N° 104 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00141 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.
Composition:
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Anne MEYERS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Nicolas CHELY, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
Vu les arrêts attaqués numéro 28/23 - VIII - CIV, rendu le 9 février 2023 et numéro 91/23 - VIII - CIV (rectification), rendu le 25 mai 2023, sous le numéro CAL-2022-00096 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 16 août 2023 par la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à PERSONNE1.), déposé le 21 août 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 12 octobre 2023 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 13 octobre 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué du 9 février 2023, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait condamné la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation un certain montant au titre d’une clause pénale insérée dans un compromis de vente.
La Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Le premier moyen de cassation est tiré de la dénaturation d’un écrit clair, tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, pour fausse interprétation des pièces soumises à l’appréciation de la Cour d’appel, en l’espèce la pièce versée sous le numéro 1 par Madame PERSONNE1.), à savoir le compromis de vente signé entre parties le 18 décembre 2019, en ce que la Cour d’appel a déclaré l’appel principal non fondé et confirmé le jugement de première instance ayant condamné SOCIETE1.) au paiement d’une clause pénale prévue au compromis de vente signé entre parties, en retenant que la non réalisation de la condition suspensive était due à un comportement fautif de la partie demanderesse en cassation, de sorte que le principe même de l’application de la clause pénale prévue au contrat était donné, alors que la Cour s’est manifestement mépris sur le sens des clauses du compromis de vente signé entre parties, dès lors qu’aucune clause pénale n’a été convenue pour le cas où la condition suspensive n’était pas réalisée, de sorte que l’appel devait être déclaré fondé. ».
2 Réponse de la Cour Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait invoqué en instance d’appel la non-applicabilité de la clause pénale en cas de non-réalisation de la condition suspensive ou mis en cause le sens des clauses du compromis de vente.
Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon la fausse interprétation, sinon encore la fausse application de l’article 1134 du Code civil ;
en ce que la Cour d’appel a déclaré l’appel principal non fondé et confirmé le jugement de première instance ayant condamné SOCIETE1.) au paiement d’une clause pénale prévue au compromis de vente signé entre parties, en retenant que la non réalisation de la condition suspensive était due à un comportement fautif de la partie demanderesse en cassation, de sorte que le principe même de l’application de la clause pénale prévue au contrat était donné (1ère branche), et en ce que la Cour d’appel a déclaré l’appel principal non fondé et confirmé le jugement de première instance ayant condamné SOCIETE1.) au paiement d’une clause pénale prévue au compromis de vente signé entre parties aux mépris des stipulations claires du contrat prévoyant une résiliation de plein droit du compromis sans paiement de dommages et intérêts (2ème branche), alors que le compromis de vente signé entre partie ne prévoit aucune sanction conventionnelle pécuniaire en cas de non-exécution, même fautive, de la condition suspensive à charge de SOCIETE1.) et que l’application stricte des termes de ce contrat excluait toute condamnation dans le chef de la partie demanderesse en cassation. ».
Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des clauses contractuelles et éléments de fait qui les ont amenés à retenir que la demanderesse en cassation n’avait pas accompli les diligences nécessaires en vue de l’accomplissement de la condition suspensive, de sorte que la clause pénale était applicable. Cette appréciation relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
3 Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse interprétation, sinon encore de la fausse application des articles 89 de la Constitution et 249 du Nouveau Code de Procédure Civile pour défaut de réponse à conclusion, sinon pour contradiction de motifs, sinon pour motif dubitatif valant défaut de motifs, En ce que la Cour d’appel pour dire non fondé l’appel principal et confirmé le jugement de première instance a retenu par application de l’article 1178 du Code civil que et condamné la partie demanderesse en cassation au paiement de la clause pénale réclamée, alors que la décision de la Cour d’appel manque en cohérence et explication dès lors que la sanction pécuniaire ainsi retenue n’est nullement justifiée par la Cour d’appel qui ne retient aucune résiliation fautive ni responsabilité contractuelle dans le chef de la partie demanderesse en cassation susceptible de justifier sa décision. ».
Réponse de la Cour Le grief est tiré du défaut de réponse à conclusion, de la contradiction de motifs et du motif dubitatif, équivalant à un défaut de motifs qui est un vice de forme.
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture et chaque moyen doit préciser, sous la même sanction, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-
ci encourt le reproche allégué.
La demanderesse en cassation ne précise pas en quoi les juges d’appel se seraient contredits, à quelles conclusions ils auraient manqué de répondre ou par quel motif dubitatif ils se seraient prononcés.
Les développements qui figurent dans la discussion ne complètent pas l’énoncé du moyen mais relèvent d’un second cas d’ouverture en ce qu’ils invoquent une insuffisance de motifs, articulant ainsi le grief du défaut de base légale qui est un vice de fond.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
4 Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse interprétation, sinon encore de la fausse application de l’article 1178 du Code civil, En ce que la Cour d’appel pour dire non fondé l’appel principal et confirmé le jugement de première instance a retenu par application de l’article 1178 du Code civil que et condamné la partie demanderesse en cassation au paiement de la clause pénale réclamée, alors que la sanction de l’article 1178 du Code civil consiste uniquement en l’exécution du contrat et à la mise en œuvre d’une clause pénale. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait valoir dans la discussion du moyen que la seule constatation de l’accomplissement de la condition suspensive consiste dans l’exécution du compromis, soit la vente elle-même et non dans la condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Les juges d’appel ont dit à bon droit, sans violer la disposition visée au moyen, que dès lors que condition suspensive est accomplie, les effets de la vente conclue sous condition suspensive, jusqu’alors suspendus, se produisent. Ceci s’applique également à une clause accessoire du contrat de vente telle la clause pénale, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre la vente elle-même et la clause pénale prévue en cas d’inexécution de ses obligations par une partie.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse interprétation, sinon encore de la fausse application de l’article 1184 du Code civil, En ce que la Cour d’appel pour dire non fondé l’appel principal et confirmé le jugement de première instance a retenu par application de l’article 1178 du Code civil que et condamné ipso facto la partie demanderesse en cassation au paiement de la clause pénale réclamée, 5alors que la mise en œuvre d’une clause pénale suppose la résolution préalable du contrat, laquelle n’a ni été demandée par la requérante initiale, ni recherchée, ni constatée ni encore prononcée par la Cour d’appel. ».
