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16/05/2024 | LUXEMBOURG | N°83/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 16 mai 2024, 83/24


N° 83 / 2024 pénal du 16.05.2024 Not. 12344/21/CD Numéro CAS-2023-00140 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, seize mai deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), actuellement détenu au Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff, prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) l’établissem

ent public OFFICE SOCIAL NORDSTAD, établi et ayant son siège social à L...

N° 83 / 2024 pénal du 16.05.2024 Not. 12344/21/CD Numéro CAS-2023-00140 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, seize mai deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), actuellement détenu au Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff, prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) l’établissement public OFFICE SOCIAL NORDSTAD, établi et ayant son siège social à L-9080 Ettelbruck, 40, avenue Lucien Salentiny, représenté par le président du conseil d’administration, inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J71, demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 11 juillet 2023 sous le numéro 43/23 - Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Suzy GOMES MATOS, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 10 août 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 6 septembre 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.) et à l’établissement public OFFICE SOCIAL NORDSTAD, déposé le 11 septembre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT ;

Vu la note de plaidoiries présentée par Maître Brian HELLINCKX, en remplacement de Maître Philippe PENNING, à l’audience du 18 avril 2024 ;

Entendu PERSONNE1.) en ses explications.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, avait condamné PERSONNE1.) à une peine de réclusion du chef de tentative de meurtre. Le Tribunal avait en outre condamné le demandeur en cassation à dédommager les parties civiles. La Cour d’appel a, par réformation partielle, réduit la peine de réclusion et a confirmé le jugement pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt attaqué entendus lors de l'enquête et lors des débats de première instance ;

dit l'appel de PERSONNE1.) partiellement fondé ;

dit l'appel du ministère public non fondé ;

réformant ramène à une durée de quinze (15) ans, la peine de réclusion prononcée par la juridiction de première instance ;

confirme pour le surplus le jugement entrepris au pénal ;

2 condamne PERSONNE1.) aux frais de sa poursuite pénale en instance d'appel, ces frais liquidés à 25,50 euros ;

confirme le jugement entrepris au civil ;

condamne PERSONNE1.) à payer à PERSONNE2.) une indemnité de procédure de 250 euros pour l'instance d'appel ;

condamne PERSONNE1.) à payer à l'établissement public OFFICE SOCIAL NORDSTADT une indemnité de procédure de 250 euros pour l'instance d'appel ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de la demande civile en instance d'appel, y non compris les frais de signification/notification du présent arrêt. » Aux motifs que Concernant la demande préliminaire de la défense tendant à la ré-

audition des témoins entendus dans le cadre de l'instruction menée et lors des débats de première instance, il faut constater d'emblée que la défense ne fournit pas de motivation à l'appui de sa requête, ni ne décrit les éléments qui permettraient à la Cour d'appel d'apprécier la pertinence des auditions sollicitées, étant rappelé qu'il appartient à la juridiction du fond, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation souverain, de juger de l'utilité d'entendre tel témoin. La défense omet en effet de préciser l'incidence que tel ou tel témoignage pourrait avoir sur l'issue du procès, respectivement de dire en quoi tel témoignage serait susceptible de conduire de manière objective à l'acquittement du prévenu, sinon de renforcer objectivement les moyens de défense permettant d'aboutir à l'acquittement, alors qu'il est généralement admis que la pertinence d'un témoignage dans le cadre d'un procès pénal s'apprécie en rapport avec l'objet de l'accusation et sa capacité à influer sur l'issue du procès.

En ce qui concerne les personnes qui ont été entendues comme témoins par la police dans le cadre de l'instruction judicaire, il est renvoyé pour ce qui concerne les témoins à qualifier de "neutres", à savoir PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.) au contenu de leurs déclarations consignées au jugement entrepris qui les a correctement reproduites. A côté des prédites personnes, il a été procédé à l'audition des témoins décrits par le tribunal comme étant "directement impliqués", à savoir PERSONNE2.), PERSONNE6.) et PERSONNE7.), étant renvoyé pour le contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites et rappelé que le premier est la victime du coup de couteau en litige, que le second est un ami du prévenu qui l'accompagnait ce jour-là avant et après les faits et que le troisième est une connaissance du prévenu qui s'est bagarrée à un moment donné avec la victime, étant constant en cause que PERSONNE7.) a été retenu de ce chef par le jugement entrepris dans les liens de l'infraction de coups et blessures volontaires au titre de laquelle il a subi une condamnation, cette déclaration de culpabilité et la condamnation afférente étant passée, à l'heure des débats en instance d'appel, en force de chose jugée.

Concernant les témoins qui ont été entendus sous la foi du serment lors des débats de première instance, il est rappelé qu'il s'agit des docteurs Marc Gleis, d'une 3 part, et Thorsten Schwark, d'autre part, de l'enquêteur Carole Stein et de la victime PERSONNE2.), étant renvoyé par rapport au contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites, la Cour d'appel notant que PERSONNE2.) s'étant constitué dans la suite partie civile, il n'est plus possible de l'entendre en instance d'appel en tant que témoin, de sorte que la demande formulée à ce titre par la défense encourt l'irrecevabilité, étant observé qu'il n'y a pas non plus de raison valable justifiant l'audition de la victime à titre de simple renseignement.

