sévère.

Lorsque, dans un même texte coexistent des dispositions plus douces et plus sévères il n’est pas toujours aisé de déterminer la solution à adopter.

En jurisprudence luxembourgeoise, il est admis qu’en cas de conflit entre deux lois successives, le juge ne peut combiner la loi ancienne et la loi nouvelle en prenant dans chacune d’elle, la partie la plus favorable au prévenu. Il doit appliquer l’une des deux lois, à savoir la plus favorable et non créer une troisième par la combinaison de la loi ancienne et de la loi nouvelle1.

1 Cass. 10 juin 2004, n° 2087 du registreQuels critères devra alors appliquer la juridiction qui se trouve face à un conflit de deux lois successives lorsque dans la nouvelle loi coexistent à la fois des dispositions plus douces et plus sévères ? Les mêmes principes que ceux applicables en droit luxembourgeois en matière de rétroactivité, y compris de rétroactivité in mitius étant consacrés par la législation française, la doctrine française et la jurisprudence française peuvent servir de source d’inspiration pour répondre à cette question.

En présence d’une loi complexe, il convient de distinguer entre deux hypothèses.

La loi nouvelle est divisible : lorsque se trouvent mêlées dans un même texte des dispositions à la fois plus douces et plus sévères, la jurisprudence française examine si elles sont divisibles ou non. Dans l’affirmative, elle les applique de manière séparée2.

Les dispositions de la loi nouvelle sont divisibles lorsqu’elles concernent des personnes ou ont des objets différents.

La loi nouvelle est indivisible : si les dispositions nouvelles forment un tout indivisible, la jurisprudence tente de dégager une solution unique pour déterminer la loi qui doit trouver application.

Pour y parvenir, la jurisprudence n’a jamais retenu le système dit de l’application in concreto préconisé par certains auteurs, qui consiste à évaluer les conséquences pratiques auxquelles conduirait l’application de chacun des textes en présence de la personne poursuivie3.

La doctrine distingue classiquement deux méthodes utilisées par les juridictions pénales.

Selon la première méthode, les juridictions rechercheraient la disposition principale, celle-ci exprimant le caractère plus doux ou plus sévère à l’ensemble du texte, quelle que soit la plus ou moins grande sévérité des autres dispositions.

Mais les applications d’une telle méthode sont très limitées et on peut se demander si elles ont vraiment cours aujourd’hui4.

Il semble ainsi plus juste de considérer qu’en présence d’un texte véritablement indivisible, la jurisprudence française n’a recours qu’à une seule méthode : celle de l’appréciation globale.

Selon cette méthode, qui semble être la seule utilisée en pratique, les juridictions pénales tentent de dégager la tendance dominante, plus douce ou plus sévère du texte incriminé5.

Pour déterminer la divisibilité d’un texte de loi, la doctrine française propose le raisonnement suivant :

2 Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, Droit pénal général, 8ème édition, n°350 3 Idem, n°351 4 Idem 5 En ce sens Cass. Crim10 mai 19621°S’il est impossible que les dispositions plus douces de chacune des lois en conflit s’appliquent cumulativement à une même personne à l’occasion d’une même poursuite, il n’y aucun inconvénient à considérer la loi nouvelle comme divisible en appliquant ses dispositions plus douces immédiatement et non ses dispositions plus sévères.

2°Si l’application séparée des dispositions plus douces et plus sévères de la loi nouvelle pourrait avoir comme conséquence de permettre à une même personne à l’occasion d’une même poursuite de bénéficier cumulativement des dispositions plus douces des deux lois en conflit, il convient de faire une distinction en se livrant, à ce stade du raisonnement, à l’analyse de l’économie du texte :

• S’il n’existe entre les différentes dispositions concernées aucun lien nécessaire, il n’y a pas d’inconvénient au cumul.

• Si en revanche les dispositions plus douces de la loi nouvelle sont en quelque sorte la contrepartie des disposition plus sévères qu’elles viennent d’équilibrer, les deux séries de dispositions ne peuvent être appliquées indépendamment l’une de l’autre et doivent donc être considérées comme formant un tout indivisible. En effet, il s’agit d’éviter d’appliquer à titre transitoire un régime juridique « superprivilégié ».

Compte tenu de ce qui précède, il conviendra d’analyser si la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs constitue une loi simple ou complexe, et dans l’hypothèse où il s’agit d’une loi complexe de déterminer si ses dispositions sont divisibles ou non.