Réponse de la Cour En sollicitant le paiement de la clause pénale, la défenderesse en cassation a implicitement sollicité la résolution de la vente. Les juges du fond, qui ont retenu que la demanderesse en cassation n’avait pas accompli les diligences nécessaires en vue de la réalisation de la condition suspensive et que « [l]a clause pénale est destinée à garantir l’exécution du contrat et à fixer de façon forfaitaire l’indemnisation de l’une des parties lorsque l’autre reste en défaut d’exécuter ses obligations », ont implicitement constaté la résolution de la vente aux torts de la demanderesse en cassation.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur les demandes en allocation d’indemnités de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la demanderesse en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.
6Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation la société anonyme SOCIETE1.) / PERSONNE1.) (n° 2023-00141 du registre) Le pourvoi en cassation introduit par la société anonyme SOCIETE1.), dénommée ci-après SOCIETE1.), par mémoire en cassation daté au 16 août 2023, signifié le 16 août 2023 à PERSONNE1.), et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice en date du 21 août 2023, est dirigé contre l’arrêt n° 28/23-VIII-CIV rendu en date du 9 février 2023 par la Cour d’Appel, huitième chambre, siégeant en matière civile, dans une affaire inscrite sous le numéro CAL-2022-00096 du rôle, ainsi contre l’arrêt rectificatif n° 91/23-III-CIV rendu en date du 25 mai 2023 par la Cour d’Appel, huitième chambre, siégeant en matière civile, dans la même affaire.
Les arrêts dont pourvoi furent signifiés à SOCIETE1.) en date du 22 juin 2023.
Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois en cassation et la procédure en cassation.
Le mémoire en réponse introduit par PERSONNE1.), daté au 11 octobre 2023, signifié le 12 octobre 2022 à SOCIETE1.), et déposé le 13 octobre 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, peut être pris en considération pour avoir été signifié et déposé conformément aux prescriptions de la loi.
Quant aux faits et rétroactes :
PERSONNE1.), partie venderesse d’un bien immobilier, soutenant que la partie acquéreuse SOCIETE1.) n’a pas respecté la condition suspensive stipulée entre parties et qu’elle a résilié unilatéralement le compromis de vente, a assigné SOCIETE1.) en condamnation de la clause pénale stipulée entre parties.
Les articles pertinents du compromis de vente sont les suivants :
« ARTICLE 4 : PRIX DE VENTE (…) le montant est payable le jour de la signature de l’acte notarié pardevant l’étude d’un notaire à désigner par « l’acheteur » au plus tard le 31/05/2020. (…) ARTICLE 8 : RESILIATION En cas de résiliation par l’une des « Parties » du présent compromis de vente pour une raison autre que le respect strict des clauses suspensives (souligné par le soussigné), celle-ci doit verser une pénalité conventionnelle à concurrence de 720% du prix de vente à la partie lésée. En outre, si la partie lésée est « l’acheteur », « le vendeur » devra lui rembourser tous les frais investis et manqués à gagner (…) ARTICLE 11 : CLAUSE(S) SUSPENSIVE(S) « L’acheteur » déclare devoir contracter un prêt auprès d’un institut financier agréé au Grand-Duché de Luxembourg pour règlement du prédit prix de vente.
Il est expressément entendu qu’au cas où « l’acheteur » ne devrait pas se voir accorder le prêt en question avant la date de la signature de l’acte, le présent compromis sera résilié de plein droit, sans que le « vendeur » ne puisse invoquer des dommages et intérêts à l’encontre de l’acheteur ».
Il est entendu que la clause suspensive est consentie au seul profit de « l’acheteur » qui pourra, à tout moment y renoncer, ce que « le vendeur » s’engage d’ores et déjà à accepter, sans que cela entraîne novation du contrat.
En outre, au regard du droit de préemption accordé aux pouvoirs préemptant, le présent compromis de vente est irréfragablement réputé conclu sous condition suspensive de la renonciation à l’exercice du droit de préemption desdits pouvoirs préemptant »1 Par arrêt n° 28/23-VIII-CIV dont pourvoi, la Cour d’appel, a confirmé les 1ers juges qui, par jugement n° 2021TALCH20/00074 rendu le 17 juin 2021 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, ont déclaré partiellement la demande de PERSONNE1.) et ont condamné SOCIETE1.) à lui payer la somme de 61.000 euros, plus les intérêts légaux, à titre de clause pénale stipulée au compris de vente conclu entre parties.
Les 1ers juges se sont déterminés comme suit2 :
« ( …) Il est constant en cause que le compromis de vente du 18 décembre 2019 a été conclu sous la condition de l’obtention d’un prêt par la société SOCIETE1.) auprès d’un établissement bancaire pour l’acquisition de la maison.
Il est donc établi que la vente du bien litigieux a été consentie sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt pour l’acquisition de la maison faisant l’objet même du compromis (cf. Simont, De Gavre et Foriers, les contrats spéciaux, R.C.J.B., 1985, n°26, p.133, cité dans TAL, 17e section, 28 janvier 2009, n° 28/09, n° 113990 du rôle).