Concernant le docteur Marc Gleis, la Cour d'appel constate que les déclarations qu'il a faites devant le tribunal sont circonstanciées et complètes, de sorte qu'il n'y a pas de motif de l'entendre une seconde fois, étant ajouté que la défense omettant de préciser les éléments sur lesquels l'expert devrait donner davantage de précisons, la demande qu'elle formule à ce titre n'est pas pertinente. » Pour Contradiction de motifs, valant violation de l’obligation de motivation des jugements découlant de l’article 109 de la Constitution (anciennement l’article 89), ainsi que des articles 163, 195, 211 et 222 du Code de procédure pénale.

Alors que (Première branche) La Cour retient dans le même arrêt que la défense concernant les différents témoignages figurant au dossier répressif et au jugement entrepris, donne à considérer que les déclarations de PERSONNE3.) manquent de précision et ne sont dès lors pas pertinentes, ces déclarations étant de surcroît, selon la défense, contredites par les images de la vidéo-surveillance desquelles il résulterait que trois individus se tenaient à proximité de la victime. Il s'y ajouterait que ce témoin n'a pas observé lui-même les faits en litige et tenait les informations dont il a fait état lors de son audition devant la police de la victime. Le témoignage de PERSONNE5.) ne serait pas pertinent non plus, ce témoin ne déclarant pas avoir vu un couteau, mais seulement un objet non autrement identifié. Il en serait de même pour ce qui concerne les déclarations d'PERSONNE4.), la défense estimant que son témoignage manque de précision et qu'il serait nécessaire d'avoir plus de précisions de la part de ce témoin. » donné plusieurs versions et n'aurait pu voir qui l'a poignardée, alors que l'auteur l'aurait approchée de derrière. Pour ce qui est de PERSONNE6.), la défense donne à considérer que celui-ci a été présent au moment des faits en litige, de sorte qu'il pourrait apporter des précisions utiles.

Il y aurait dès lors lieu de réentendre les prédites personnes en tant que témoins. » La Cour, en reprenant dans son arrêt les différentes motivations de la défense à base de sa demande préliminaire demandant à faire réentendre les témoins, tout en retenant finalement qu’elle n’aurait fourni aucune motivation à l’appui de cette demande, a retenu des motifs contradictoires et a partant failli à son obligation de 4 motivation découlant de l’article 109 de la Constitution (anciennement l’article 89), ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale.

Et alors que (Deuxième branche) La Cour d’appel, dans son arrêt retient que concerne les déclarations du docteur Marc Gleis, estime qu'il faut également de la part de l'expert, plus de précisions pour pouvoir apprécier certains éléments du dossier par rapport aux pièces. » Or, elle en arrive ensuit à la conclusion que Concernant le docteur Marc Gleis, la Cour d'appel constate que les déclarations qu'il a faites devant le tribunal sont circonstanciées et complètes, de sorte qu'il n'y a pas de motif de l'entendre une seconde fois, étant ajouté que la défense omettant de préciser les éléments sur lesquels l'expert devrait donner davantage de précisons, la demande qu'elle formule à ce titre n'est pas pertinente. » La Cour, en reprenant dans son arrêt que la défense demandait à ce que l’expert soit réentendu étant donné qu’il fallait plus de précisions pour pouvoir apprécier certains éléments du dossier » tout en retenant finalement qu’elle n’aurait pas précisé les éléments sur lesquels elle aurait voulu davantage de précisions, a retenu des motifs contradictoires et a partant failli à son obligation de motivation découlant de l’article 109 de la Constitution (anciennement l’article 89), ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Les deux branches du moyen s’appuient sur le grief tiré de la contradiction de motifs.

Ce grief, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs critiqués sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

Les juges d’appel n’ont pas exposé les arguments du demandeur en cassation pour ensuite dire qu’il restait en défaut de motiver sa demande d’audition et de ré-

audition de témoins, mais ils ont retenu, au-delà des contestations au fond sur le contenu des déclarations antérieures des témoins et de l’affirmation qu’il fallait procéder à leur audition ou ré-audition pour avoir plus de précisions sur certains éléments, que le demandeur en cassation restait en défaut à travers ses arguments de justifier de la pertinence de l’audition ou de la ré-audition des témoins au regard de l’incidence que cette mesure d’instruction pourrait avoir sur l’issue du procès, respectivement dans quelle mesure elle serait susceptible de conduire de manière objective à son acquittement, ou du moins renforcer objectivement les moyens de la défense permettant d’aboutir à son acquittement. Ce faisant, ils ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt attaqué reçoit les appels en la forme, rejette la demande préliminaire tendant à voir réentendre les témoins entendus lors de l'enquête et lors des débats de première instance ;

dit l'appel de PERSONNE1.) partiellement fondé ;

dit l'appel du ministère public non fondé ;

réformant ramène à une durée de quinze (15) ans, la peine de réclusion prononcée par la juridiction de première instance ;