Il ressort de l’exposé des motifs du projet de loi renforçant les moyens de lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des mineurs portant transposition de la directive 2011/93/UE relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie, et portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale, ayant abouti à la loi du 7 août 2023, qu’il vise un renforcement du dispositif législatif relatif à la protection, en particulier des mineurs, contre les abus sexuels.

« En premier lieu, la présente réforme vise à inscrire dans le Code pénal une définition du consentement à un acte sexuel, à l'instar d'un projet de loi belge « modifiant le Code pénal en ce qui concerne le droit pénal sexuel » qui a été déposé le 19 juillet 2021. Le consentement étant un des éléments — si ce n'est l'élément le plus important — de la qualification des abus sexuels, il apparaît nécessaire de consacrer légalement les principes déjà retenus aujourd'hui par la jurisprudence.

Ensuite, la présente réforme opère un changement de terminologie concernant la notion d'attentat à la pudeur dans le Code pénal, qui sera désormais remplacée par la notion d'atteinte à l'intégrité sexuelle. En effet, la notion d'attentat à la pudeur est désuète et de moins en moins utilisée en droit comparé, notamment dans nos pays voisins.

Ainsi, le Code pénal français prévoit depuis 1994 les infractions d'atteinte sexuelle et d'agression sexuelle et n'utilise plus le terme d'attentat à la pudeur.

En Belgique, où le terme « attentat à la pudeur » est encore actuellement prévu dans la législation pénale. Le projet de loi belge susvisé prévoit le remplacement du terme « attentat à la pudeur » par le terme d’« atteinte à l 'intégrité sexuelle ».

14 Cette modification s'impose, alors que le terme d'attentat à la pudeur, vivement critiqué par la doctrine, ne désigne pas la pudeur individuelle de la victime, mais bien la notion générale de la pudeur telle qu'elle existe dans la collectivité (TA, 06/12/1995, n°2484/95). Or, la valeur à protéger est l'intégrité sexuelle et le droit de la personne à son autodétermination sexuelle.

(…) L'autre objectif du présent projet de loi est d'éviter toute insécurité juridique en créant d'une part une infraction autonome quant au viol sur mineur ainsi qu'aux relations incestueuses imposées au mineur, en fixant, d'autre part, des échelons de peines plus élevés pour chaque type d'infraction.

(…) Le champ matériel des dispositions relatives à l'ensemble des abus sexuels est encore élargi en ce qui concerne les pratiques visées, ceci afin de les adapter aux pratiques sexuelles courantes et, partant, d'éviter que des pratiques en substance équivalentes et en tout cas forcément imposées au mineur soient, selon le corps sur lequel elles sont pratiquées, qualifiées de viol ou d'atteinte à l'intégrité sexuelle. Ainsi, la définition du viol, modifiée en profondeur par la présente réforme, couvre désormais non seulement les actes de pénétration pratiqués par l'auteur sur la personne de la victime, mais encore les actes que la victime serait amenée à pratiquer sur la personne de l'auteur, sur elle-même ou sur une tierce personneJ1 en va de même pour l'infraction d'atteinte à l'intégrité sexuelle (actuellement dénommée attentat à la pudeur).

(…) En effet, force est de constater qu'un nombre croissant d'infractions à caractère sexuel sont soit commises dans l'environnement numérique, soit facilitées par les technologies de l'information et de la communication (TIC). La formulation large des infractions souligne leur caractère « technology neutral », alors que les articles ne font aucune différence entre environnement numérique ou non numérique. Dès lors, les atteintes à l'intégrité sexuelle et les viols « à distance » ou « en ligne » sont également punis.

(…) Enfin, le présent projet vise à modifier le régime des prescriptions applicables en la matière afin de créer l'imprescriptibilité pour certains crimes sexuels dont les mineurs sont victimes ».

Le renforcement du dispositif législatif relatif à la protection, en particulier des mineurs, contre les abus sexuels, auquel aspirait le projet de loi a été repris dans son intégralité dans la loi du 7 août 2023.

Tels que l’ont relevé à juste titre les juges d’appel, la nouvelle loi a ainsi défini une incrimination plus large et constitue de ce fait indubitablement une loi nouvelle plus sévère.

