N° 152 / 2024 du 07.11.2024 Numéro CAS-2023-00190 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre.
Composition :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Guillaume MARY, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) la société de droit italien SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à I-
ADRESSE2.), représentée par l’organe de gestion, inscrite au Registro delle Impresse de Padova sous le numéroNUMERO2.), 2) la société à responsabilité limitée SOCIETE3.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE3.), représentée par les gérants, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO3.), défenderesses en cassation, comparant par Maître Sabrina MARTIN, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.
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Vu l’arrêt attaqué numéro 161/23 IV-COM rendu le 17 octobre 2023 sous le numéro CAL-2021-01056 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 21 décembre 2023 par la société anonyme SOCIETE1.) à la société de droit italien SOCIETE2.) et à la société à responsabilité limitée SOCIETE3.), déposé le 27 décembre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 14 février 2024 par la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE3.) à la société SOCIETE1.), déposé le 19 février 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné les défenderesses en cassation in solidum à payer certains montants à la demanderesse en cassation au titre de l’exécution de travaux en sous-traitance et avait débouté les défenderesses en cassation de leurs demandes reconventionnelles basées sur des retards d’exécution et des non-conformités. La Cour d’appel a déchargé les défenderesses en cassation du paiement de certains des montants dont condamnation en première instance et a fait droit à leurs demandes reconventionnelles à concurrence de certains montants.
Sur les trois moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise application de la loi, in specie de l’article 1134 du Code civil, L’article 1134 du Code civil dispose que :
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. » », 2 le deuxième, « tiré de la violation de la loi, en l’espèce violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de procédure Civile.
L’article 89 de la Constitution prévoit que Tout jugement doit être motivé. Il est prononcé en audience publique. », Et L’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile prévoit que . » et le troisième, « tiré de la violation de la loi, en l’espèce violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de procédure Civile. ».
Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué.
Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.
Les moyens ne précisent pas en quoi les juges d’appel auraient violé les dispositions visées aux moyens.
Il s’ensuit que les trois moyens sont irrecevables.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge des défenderesses en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer ensemble une indemnité de procédure de 5.000 euros.
3PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la demanderesse en cassation à payer aux défenderesses en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Sabrina MARTIN, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.
4Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société anonyme SOCIETE1.) c/ Société de droit italien SOCIETE2.) Société à responsabilité limitée SOCIETE3.) (affaire n° CAS-2023-00190 du registre) Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 27 décembre 2023, d’un mémoire en cassation, signifié le 21 décembre 2023 aux défenderesses en cassation, est dirigé contre l’arrêt n° 161/23 IV-COM, rendu contradictoirement en date du 17 octobre 2023, par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1 et la forme2.
Il est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort, qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1 et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi de 1885 »).
Il s’ensuit qu’il est recevable.
Sur les faits Il résulte de l’arrêt attaqué que, saisi par la société anonyme SOCIETE1.) d’une demande, dirigée contre la société de droit italien SOCIETE2.) et la société à responsabilité limitée SOCIETE3.), d’indemnisation du préjudice résultant de la résiliation d’un contrat d’entreprise 1 L’arrêt attaqué a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 25 octobre 2023 (pièce n° 3 annexée au mémoire en cassation). Le délai du pourvoi, de deux mois, prévu par l’article 7, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (la demanderesse en cassation demeurant au Grand-Duché) a donc expiré théoriquement le 25 décembre 2023. Comme ce jour a été férié, tout comme le lendemain, 26 décembre 2023, le délai a été reporté, par l’effet notamment de l’article 81, alinéa 2, de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, au premier jour ouvrable suivant, soit au mercredi, 27 décembre 2023. Le pourvoi ayant été formé le 27 décembre 2023, il respecte le délai imposé par la loi.
2 La demanderesse en cassation a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié aux parties adverses antérieurement à son dépôt, de sorte que ces formalités, prévues par l’article 10, alinéa 1, de la loi précitée de 1885, ont été respectées.
5conclu par les parties défenderesses avec la partie demanderesse en qualité de maître d’œuvre agissant comme sous-traitant de celles-ci, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg constatait le caractère abusif et irrégulier de la résiliation et condamnait les parties défenderesses au paiement d’une indemnité et d’un montant dû en exécution du contrat. Sur appel des parties défenderesses la Cour d’appel, par réformation, constata le caractère régulier et justifié de la résiliation, les déchargea partiellement de la condamnation prononcée contre elles tout en condamnant, sur leur demande reconventionnelle, la partie demanderesse originaire au paiement d’un montant au titre d’indemnité de retard et d’indemnisation du préjudice subi par suite du retard dans l’exécution du contrat.
Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, en ce que, ainsi qu’il ne résulte que de la discussion du moyen, la Cour d’appel a, par réformation, considéré que la résiliation du contrat par les défenderesses en cassation avait été régulière aux motifs que :
« Conformément à l’article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties. L’article 15.1 a) des conditions générales prévoit parmi les motifs de résiliation aux torts du sous-traitant, un manquement de celui-ci à une de ses obligations et le fait que les travaux ne sont pas menés avec la célérité requise. L’article 15.2 dispose que le motif de résiliation « sera notifié au sous-traitant par lettre recommandée contenant mise en demeure avec sommation d’y remédier. La résiliation prendra effet 8 jours ouvrables après l’envoi de la mise en demeure restée infructueuse, sans autres formalités ou notification, auxquelles il est expressément renoncé ». La lettre de mise en demeure du 1er décembre 2020 a été envoyée à SOCIETE1.) par pli recommandé et par courriel, reçu le 2 décembre 2020.
Par courrier du 9 décembre 2020, SOCIETE1.) a confirmé la réception du courriel de mise en demeure anticipée le 2 décembre 2020, a confirmé que sa réponse était en cours de finalisation et qu’elle enverrait un email anticipé de réponse anticipée au plus tard le 11 décembre 2020.
Si les parties ont prévu que la mise en demeure se ferait par lettre recommandée, cette formalité n’a pas trait à la validité de la mise en demeure mais à la preuve de sa réception. Ainsi, le délai de huitaine pour réagir court à partir de la réception de la mise en demeure, peu importe que celle-ci ait été réceptionnée par la poste ou par courriel. Le 10 décembre 2020, SOCIETE1.) a par ailleurs répondu de manière exhaustive aux doléances signalées. […] La réponse de SOCIETE1.) à la mise en demeure ne contient aucun engagement sérieux, tel que souhaité par SOCIETE4.), de poursuivre le chantier avec les diligences requises. Cette réponse, avec la réduction du personnel suite à la mise en demeure, permet de retenir que la mise en demeure du 1er décembre 2020 était infructueuse. Le Contrat prévoyant expressément l’absence de formalités supplémentaires, le Contrat a été résilié de plein droit, huit jours ouvrables après la mise en demeure, conformément aux stipulations contractuelles, à l’échéance du 11 décembre 2020 accordée par SOCIETE4.). » 3, alors que, ainsi qu’il ne résulte que de la discussion du moyen, l’article 15.2 du contrat stipule que le motif de résiliation doit être notifié par lettre recommandée et que la résiliation prend effet 8 jours ouvrables après l’envoi de la mise en demeure, que la lettre de mise en demeure contenant ce motif, datée du 1er décembre 2020, a été notifiée en l’espèce par lettre recommandée reçue par la demanderesse en cassation seulement le 10 décembre 20204, que si les parties ont conventionnellement aménagé la résiliation du contrat, celle-ci ne peut intervenir en dehors du cadre du mécanisme conventionnel de résiliation, que c’est dès lors à tort et en violation de la disposition visée que 3 Arrêt attaqué, page 8, sous « Quant à la résiliation du Contrat », premier à l’avant-dernier alinéa et page 9, dernier alinéa, à page 10, deuxième alinéa.
4 Pièce n° 17 annexée au mémoire en cassation.
6la Cour d’appel a conclu que le contrat avait été résilié le 11 décembre 2020, 8 jours ouvrables après la réception, le 2 décembre 2020, par la demanderesse en cassation, d’un courriel contenant la lettre de mise en demeure qui avait été envoyé en même temps que la lettre recommandée précitée, aux motifs que « Si les parties ont prévu que la mise en demeure se ferait par lettre recommandée, cette formalité n’a pas trait à la validité de la mise en demeure mais à la preuve de sa réception. Ainsi, le délai de huitaine pour réagir court à partir de la réception de la mise en demeure, peu importe que celle-ci ait été réceptionnée par la poste ou par courriel. »5.
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1885, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité6.
Le moyen ne précise, dans son énoncé, ni la partie critiquée de la décision ni ce en quoi celle-
ci encourt le reproche allégué.