confirme pour le surplus le jugement entrepris au pénal ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de sa poursuite pénale en instance d'appel, ces frais liquidés à 25,50 euros ;

confirme le jugement entrepris au civil ;

condamne PERSONNE1.) à payer à PERSONNE2.) une indemnité de procédure de 250 euros pour l'instance d'appel ;

condamne PERSONNE1.) à payer à l'établissement public OFFICE SOCIAL NORDSTADT une indemnité de procédure de 250 euros pour l'instance d'appel ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de la demande civile en instance d'appel, y non compris les frais de signification/notification du présent arrêt. » Aux motifs que Concernant la demande préliminaire de la défense tendant à la ré-

audition des témoins entendus dans le cadre de l'instruction menée et lors des débats de première instance, il faut constater d'emblée que la défense ne fournit pas de motivation à l'appui de sa requête, ni ne décrit les éléments qui permettraient à la Cour d'appel d'apprécier la pertinence des auditions sollicitées, étant rappelé qu'il appartient à la juridiction du fond, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation souverain, de juger de l'utilité d'entendre tel témoin. La défense omet en effet de préciser l'incidence que tel ou tel témoignage pourrait avoir sur l'issue du procès, respectivement de dire en quoi tel témoignage serait susceptible de conduire de manière objective à l'acquittement du prévenu, sinon de renforcer objectivement les moyens de défense permettant d'aboutir à l'acquittement, alors qu'il est généralement 6 admis que la pertinence d'un témoignage dans le cadre d'un procès pénal s'apprécie en rapport avec l'objet de l'accusation et sa capacité à influer sur l'issue du procès.

En ce qui concerne les personnes qui ont été entendues comme témoins par la police dans le cadre de l'instruction judicaire, il est renvoyé pour ce qui concerne les témoins à qualifier de "neutres", à savoir PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.) au contenu de leurs déclarations consignées au jugement entrepris qui les a correctement reproduites. A côté des prédites personnes, il a été procédé à l'audition des témoins décrits par le tribunal comme étant "directement impliqués", à savoir PERSONNE2.), PERSONNE6.) et PERSONNE7.), étant renvoyé pour le contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites et rappelé que le premier est la victime du coup de couteau en litige, que le second est un ami du prévenu qui l'accompagnait ce jour-là avant et après les faits et que le troisième est une connaissance du prévenu qui s'est bagarrée à un moment donné avec la victime, étant constant en cause que PERSONNE7.) a été retenu de ce chef par le jugement entrepris dans les liens de l'infraction de coups et blessures volontaires au titre de laquelle il a subi une condamnation, cette déclaration de culpabilité et la condamnation afférente étant passée, à l'heure des débats en instance d'appel, en force de chose jugée.

Concernant les témoins qui ont été entendus sous la foi du serment lors des débats de première instance, il est rappelé qu'il s'agit des docteurs Marc Gleis, d'une part, et Thorsten Schwark, d'autre part, de l'enquêteur Carole Stein et de la victime PERSONNE2.), étant renvoyé par rapport au contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites, la Cour d'appel notant que PERSONNE2.) s'étant constitué dans la suite partie civile, il n'est plus possible de l'entendre en instance d'appel en tant que témoin, de sorte que la demande formulée à ce titre par la défense encourt l'irrecevabilité, étant observé qu'il n'y a pas non plus de raison valable justifiant l'audition de la victime à titre de simple renseignement.

Concernant le docteur Marc Gleis, la Cour d'appel constate que les déclarations qu'il a faites devant le tribunal sont circonstanciées et complètes, de sorte qu'il n'y a pas de motif de l'entendre une seconde fois, étant ajouté que la défense omettant de préciser les éléments sur lesquels l'expert devrait donner davantage de précisons, la demande qu'elle formule à ce titre n'est pas pertinente. » Branche unique Pour violation des articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale, ainsi que de l’article 6.3., et plus particulièrement l’article 6.3.d) de la Convention européenne des Droits de l'Homme en ce sens que la Cour d'appel a privé le requérant de facto et de jure du droit fondamental en matière pénale, de pouvoir confronter, à l’audience publique d’appel lors des débats sur le fond, les témoins de l’accusation, droit d’autant plus fondamental alors que le prévenu se dit innocent.

Alors que Il s’en suit que ce défaut de convocation des témoins de l’accusation par le Ministère Public, et le refus subséquent de la Cour d’appel de faire droit à la 7 demande préliminaire de la défense tendant à la ré-audition des témoins, constituent une violation flagrante des dispositions procédurales prévues par le Code de procédure pénale.

Que ce droit de confronter en audience publique d’appel les témoins de l’accusation est encore plus significatif lorsque le prévenu conteste les charges libellées à son encontre.

Que ce droit de confrontation des témoins de l’accusation est non seulement une exigence procédurale nationale prévue par les articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale, mais relève encore de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme prononcée en application de la convention de Sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales. (entres autres Arrêt KESKIN c. PAYS-BAS). ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions visées au moyen en ce qu’ils auraient statué sans avoir procédé à l’audition des témoins de l’accusation, le privant ainsi du droit d’interroger, sinon de confronter ces témoins, partant du droit à un procès équitable.

