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07/11/2024 | LUXEMBOURG | N°156/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 novembre 2024, 156/24


N° 156 / 2024 pénal du 07.11.2024 Not. 17645/16/CD Numéro CAS-2024-00010 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à F-ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à E-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE4.), 3) PERSONNE4.

), demeurant à L-ADRESSE5.), demandeurs au civil, défendeurs en ca...

N° 156 / 2024 pénal du 07.11.2024 Not. 17645/16/CD Numéro CAS-2024-00010 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à F-ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à E-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE4.), 3) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE5.), demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 19 décembre 2023 sous le numéro 75/23 - Crim.

par la chambre criminelle de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé au pénal et au civil par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, demeurant à Esch/Alzette, au nom d’PERSONNE1.), suivant déclaration du 18 janvier 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 15 février 2024 aux demandeurs au civil et déposé le 16 février 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Bob PIRON.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné PERSONNE1.) du chef d’infractions aux articles 375, 377, 383, 383bis, 383ter et 384 du Code pénal et à l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée à une peine de réclusion assortie d’un sursis partiel. Au civil, elle avait condamné le demandeur en cassation, solidairement avec les co-auteurs, à dédommager les parties civiles.

La Cour d’appel a confirmé le jugement sur ces points.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise application de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, in specie, de l’article 12 de la Constitution, qui établit, en sa deuxième phrase que Eu ce que les juges d’appel ont décidé à la page 88 ce qui suit :

Quant au prévenu PERSONNE1.), c’est par une motivation à laquelle la Cour renvoie et qui est énoncée en pages 44 et 45 du jugement entrepris, que le tribunal a tenu pour établi, en se basant sur un faisceau d’indices graves et concordants, qu’PERSONNE1.) a pénétré avec son pénis PERSONNE2.) dans le vagin, en se basant à juste titre non seulement sur les déclarations de PERSONNE5.) et de PERSONNE6.) qui sont crédibles conformément aux développements qui précèdent, mais encore sur le résultat de l’expertise génétique. En particulier, l’ADN de la victime PERSONNE2.) a été identifié à trois endroits différents sur le caleçon d’PERSONNE1.), l’ADN du prévenu ayant été retrouvé sur le jean porté par la victime et des traces de son sperme ont été identifiées sur le pullover porté par PERSONNE2.) au moment des faits.

La Cour d’appel donne encore à considérer que les faits se sont déroulés dans l’appartement occupé par PERSONNE1.) qui était l’instigateur de la 2 party », en sa présence. De plus, le prévenu a fourni une explication concernant la présence de son sperme sur le pullover de PERSONNE2.) pour la première fois en instance d’appel sans même pouvoir fournir un quelconque élément de preuve étayant cette affirmation et sans être en mesure d’indiquer le nom de cette ex-amie qui en serait le propriétaire, de sorte qu’il faut en déduire que la preuve que ce pullover n’était pas la propriété de PERSONNE2.) n’est pas établie.

C’est encore à juste titre que le tribunal a écarté l’explication fournie par PERSONNE1.) concernant la trace de son ADN retrouvée sur le pénis de PERSONNE7.) en renvoyant notamment aux explications fournies par l’expert Elisabet PETKOWSKI, l’explication du prévenu n’étant nullement crédible et non étayée par un quelconque élément tangible.

Alors que, contrairement aux considérations de la Cour d’appel, la libre appréciation de la preuve par le juge et l’adoption de décisions sur base de la seule intime conviction en absence de toute preuve tangible de la commission du crime par le prévenu ne disposent d’aucune assise légale, ni dans le Code de procédure pénale, ni dans le Code pénal ;

Et que, par conséquent, en considérant que la libre appréciation de la preuve par le juge qui forme son intime conviction librement sans être tenu par telle preuve plutôt que par telle autre, la Cour a violé l’article 12 de la Constitution, qui prévoit expressément que la forme de la poursuite d’un individu, dont l’appréciation des faits et le fondement du jugement, doit être prescrite par la loi. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 12 de la Constitution pour l’avoir condamné sur base de leur intime conviction « en l’absence de toute preuve établissant la culpabilité du prévenu ».

A l’article 12 de la Constitution invoqué à l’appui du moyen, il convient de substituer l’article 17 de la Constitution dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2023, partant au jour du prononcé de l’arrêt attaqué.

L’article 17, paragraphe 2, dispose « Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou privé de sa liberté que dans les cas prévus et dans la forme déterminée par la loi. ».

L’article 17 de la Constitution fonde le principe de la légalité criminelle, qui comprend, outre la légalité des incriminations et des peines, également la légalité de la procédure pénale.

En retenant « Les juges de première instance ont fourni une description exhaustive et correcte des faits à laquelle la Cour d’appel se réfère, à défaut de l’existence d’un élément nouveau en instance d’appel. Ils ont de même correctement reproduit les déclarations des prévenus et des témoins tout au long de la procédure et résumé les 3 différents rapports d’expertises, sauf à préciser que PERSONNE6.) n’a pas été entendu au titre de témoin sous la foi du serment à l’audience publique du 18 octobre 2022 tel que retenu par erreur par le tribunal à la page 38 du jugement entrepris.

Les prévenus PERSONNE1.), PERSONNE8.) et PERSONNE7.) ayant critiqué le jugement en ce que la juridiction de première instance a tenu compte des déclarations de PERSONNE5.) et de PERSONNE6.), il y a tout d’abord lieu d’analyser la valeur probante de leurs dépositions.