Il s’ensuit qu’il est irrecevable.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la discussion du moyen permettrait de remédier aux vices affectant l’articulation du moyen, il échet de constater que les juges du fond ont interprété l’article 15.2 du contrat, stipulant que le motif de résiliation « sera notifié au sous-traitant par lettre recommandée »7, comme une « formalité [qui] n’a pas trait à la validité de la mise en demeure mais à la preuve de sa réception [de sorte que] le délai de huitaine pour réagir court à partir de la réception de la mise en demeure, peu importe que celle-ci ait été réceptionnée par la poste ou par courriel »8.
Sous le couvert du grief tiré de la violation de disposition visée au moyen, celui-ci ne tend dès lors qu’à remettre en discussion l’interprétation d’une convention qui relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de votre Cour9.
Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution (devenu l’article 109 de la Constitution révisée) et 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que, ainsi qu’il ne résulte de la discussion du moyen, la Cour d’appel a fait droit à la demande d’indemnisation du préjudice subi par les défenderesses en cassation du fait des retards imputés aux motifs que : « Pour justifier le bien-fondé de cette demande, SOCIETE4.) se réfère à 5 Arrêt attaqué, page 8, sous « Quant à la résiliation du Contrat », sixième et septième alinéa.
6 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 11 janvier 2024, n° 09/2024, numéro CAS-
2023-00054 du registre (réponse à la première branche du premier moyen).
7 Arrêt attaqué, page 8, sous « Quant à la résiliation du Contrat », troisième alinéa.
8 Idem, même page, sous « Quant à la résiliation du Contrat », sixième et septième alinéa.
9 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 12 octobre 2023, n° 100/2023, numéro CAS-
20222-00127 du registre (réponse au premier moyen).
7l’article 6.1 alinéa 2 du Contrat et à ses pièces numérotées 25, 26, 27, 41 et 42. Le montant réclamé se décompose comme suit : o 365.040 euros au titre de la mise à disposition sur site d’un project manager, d’un site manager, d’un second site manager et d’un site manager assistant pendant 8 mois, o 2.609,58 euros au titre de frais d’expertise Rigo, o 165.697,67 euros pour frais extra-pose par la société SOCIETE5.), o 4.238,32 euros pour frais de fermeture provisoire du chantier suite au départ de SOCIETE1.), o 179.558,11 euros pour divers frais à charge de SOCIETE1.) conformément à l’article 2 des conditions spécifiques du Contrat. L’article 6.1 alinéa 2 des conditions générales dispose que le paiement de pénalités de retard ne fait pas obstacle à une indemnisation intégrale du préjudice réellement subi par le donneur d’ordre et/ou par le client.
L’imputabilité des retards à SOCIETE1.) a été retenue ci-avant. SOCIETE1.) n’a pas pris position quant à cette demande. S’étant limitée à se référer à la décision en première instance, d’ores et déjà à réformer au vu de la régularité de la résiliation retenue par la Cour, SOCIETE1.) ne conteste ni le principe ni le quantum des différents postes réclamés appuyés par un ensemble de pièces. Il y a partant lieu de faire droit à la demande pour le montant réclamé de 717.143,68 euros en principal. »10, alors que, ainsi qu’il ne résulte que de la discussion du moyen, la demanderesse en cassation avait, dans ses conclusions notifiées le 15 février 202211, ainsi que dans ses conclusions récapitulatives du 15 novembre 202212, contesté ces demandes tant dans leur principe que dans leur quantum, de sorte que la Cour d’appel, en affirmant par les motifs cités ci-avant que la demanderesse en cassation n’avait pas pris position par rapport à la demande et n’avait contesté les différents postes réclamés ni dans leur principe ni dans leur quantum, a omis de répondre aux conclusions.
Le moyen ne précise, dans son énoncé, ni la partie critiquée de la décision ni ce en quoi celle-
ci encourt le reproche allégué. Il s’ensuit qu’il est, comme le premier moyen, irrecevable au regard de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1885.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la discussion du moyen permettrait de remédier aux vices affectant l’articulation du moyen, il échet de constater que la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel un défaut de réponse à conclusions, partant un défaut de motifs qui est un vice de forme.
Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré13, si incomplète ou si vicieuse qu’elle soit14. Le cas d’ouverture du défaut de motifs ne permet donc pas de critiquer de façon pertinente le caractère insuffisant ou incorrect de la motivation. Ces griefs sont à présenter dans le cadre du cas d’ouverture de la violation de la loi de fond, par exemple de l’article 1315 du Code civil, régissant la charge de la preuve, ou de celui du défaut de base légale, qui est un vice de fond et 10 Arrêt attaqué, page 15, premier au huitième alinéa.