Le droit de faire interroger des témoins n’est pas un droit absolu. Il appartient au juge d’apprécier la nécessité d’entendre ou de réentendre un témoin, au regard des circonstances de l’affaire et des raisons avancées par la défense.

Les juges d’appel n’étaient partant pas obligés de réentendre les témoins entendus dans le cadre de l’instruction judiciaire ou lors des débats de première instance, de sorte qu’ils n’ont pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 8,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, seize mai deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Marie-Laure MEYER, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public et 1. PERSONNE2.) 2. l’établissement public OFFICE SOCIAL NORDSTADT (CAS-2023-00140 du registre) Par déclaration faite le 10 août 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-

Duché de Luxembourg, Maître Suzy GOMES MATOS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en remplacement de Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation au pénal et au civil contre un arrêt n°43/23 rendu contradictoirement le 11 juillet 2023 par la chambre criminelle de la Cour d’appel.

Cette déclaration de recours a été suivie le 11 septembre 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, pour Maître Philippe PENNING empêché, signifié le 6 septembre 2023 aux parties civiles, à savoir PERSONNE2.) et l’établissement public OFFICE SOCIAL NORDSTADT.

Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.

Il en suit que le pourvoi est recevable.

Faits et rétroactes Par jugement numéro LCRI n°2/2023, du 5 janvier 2023, rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, PERSONNE1.) a été débouté de sa demande formulée sur base de l’article 218 du Code de procédure pénale et il a été condamné, du chef de tentative de meurtre sur la personne de PERSONNE2.), à une peine de réclusion de vingt ans et aux peines accessoires prévues par la loi. Au civil, il a été condamné au paiement de diverses indemnités.

Sur appel de PERSONNE1.) et du procureur d’Etat de Luxembourg, la Cour d’appel, chambre criminelle a, par arrêt n°12344/21/CD, rendu le 11 juillet 2023, rejeté la demande préliminaire tendant à voir réentendre les témoins entendus lors de l’enquête et lors des débats de première instance. Les magistrats d’appel ont par ailleurs confirmé la décision entreprise, sauf à réduire la peine de réclusion à quinze ans.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation pris en ses deux branches Le premier moyen de cassation, subdivisé en deux branches, est tiré de la « contradiction de motifs, valant violation de l’obligation de motivation des jugements découlant de l’article 109 de la Constitution (anciennement l’article 89), ainsi que des articles 163, 195 211 et 222 du Code de procédure pénale. » Le demandeur en cassation critique l’arrêt entrepris en ce qu’il a décidé que, « Concernant la demande préliminaire de la défense tendant à la ré-audition des témoins entendus dans le cadre de l’instruction menée et lors des débats de première instance, il faut constater d’emblée que la défense ne fournit pas de motivation à l’appui de sa requête, ni ne décrit les éléments qui permettraient à la Cour d’appel d’apprécier la pertinence des auditions sollicitées, étant rappelé qu’il appartient à la juridiction du fond, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation souverain, de juger de l’utilité d’entendre tel témoin. La défense omet en effet de préciser l’incidence que tel ou tel témoignage pourrait avoir sur l’issue du procès, respectivement de dire en quoi tel témoignage serait susceptible de conduire de manière objective à l’acquittement du prévenu, sinon de renforcer objectivement les moyens de défense permettant d’aboutir à l’acquittement, alors qu’il est généralement admis que la pertinence d’un témoignage dans le cadre d’un procès pénal s’apprécie en rapport avec l’objet de l’accusation et sa capacité à influer sur l’issue du procès.

En ce qui concerne les personnes qui ont été entendues comme témoins par la police dans le cadre de l’instruction judicaire, il est renvoyé pour ce qui concerne les témoins à qualifier de « neutres », à savoir PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.) au 11 contenu de leurs déclarations consignées au jugement entrepris qui les a correctement reproduites. A côté des prédites personnes, il a été procédé à l’audition des témoins décrits par le tribunal comme étant « directement impliqués », à savoir PERSONNE2.), PERSONNE6.) et PERSONNE7.), étant renvoyé pour le contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites et rappelé que le premier est la victime du coup de couteau en litige, que le second est un ami du prévenu qui l’accompagnait ce jour-là avant et après les faits et que le troisième est une connaissance du prévenu qui s’est bagarrée à un moment donné avec la victime, étant constant en cause que PERSONNE7.) a été retenu de ce chef par le jugement entrepris dans les liens de l’infraction de coups et blessures volontaires au titre de laquelle il a subi une condamnation, cette déclaration de culpabilité et la condamnation afférente étant passée, à l’heure des débats en instance d’appel, en force de chose jugée.

Concernant les témoins qui ont été entendus sous la foi du serment lors des débats de première instance, il est rappelé qu’il s’agit des docteurs Marc Gleis, d’une part, et Thorsten Schwark, d’autre part, de l’enquêteur Carole Stein et de la victime PERSONNE2.), étant renvoyé par rapport au contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites, la Cour d’appel notant que PERSONNE2.) s’étant constitué dans la suite partie civile, il n’est plus possible de l’entendre en instance d’appel en tant que témoin, de sorte que la demande formulée à ce titre par la défense encourt l’irrecevabilité, étant observé qu’il n’y a pas non plus de raison valable justifiant l’audition de la victime à titre de simple renseignement.