La Cour d’appel tient ainsi à rappeler plus particulièrement qu’en présence des contestations des prévenus et du principe de la présomption d’innocence, la charge de la preuve incombe au ministère public qui doit rapporter la preuve de la matérialité des infractions qui sont reprochées à ces derniers, tant en fait qu’en droit. Le Code de procédure pénale adopte, par ailleurs, le système de la libre appréciation de la preuve par le juge pénal qui forme son intime conviction librement sans être tenu par telle preuve plutôt que par telle autre. Ainsi, il interroge sa conscience et décide en fonction de son intime conviction. Le juge pénal apprécie souverainement, en fait, la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde son intime conviction, étant précisé que si le juge pénal peut fonder sa décision sur l’intime conviction, il faut cependant que cette conviction résulte de moyens de preuve légalement admis et administrés en la forme. En d’autres termes, sa conviction doit être l’effet d’une conclusion, d’un travail préliminaire de réflexion et de raisonnement, ne laissant plus de doute dans l’esprit d’une personne raisonnable, étant précisé que le juge est libre d’apprécier la valeur des preuves produites devant lui. Les dépositions d’un coprévenu ou d’un coinculpé ne sont pas à écarter d’office comme élément de preuve.

A la lecture du dossier, la Cour d’appel constate tout d’abord qu’aucun prévenu ou témoin qui a été entendu dans la présente affaire n’a fait des déclarations à charge du coinculpé PERSONNE6.) pouvant faire croire qu’il a participé, en tant qu’auteur ou complice, aux infractions d’attentat à la pudeur et de viol dont PERSONNE2.) et PERSONNE9.) ont été victimes, étant précisé également que suite à l’instruction judiciaire, la chambre du conseil a dit qu’il n’y a pas lieu à poursuite contre lui du chef des infractions de viol et d’attentat à la pudeur qui lui étaient reprochées.

Il y a lieu de préciser dès l’ingrès que la jurisprudence invoquée par la défense d’PERSONNE1.) est sans incidence sur la présente affaire, alors que cet arrêt s’est exprimé sur la valeur probante des dépositions des de stupéfiants dans une affaire de toxicomanie.

A noter, par ailleurs, que dès lors que les déclarations de deux ou plusieurs coprévenus sont corroborantes et ne se contredisent pas, la juridiction de jugement, pour forger sa conviction, peut parfaitement en tenir compte, ce à l’instar de tout autre élément pertinent du dossier répressif.

Il faut constater que les déclarations de PERSONNE6.) sont restées constantes tout au long de la procédure en ce qui concerne la participation d’PERSONNE1.), de PERSONNE8.) et de PERSONNE7.), au viol de PERSONNE2.). Il a ainsi déclaré lors de son audition policière le 28 juin 2016 :

4 et . Devant le juge d’instruction en date du 29 juin 2016, PERSONNE6.) a précisé que . En ce qui concerne le prévenu PERSONNE8.), PERSONNE6.) a encore précisé que .

Quant aux déclarations de PERSONNE5.), la Cour d’appel tient à rappeler que ce dernier s’est rendu à la police le jour même des faits pour rapporter de manière détaillée le déroulement de cette soirée à laquelle il a lui-même participé avec PERSONNE1.), PERSONNE8.) et PERSONNE7.), soirée lors de laquelle les faits en litige se sont réalisés à l’insu de PERSONNE2.). Il n’a nullement minimisé son rôle et n’a pas non plus exagéré par rapport aux faits qui ont trait aux trois autres prévenus. Il a ainsi été constant dans ses déclarations en relation avec les agissements d’PERSONNE1.), de PERSONNE8.) et de PERSONNE7.) en rapport à la victime PERSONNE2.), ayant déclaré devant la police le 27 juin 2016 et , étant noté que ses premières dépositions ont été confirmées en partie par les enregistrements vidéo réalisés par PERSONNE1.).

Lors de son interrogatoire devant le juge d’instruction le 4 juillet 2016, PERSONNE5.) a encore déclaré que . Au sujet de PERSONNE8.), PERSONNE5.) a déposé que .

Les déclarations de PERSONNE5.) sont encore corroborées par les déclarations des autres témoins sur des éléments qui ne sont pas en lien direct avec les infractions qui sont reprochées aux prévenus, Plus précisément, il y a lieu de renvoyer aux affirmations de PERSONNE5.) d’avoir été menacé avec une arme par PERSONNE10.), au constat qu’un pistolet à gaz a été retrouvé dans l’appartement au moment de la perquisition et aux déclarations de PERSONNE10.) lors des débats de première instance qui a reconnu, sur question spéciale du tribunal, avoir pointé une arme sur PERSONNE5.) pour s’amuser.

Devant la juridiction de première instance, PERSONNE5.) est uniquement revenu sur ses déclarations en ce qui concerne sa propre participation au viol de PERSONNE2.), malgré ses précédentes dépositions et l’existence des 5 enregistrements vidéos montrant le prévenu en train de pénétrer PERSONNE2.) avec son pénis.

Il faut noter que les déclarations de PERSONNE6.) et PERSONNE5.) sont, en l’espèce, corroborées par les résultats des analyses ADN qui sont repris en détails aux pages 33 et 34 du jugement dont appel et auxquels la Cour renvoie.

La Cour d’appel tient à relever à ce stade, au sujet du résultat des analyses ADN, qu’il est sans pertinence de savoir pourquoi des traces ADN de PERSONNE6.) ont été retrouvées sur la culotte portée par PERSONNE2.) ni de connaître l’identité de la personne ayant laissé la trace ADN X2 sur la même culotte, moyens de défense soulevés par le mandataire de PERSONNE7.), la juridiction de jugement n’étant pas saisie de faits pouvant être mis en relation avec ces traces et n’étant dès lors pas dans l’obligation d’y avoir égard.