11 Pièce n° 4 annexée au mémoire en cassation, voir pages 34 et 35 (sous d), et dispositif, page 36, deuxième alinéa.
12 Pièce n° 5 annexée au mémoire en cassation, voir pages 40 et 41 (sous d), et disposition, page 42, troisième alinéa.
13 Cour de cassation, 25 mai 2023, n° 57/2023, numéro CAS-2022-00095 du registre (réponse au troisième moyen de cassation).
14 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 6e édition, 2023, n° 77.41, page 415.
8qui aurait, en l’espèce, pu être tiré notamment de la violation de l’article 1147 du Code civil, la réponse de la Cour d’appel ayant pour objet de statuer sur le préjudice réclamé au titre d’une demande de responsabilité contractuelle.
La demanderesse en cassation avait, dans ses conclusions du 15 février 202215 et dans ses conclusions récapitulatives du 15 novembre 202216, brièvement pris position sur la demande reconventionnelle des défenderesses en cassation, dont l’objet était, en partie, l’indemnisation du préjudice né du retard dans l’exécution du contrat et, en partie, celle d’une exécution non-
conforme du contrat. Elle s’y limitait à contester l’imputabilité du préjudice allégué et d’être à l’origine d’une non-conformité, tout en contestant, par principe mais sans formuler de critiques circonstanciées, le bien-fondé, en fait et en droit, de la demande. Elle ne prenait notamment, exception de sa contestation de principe de la demande, pas position sur les postes de préjudice invoqués par les demanderesses en cassation comme conséquence du retard de l’exécution du contrat.
La Cour d’appel a pris acte de cette position en retenant que :
« SOCIETE1.) estime, d’une manière générale, que « c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande reconventionnelle des parties appelantes pour être ni fondée ni justifiée ».
Il y a lieu de rappeler que les demandes de SOCIETE4.) avaient toutes été rejetées en première instance, les demandes tendant à l’indemnisation des retards en raison du caractère abusif de la résiliation, tel que retenu par les juges de première instance, et les demandes tendant à l’indemnisation des non-conformités en raison de l’absence de preuve de leur imputabilité à SOCIETE1.). »17.
Elle distingue, en ce qui concerne la demande reconventionnelle des défenderesses en cassation, entre les chefs de demande qui « ont trait à l’indemnisation des retards et [ceux qui ont trait à] des non-conformités invoquées »18. S’agissant de l’indemnisation des retards, elle distingue entre un chef de demande concernant l’octroi d’une indemnité de retard de 100.086,89 euros sur base de l’article 6.1 du contrat19 et un chef relatif à une indemnité de 717.143,68 euros à titre de préjudice réellement subi du fait des retards20. Le passage critiqué de l’arrêt figure dans les développements relatifs à ce second chef de demande.
La Cour constate à ce sujet que « [l]’imputabilité des retards à [la demanderesse en cassation] a été retenue [par elle dans le passage de son arrêt consacré à la l’indemnité de retard fondée sur l’article 6.1 du contrat21] »22.
15 Pièce n° 4 annexée au mémoire en cassation, voir pages 34 et 35 (sous d), et dispositif, page 36, deuxième alinéa.
16 Pièce n° 5 annexée au mémoire en cassation, voir pages 40 et 41 (sous d), et disposition, page 42, troisième alinéa.
17 Arrêt attaqué, page 14, premier et deuxième alinéa.
18 Idem, page 13, dernier alinéa.
19 Idem, page 14, troisième à l’avant-dernier alinéa.
20 Idem, même page, dernier alinéa, à page 15, huitième alinéa.
21 Voir sur ce point : arrêt attaqué, page 14, sous « la demande pour le montant de 100.086,89 euros à titre d’indemnités de retard au regard de la clause 6.1. du Contrat ».
22 Arrêt attaqué, page 15, quatrième alinéa.
9 Elle relève ensuite que la demanderesse en cassation « n’a pas pris position quant à [la] demande [relative à l’octroi d’une indemnité de 717.143,68 euros à titre de préjudice réellement subi du fait des retards] »23.