Concernant le docteur Marc Gleis, la Cour d’appel constate que les déclarations qu’il a faites devant le tribunal sont circonstanciées et complètes, de sorte qu’il n’y a pas de motif de l’entendre une seconde fois, étant ajouté que la défense omettant de préciser les éléments sur lesquels l’expert devrait donner davantage de précisons, la demande qu’elle formule à ce titre n’est pas pertinente. »1 Alors que (première branche) :

La Cour retient dans le même arrêt que la « défense concernant les différents témoignages figurant au dossier répressif et au jugement entrepris, donne à considérer que les déclarations de PERSONNE3.) manquent de précision et ne sont dès lors pas pertinentes, ces déclarations étant de surcroît, selon la défense, contredites par les images de la vidéo-surveillance desquelles il résulterait que trois individus se tenaient à proximité de la victime. Il s’y ajouterait que ce témoin n’a pas observé lui-même les faits en litige et tenait les informations dont il a fait état lors de son audition devant la police de la victime. Le témoignage de PERSONNE5.) ne serait pas pertinent non plus, ce témoin ne déclarant pas avoir vu un couteau, mais seulement un objet non autrement identifié. Il en serait de même pour ce qui concerne les déclarations de PERSONNE4.), la défense estimant que son témoignage manque de précision et qu’il serait nécessaire d’avoir plus de précisions de la part de ce témoin. »2 1 Arrêt attaqué, page 24, dernier alinéa, et page 25 2 Arrêt attaqué, page 22, dernier alinéa« La défense fait encore valoir que la victime dans ses déclarations, a donné plusieurs versions et n’aurait pu voir qui l’a poignardée, alors que l’auteur l’aurait approchée de derrière. Pour ce qui est de PERSONNE6.), la défense donne à considérer que celui-

ci a été présent au moment des faits en litige, de sorte qu’il pourrait apporter des précisions utiles.

Il y aurait dès lors lieu de réentendre les prédites personnes en tant que témoins. »3 La Cour, en reprenant dans son arrêt les différentes motivations de la défense à base de sa demande préliminaire demandant à faire réentendre les témoins, tout en retenant finalement qu’elle n’aurait fourni aucune motivation à l’appui de cette demande, a retenu des motifs contradictoires et a partant failli à son obligation de motivation découlant de l’article 109 de la Constitution (anciennement l’article 89), ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale.

Et alors que (deuxième branche) :

« La défense, en ce qui concerne les déclarations du docteur Marc Gleis, estime qu’il faut également de la part de l’expert, plus de précisions pour pouvoir apprécier certains éléments du dossier par rapport aux pièces. »4 Or, elle arrive ensuite à la conclusion que « Concernant le docteur Marc Gleis, la Cour d’appel constate que les déclarations qu’il a faites devant le tribunal sont circonstanciées et complètes, de sorte qu’il n’y a pas de motif de l’entendre une seconde fois, étant ajouté que la défense omettant de préciser les éléments sur lesquels l’expert devrait donner davantage de précisons, la demande qu’elle formule à ce titre n’est pas pertinente. »5 La Cour, en reprenant dans son arrêt que la défense demandait à ce que l’expert soit réentendu étant donné qu’il fallait « plus de précisions pour pouvoir apprécier certains éléments du dossier » tout en retenant finalement qu’elle n’aurait pas précisé les éléments sur lesquels elle aurait voulu davantage de précisions, a retenu des motifs contradictoires et a partant failli à son obligation de motivation découlant de l’article 109 de la Constitution (anciennement l’article 89), ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale.

Les deux branches du moyen mettent en cause le grief de la contradiction de motifs.

Ce grief, équivalent à un défaut de motifs, constitue un vice de forme de l’arrêt.

3 Arrêt attaqué, page 23, troisième alinéa 4 Arrêt attaqué, page 23, deuxième alinéa 5 Arrêt attaqué, page 25, avant dernier alinéaEn substance le moyen, lu ensemble avec la discussion qui le complète, consiste à reprocher à la Cour d’appel d’avoir retenu d’une part que le demandeur en cassation aurait omis de préciser l’incidence que les témoignages seraient susceptibles d’avoir sur l’issue du litige, alors même qu’elle aurait d’autre part reproduit la motivation exposée par le demandeur en cassation à l’appui de sa requête en ré-audition des témoins entendus dans le cadre de l’enquête et lors des débats de première instance.

Ce faisant le demandeur en cassation critique la motivation des magistrats d’appel pour être en contradiction avec l’argumentation développée par le demandeur en cassation devant les juges du fond.

Or, il ne saurait y avoir contradiction de motifs dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, les magistrats d’appel reproduisent d’une part les arguments d’une partie à l’instance et expriment d’autre part leur appréciation personnelle, sur laquelle est fondée la motivation de leur décision.