Il est de principe que la vente conclue sous une condition suspensive, quoique déjà formée, n’est pas définitive jusqu’à la réalisation de la condition, en l’occurrence l’obtention d’un prêt pour financer l’achat de la maison. La condition de l’obtention d’un prêt est réalisée par la présentation d’une offre 1 cf. pièce n° 4 dans la farde de pièce de Maître Nicola CHELY ;
2 cf p. 6 et s. du jugement de 1ère instance ;
8complète et définitive de prêt correspondant aux besoins de l’acheteur ou aux indications du contrat.
L’article 1176 du Code civil dispose que, lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé.
Aux termes de l’article 1178 du Code civil, la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement. Cet article crée à charge du débiteur qui s’engage sous une condition suspensive une véritable obligation de coopérer loyalement afin que la condition puisse se réaliser. Par conséquent, le débiteur doit entreprendre tout son possible pour que l’opération puisse aboutir et il lui appartient d’établir qu’il a accompli les diligences nécessaires dans ce but. Les juges du fond apprécient souverainement si le débiteur a rapporté la preuve de l’accomplissement des diligences requises au vœu de l’article 1178 du Code civil en vue de l’obtention du crédit pour le financement de l’immeuble acquis suivant compromis de vente (cf. Cass., 14 juillet 2009, n° 50/09, Pas. 34, 413).
La mise en œuvre de l'article 1178 du Code civil présuppose que le débiteur ait empêché l’accomplissement de la condition suspensive. Dans l'application de cet article, la jurisprudence récente ne sanctionne pas seulement les manœuvres par lesquelles le débiteur sous condition résolutoire provoque de mauvaise foi ou déloyalement la réalisation de l'événement qui le libère, mais elle intensifie le contenu de l’obligation de loyauté en lui imposant une véritable obligation positive de faire tout son possible pour que l’opération aboutisse, ceci surtout lorsque la condition dépend de la décision d’un tiers. Le débiteur doit faire toutes les diligences en son pouvoir pour assurer les chances de réalisation de la condition. La charge de la preuve de l’accomplissement de ces diligences incombe au débiteur, et non au créancier (cf. CA, 20 juin 2007, n° 30156 du rôle).
En cas d'absence de démarche ou, ce qui revient au même, de démarche tardive, la condition d’obtention du prêt sera réputée accomplie par application de l'article 1178 du Code civil (cf. CA, 4ème section, 24 avril 2019, arrêt n° 64/19, n° CAL-2018-00458 du rôle).
Il appartient à la partie acquéreuse de prouver qu’elle a entrepris toutes les diligences nécessaires pour l’obtention d’un financement (cf. Cass., 8 décembre 2016, arrêt n° 95/16, n° 3713 du registre).
Suivant courrier du 24 avril 2020, la société SOCIETE1.) explique, en faisant référence à la crise sanitaire du Covid-19, que :
« il est impossible, pour toutes les banques, de remplir ladite condition suspensive dans le délai imparti. Après avoir discuté avec plusieurs banques, elles nous ont confirmé que cet « état de fait » peut encore durer un certain temps ».
La société SOCIETE1.) ne verse aucune pièce attestant de ses démarches auprès de banques en vue de l’obtention d’un prêt bancaire ni de la prétendue 9impossibilité de toutes les banques d’accorder un prêt en raison de la crise sanitaire du Covid-19.
Tel que soutenu à bon droit par la demanderesse, il appartenait à la société SOCIETE1.) de faire les diligences nécessaires afin de se voir réaliser la condition suspensive avant le 31 mai 2020.
La société SOCIETE1.) a donc manqué à son obligation de faire tout son possible pour que l’opération aboutisse, de sorte qu’il y a lieu de retenir en application de l’article 1178 du Code civil que la condition suspensive tenant à l’obtention d’un crédit bancaire par la société SOCIETE1.) est réputée accomplie et le contrat est devenu parfait entre parties.
Les obligations des parties sont donc devenues effectives à compter du 31 mai 2020, date-limite pour la présentation de l’accord bancaire non obtenu en l’occurrence.
Le compromis de vente n’a pas été honoré par la société SOCIETE1.).
La violation de ses obligations contractuelles par la société SOCIETE1.) autorise en principe PERSONNE1.) à lui réclamer le paiement de la clause pénale prévue au contrat. »3 Le passage pertinent de la motivation des magistrats d’appel est le suivant4 :
« (…) Il appartient à la société SOCIETE1.) d’établir qu’elle a sollicité un prêt conformément aux caractéristiques décrites dans le compromis et dans le délai stipulé à l’acte.
Par courrier du 24 avril 2020, la société SOCIETE1.) a informé les parties venderesses qu’après avoir discuté avec plusieurs banques, il lui serait impossible, au vu de la situation sanitaire actuelle, de remplir la condition suspensive et qu’elle considèrerait « par conséquent et pour votre information, en application de l’article 11 du compromis de vente qu’étant donné que, selon nos banques, la clause suspensive ne peut être réalisée pour le 31 mai 2020, le compromis de vente sera résilié de plein droit, à cette date ».
A l’appui de son affirmation relative à l’impossibilité de trouver un accord bancaire pour le financement de l’acquisition de l’immeuble de l’intimée, la société SOCIETE1.) se réfère à un courriel de PERSONNE2.) de la société SOCIETE2.) Sarl du 7 mai 2020, qui se serait occupé du financement bancaire des projets immobiliers de l’appelante. Il résulte dudit courriel qu’en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, « les demandes de financement du secteur immobilier sont, pour la plupart, postposées en faveur notamment des demandes de fonds de roulement, tout en incitant les parties, entre autres, à proroger les dates d’échéance des compromis sur plusieurs mois afin d’être en mesure de traiter ces dossiers à la reprise d’une certaine normalité économique, dont le 3 passages mis en exergue par la soussignée ;
4 cf p. 5 et s. de l’arrêt n° 28/23-VIII-CIV ;
10délai est à ce stade pour le moins difficile à évaluer .(…) Vous en conclurez que je suis tributaire des délais imposés par nos partenaires financiers ».