Les déclarations de PERSONNE6.) et PERSONNE5.) sont dès lors concordantes et crédibles et corroborées par les résultats des analyses ADN, de sorte que c’est à bon droit que le tribunal s’est, entre autres, basé sur ces déclarations pour apprécier la participation des prévenus dans la commission des infractions qui sont reprochées à PERSONNE1.), PERSONNE8.) et PERSONNE7.).

Quant à la question de savoir qui a été l’instigateur des viols de PERSONNE2.), la Cour d’appel renvoie aux développements du tribunal en pages 42 et 43 du jugement entrepris, qu’elle entérine et c’est à juste titre que le tribunal a retenu qu’il n’est pas établi à l’exclusion de tout doute raisonnable, si c’est PERSONNE1.) ou plutôt PERSONNE5.) qui a commencé en premier à s’adonner aux attouchements sur PERSONNE2.), cet élément n’étant d’aucune pertinence dans l’appréciation de la participation des prévenus auxquels le ministère public reproche d’avoir commis ensemble comme auteur les infractions à l’égard de PERSONNE2.).

En ce qui concerne les infractions qui sont reprochées aux prévenus et dont PERSONNE2.) a été la victime, le tribunal a correctement énoncé les éléments constitutifs de l’infraction de viol pour ensuite analyser ces éléments par rapport à chaque prévenu.

En particulier, en ce qui concerne l’élément matériel de la pénétration sexuelle, c’est à juste titre que le tribunal a rappelé que toute acte de pénétration sexuelle par le sexe et dans le sexe est constitutif de l’élément matériel du viol.

Quant au prévenu PERSONNE1.), c’est par une motivation à laquelle la Cour renvoie et qui est énoncée en pages 44 et 45 du jugement entrepris, que le tribunal a tenu pour établi, en se basant sur un faisceau d’indices graves et concordants, qu’ PERSONNE1.) a pénétré avec son pénis PERSONNE2.) dans le vagin, en se basant à juste titre non seulement sur les déclarations de PERSONNE5.) et de PERSONNE6.) qui sont crédibles conformément aux développements qui précèdent, mais encore sur le résultat de l’expertise génétique. En particulier, l’ADN de la victime PERSONNE2.) a été identifié à trois endroits différents sur le caleçon d’PERSONNE1.), l’ADN du prévenu ayant été retrouvé sur le jean porté par la 6 victime et des traces de son sperme ont été identifiées sur le pullover porté par PERSONNE2.) au moment des faits.

La Cour d’appel donne encore à considérer que les faits se sont déroulés dans l’appartement occupé par PERSONNE1.) qui était l’instigateur de la , en sa présence. De plus, le prévenu a fourni une explication concernant la présence de son sperme sur le pullover de PERSONNE2.) pour la première fois en instance d’appel sans même pouvoir fournir un quelconque élément de preuve étayant cette affirmation et sans être en mesure d’indiquer le nom de cette ex-amie qui en serait le propriétaire, de sorte qu’il faut en déduire que la preuve que ce pullover n’était pas la propriété de PERSONNE2.) n’est pas établie.

C’est encore à juste titre que le tribunal a écarté l’explication fournie par PERSONNE1.) concernant la trace de son ADN retrouvée sur le pénis de PERSONNE7.) en renvoyant notamment aux explications fournies par l’expert Elisabet Petkovski, l’explication du prévenu n’étant nullement crédible et non étayée par un quelconque élément tangible.

En ce qui concerne le prévenu PERSONNE8.) qui a toujours contesté avoir violé PERSONNE2.) et qui a avancé une amnésie totale par rapport à la soirée en cause, amnésie qui a tenu jusqu’en première instance, c’est à bon droit et par une motivation que la Cour d’appel fait sienne que le tribunal a tenu pour établi que PERSONNE8.) a pénétré vaginalement PERSONNE2.) avec son pénis en se basant à juste titre sur les déclarations constantes de PERSONNE6.) qui se couvrent avec les dépositions de PERSONNE5.) et en écartant les dépositions d’PERSONNE1.) à ce sujet, étant précisé que l’absence de traces d’ADN de PERSONNE8.) sur la victime PERSONNE2.) n’exclut pas une pénétration vaginale du prévenu.

Concernant le prévenu PERSONNE7.) qui a reconnu avoir pénétré PERSONNE2.) avec ses doigts, la Cour d’appel rejoint le tribunal en ce qu’il a retenu que le prévenu a également pénétré le vagin de PERSONNE2.) avec son pénis. En effet, PERSONNE6.) a parlé d’une telle pénétration sexuelle lors de son audition policière, de même que PERSONNE5.) et le résultat de l’expertise ADN a révélé la présence de l’ADN de PERSONNE2.) sur le pénis et le caleçon du prévenu.

La Cour d’appel adopte dès lors à ce titre la motivation de la juridiction de première instance.

Quant à l’élément constitutif de l’absence de consentement de la victime PERSONNE2.), c’est par une juste application de l’article 375 du Code pénal que le tribunal a retenu cet élément pour établi dans le chef des trois prévenus, cet article prévoyant en son alinéa 2 que l’absence de consentement est présumée, si la pénétration sexuelle est commise sur un enfant âgé de moins de 16 ans au moment des faits, ce qui est le cas en l’espèce, la victime PERSONNE2.) étant née le DATE2.) et ayant été âgée de 15 ans le jour des faits. C’est de même à bon droit que le tribunal a également retenu l’absence de consentement sur base de l’état d’inconscience, dû à la consommation de cannabis et d’alcool, dans lequel la victime se trouvait au moment des viols et sur base des violences qui ont été utilisées par les prévenus pour la retenir pendant les moments où elle se débattait, violences qui résultent des dépositions de PERSONNE5.) et de l’examen médical subi par la victime le 28 juin 2016, étant précisé que les violences qui ont été exercées sur la victime 7 PERSONNE2.) ne sont pas à qualifier de circonstance aggravante, mais sont à analyser au niveau de l’absence de consentement tel qu’exposé ci-avant au vu du libellé même de l’article 375 alinéa 1 du Code pénal, l’absence de consentement pouvant notamment résulter de l’emploi de violences pour forcer l’acte sexuel.