En l’absence d’incompatibilité affectant la pensée du juge, il ne saurait en effet y avoir contradiction de motifs.6 De fait, et dans la mesure où la Cour d’appel n’a pas fait sienne la position exprimée par le mandataire de PERSONNE1.) sur le point considéré, les deux appréciations, -à admettre qu’elles soient contraires, quod non- n’émanent pas de la même personne, c’est-à-dire que seule l’une d’entre elles est le fruit du raisonnement des magistrats d’appel.

Par conséquent le reproche ne s’analyse pas en une contradiction de motifs, mais tend plutôt à remettre en cause, sous le couvert de la violation des dispositions légales visées, l’appréciation par les magistrats d’appel des faits et des éléments de preuve leur soumis, et plus particulièrement de la défaillance dans le chef de l’actuel demandeur en cassation, d’établir l’incidence sur l’issue du litige, que seraient susceptibles d’avoir les témoignages dont la ré-audition est sollicitée. Or, cette appréciation qui relève du pouvoir souverain des juges du fond, échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen, pris en ses deux branches, ne saurait être accueilli.

6 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 6e édition, 2023/2024, n° 77.111, page 422 ;

voir également, à titre d’illustration, BORÉ précité, n° 77.112, page 422, qui retient, « On ne saurait […] considérer comme une contradiction de motifs que deux affirmations de l’arrêt qui peuvent être attribuées au juge comme constituant de sa part une appréciation personnelle ; par exemple , lorsque le juge rapporte la conclusion d’un expert ou la déclaration d’un témoin sans se l’approprier, et porte ensuite son appréciation propre, on ne saurait évidemment retenir ces deux appréciations, contraires mais émanent de personnes différentes, comme traduisant une contradiction de motifs ». Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de « la violation des articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale, ainsi que de l’article 6.3 et plus particulièrement l’article 6.3.d) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, en ce sens que la Cour d’appel a privé le requérant de facto et de jure du droit fondamental en matière pénale, de pouvoir confronter, à l’audience publique d’appel lors des débats sur le fond, les témoins de l’accusation, droit d’autant plus fondamental alors que le prévenu se dit innocent.

Alors que :

Il s’en suit que ce défaut de convocation des témoins de l’accusation par le Ministère Public, et le refus subséquent de ls Cour d’appel de faire droit à la demande préliminaire de la défense tendant à la ré-audition des témoins, constituent une violation flagrante des dispositions procédurales prévues par le Code de procédure pénale.

Que ce droit de confronter en audience publique d’appel les témoins de l’accusation est encore plus significatif lorsque le prévenu conteste les charges libellées à son encontre.

Que ce droit de confrontation des témoins de l’accusation est non seulement une exigence procédurale nationale prévue par les articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale, mais relève encore de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme prononcée en application de la convention de sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales (entre autres arrêt KESKIN c.PAYS-BAS). » Le moyen fait grief aux magistrats d’appel d’avoir violé les dispositions procédurales internes prévues aux articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale, ainsi que les dispositions énoncées à l’article 6.3 d) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, en refusant de faire droit à la demande de ré-audition en appel, des témoins entendus en première instance, au motif que ce refus aurait spolié le demandeur en cassation de son droit de pouvoir bénéficier de la possibilité de confronter les témoins de l’accusation en instance d’appel.

Dans le cadre de la discussion du moyen, le demandeur en cassation critique encore les conséquences d’un défaut de ré-audition des témoins en appel, en soulignant qu’un plumitif d’audience serait loin de reproduire textuellement les dépositions des témoins entendus en première instance. Il en déduit que seule une nouvelle audition des témoins et experts permettrait de garantir que les magistrats d’appel puissent « fonder leur décision en bonne et due forme ».

Il y a tout d’abord lieu de relever qu’aucune prescription légale de droit interne ou international ne contraint la Cour d’appel de faire droit à une demande de ré-audition enappel, des témoins entendus en première instance, et de garantir de ce fait au prévenu, le droit de pouvoir confronter en instance d’appel, les témoins de l’accusation.

En effet, tel que relevé par Monsieur le Procureur général adjoint John PETRY dans le cadre de ses conclusions déposées dans l’affaire CAS-2022-00071, le renvoi de l’article 210 à l’article 190-1 du Code de procédure pénale, ne cible que la détermination de la forme et de l’ordre de parole des parties autres que l’appelant principal, tels que prescrits au paragraphe 4 de l’article 190-1.

Contrairement à la procédure à suivre en première instance, la procédure devant la Cour d’appel ne prévoit donc pas l’audition systématique de témoins en l’absence de demande préalable en ce sens par les parties.

Par ailleurs, l’article 211 du Code de procédure pénale, qui, par renvoi aux articles précédents du même Code, prévoit que la nature des preuves en appel sera commune aux jugements de première instance, laisse libre choix à la Cour d’appel quant aux modes de preuve à retenir. 7 Subsidiairement, si Votre Cour est d’avis que l’article 190-1 du Code de procédure pénal est applicable à la procédure d’appel, alors il y a lieu de relever que les termes-mêmes dudit article révèlent que l’audition ou la ré-audition de témoins déjà entendus en première instance, n’est pas imposée aux juges du fond par la loi, mais reste une simple faculté dont ils peuvent faire usage s’ils le jugent nécessaire et utile.