Il convient de relever que ce courriel, postérieur au courrier du 24 avril 2020 adressé aux parties venderesses, contient des informations générales sur le ralentissement des activités bancaires de financement de projets immobiliers, sans toutefois exclure formellement la possibilité de trouver l’accord bancaire recherché. Ce courriel ne permet dès lors pas d’établir l’argumentation présentée par la société SOCIETE1.).
Les pièces 9) à 31) invoquées par la société SOCIETE1.) et ayant trait à la suspension de différents programmes de remboursement de prêts et à l’octroi bancaire de moratoires de remboursement de prêts en faveur de différentes sociétés appartenant au groupe Rollinger ne sont pas pertinentes pour la solution du présent litige, en ce qu’elles ne concernent pas directement l’appelante, seule en cause au présent litige.
Il en est de même des pièces 2) et 3) relatives à un refus bancaire opposé à une demande de prêt de la société SOCIETE3.) S.A. et des pièces 5) à 8) relatives à des financements bancaires accordés aux sociétés SOCIETE4.) S.A.,SOCIETE.6.) et SOCIETE5.) S.A.
L’attestation testimoniale, versée en instance d’appel, est également dépourvue de pertinence, dans la mesure où elle ne fournit pas de précisions utiles et concluantes.
Outre que l’auteur de cette attestation, qui se qualifie lui-même d’« employé administratif » et d’« employé de SOCIETE9.) », n’explique pas ses supposés pouvoirs de négocier au nom et pour compte de la société SOCIETE1.), cocontractante de l’intimée, ses déclarations tenant de ce qu’il aurait visité en novembre 2019 l’immeuble des parties venderesses situé à ADRESSE3.) et qu’après une deuxième visite organisée avec PERSONNE3.) de la société SOCIETE6.) et lui-même, la société SOCIETE1.) aurait finalement émis une offre aux parties venderesses et PERSONNE3.) et lui-même auraient expliqué aux parties venderesses « que la demande de prêt en vue du financement de ce projet immobilier serait introduite plus tard, et non pas le lendemain de la signature du compromis, car plusieurs dossiers d’achat d’immeubles restaient à clôturer.
C’est la raison pour laquelle les parties avaient convenu de fixer la date limite pour passer acte le 31 mai 2020 » ne sont d’aucune pertinence, dès lors qu’elles ne sont pas de nature à justifier l’impossibilité pour la société SOCIETE1.) de trouver l’accord bancaire afin que l’acte notarié puisse être signé le 31 mai 2020.
Les déclarations en ce qu’elles concernent le contact téléphonique régulier avec l’agence immobilière SOCIETE7.), mandatée par le vendeur, et le fait que le témoin « lui » aurait indiqué, au nom et pour compte de SOCIETE1.), que dans le contexte de la crise sanitaire les banques ne pouvaient instruire des dossiers de prêts avant le 31 mai 2020, sont encore dénuées de force probante pour ne pas s’adresser à la partie intimée, mais à l’agence immobilière chargée par PERSONNE4.).
11Il s’y ajoute que l’appelante ne justifie pas avoir fait les démarches en vue de l’obtention d’un prêt bancaire.
L’affirmation de l’appelante qu’une demande n’aurait été introduite qu’au mois de février 2020 ne se trouve aucunement étayée sur base de pièces et est dénuée de toute pertinence.
Il résulte encore de la pièce 4 versée en cause que l’appelante s’est vue accorder une avance de fonds en date du 17 avril 2020 par la banque SOCIETE8.).
Or, aucune demande expresse et formelle en vue d’obtenir le financement bancaire de l’immeuble litigieux n’est produite en cause.
C’est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu que la société SOCIETE1.) ne fournit aucune preuve quant aux démarches entreprises en vue d’obtenir le financement du projet immobilier en cause et aucun courrier de refus d’un établissement de crédit n’a été soumis par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.) pour le 31 mai 2020.
Lorsque l'événement conditionnel ne survient pas en raison des agissements fautifs de l'une des parties, la condition est réputée accomplie de telle sorte que les effets de la vente, suspendus jusqu'alors par elle, se produisent (Cass.
3e civ., 24 juin 1981, n° 80-13.031 : Bull. civ. III, n° 135 ; RD imm. 1982, p. 105, obs. J.-C. Groslière et Ph. Jestaz).
En l’absence de preuve des démarches entreprises, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que la non-réalisation de la condition suspensive est due à un comportement fautif de l’appelante. La société SOCIETE1.) ne saurait partant se prévaloir d’une « haute probabilité » d’un défaut d’obtention d’un prêt pour invoquer être libérée de tout engagement contractuel.
La Cour approuve en conséquence le tribunal d’avoir retenu que la condition suspensive est réputée accomplie en application de l’article 1178 du Code civil, puisque la société SOCIETE1.), par ses manquements, a causé sa défaillance.
(…).5» A titre préliminaire :
Le pourvoi en cassation est à déclarer non fondé en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt rectificatif n° 91/23-III-CIV, ce dernier ayant rectifié l’arrêt n° 28/23-VIII-CIV en disant qu’il y a lieu de condamner SOCIETE1.) aux frais et dépens de l’instance d’appel, alors que l’ensemble des moyens de cassation visent la motivation des juges d’appel arrêtée aux termes de l’arrêt n° 28/23-VIII-CIV.