C’est encore à bon droit et par une motivation que la Cour d’appel fait sienne que la juridiction de première instance a retenu l’intention criminelle dans le chef des trois prévenus, en particulier au vu du jeune âge et de l’état inconscient de la victime, les prévenus devant nécessairement avoir eu connaissance d’imposer un acte sexuel non voulu à la victime PERSONNE2.).

Compte tenu de ce qui précède, c’est à juste titre que le tribunal a retenu la circonstance aggravante de l’âge de la victime, qui avait moins de 16 ans au moment des faits, à savoir quinze ans, et il en va de même de la circonstance aggravante tenant à la pluralité d’auteurs, la juridiction de première instance l’ayant retenue à bon droit, les trois prévenus ensemble avec PERSONNE5.) ayant commis les viols en commun, agissant de concert, dans la même pièce, pendant la même période de temps et en maintenant par moment la victime, par force, sur le canapé.

Le jugement est partant à confirmer en ce que le tribunal a retenu PERSONNE1.), PERSONNE8.) et PERSONNE7.), chacun, en qualité d’auteur, dans les liens de l’infraction à l’article 375 du Code pénal commise au préjudice de PERSONNE2.), avec les circonstances aggravantes prévues à l’article 375, alinéa 3 et à l’article 377, point 3 du même code, sauf à préciser qu’PERSONNE1.) n’a pas violé PERSONNE2.) en la pénétrant , mais exclusivement .

(…) La Cour d’appel approuve encore les juges de première instance, par adoption de leurs motifs, en ce qu’ils ont retenu PERSONNE1.) dans les liens des infractions à l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la vie privée, des infractions aux articles 383, 383 bis, 383 ter et 384 du Code pénal libellées sub 1.

b), c), d) et e) du réquisitoire de renvoi, faits qui sont à mettre en relation avec les quatre enregistrements vidéo retrouvés sur le téléphone portable du prévenu, ces infractions étant prouvées à suffisance de droit par la preuve matérielle des films et par les aveux circonstanciés du prévenu.», les juges d’appel ont dégagé les éléments de preuve concrets, admis par la loi, pour former leur intime conviction et retenir la culpabilité du demandeur en cassation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

8 Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon, de la mauvaise application de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, in specie, de l’article 89 de la Constitution, qui établit, en sa première phrase, que : et de la violation de l’article 195, paragraphe 1er du Code de procédure pénale, disposant, en sa première phrase, que : « Tout jugement définitif de condamnation sera motivé et déterminera les circonstances constitutives de l’infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes, » pour absence de motif ;

Eu ce que les juges d’appel ont décidé à la page 88 ce qui suit :

Quant au prévenu PERSONNE1.), c’est par une motivation à laquelle la Cour renvoie et qui est énoncée en pages 44 et 45 du jugement entrepris, que le tribunal a tenu pour établi, en se basant sur un faisceau d’indices graves et concordants, qu’PERSONNE1.) a pénétré avec son pénis PERSONNE2.) dans le vagin, en se basant à juste titre non seulement sur les déclarations de PERSONNE5.) et de PERSONNE6.) qui sont crédibles conformément aux développements qui précèdent, mais encore sur le résultat de l’expertise génétique. En particulier, l’ADN de la victime PERSONNE2.) a été identifié à trois endroits différents sur le caleçon d’PERSONNE1.), l’ADN du prévenu ayant été retrouvé sur le jean porté par la victime et des traces de son sperme ont été identifiées sur le pullover porté par PERSONNE2.) au moment des faits.

La Cour d’appel donne encore à considérer que les faits se sont déroulés dans l’appartement occupé par PERSONNE1.) qui était l’instigateur de la , en sa présence. De plus, le prévenu a fourni une explication concernant la présence de son sperme sur le pullover de PERSONNE2.) pour la première fois en instance d’appel sans même pouvoir fournir un quelconque élément de preuve étayant cette affirmation et sans être en mesure d’indiquer le nom de cette ex-amie qui en serait le propriétaire, de sorte qu’il faut en déduire que la preuve que ce pullover n’était pas la propriété de PERSONNE2.) n’est pas établie.

C’est encore à juste titre que le tribunal a écarté l’explication fournie par PERSONNE1.) concernant la trace de son ADN retrouvée sur le pénis de PERSONNE7.) en renvoyant notamment aux explications fournies par l’expert Elisabet PETKOWSKI, l’explication du prévenu n’étant nullement crédible et non étayée par un quelconque élément tangible.

Que l’arrêt retient donc :

c’est par une motivation à laquelle la Cour renvoie et qui est énoncée en pages 44 et 45 du jugement entrepris, que le tribunal a tenu pour établi, en se basant sur un faisceau d’indices graves et concordants, qu’PERSONNE1.) a pénétré avec son pénis PERSONNE2.) dans le vagin, en se basant à juste titre non seulement sur les déclarations de PERSONNE5.) et de PERSONNE6.) qui sont crédibles conformément aux développements qui précèdent, mais encore sur le résultat de 9 l’expertise génétique. En particulier, l’ADN de la victime PERSONNE2.) a été identifié à trois endroits différents sur le caleçon d’PERSONNE1.), l’ADN du prévenu ayant été retrouvé sur le jean porté par la victime et des traces de son sperme ont été identifiées sur le pullover porté par PERSONNE2.) au moment des faits.