Votre Cour a d’ailleurs déjà, à plusieurs reprises, eu l’occasion de se prononcer sur la question du droit du prévenu de pouvoir obtenir la comparution de témoins en instance d’appel au regard des dispositions légales visées au moyen, et Votre Cour a notamment retenu que, « Le droit de faire interroger des témoins n’est pas un droit absolu. Il appartient au juge d’apprécier la nécessité d’entendre ou de réentendre un témoin, au regard des circonstances de l’affaire et des raisons avancées par la défense. »8 Pour ce qui est de la critique exposée au moyen du point de vue de l’article 6 paragraphe 3 d) de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme, il y a lieu de 7 Voir les conclusions de Monsieur le Procureur général adjoint John PETRY déposées dans l’affaire CAS-2022-

00071, et plus particulièrement les réponses au premier et troisième moyen de cassation, « […] si l’article 210 renvoie à l’article 190-1 du Code précité, ce renvoi est à comprendre comme visant le paragraphe 4 de ce dernier article, relatif à l’ordre de la prise de parole des parties à l’audience, mais non le paragraphe 3, relatif à l’audition des témoins. L’article 211 du même Code, qui dispose que « [l]es dispositions des articles précédents sur la solennité de l’instruction, la nature des preuves, la forme, l’authenticité et la signature du jugement définitif de première instance, la condamnation aux frais, ainsi que les peines que ces articles prononcent seront communes aux jugements rendus sur l’appel », n’opère pas non plus de renvoi à cette disposition. Vous avez confirmé cette analyse dans votre arrêt précité n° 145/2022 pénal, numéro CAS-2022-00027 du registre, du 1er décembre 2022, en y précisant qu’aucune prescription légale n’oblige Cour d’appel à réentendre les témoins entendus en première instance. » 8 Cass. 11.5.2023, n°53/2023 pén, n° CAS-2022-00089 du registre, réponse au premier moyen de cassation, (violation des articles 190-1, 210 et 211 du Code de procédure pénale), page 8 de l’arrêt ; Cass. 9 mars 2023, n°23/2023 pén. n° CAS-2022-00071 du registrerappeler que la disposition visée garantit notamment le droit à l’accusé à « interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. ».

Conformément à votre jurisprudence « l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne réglemente pas l’administration des preuves en tant que telle, qui relève au premier chef du droit national des Etats membres. La Convention vise à garantir que la procédure, y compris la manière dont les preuves ont été recueillies, a été équitable dans son ensemble.

L’article 6 de la Convention ne reconnaît pas à l’accusé un droit absolu d’obtenir la comparution de témoins devant un tribunal. Il incombe au juge national de décider, au vu de la motivation de la demande d’audition de témoins, si celle-ci est nécessaire ou opportune pour la manifestation de la vérité et le respect des droits de la défense […].

Il résulte de l’arrêt attaqué que les juges d’appel ont […rejeté] par des motifs circonstanciés et pertinents la demande en annulation de la citation à prévenu, en constatant notamment que le prévenu avait, en première instance, été confronté aux témoins de l’accusation. Il n’y a partant pas eu atteinte à l’équité globale du procès.

Il s’en suit que le moyen en ce qu’il porte sur l’existence d’une obligation légale d’entendre les témoins en instance d’appel n’est pas fondé.»9 La Cour européenne des droits de l’homme a encore retenu sur ce point qu’il ne suffit pas, pour conclure au non-respect d’un procès équitable, d’établir que le juge a refusé l’audition d’un témoin. Plus exactement a-t-elle décidé qu’il ne suffit pas à un accusé de se plaindre de ne pas avoir pu interroger certains témoins, mais qu’il faut encore qu’il étaye sa demande d’audition de témoins en précisant l’importance et en quoi cette audition est nécessaire à la manifestation de la vérité.10 Il faut donc qu’il rende vraisemblable que la convocation dudit témoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que le refus de l’interroger a causé un préjudice aux droits de la défense.11 En l’espèce la Cour d’appel a motivé sa décision de la manière suivante :

« Concernant la demande préliminaire de la défense tendant à la ré-audition des témoins entendus dans le cadre de l’instruction menée et lors des débats de première instance, il faut constater d’emblée que la défense ne fournit pas de motivation à l’appui de sa requête, ni ne décrit les éléments qui permettraient à la Cour d’appel d’apprécier 9 Cass.11.5.2023, n°53/2023 pén, n° CAS-2022-00089 du registre, réponse au troisième moyen de cassation (violation des articles 6§1 et 6§3d) de la Convention européenne des droits de l’homme), page 30 de l’arrêt ;

Cass.20.4.2023, n°41/2023 pén., n° CAS-2022-00069 du registre 10 CEDH 6 mai 2003, Perna c/ Italie par. 29 11 CEDH 22 juin 2006, Guilloury c. France, par. 55 la pertinence des auditions sollicitées, étant rappelé qu’il appartient à la juridiction du fond, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation souverain, de juger de l’utilité d’entendre tel témoin. La défense omet en effet de préciser l’incidence que tel ou tel témoignage pourrait avoir sur l’issue du procès, respectivement de dire en quoi tel témoignage serait susceptible de conduire de manière objective à l’acquittement du prévenu, sinon de renforcer objectivement les moyens de défense permettant d’aboutir à l’acquittement, alors qu’il est généralement admis que la pertinence d’un témoignage dans le cadre d’un procès pénal s’apprécie en rapport avec l’objet de l’accusation et sa capacité à influer sur l’issue du procès.