5 passages mis en exergue par la soussignée ;
12 Quant au premier moyen de cassation :
Le premier moyen de cassation est tiré de la dénaturation d’un écrit clair, tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, pour fausse interprétation des pièces soumises à l’appréciation de la Cour d’appel, en l’espèce le compromis de vente signé entre parties le 18 décembre 2019, en ce que la Cour d’appel, par confirmation du jugement de première instance, « a retenu que la non-réalisation de la condition suspensive était due à un comportement fautif de la partie demanderesse en cassation, « de sorte que le principe même de l’application de la clause pénale prévue au contrat était donné », alors que « la Cour d’appel s’est manifestement mépris sur le sens des clauses du compromis de vente signé entre parties, dès lors qu’aucune clause pénale n’a été convenue pour le cas où la condition suspensive n’était pas réalisée, de sorte que l’appel devait être déclaré fondé. » La discussion subséquente permet de comprendre que la demanderesse en cassation entend reprocher aux juges du fond d’avoir méconnu la teneur de l’article 8 du compromis de vente, intitulé « Résiliation » et libellé dans les termes suivants : « En cas de résiliation par l’une des « Parties » du présent compromis de vente pour une raison autre que le respect strict des clauses suspensives, celle-ci doit verser une pénalité conventionnelle à concurrence de 20% du prix de vente à la partie lésée. En outre, si la partie lésée est « l’acheteur », « le vendeur » devra lui rembourser tous les frais investis et manqués à gagner ».
Le moyen est dès lors tiré de la dénaturation d’un acte clair, soit le compromis de vente en son article 8.
La demanderesse en cassation fait valoir que les parties auraient expressément exclu du champ d’application de la clause pénale stipulée sous l’article 8 du compromis de vente l’hypothèse de la non-réalisation de la clause suspensive, donc y compris le cas de figure de la non-réalisation fautive dans le chef du débiteur de l’obligation. Partant, elle reproche aux juges d’appel, en constatant, par confirmation des premiers juges, la non-réalisation de la condition suspensive, de s’être mépris sur les stipulations contractuelles claires et, conformément auxdites stipulations, de ne pas avoir débouté la partie demanderesse de sa demande.
En ordre principal, il y a lieu de soulever l’exception de nouveauté du moyen sous examen.
C’est seulement en instance de cassation que SOCIETE1.) entame pour la première fois une discussion sur la teneur de l’article 8 du compromis de vente et invoque sa non-applicabilité.
SOCIETE1.) n’a ni devant les 1iers juges, ni devant les magistrats d’appel, invoqué l’exclusion par les parties du champ d’application de la clause pénale pour le cas de figure de la non-
réalisation de la condition suspensive.
En effet, il appert des pièces soumises à Votre Cour, dont le jugement n° 2021TALCH20/00074 rendu le 17 juin 2021, qu’en 1ière instance les débats se sont limités à 13la recevabilité de la demande en paiement6, à la question de la réalisation ou non-réalisation de la condition suspensive, tout comme au caractère excessif de la clause pénale.
Les premiers juges, par la motivation ci-avant reproduite, ont conclu au fond que la partie acquéreuse a manqué à son obligation de faire tout son possible pour que l’opération aboutisse et que la violation par SOCIETE1.) de ses obligations contractuelles autorise en principe la partie venderesse à réclamer le paiement de la clause pénale. En prosécution et après avoir précisé que la clause pénale consiste en la sanction de l’obligation principale et ne disparaît pas à la résolution et résiliation du contrat, ils ont réduit la clause pénale de 20% et 10% pour être manifestement excessive. En conséquence, ils ont déclaré partiellement fondé la demande de PERSONNE1.).
Il appert de l’arrêt n° 28/23-VIII-CIV dont pourvoi, que la partie appelante SOCIETE1.) a formué deux reproches à l’égard de la motivation des premiers juges :
- principalement, les premiers juges auraient à tort retenu dans son chef l’omission d’avoir procéder aux démarches effectives en vue du financement du projet immobilier, voire de les avoir entamé tardivement, motifs pris en instance d’appel par l’appelante d’avoir fait tout son possible y relativement ; par réformation aucune responsabilité dans son chef ne saurait être engagée7 ;
- subsidiairement, par réformation du jugement entrepris, une réduction de la clause pénale à 5% ou lieu des 10% retenus par les premiers juges s’imposeraient ; il va sans dire que le moyen d’appel subsidiaire se comprend pour le cas de figure où les juges d’appel imputent la non-réalisation de la condition à un comportement fautif d’SOCIETE1.).
La partie appelante SOCIETE1.) n’a dès lors pas critiqué devant les magistrats d’appel le principe de l’application par les 1iers juges de la clause pénale et n’a pas invoqué la violation par les 1iers juges de l’article 8 du compromis de vente par une mauvaise application.
Ainsi, les magistrats d’appel, ont, dans les limites de leur saisine par les moyens d’appel leur soumis, réexaminé la question de savoir si la non-réalisation de la condition est imputable à un comportement fautif de l’appelante. Par la motivation ci-avant reproduite, ils ont dit que le tribunal a retenu à juste titre que la non-réalisation de la condition suspensive est due à un comportement fautif de l’appelante. En conséquence ils ont déclaré l’appel n’est pas fondé sur ce point.
La partie demanderesse en cassation n’ayant déféré aux magistrats d’appel la question de la mauvaise application par les 1iers juges de l’article 8, le moyen sous examen est nouveau et, 6 la partie défenderesse SOCIETE1.) ayant fait valoir sous ce rapport que, vu la vente par PERSONNE1.) de l’immeuble à une autre personne, elle ne serait plus recevable à solliciter la clause pénale ; les 1iers juges ont écarté ledit moyen motifs pris que c’est l’existence effective du droit dans son chef et partant le bien-fondé de la demande, et non la recevabilité de celle-ci, qui est contestée ;
7 cf p. 4 de l’arrêt de l’arrêt n° 28/23-VIII-CIV ;
14en ce qu’il comporte un examen tant des circonstances de fait que de l’intention des parties, mélangé de fait et de droit.