L’arrêt encourt dès lors la cassation pour violation des articles 89 de la Constitution respectivement 195 paragraphe 1 du Code de procédure pénale. ».

Réponse de la Cour A l’article 89 de la Constitution invoqué à l’appui du moyen, il convient de substituer l’article 109 de la Constitution dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2023, partant au jour du prononcé de l’arrêt attaqué.

Le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Par les motifs reproduits au moyen, les juges d’appel ont motivé leur décision quant à l’élément matériel de l’infraction de viol.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon, de la mauvaise application des articles 372, 375 et 377 du Code pénal dans leur ancienne version et donc avant la modification par la loi du 7 août 2023 en ce que la Cour d’appel s’est contentée, à la page 85 de l’arrêt attaqué à indiquer :

prévenus en ce qui concerne les infractions de viol et d’attentat à la pudeur à la lumière de l’ancienne rédaction des articles 372, 375 et 377 du Code pénal, dans leur version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023 précitée, infractions libellés dans le réquisitoire de renvoi par le ministère public, tel que le tribunal l’a d’ailleurs fait à bon escient. » Alors que, contrairement aux considérations de la Cour d’appel, il y avait lieu d’appliquer les articles 372bis à 375 bis du Code pénal tel que modifiés par la loi du 7 août 2023 et entrés en vigueur le 22 août 2023.

Et que, par conséquent, la Cour a violé la loi du 7 août 2023 en omettant de l’appliquer aux faits dont elle était saisie. ».

10 Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 2 du Code pénal en ayant appliqué aux faits qui lui étaient reprochés les articles 375 et 377 du Code pénal dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs (ci-après « la loi du 7 août 2023 »), partant une loi pénale plus sévère que celle du 7 août 2023, laquelle, par l’introduction dans le Code pénal de l’article 375bis, serait à considérer comme la loi pénale la plus douce.

L’article 2, alinéa 1, du Code pénal pose le principe que la loi pénale applicable est celle en vigueur à la date des faits. L’alinéa 2 du même article consacre l’application immédiate de la loi pénale plus douce, exception qui vise tant l’infraction elle-même que la peine.

Afin de vérifier si les juges d’appel ont fait l’exacte application de l’article 2, alinéa 2, du Code pénal, il importe de comparer les deux lois. La comparaison entre les deux lois ne s’opère pas de manière abstraite, mais consiste en un examen concret des éléments amenant à appliquer une loi pénale plutôt qu’une autre.

Il ressort de cette comparaison que la loi nouvelle est, au regard des peines, identique à la loi ancienne en ce qu’elle prévoit les mêmes sanctions, et, au regard des faits punissables, plus sévère que la loi ancienne en ce qu’elle élargit les faits susceptibles d’être qualifiés de viol.

La loi nouvelle est cependant plus douce sur le point de l’élément constitutif de l’infraction de viol tenant à l’absence de consentement de la victime en ce que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal dans sa version antérieure à la loi du 7 août 2023 présumait irréfragablement, dans tous les cas, l’absence de consentement du mineur de moins de seize ans, tandis que l’article 375bis, alinéa 2, du Code pénal tel qu’introduit par la loi du 7 août 2023 admet la possibilité du consentement du mineur de moins de seize ans à la double condition qu’il ait atteint l’âge de treize ans accomplis à la date des faits et que la différence d’âge entre les deux personnes impliquées dans l’acte sexuel ne soit pas supérieure à quatre ans.

Il résulte de l’arrêt attaqué qu’à la date des faits, le demandeur en cassation était âgé de dix-neuf ans et onze mois et que la mineure était âgée de quinze ans et trois mois. La condition de différence d’âge de moins de quatre ans avec le demandeur en cassation n’est partant pas remplie, de sorte que les éléments objectifs du dossier ne permettent pas au demandeur en cassation d’invoquer à son profit les dispositions nouvelles plus douces et que, partant, l’article 375, alinéa 2, du Code pénal dans sa version antérieure à la loi du 7 août 2023 trouve à s’appliquer.

Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux des juges d’appel, la décision de retenir le demandeur en cassation dans les liens de la prévention de viol se trouve légalement justifiée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 23,75 euros ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de PERSONNE1.) en présence du Ministère Public (CAS-2024-00010 du registre) Par déclaration faite le 18 janvier 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-

Duché de Luxembourg, Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte d’PERSONNE1.) un recours en cassation au pénal contre un arrêt n° 75/23 Crim. rendu le 19 décembre 2023 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 15 février 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Daniel NOEL.

Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.

Il en suit que le pourvoi est recevable au pénal.

Faits et rétroactes Par jugement n° LCRI 68/2022 du 17 novembre 2022, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en chambre correctionnelle, a condamné PERSONNE1.) à une peine de réclusion de 8 ans, assortie d’un sursis quant à l’exécution de 5 ans de cette peine, du chef d’infractions aux articles 375 et 377 du Code pénal pour avoir commis des actes de pénétration sexuelle sur la mineure PERSONNE2.), née le DATE2.), du chef d’infractions à l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, ainsi qu’aux articles 383, 383bis, 383 ter et 384 du Code pénal.

Sur l’appel du prévenu et du Ministère public, la Cour d’appel a déclaré l’appel d’PERSONNE1.) non fondé et l’appel du Ministère public partiellement fondé et a prononcé, par réformation du premier jugement, contre PERSONNE1.) la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Sur le premier moyen de cassation Aux termes du premier moyen de cassation, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 12 de la Constitution qui disposerait que « Nul ne peut êtrepoursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit » en ce que sa condamnation serait intervenue sur base de la seule intime conviction des juges en l’absence de toute preuve tangible que le demandeur en cassation aurait commis le crime.

