N° 132 / 2024 pénal du 10.10.2024 Not. 40257/20/CD Numéro CAS-2024-00100 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix octobre deux mille vingt-quatre, l’arrêt qui suit :
Entre le MINISTERE PUBLIC, exerçant l’action publique pour la répression des crimes et délits, et PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu, sur la requête en règlement de juges déposée au greffe de la Cour le 1er juillet 2024 par le Procureur général d’Etat.
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Vu la requête en règlement de juges présentée le 1er juillet 2024 par le Procureur général d’Etat ;
Vu l’information adressée à PERSONNE1.) par courrier recommandé du 2 juillet 2024 ;
Sur les conclusions du premier avocat général Marc SCHILTZ.
Vu les articles 525 à 532 du Code de procédure pénale, 38 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, 37 et 49 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Par ordonnance numéro 2209/22 du 19 octobre 2022, la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a renvoyé PERSONNE1.) devant une chambre correctionnelle de ce même tribunal, pour avoir, entre autres, « comme auteur ayant lui-même commis les infractions, 1) depuis un temps non encore prescrit dans l’arrondissement judicaire de ADRESSE1.), notamment le 15/06/2020 à L-ADRESSE3.), sans préjudice quant aux indications de temps et de lieu plus exactes, b) principalement, en infraction à l’article 442-1 alinéa 1 et 2 du Code pénal d’avoir enlevé, arrêté, détenu ou séquestré ou fait enlever, arrêter, détenir ou séquestrer une personne, quel que soit son âge, soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité des auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit, soit pour faire répondre la personne enlevée, arrêtée, détenue ou séquestrée de l’exécution d’un ordre ou d’une condition, en l’espèce, d’avoir séquestré PERSONNE2.), préqualifiée, notamment en verrouillant la porte d’entrée de son appartement tout en lui privant l’accès à la clé, l’empêchant ainsi de quitter librement son appartement et en lui enlevant en même temps son téléphone portable afin d’éviter que celle-ci puisse appeler de l’aide, partant pour assurer son impunité ainsi que pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, » et « comme auteur ayant lui-même commis les infractions, 5) depuis un temps non encore prescrit dans l’arrondissement judicaire de Luxembourg, notamment dans la nuit du 01/12/2020 au 02/12/2020 à L-
ADRESSE3.), sans préjudice quant aux indications de temps et de lieu plus exactes, a) principalement, en infraction à l’article 442-1 alinéa 1 et 2 du Code pénal d’avoir enlevé, arrêté, détenu ou séquestré ou fait enlever, arrêter, détenir ou séquestrer une personne, quel que soit son âge, soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité des auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit, soit pour faire répondre la personne enlevée, arrêtée, détenue ou séquestrée de l’exécution d’un ordre ou d’une condition, en l’espèce, d’avoir séquestré PERSONNE2.), préqualifiée, en verrouillant la porte d’entrée de son appartement tout en lui privant l’accès à la clé, l’empêchant ainsi de quitter librement son appartement et en lui enlevant peu de temps après son téléphone portable afin d’éviter que celle-ci puisse appeler de l’aide, partant pour assurer son impunité ainsi que pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit ».
Par jugement numéro 2360/2023 du 23 novembre 2023, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, s’est déclaréincompétent ratione materiae pour connaître des faits libellés sub 1) b) principalement et 5) a) principalement. Ce jugement a été confirmé par un arrêt numéro 153/24 X. rendu le 8 mai 2024 par la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle, au motif que les faits, qualifiés d’infractions à l’article 442-1 du Code pénal, constituent des crimes non susceptibles de décriminalisation. Cet arrêt a été notifié au prévenu en personne en date du 29 mai 2024.
L’ordonnance de la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg et l’arrêt de la Cour d’appel précités sont coulés en force de chose jugée.
Ces décisions sont contradictoires entre elles.
Il en résulte un conflit négatif de juridictions qui entrave le cours de la justice, obstacle qui ne peut être levé que par un règlement de juges.
Il y a lieu de renvoyer la cause et le prévenu devant la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composée, pour se prononcer sur la qualification des faits et le renvoi devant la juridiction du fond compétente.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
réglant de juges, sans s’arrêter à l’ordonnance numéro 2209/22 rendue le 19 octobre 2022 par la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, ni au jugement numéro 2360/2023 rendu le 23 novembre 2023 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, ni à l’arrêt numéro 153/24 X. rendu le 8 mai 2024 par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle, lesquelles décisions sont réputées nulles et non avenues ;
renvoie la cause et le prévenu devant la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composée, pour, sur l’instruction faite ou à compléter, s’il y a lieu, être statué conformément à la loi tant sur les préventions que sur la compétence ;
réserve les frais de la présente instance pour y être statué en même temps que sur le fond ;
ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur les registres du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg et de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de cet arrêt soit consignée en marge des minutes de l’ordonnance du 19 octobre 2022, du jugement du 23 novembre 2023 et de l’arrêt du 8 mai 2024, précités.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix octobre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.