La seule disposition introduite par la loi du 7 août 2023 qui est, dans des cas de figure bien limités, constitutive d’une disposition légale moins sévère constitue la clause dite « Roméo et Juliette » qui a été introduite afin de préserver les relations sexuelles lorsque l'auteur et le mineur (qui a atteint l’âge de 13 ans) ont moins de quatre ans d'écart d'âge (par exemple relationentre un mineur de 15 ans et un jeune majeur de 18 ans). Tel qu’il résulte des travaux parlementaires ainsi que de la teneur de l’article 375bis alinéa 2, cette clause ne jouera pas quand la relation n'est pas consentie.

Dans la loi du 7 août 2023 coexistent donc des dispositions plus douces et plus sévères, de sorte qu’elle est à qualifier de complexe.

Etant donné qu’il est impossible que les dispositions définissant une incrimination plus large – qui présupposent l’existence d’une infraction dans le chef de la personne poursuivie - et la clause dite « Roméo et Juliette » - qui exclut l’existence d’une infraction pénale dans le chef de la personne pouvant s’en prévaloir - s’appliquent cumulativement à une même personne à l’occasion d’une même poursuite, la loi est à qualifier de divisible.

Seul l’article 375bis alinéa 2 introduit par la nouvelle loi aurait alors à première vue vocation à s’appliquer dans le dossier soumis à Votre Cour.

En effet, il se dégage de l’article 375, alinéa 2 du Code pénal, dans sa version antérieure à celle introduite par la loi du 7 août 2023, que si l’acte de pénétration sexuelle a été commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, il n’est pas nécessaire de constater, en tant qu’élément constitutif de l’infraction, que l’enfant a été hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance.

L’ancienne loi interdit ainsi tout acte de pénétration sexuelle sur un enfant âgé de moins de seize ans, quelque soit la différence d’âge entre l’auteur et la victime, dès lors que l’enfant, en raison de son jeune âge, de son manque de discernement et de sa vulnérabilité, est incapable de donner un consentement libre à l’acte sexuel commis sur sa personne.

Il s’ensuit que la preuve de l’absence de consentement de l’enfant âgé de moins de seize ans n’a pas besoin d’être rapportée6.

Contrairement à ce que fait valoir le demandeur en cassation, il ne s’agit pas d’une présomption irréfragable concernant la culpabilité de l’auteur mais d’un cas de figure dans lequel l’enfant ne peut tout simplement, en raison de son jeune âge, donner un consentement libre à l’acte sexuel.

La nouvelle disposition consacrant la clause dite « Roméo et Juliette » est alors en effet plus favorable pour l’auteur d’un acte de pénétration sexuelle sur un mineur qui a atteint l’âge de 13 ans, lorsque cet auteur et le mineur ont moins de quatre ans d'écart d'âge.

Toujours est-il que cette clause ne jouera pas quand la relation n'est pas consentie.

Or, cette seule disposition plus douce de la nouvelle loi que constitue la clause dite « Roméo et Juliette » n’était à aucun moment susceptible de trouver application en l’occurrence au vu du fait que les relations sexuelles incriminées ne pouvaient être consenties au vu de l’état de la victime qui était alcoolisée et s’était, en raison de sa fatigue, endormie au moment des faits.

Prétendre le contraire en sous-entendant que les relations sexuelles incriminées auraient pu être consenties ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges d’appel qui ont 6 Cass n°39/2022 pénal du 10 mras 2022, numéro CAS-2021-00017 du registreconstaté l’impossibilité de la victime de donner un consentement, même dans l’hypothèse de l’application de la clause dite « Roméo et Juliette »7.

Ladite appréciation relevant du pouvoir souverain du juge du fond et échappant au contrôle de la Cour de cassation, il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Pour le surplus, et compte tenu de ce qui précède, c’est à bon droit que les juges d’appel ont décidé qu’il convenait de faire application des articles 375 et 377 du Code pénal dans leur version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs au motif que les seules dispositions de la nouvelle loi, qui peuvent trouver application dans le dossier soumis à Votre Cour, définissent une incrimination plus large et constituent ainsi une loi pénale plus sévère.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Aux termes du deuxième moyen de cassation, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 195-1 du Code de procédure pénale pour avoir omis de motiver spécialement le fait de ne pas avoir assorti la peine de réclusion prononcée à l’égard de l’actuel demandeur en cassation d’un sursis intégral.

En l’espèce, la Cour d’appel a motivé sa décision de condamner l’actuel demandeur en cassation à une peine de réclusion de 96 mois, dont 36 mois ferme de la manière suivante :

« C’est en outre à bon droit que la juridiction de première instance a décidé, pour chaque prévenu, qu’une partie de la peine de réclusion devra être ferme au vu de la gravité intrinsèque des infractions commises et des conséquences néfastes pour les deux victimes qui doivent vivre avec ce trauma le restant de leur vie ».