L’article 12 de la Constitution, dans sa version applicable au moment de l’introduction du pourvoi ainsi qu’à la date de ce jour, a trait à la dignité humaine qui est inviolable.

La disposition visée au moyen est étrangère au régime d’appréciation des preuves par les juges du fond.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé1.

Sur le deuxième moyen de cassation Aux termes du deuxième moyen de cassation, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 89 de la Constitution et l’article 195 du Code de procédure pénale en confirmant le jugement de condamnation de première instance par renvoi à la motivation contenue dans ce dernier alors que les juges d’appel avaient l’obligation d’expliquer avec précision les raisons qui les conduisent à leur décision.

En tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Selon une jurisprudence constante de votre Cour, ce moyen est à rejeter dès lors que, sur le point considéré, la décision attaquée contient une motivation quelle que soit par ailleurs la justesse de celle-ci.

L’arrêt entrepris contient sur plusieurs pages des considérations sur le rôle de l’actuel demandeur en cassation dans la commission des faits et se livre à l’analyse les éléments constitutifs des infractions reprochées, pour aboutir à la conclusion que les éléments constitutifs des infractions reprochées à l’actuel demandeur en cassation se trouvent réunis dans son chef et qu’il est à retenir dans les liens des infractions lui reprochées.

L’arrêt entrepris par le présent pourvoi, contient ainsi outre l’analyse factuelle une analyse juridique, avec plusieurs renvois au jugement de première instance qui a conclu à la réunion des éléments constitutifs de l’infraction de viol ainsi que du chef des infractions à l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, et aux articles 383, 383bis, 383 ter et 384 du Code pénal, dans le chef de l’actuel demandeur en cassation.

Il en suit que la décision attaquée contient une motivation claire et précise sur le point considéré.

Le moyen est dès lors non fondé.

1 Voir en ce sens: Cass, N° 103 / 2023 pénal du 12.10.2023, numéro CAS-

2022-00126 du registreSur le troisième moyen de cassation Aux termes du troisième moyen de cassation, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs, en appliquant aux faits reprochés au prévenu, les articles 372, 375 et 377 du Code pénal dans leur version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023, au motif que la nouvelle loi définit une incrimination plus large et constitue ainsi une loi pénale plus sévère alors que la loi du 7 août 2023, par application de son article 2 alinéa 2 serait à considérer comme loi la plus douce quant aux incriminations de viol et d’attentat à la pudeur, eu égard à l’âge de la victime et de l’auteur des faits.

En ordre principal Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir fait une fausse application des règles relatives à l’application de la loi pénale dans le temps.

La loi du 7 août 2023 ne comporte pas de dispositions sur la non-rétroactivité des lois pénales, respectivement sur la rétroactivité in mitius des lois pénales, qui sont régies par l’article 2 du Code pénal.

La disposition visée au moyen est partant étrangère au grief invoqué.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

En ordre subsidiaire L’article 2 du Code pénal stipule que :

« Nulle infraction ne peut être punie de peines qui n’étaient pas portées par la loi avant que l’infraction fût commise.

Si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l’infraction, la peine la moins forte sera appliquée ».

Suivant l’article 2 du Code pénal, il s’agit de comparer la loi existant au moment de la commission de l’infraction et la loi existant au moment du jugement.

L'énonciation du principe fondamental de la non-rétroactivité de la loi de pénalité est immédiatement suivie de l'affirmation, à l'alinéa 2, d'un autre principe, celui de la rétroactivité de la loi de pénalité favorable qualifiée de rétroactivité in mitius.

La rétroactivité in mitius pose deux problèmes : quand peut-on dire qu'une loi est plus douce que la loi ancienne ? Quel est le domaine de la rétroactivité in mitius ? Il s'agit de comparer la loi ancienne et la loi nouvelle.

Il faut distinguer deux hypothèses, selon que la loi nouvelle est simple ou complexe.

La loi nouvelle est simple lorsqu'elle ne modifie la loi ancienne que sur un seul point. La comparaison est alors facile. Est une loi plus douce une loi qui supprime une infraction, quidiminue la peine, qui supprime une circonstance aggravante, qui cesse d'incriminer la tentative, la complicité, etc.

Dans ce cas de figure, la détermination de la loi qui doit trouver application est aisée.

Les choses se compliquent lorsque la loi nouvelle est complexe, c’est-à-dire lorsque la loi nouvelle modifie la loi ancienne sur deux points et en des sens opposés : sur un point, la loi nouvelle est plus douce, mais sur un autre point, elle est plus sévère.

Lorsque, dans un même texte coexistent des dispositions plus douces et plus sévères il n’est pas toujours aisé de déterminer la solution à adopter.

En jurisprudence luxembourgeoise, il est admis qu’en cas de conflit entre deux lois successives, le juge ne peut combiner la loi ancienne et la loi nouvelle en prenant dans chacune d’elle, la partie la plus favorable au prévenu. Il doit appliquer l’une des deux lois, à savoir la plus favorable et non créer une troisième par la combinaison de la loi ancienne et de la loi nouvelle2.

Quels critères devra alors appliquer la juridiction qui se trouve face à un conflit de deux lois successives lorsque dans la nouvelle loi coexistent à la fois des dispositions plus douces et plus sévères ? Les mêmes principes que ceux applicables en droit luxembourgeois en matière de rétroactivité, y compris de rétroactivité in mitius étant consacrés par la législation française, la doctrine française et la jurisprudence française peuvent servir de source d’inspiration pour répondre à cette question.

En présence d’une loi complexe, il convient de distinguer entre deux hypothèses.

La loi nouvelle est divisible : lorsque se trouvent mêlées dans un même texte des dispositions à la fois plus douces et plus sévères, la jurisprudence française examine si elles sont divisibles ou non. Dans l’affirmative, elle les applique de manière séparée3.