Il s’ensuit qu’il est irrecevable.
A titre de conclusions subsidiaires, il y a lieu de donner à considérer que les 1ers juges, en condamnant SOCIETE1.) à la clause pénale, ont implicitement mais nécessairement lu et compris le libellé de l’article 8 du compromis de vente dans le sens qu’il s’applique au regard de circonstances factuelle de l’espèce, vu notamment le non-respect par la partie acquéreuse de son obligation de diligence liée à toute condition suspensive et le comportement fautif de cette dernière à la base de la non-réalisation de la condition. Cette lecture se comprend d’autant plus que la partie acquéreuse n’a formulé devant les juges du fond aucune observation ni contestation quant à l’étendue du champ d’application de la clause pénale.
Dans la mesure où l’article 8 n’est pas doté de la clarté lui conférée par la demanderesse en cassation, ce en ce que par son libellé et la terminologie employée il est susceptible de discussion et d’interprétation, le moyen tiré la dénaturation d’un acte clair ne se conçoit pas.
Même à supposer que Votre Cour devait attribuer à l’article 8 la clarté lui conférée par la partie demanderesse en cassation, toujours est-il qu’à la différence de la Cour de cassation française, qui décide que chaque fois que l’acte est clair et précis, le juge du fond ne peut, sous peine d’encourir le reproche de la dénaturation, en modifier le sens ou la portée, Votre Cour8 refuse de façon constante9 de connaître du grief de la dénaturation des écrits, qu’il s’agisse de la dénaturation de conventions ou d’écrits autres que des conventions, en considérant que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour interpréter les clauses d’une convention ainsi que l’intention des parties contractantes et que leur décision à ce sujet échappe à Votre contrôle.
Comme sous le couvert du grief tiré de la dénaturation de l’article 8 du compromis de vente, le moyen sous examen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond, du contenu et de la portée d’une disposition contractuelle, appréciation qui ne saurait être contrôlée en vertu de ce qui précède par la Cour régulatrice, le moyen ne saurait être accueilli.
Quant au deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon la fausse interprétation, sinon encore la fausse application de l’article 1134 du Code civil, en ce que la Cour d’appel, pour déclarer l’appel principal non fondé et confirmer les 1iers juges en ce qu’ils ont condamné SOCIETE1.) au paiement d’une clause pénale, « ont retenu que la non-réalisation de la condition suspensive était due à un comportement fautif de la partie demanderesse en cassation, de sorte que le principe même de l’application de la clause pénale prévue au 8 exception faite d’un arrêt isolé qui, bien que ne mentionnant pas le cas d’ouverture de la dénaturation, a sanctionné un arrêt de la Cour d’appel pour violation de l’article 1134 du Code civil commise dans des circonstances qui sont similaires à celles sanctionnées en France par ce cas d’ouverture (Cour de cassation, 31 octobre 2019, n° 138/2019, numéro CAS-2018-00097 du registre (réponse au premier moyen) ;
9 voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 30 novembre 2023, n° 130/2023, numéro CAS-2023-00004 du registre (réponse au troisième moyen).
15contrat était donné (1ère branche10), et se sont mépris sur les stipulations claires du contrat prévoyant une résiliation de plein droit du compromis sans paiement de dommages et intérêts (2ème branche11), alors que « le compromis de vente signé entre partie ne prévoit aucune sanction conventionnelle pécuniaire en cas de non-exécution, même fautive, de la condition suspensive à charge de SOCIETE1.), et que l’application stricte des termes de ce contrat excluait toute condamnation dans le chef de la partie demanderesse en cassation. » Il appert du libellé du moyen que ce que la partie demanderesse en cassation qualifie improprement de « branches » constituent en réalité des griefs.
Dans la mesure ou le moyen sous examen met en œuvre plusieurs griefs, soit - le reproche que les magistrats d’appel ont attribué la non-réalisation de la condition suspensive à un comportement fautif de SOCIETE1.) et se sont mépris quant à l’étendue de l’article 8 du compromis de vente (la discussion subséquente du moyen permet de comprendre que quant au 1ier grief la demanderesse en cassation vise la méconnaissance par les juges du fond dudit article 8) et - le reproche qu’ils se sont mépris quant à l’étendue de l’article 11 du compromis de vente, stipulation contractuelle prévoyant la résiliation de plein droit sans paiement de dommages et intérêts (la discussion subséquente permet de comprendre que quant au 2ième grief la demanderesse en cassation vise la méconnaissance par les juges du fond dudit article 11), il se heurte aux conditions de recevabilité prescrites à l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. En effet, le « cas d’ouverture » visé par la première phrase de l’alinéa 2, interdisant leur cumul, est, dans la lecture tradition traditionnelle, celui de « grief »12, donc le cas d’ouverture abstrait (par exemple la violation de telle loi, le défaut de motifs, etc.) appliqué concrètement aux vices qui entachent la décision attaquée, donc la combinaison du cas d’ouverture abstrait avec « ce en quoi [la décision attaquée] encourt le reproche allégué » de façon abstraite par le cas d’ouverture.
Le moyen est dès lors irrecevable à ce titre.
Pour le surplus, sous le couvert des griefs tirés de la violation de l’article 1134 du Code civil, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en discussion, d’une part, l’interprétation par les juges du fond des dispositions contractuelles et leur application aux faits, tout comme, d’autre part, l’appréciation des éléments factuels et de preuve leur soumis, qui les a amenés à dire que SOCIETE1.) a violé l’obligation de diligence liée à la condition suspensive stipulée entre parties, que sa non-réalisation est imputable au comportement fautif de SOCIETE1.) et que la violation par cette dernière de ses obligations contractuelles commande le paiement de la clause pénale.