En se référant aux éléments du dossier répressif, plus précisément à la gravité intrinsèque des infractions commises ainsi qu’aux lourdes conséquences que les agissements de l’actuel demandeur en cassation ont eu pour la victime, la Cour d’appel, pour confirmer la peine d’emprisonnement prononcée, a suffi à l’exigence de motivation spéciale de la disposition visée au moyen.

Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Aux termes du troisième moyen de cassation, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure et l’article 6.3.d de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en se basant sur les déclarations d’un coprévenu et d’un co-inculpé, qui ne constitueraient pas des preuves 7 Arrêt n° 75/23 - Crim. rendu le 19 décembre 2023, page 82, avant dernier paragraphe.légalement admissibles pour entrer en voie de condamnation de l’actuel demandeur en cassation.

Le demandeur en cassation fait valoir que les déclarations d’un coprévenu et d’un co-inculpé ne constitueraient pas une preuve légalement admise.

La question du sort des preuves irrégulières est une question d’appréciation souveraine par le juge du fond8.

Ainsi et de prime abord, sous le couvert de la violation des dispositions visées au moyen, le demandeur en cassation en ce qu’il reproche aux juges d’appel d’avoir fait reposer leur intime conviction, entre autres, sur une preuve légalement inadmissible, ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges d’appel de la pertinence des éléments de preuve qui les ont amenés à retenir PERSONNE1.) dans les liens de la prévention de viol.

Ladite appréciation relevant du pouvoir souverain du juge du fond et échappant au contrôle de la Cour de cassation, il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Pour le surplus, le moyen n’est pas fondé pour les considérations suivantes.

En matière pénale l’administration de la preuve est libre et le juge répressif est guidé par son intime conviction. Le juge forme sa conviction librement sans être tenu par telle preuve plutôt que par telle autre9.

Le juge peut ainsi fonder sa conviction sur des déclarations faites sans serment au cours de l’instruction préparatoire ou au cours de l’information alors même qu’elles ne sont pas confirmées sous serment à l’audience. Il peut préférer une déclaration d’un co-prévenu à des témoignages concordants en sens contraire.10 Le fondement rationnel du principe de la liberté dans l’administration de la preuve résulte du souci de rechercher la vérité en ne limitant pas les moyens qui peuvent la manifester. Tout moyen de produire la certitude est un moyen de preuve11. Le juge peut asseoir sa conviction sur tous les éléments que les parties ont pu librement contredire.

Le principe est celui de la liberté dans l’administration de la preuve, qui constitue un contrepoids au principe de la charge de la preuve qui incombe à la partie poursuivante.

Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les moyens de preuve12.

Ce principe n’est toutefois pas absolu en ce que d’une part la recherche et l’utilisation des preuves sont soumises au principe du contradictoire et doivent être librement discutées, d’autre part, « les moyens de preuve doivent être compatibles avec les principes généraux du droit, le respect de la personne humaine et les droits de la défense, ce qui amène à l’exclusion des 8 M. FRANCHIMONT, Manuel de procédure pénale, 2e édition, p. 1033 ;

9 Idem. p. 1028 ;

10 Idem p.1029 11 Idem. p. 1015 ;

12 Idem p. 1030;éléments de preuve obtenus par des procédés déloyaux. C’est dans ce sens que l’on parle du principe de la preuve légale en droit pénal (…) »13.

Ainsi le juge pénal est libre de puiser dans tout élément de preuve pour autant que l’élément de preuve est recueilli de façon régulière et légale et lorsque l’obtention de la preuve s’est faite de manière irrégulière, illégale ou suspecte, ou est entachée d’un vice de nature à lui ôter sa fiabilité, elle ne peut servir d’élément de preuve et ne peut pas constituer l’assise de l’intime conviction du juge répressif.

En l’occurrence, les éléments de preuve visés par le demandeur en cassation, n’ont pas été querellés par rapport à leur obtention, voire par rapport à un quelconque caractère illégal ou déloyal quant à leur obtention. Ils ont été soumis à la libre discussion et contradiction des parties, de sorte que les juges d’appel étaient habilités à en tirer des conséquences, ensemble les autres éléments du dossier répressif, pour former leur intime conviction.

Le moyen n’est donc pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Bob Piron 13 Idem p. 1017;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 157/24
Date de la décision : 07/11/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-11-07;157.24 ?

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