Les dispositions de la loi nouvelle sont divisibles lorsqu’elles concernent des personnes ou ont des objets différents.

La loi nouvelle est indivisible : si les dispositions nouvelles forment un tout indivisible, la jurisprudence tente de dégager une solution unique pour déterminer la loi qui doit trouver application.

Pour y parvenir, la jurisprudence n’a jamais retenu le système dit de l’application in concreto préconisé par certains auteurs, qui consiste à évaluer les conséquences pratiques auxquelles conduirait l’application de chacun des textes en présence de la personne poursuivie4.

La doctrine distingue classiquement deux méthodes utilisées par les juridictions pénales.

2 Cass. 10 juin 2004, n° 2087 du registre 3 Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, Droit pénal général, 8ème édition, n°350 4 Idem, n°351Selon la première méthode, les juridictions rechercheraient la disposition principale, celle-ci exprimant le caractère plus doux ou plus sévère à l’ensemble du texte, quelle que soit la plus ou moins grande sévérité des autres dispositions.

Mais les applications d’une telle méthode sont très limitées et on peut se demander si elles ont vraiment cours aujourd’hui5.

Il semble ainsi plus juste de considérer qu’en présence d’un texte véritablement indivisible, la jurisprudence française n’a recours qu’à une seule méthode : celle de l’appréciation globale.

Selon cette méthode, qui semble être la seule utilisée en pratique, les juridictions pénales tentent de dégager la tendance dominante, plus douce ou plus sévère du texte incriminé6.

Pour déterminer la divisibilité d’un texte de loi, la doctrine française propose le raisonnement suivant :

1°S’il est impossible que les dispositions plus douces de chacune des lois en conflit s’appliquent cumulativement à une même personne à l’occasion d’une même poursuite, il n’y aucun inconvénient à considérer la loi nouvelle comme divisible en appliquant ses dispositions plus douces immédiatement et non ses dispositions plus sévères.

2°Si l’application séparée des dispositions plus douces et plus sévères de la loi nouvelle pourrait avoir comme conséquence de permettre à une même personne à l’occasion d’une même poursuite de bénéficier cumulativement des dispositions plus douces des deux lois en conflit, il convient de faire une distinction en se livrant, à ce stade du raisonnement, à l’analyse de l’économie du texte :

• S’il n’existe entre les différentes dispositions concernées aucun lien nécessaire, il n’y a pas d’inconvénient au cumul.

• Si en revanche les dispositions plus douces de la loi nouvelle sont en quelque sorte la contrepartie des disposition plus sévères qu’elles viennent d’équilibrer, les deux séries de dispositions ne peuvent être appliquées indépendamment l’une de l’autre et doivent donc être considérées comme formant un tout indivisible. En effet, il s’agit d’éviter d’appliquer à titre transitoire un régime juridique « superprivilégié ».

Compte tenu de ce qui précède, il conviendra d’analyser si la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs constitue une loi simple ou complexe, et dans l’hypothèse où il s’agit d’une loi complexe de déterminer si ses dispositions sont divisibles ou non.

Il ressort de l’exposé des motifs du projet de loi renforçant les moyens de lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des mineurs portant transposition de la directive 2011/93/UE relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie, et portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale, ayant abouti à la loi du 7 août 2023, qu’il vise un renforcement du dispositif législatif relatif à la protection, en particulier des mineurs, contre les abus sexuels.

5 Idem 6 En ce sens Cass. Crim10 mai 1962« En premier lieu, la présente réforme vise à inscrire dans le Code pénal une définition du consentement à un acte sexuel, à l'instar d'un projet de loi belge « modifiant le Code pénal en ce qui concerne le droit pénal sexuel » qui a été déposé le 19 juillet 2021. Le consentement étant un des éléments — si ce n'est l'élément le plus important — de la qualification des abus sexuels, il apparaît nécessaire de consacrer légalement les principes déjà retenus aujourd'hui par la jurisprudence.

Ensuite, la présente réforme opère un changement de terminologie concernant la notion d'attentat à la pudeur dans le Code pénal, qui sera désormais remplacée par la notion d'atteinte à l'intégrité sexuelle. En effet, la notion d'attentat à la pudeur est désuète et de moins en moins utilisée en droit comparé, notamment dans nos pays voisins.

Ainsi, le Code pénal français prévoit depuis 1994 les infractions d'atteinte sexuelle et d'agression sexuelle et n'utilise plus le terme d'attentat à la pudeur.

En Belgique, où le terme « attentat à la pudeur » est encore actuellement prévu dans la législation pénale. Le projet de loi belge susvisé prévoit le remplacement du terme « attentat à la pudeur » par le terme d’« atteinte à l 'intégrité sexuelle ».

Cette modification s'impose, alors que le terme d'attentat à la pudeur, vivement critiqué par la doctrine, ne désigne pas la pudeur individuelle de la victime, mais bien la notion générale de la pudeur telle qu'elle existe dans la collectivité (TA, 06/12/1995, n°2484/95). Or, la valeur à protéger est l'intégrité sexuelle et le droit de la personne à son autodétermination sexuelle.

(…) L'autre objectif du présent projet de loi est d'éviter toute insécurité juridique en créant d'une part une infraction autonome quant au viol sur mineur ainsi qu'aux relations incestueuses imposées au mineur, en fixant, d'autre part, des échelons de peines plus élevés pour chaque type d'infraction.