Elle ajoute que « [s]’étant limitée à se référer à la décision en première instance, d’ores et déjà à réformer au vu de la régularité de la résiliation retenue par la Cour, [la demanderesse en cassation] ne conteste ni le principe ni le quantum des différents postes réclamés appuyés par un ensemble de pièces. Il y a partant lieu de faire droit à la demande pour le montant réclamé de 717.143,68 euros en principal. »24.
Interprétant les conclusions de la demanderesse en cassation, elle considère donc que la demanderesse en cassation n’a pas pris position sur le bien-fondé des différents postes invoqués au titre du préjudice de 717.143,68 euros et en déduit que cette dernière ne conteste pas le principe et le quantum de ces postes.
La demanderesse en cassation critique que la Cour d’appel a, nonobstant la contestation de principe du bien-fondé de la demande reconventionnelle, considéré que, n’ayant pas pris expressément position par rapport aux différents postes de préjudice, elle ne les a pas contestés.
Elle critique donc le bien-fondé de l’interprétation faite par la Cour d’appel de ses conclusions.
Outre que l’appréciation des conclusions d’appel relève du pouvoir souverain des juges d’appel25, ce grief, de fond, est étranger au cas d’ouverture du défaut de motifs.
Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen est irrecevable pour ce motif.
A titre plus subsidiaire, il est relevé que la Cour d’appel ayant, après avoir rappelé que la demanderesse en cassation critiquait par principe le bien-fondé de la demande reconventionnelle des défenderesses en cassation26, considéré que celle-ci n’ayant pas pris position sur le bien-fondé des postes de préjudice invoqués au titre de la demande d’indemnité de 717.143,68 euros, ne conteste pas le principe et le quantum de ces postes, elle décide, implicitement mais nécessairement, que la contestation non circonstanciée du bien-fondé de la demande reconventionnelle n’est, en l’absence de contestations circonstanciées des postes de préjudice, pas à interpréter comme une contestation du principe et du quantum de ces postes.
Par ces motifs elle a répondu au passage considéré des conclusions. Au regard de l’existence de cette réponse, dont le bien-fondé ou le caractère suffisant n’est pas susceptible d’être critiqué au titre du cas d’ouverture du défaut de motifs, elle ne saurait encourir le reproche allégué.
Il s’ensuit, à titre plus subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.
23 Idem, même page, cinquième alinéa.
24 Idem, même page, sixième et septième alinéa.
25 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 10 décembre 2015, n° 97/15, numéro 3571 du registre (réponse au troisième moyen).
26 Arrêt attaqué, page 14, premier et deuxième alinéa, passage cité ci-avant.
10Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution (devenu l’article 109 de la Constitution révisée) et 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que, ainsi qu’il ne résulte de la discussion du moyen, la Cour d’appel a, par réformation, rejeté la demande de paiement, par la demanderesse en cassation, de la facture n° 79329 du 30 novembre 2020 portant sur un montant de 91.254,28 euros aux motifs que : « Conformément aux articles 6 et 7 des conditions spécifiques, les parties ont prévu une facturation mensuelle suivant l’avancement des travaux. Il est spécifié qu’après contrôle par le Site Manager, le Project Manager délivrera les certificats de paiement validés. En l’absence de certificat de paiement validé, à joindre à la facture, aucune facture ne sera acceptée. Il ne suffit dès lors pas, comme le soutient SOCIETE1.), d’avoir été présente sur le chantier en novembre 2020.
Elle ne verse aucun certificat de paiement validé à l’appui de sa facture du 30 novembre 2020.
Elle ne prouve pas ni n’offre de prouver l’état d’avancement des travaux justifiant sa facture.
Cette demande n’est dès lors pas fondée et il y a lieu de réformer le jugement entrepris sur ce point. »27, alors que, ainsi qu’il ne résulte que de la discussion du moyen, la demanderesse avait, dans ses conclusions récapitulatives du 15 novembre 2022, exposé que l’omission du versement d’un certificat de paiement ne constitue pas une contestation sérieuse de nature à mettre en échec la demande de paiement, cette omission ayant été imputable aux agissements des défenderesses en cassation pour avoir évincé la demanderesse en cassation du chantier28 et qu’elle avait exposé dans ces mêmes conclusions les raisons du faible état d’avancement du chantier en se référant aux constatations d’un expert29 et qu’elle y avait contesté les problèmes de non-conformités sinon d’inachèvements lui imputés à tort par les défenderesses en cassation30, de sorte que la Cour d’appel a omis de répondre à ces conclusions.