En ce qui concerne les personnes qui ont été entendues comme témoins par la police dans le cadre de l’instruction judicaire, il est renvoyé pour ce qui concerne les témoins à qualifier de « neutres », à savoir PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.) au contenu de leurs déclarations consignées au jugement entrepris qui les a correctement reproduites. A côté des prédites personnes, il a été procédé à l’audition des témoins décrits par le tribunal comme étant « directement impliqués », à savoir PERSONNE2.), PERSONNE6.) et PERSONNE7.), étant renvoyé pour le contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites et rappelé que le premier est la victime du coup de couteau en litige, que le second est un ami du prévenu qui l’accompagnait ce jour-là avant et après les faits et que le troisième est une connaissance du prévenu qui s’est bagarrée à un moment donné avec la victime, étant constant en cause que PERSONNE7.) a été retenu de ce chef par le jugement entrepris dans les liens de l’infraction de coups et blessures volontaires au titre de laquelle il a subi une condamnation, cette déclaration de culpabilité et la condamnation afférente étant passée, à l’heure des débats en instance d’appel, en force de chose jugée.

Concernant les témoins qui ont été entendus sous la foi du serment lors des débats de première instance, il est rappelé qu’il s’agit des docteurs Marc Gleis, d’une part, et Thorsten Schwark, d’autre part, de l’enquêteur Carole Stein et de la victime PERSONNE2.), étant renvoyé par rapport au contenu de leurs déclarations au jugement entrepris qui les a correctement reproduites, la Cour d’appel notant que PERSONNE2.) s’étant constitué dans la suite partie civile, il n’est plus possible de l’entendre en instance d’appel en tant que témoin, de sorte que la demande formulée à ce titre par la défense encourt l’irrecevabilité, étant observé qu’il n’y a pas non plus de raison valable justifiant l’audition de la victime à titre de simple renseignement.

Concernant le docteur Marc Gleis, la Cour d’appel constate que les déclarations qu’il a faites devant le tribunal sont circonstanciées et complètes, de sorte qu’il n’y a pas de motif de l’entendre une seconde fois, étant ajouté que la défense omettant de préciser les éléments sur lesquels l’expert devrait donner davantage de précisons, la demande qu’elle formule à ce titre n’est pas pertinente.

Pour ce qui est de tous les autres témoins, il faut noter qu’étant donné que les personnes dont l’audition est sollicitée ont toutes été entendues à un certain stade de la procédure, la Cour d’appel qui apprécie souverainement la question de l’audition d’un témoin ne voit pas la pertinence de les réentendre, étant donné qu’il est difficilement concevable 18 que lesdits témoins fassent des déclarations différentes par rapport à celles qui figurent déjà au dossier répressif, ce d’autant plus que les souvenirs précis ont tendance à s’effacer par l’écoulement du temps, de sorte qu’il est improbable que ces personnes fournissent des indications plus précises et circonstanciées par rapport à celles qui figurent au dossier répressif, respectivement au jugement entrepris.

La demande de la défense tendant à la ré-audition des témoins encourt, partant, un rejet. »12 Dans la mesure où, conformément à la jurisprudence de Votre Cour, il appartient aux juges du fond d’apprécier la nécessité d’entendre ou de réentendre un témoin, au regard des circonstances de l’affaire et des raisons avancées par la défense, et que le droit d’interroger des témoins n’est pas un droit absolu, les magistrats du fond n’ont, en l’occurrence, en refusant de réentendre les témoins entendus au cours de l’enquête et lors des débats de première instance, violé aucune des dispositions visées au moyen.

Finalement, la soussignée entend encore remarquer que le demandeur en cassation a été confronté aux témoins ayant comparu en première instance et qu’il a par conséquent été en mesure de leur demander telles précisions qu’il estimait nécessaires et de leur poser telles questions qu’il jugeait utiles à la manifestation de la vérité. Par ailleurs, le demandeur en cassation, en omettant d’indiquer concrètement quels éléments auraient pu permettre à la Cour d’appel d’apprécier le degré de pertinence des ré-auditions sollicitées, ne démontre pas en quoi son droit à un procès équitable aurait été violé.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Subsidiairement on pourrait également considérer que la Cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir souverain pour apprécier l’opportunité des auditions sollicitées pour la manifestation de la vérité ainsi que pour former sa conviction.

Sous le couvert de violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend dès lors qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond, de la pertinence d’une mesure d’instruction supplémentaire ainsi que la valeur des éléments de preuve déjà recueillis, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

12Arrêt attaqué, page 24, dernier alinéa, et page 25 Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Anita LECUIT 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 83/24
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-05-16;83.24 ?

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