10 la dénomination « branche » est conférée par la partie demanderesse en cassation ;
11 idem ;
12 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, 6e édition, 2023, n° 81.94, page 487 ;
16Comme elles relèvent13 de leur pouvoir souverain et échappent au contrôle de la Cour de cassation, le moyen ne saurait être accueilli.
Quant au troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse interprétation, sinon encore de la fausse application des articles 109 de la Constitution (ancien article 89) et 249 du Nouveau Code de Procédure Civile pour défaut de réponse à conclusion, sinon pour contradiction de motifs, sinon pour motif dubitatif valant défaut de motifs, en ce que la Cour d’appel, pour dire non fondé l’appel principal et confirmer le jugement de première instance, « a retenu par application de l’article 1178 du Code civil que « la condition est réputée accomplie de telles sorte que les effets de la vente, suspendus jusqu’alors se produisent » et condamné la partie demanderesse en cassation au paiement de la clause pénale réclamée », alors que « la décision de la Cour d’appel manque en cohérence et explication dès lors que la sanction pécuniaire ainsi retenue n’est nullement justifiée par la Cour d’appel qui ne retient aucune résiliation fautive ni responsabilité contractuelle dans le chef de la partie demanderesse en cassation susceptible de justifier sa décision ».
Si certes le défaut de réponse à conclusion, la contradiction des motifs, voire les motifs dubatifs constituent les diverses formes du cas d’ouverture de l’absence de motifs, vice de forme, l’énoncé du moyen sous examen, non subdivisé en branches, se heurte aux exigences de précision requises en application de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, en ce qu’il omet de dire et de distinguer en quoi les juges d’appel auraient entaché leur motivation des vices allégués.
Par ailleurs, la discussion subséquente, en ce qu’elle ne dit pas non plus à quelles conclusions d’appel les magistrats d’appel n’auraient pas répondu, ni en quoi, par leur motivation employée, ils auraient marqué un doute ou une hésitation sur un point de fait essentiel à la solution du litige14, n’est pas de nature à y remédier.
Il en est de même quant à la critique de la contradiction des motifs. S’il est vrai que la contradiction des motifs équivaut à un défaut de motifs, la contradiction reprochée au juge du fond doit affecter réellement la pensée même du juge. Aussi la contradiction des motifs ne vicie l’arrêt que si elle est réelle et profonde, c’est-à-dire s’il existe entre les deux motifs incriminées une véritable contradiction. Il est en effet unanimement reconnu que les motifs contradictoires se détruisent et s’annihilent réciproquement, de sorte qu’il y a lieu de conclure à une absence de motivation de la décision qui encourt la censure.15 La demanderesse en cassation soutenant que les magistrats d’appel se contredisent et leur reprochant à cet égard de ne pas avoir retenu une résiliation fautive, voire une responsabilité 13 votre Cour a décidé que l’appréciation qui mène les juges du fond de retenir qu’une condition suspensive s’est réalisée relève de leur pouvoir souverain et échappe à Votre contrôle (Cass. 10 décembre 2020 n° CAS-2019-00176 du registre ;
14 BORE, cassation en matière civile, édition n° 2015/16, n° 77.142 ;
15 BORE, cassation en matière civile, édition n°, 2015/16, n° 77.91 et suivants ;
17contractuelle dans son chef et de ne pas avoir expliqué en quoi la prétendue faute dans son chef entraînerait ipso facto la résiliation de la vente et partant la mise en œuvre de la clause pénale, elle ne dit pas en quoi les termes de l’arrêt seraient contradictoires dans le sens qui précède. Le moyen, en ce qu’il vise la contradiction des motifs, est donc également irrecevable.
Pour être complet, si certes les juges du fond n’ont pas formellement dit que le contrat de vente est résilié aux torts de SOCIETE1.), ni que la responsabilité contractuelle dans son chef est engagée, ils l’ont dit implicitement par les extraits de motivation ci-avant mise en exergue.
Ils ont dès lors condamné SOCIETE1.) à la clause pénale sans se contredire.
A supposer qu’en termes de discussion la demanderesse en cassation ait visé en réalité le reproche de la motivation insuffisante, ce en ce que, le juges du fond, avant de se prononcer sur la clause pénale, auraient dû constater une faute dans son chef, dire que sa responsabilité contractuelle est engagée et résilier en conséquence la vente à ses torts, le reproche allégué serait alors constitutif du défaut de base légale.
Comme le défaut de base légale, vice de fond, ne saurait être allégué par le biais de la violation des dispositions visés au moyen, réservées au seul vise de forme, le moyen sous examen est encore irrecevable sous cette considération.
Quant au quatrième moyen de cassation :
Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse interprétation, sinon encore de la fausse application de l’article 1178 du Code civil, en ce que la Cour d’appel, pour dire non fondé l’appel principal et confirmer le jugement de première instance, a, par application de l’article 1178 du Code civil, condamné la partie demanderesse en cassation au paiement de la clause pénale réclamée, alors que « la sanction de l’article 1178 du Code civil consiste uniquement en l’exécution du contrat et à la mise en œuvre d’une clause pénale ».
L'article 1178 du Code civil dispose que « la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ».
Pour rappel, si le débiteur de l’obligation sous condition suspensive a fait tout son possible pour la réaliser et que nonobstant ses diligences elle n’a pu se réaliser, le contrat est à considérer comme étant caduc en application de l’article 1176 du Code civil. Dans ces circonstances la défaillance de la condition empêche l’obligation de prendre naissance, les parties étant dans la même situation que si elles n’avaient pas contracté. Lorsque la non-
réalisation de la condition est étrangère à un comportement fautif de son débiteur, la caducité en est la conséquence.