Le moyen ne précise, dans son énoncé, ni la partie critiquée de la décision ni ce en quoi celle-
ci encourt le reproche allégué. Il s’ensuit qu’il est, comme le premier et le deuxième moyen, irrecevable au regard de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1885.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la discussion du moyen permettrait de remédier aux vices affectant l’articulation du moyen, il échet de constater que la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel un défaut de réponse à conclusions, partant un défaut de motifs qui est un vice de forme. Il est renvoyé sur ce point aux développements faits ci-avant dans le cadre de la discussion du deuxième moyen.
La demanderesse en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir déchargé les défenderesses en cassation de la condamnation en paiement de sa facture n°79329 portant sur un montant de 91.254,28 euros, partant, estime que c’est à tort que les juges du fond ont retenu d’une part qu’elle devait joindre le certificat de paiement relatif à sa facture et d’autre part qu’elle n’avait ni prouvé ni offert de prouver l’état d’avancement des travaux. A cette fin elle fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir répondu à certains développements contenus dans ses conclusions récapitulatives du 15 novembre 2022.
Celle-ci résuma la position de la demanderesse en cassation comme suit :
27 Idem, page 12, avant-dernier alinéa, à page 13, troisième alinéa.
28 Pièce n° 5 annexée au mémoire en cassation, page 29.
29 Idem, pages 29 à 31.
30 Idem, pages 30 à 31.
11« Concernant ses demandes pécuniaires, [la demanderesse en cassation] estime avoir droit au paiement de sa facture du 30 novembre 2020 au titre des travaux effectués au mois de novembre 2020. Elle estime que dans la mesure où SOCIETE4.) ne conteste pas sa présence sur le chantier au mois de novembre et que, conformément aux conclusions du rapport Micheli, elle n’était pas responsable des inachèvements, la facture, à laquelle était joint l’état d’avancement de SOCIETE1.), est due. »31.
A ce titre, il y a lieu de noter que la Cour de cassation française retient que l’exposé des faits qui figure au début des décisions est considéré comme faisant partie de la motivation de celle-
ci32.
La Cour d’appel constate ensuite que :
« L’obligation de respecter les délais contractuels est une obligation de résultat.
Pour s’exonérer de cette obligation, il appartient à SOCIETE1.) d’établir que le non-
respect des délais provient d’une cause étrangère, ayant les caractéristiques de la force majeure, c’est-à-dire une cause imprévisible et irrésistible pour elle.
[…] L’expert Micheli avait pour mission d’établir un état de l’avancement des travaux et les problèmes rencontrés par SOCIETE1.) sur le chantier. Le rapport se compose de documents photographiques et des déclarations de SOCIETE1.). Les clichés photographiques sont partiellement commentés par l’expert.
Toutefois, force est de constater que l’expert Micheli, qui n’a pas eu à sa disposition la position de SOCIETE4.) et n’analyse pas les causes de ses constatations, n’indique pas d’éléments permettant de caractériser une force majeure dans le chef de SOCIETE1.). »33.
Elle a donc analysé les éléments soumis par la demanderesse en cassation pour en tirer la conclusion suivante :
« Conformément aux articles 6 et 7 des conditions spécifiques, les parties ont prévu une facturation mensuelle suivant l’avancement des travaux. Il est spécifié qu’après contrôle par le Site Manager, le Project Manager délivrera les certificats de paiement validés. En l’absence de certificat de paiement validé, à joindre à la facture, aucune facture ne sera acceptée.
Il ne suffit dès lors pas, comme le soutient SOCIETE1.), d’avoir été présente sur le chantier en novembre 2020.
Elle ne verse aucun certificat de paiement validé à l’appui de sa facture du 30 novembre 2020.
31 Arrêt attaqué, page 7, sixième alinéa.
32 BORÉ, précité, n° 77.82, page 418.
33 Arrêt attaqué, page 10, septième et huitième alinéa, et page 11, avant-dernier et dernier alinéa.
12 Elle ne prouve pas ni n’offre de prouver l’état d’avancement des travaux justifiant sa facture.
Cette demande n’est dès lors pas fondée et il y a lieu de réformer le jugement entrepris sur ce point. »34.
Par ces motifs, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation35, a répondu aux conclusions.
Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 34 Idem, page 12, avant-dernier alinéa, à page 13, troisième alinéa.
35 Cour de cassation, 11 janvier 2024, n° 08/2024, CAS-2023-00032 du registre (réponse au deuxième moyen).