(…) Le champ matériel des dispositions relatives à l'ensemble des abus sexuels est encore élargi en ce qui concerne les pratiques visées, ceci afin de les adapter aux pratiques sexuelles courantes et, partant, d'éviter que des pratiques en substance équivalentes et en tout cas forcément imposées au mineur soient, selon le corps sur lequel elles sont pratiquées, qualifiées de viol ou d'atteinte à l'intégrité sexuelle. Ainsi, la définition du viol, modifiée en profondeur par la présente réforme, couvre désormais non seulement les actes de pénétration pratiqués par l'auteur sur la personne de la victime, mais encore les actes que la victime serait amenée à pratiquer sur la personne de l'auteur, sur elle-même ou sur une tierce personneJ1 en va de même pour l'infraction d'atteinte à l'intégrité sexuelle (actuellement dénommée attentat à la pudeur).

(…) En effet, force est de constater qu'un nombre croissant d'infractions à caractère sexuel sont soit commises dans l'environnement numérique, soit facilitées par les technologies de l'information et de la communication (TIC). La formulation large des infractions souligne leur caractère « technology neutral », alors que les articles ne font aucune différence entre 18 environnement numérique ou non numérique. Dès lors, les atteintes à l'intégrité sexuelle et les viols « à distance » ou « en ligne » sont également punis.

(…) Enfin, le présent projet vise à modifier le régime des prescriptions applicables en la matière afin de créer l'imprescriptibilité pour certains crimes sexuels dont les mineurs sont victimes ».

Le renforcement du dispositif législatif relatif à la protection, en particulier des mineurs, contre les abus sexuels, auquel aspirait le projet de loi a été repris dans son intégralité dans la loi du 7 août 2023.

Tels que l’ont relevé à juste titre les juges d’appel, la nouvelle loi a ainsi défini une incrimination plus large et constitue de ce fait indubitablement une loi nouvelle plus sévère.

La seule disposition introduite par la loi du 7 août 2023 qui est, dans des cas de figure bien limités, constitutive d’une disposition légale moins sévère constitue la clause dite « Roméo et Juliette » qui a été introduite afin de préserver les relations sexuelles lorsque l'auteur et le mineur (qui a atteint l’âge de 13 ans) ont moins de quatre ans d'écart d'âge (par exemple relation entre un mineur de 15 ans et un jeune majeur de 18 ans). Tel qu’il résulte des travaux parlementaires ainsi que de la teneur de l’article 375bis alinéa 2, cette clause ne jouera pas quand la relation n'est pas consentie.

Dans la loi du 7 août 2023 coexistent donc des dispositions plus douces et plus sévères, de sorte qu’elle est à qualifier de complexe.

Etant donné qu’il est impossible que les dispositions définissant une incrimination plus large – qui présupposent l’existence d’une infraction dans le chef de la personne poursuivie - et la clause dite « Roméo et Juliette » - qui exclut l’existence d’une infraction pénale dans le chef de la personne pouvant s’en prévaloir - s’appliquent cumulativement à une même personne à l’occasion d’une même poursuite, la loi est à qualifier de divisible.

Seul l’article 375bis alinéa 2 introduit par la nouvelle loi aurait alors à première vue vocation à s’appliquer dans le dossier soumis à Votre Cour.

En effet, il se dégage de l’article 375, alinéa 2 du Code pénal, dans sa version antérieure à celle introduite par la loi du 7 août 2023, que si l’acte de pénétration sexuelle a été commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, il n’est pas nécessaire de constater, en tant qu’élément constitutif de l’infraction, que l’enfant a été hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance.

L’ancienne loi interdit ainsi tout acte de pénétration sexuelle sur un enfant âgé de moins de seize ans, quelque soit la différence d’âge entre l’auteur et la victime, dès lors que l’enfant, en raison de son jeune âge, de son manque de discernement et de sa vulnérabilité, est incapable de donner un consentement libre à l’acte sexuel commis sur sa personne.

Il s’ensuit que la preuve de l’absence de consentement de l’enfant âgé de moins de seize ans n’a pas besoin d’être rapportée7.

7 Cass n°39/2022 pénal du 10 mars 2022, numéro CAS-2021-00017 du registreLa nouvelle disposition consacrant la clause dite « Roméo et Juliette » est alors en effet plus favorable pour l’auteur d’un acte de pénétration sexuelle sur un mineur qui a atteint l’âge de 13 ans, lorsque cet auteur et le mineur ont moins de quatre ans d'écart d'âge.

Toujours est-il que cette clause ne jouera pas quand l'auteur et le mineur ont plus de quatre ans d'écart d'âge ou lorsque la relation n'est pas consentie.

Or, cette seule disposition plus douce de la nouvelle loi que constitue la clause dite « Roméo et Juliette » n’était à aucun moment susceptible de trouver application en l’occurrence au vu de la différence d’âge entre le demandeur en cassation et la victime et au vu du fait que les relations sexuelles incriminées ne pouvaient être consenties compte tenu de l’état de la victime PERSONNE2.) qui était alcoolisée et s’était, en raison de sa fatigue, endormie au moment des faits.

Prétendre le contraire en sous-entendant que les relations sexuelles incriminées auraient pu être consenties ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges d’appel qui ont constaté l’impossibilité de la victime de donner un consentement, même dans l’hypothèse de l’application de la clause dite « Roméo et Juliette ».

Ladite appréciation relevant du pouvoir souverain du juge du fond et échappant au contrôle de la Cour de cassation, il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Pour le surplus, et compte tenu de ce qui précède, c’est à bon droit que les juges d’appel ont décidé qu’il convenait de faire application des articles 375 et 377 du Code pénal dans leur version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2023 visant à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs au motif que les seules dispositions de la nouvelle loi, qui peuvent trouver application dans le dossier soumis à Votre Cour, définissent une incrimination plus large et constituent ainsi une loi pénale plus sévère.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Bob Piron 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 156/24
Date de la décision : 07/11/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-11-07;156.24 ?

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