Si le débiteur de l’obligation sous condition suspensive n’a pas fait tout son possible pour la réaliser et qu’il a empêché sa réalisation, elle est présumée accomplie en application de l’article 1178 du Code civil. Du fait que les agissements fautifs du débiteur de l’obligation 18ont causé sa défaillance, le contrat est censé être devenu parfait. Lorsque la non-réalisation de la condition est due au comportement fautif du débiteur de l’obligation, la sanction prévue à l’article 1178, à savoir que la condition est réputée accomplie, en est la conséquence.
En l’occurrence, l’appelante SOCIETE1.), par les moyens d’appel formulés par ordre de subsidiarité, à savoir - le moyen d’appel principal tendant à voir dire que, contrairement à l’appréciation des 1ers juges, elle a procédé à toutes les démarches nécessaires en vue de la réalisation de la condition suspensive, et - le moyen d’appel subsidiaire tenant à voir réduire davantage la clause pénale à 5%, a déféré aux magistrats d’appel la seule question de savoir si oui ou non SOCIETE1.) a tout fait pour réaliser la condition suspensive, et, lorsque la non-résiliation sera imputée à cette dernière, la question du caractère excessif de la clause pénale. Elle n’a pas soumis au réexamen de la Cour d’appel des critiques quant au raisonnement des 1iers juges tenant à l’application de l’article 1178 du Code civil.
Les juges d’appel n’ayant donc pas été appelés à procéder à un tel réexamen, le moyen sous examen est nouveau et, en ordre principal, à déclarer irrecevable à ce titre.
En ordre subsidiaire, dans la mesure où l’article 1178 du Code civil prévoit la sanction lorsque le débiteur de l’obligation sous condition suspensive a empêché sa réalisation, ce en disposant que la condition défaillie par son comportement fautif est réputée accomplie, tant les griefs formulés par la demanderesse en cassation en relation avec la mise en œuvre de la clause pénale, que ceux en relation avec la carence par les juges du fond de s’être prononcée sur une condition résolutoire, voire une résiliation fautive dans le chef de la partie acquéreuse, sont étrangers à la disposition visée au moyen.
Le moyen sous examen est dès lors encore irrecevable sous cette considération.
En dernier ordre de subsidiarité, les juges du fond, après avoir souverainement constaté que SOCIETE1.) n’a pas entrepris de démarches concrètes et effectives en vue de la réalisation de la condition suspensive, ils ont imputé sa non-réalisation à son comportement fautif.
Ayant retenu en conséquence que la condition suspensive est réputée accomplie, les juges du fond ont fait une exacte application de l’article 1178 du Code civil.
Sous ce rapport le moyen n’est pas fondé.
Quant au cinquième moyen de cassation :
Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse interprétation, sinon encore de la fausse application de l’article 1184 du Code civil, en ce que la Cour d’appel pour dire non fondé l’appel principal et confirmer le jugement de première instance « a retenu 19par application de l’article 1178 du Code civil que « la condition est réputée accomplie de telles sorte que les effets de la vente, suspendus jusqu’alors, se produisent » et condamné ipso facto la partie demanderesse en cassation au paiement de la clause pénale réclamée », alors que « la mise en œuvre d’une clause pénale suppose la résolution préalable du contrat, laquelle n’a ni été demandée par la requérante initiale, ni recherchée, ni constatée ni encore prononcée par la Cour d’appel ».
A l’instar des conclusions principales sous le quatrième moyen, l’appelante SOCIETE1.), par les moyens d’appel formulés par ordre de subsidiarité, a déféré aux magistrats d’appel la seule question de savoir si oui ou non SOCIETE1.) a tout fait pour réaliser la condition suspensive, et, lorsque la non-résiliation sera imputée à cette dernière, la question du caractère excessif de la clause pénale. Elle n’a pas soumis au réexamen de la Cour d’appel des critiques en relation avec l’application par les 1iers juges de l’article 1184 du Code civil.
En conséquence, le moyen sous examen est nouveau et, en ordre principal, à déclarer irrecevable à ce titre.
Pour le surplus et à titre de conclusions subsidiaires, il y a lieu de donner à considérer que la partie venderesse, en invoquant la résiliation unilatérale injustifiée du compromis de vente, en concluant à l’application de l’article 1178 du Code civil16 et en demandant la condamnation de la partie acquéreuse au paiement de la clause pénale convenue entre parties, a demandé implicitement, en conséquence de l’article 1178 du Code civil, la résiliation du contrat de vente aux torts exclusif de la partie acquéreuse.
Si certes les 1iers 14juges n’ont pas formellement prononcé la résolution du contrat de vente aux torts de SOCIETE1.), ils ont, par la motivation ci-avant mise en exergue17, implicitement mais nécessairement dit que la partie acquéreuse est fautive non seulement au regard de la condition suspensive dont elle a provoqué la défaillance, mais également au regard de la promesse de vente, qu’elle de ce fait elle a engagé sa responsabilité pour violation des obligations nées de la promesse et que cette la violation engendre la résolution de la vente à ses torts exclusifs.
C’est dès lors sans violer l’article 1184 du Code civil que les juges du fond ont condamné SOCIETE1.) au paiement de la clause pénale.
En ordre subsidiaire le moyen n’est donc pas fondé.
16 cf p. 4 du jugement de première instance ;
17 cf p. 4 des présentes conclusions ;
20Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais à rejeter pour le surplus.
Luxembourg, le 8 mai 2024 Pour le Procureur Général d’Etat, le 1ier avocat général, Monique SCHMITZ 21