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16/05/2024 | LUXEMBOURG | N°82/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 16 mai 2024, 82/24


N° 82 / 2024 du 16.05.2024 Numéro CAS-2023-00129 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

E n t r e PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassa

tion, comparant par la société à responsabilité limitée JURISLUX, inscrite à ...

N° 82 / 2024 du 16.05.2024 Numéro CAS-2023-00129 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

E n t r e PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée JURISLUX, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, e t la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Anne HERTZOG, avocat à la Cour,

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 81/23 - VIII - TRAV, rendu le 11 mai 2023 sous le numéro CAL-2022-00402 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 18 juillet 2023 par PERSONNE1.) à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), déposé le 21 juillet 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 10 août 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 24 août 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette avait retenu que le contrat de travail conclu entre les parties au litige était devenu définitif à compter du 9 mai 2019, date à laquelle avait pris fin la période d’essai, avait rejeté les demandes de la demanderesse en cassation en indemnisation des préjudices matériel et moral du chef de licenciement abusif et avait déclaré fondée sa demande en allocation d’une indemnité compensatoire de préavis pour la durée du préavis non respectée par la défenderesse en cassation du 24 octobre au 30 novembre 2019.

La Cour d’appel a, par réformation, déchargé la défenderesse en cassation de la condamnation au paiement de l’indemnité compensatoire de préavis et a confirmé le jugement pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la règle de droit et plus précisément de la non-

application sinon de la fausse interprétation, sinon de la fausse application de l’article L. 121-5 du Code du travail ;

en ce que la Cour d’appel a retenu que 30 septembre 2019 indique clairement et sans équivoque que le licenciement est à considérer comme un licenciement avec préavis » ;

2 alors que le contenu de la lettre de résiliation mentionne à plusieurs reprises le terme . ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué. Les développements en droit, qui aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur les deuxième et cinquième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le deuxième, « tiré de la contradiction de motifs au sein de l’arrêt attaqué constituant une violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que la contrariété de motifs équivaut à une absence de motifs selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation française (Civ. 7 janv. 1891, DP 1891.1.51. - Cass., ch. mixte, 21 juin 1974, Bull. civ. N° 2. - Civ. 2e, 25 oct. 1995, n° 93.14.077 et n° 93-14.079, Bull. civ. II, n° 252) ;

que les motifs contradictoires se détruisent et s’annihilent réciproquement de façon à ce qu’aucun d’eux ne puisse alors être retenu comme fondement de la décision ; » et le cinquième, « tiré de la contradiction de motifs au sein de l’arrêt attaqué constituant une violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que la contrariété de motifs équivaut à une absence de motifs selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation française (Civ. 7 janv. 1891, DP 1891.1.51. - Cass., ch. mixte, 21 juin 1974, Bull. civ. N° 2. - Civ. 2e, 25 oct. 1995, n° 93.14.077 et n° 93-14.079, Bull. civ. II, n° 252) ;

que les motifs contradictoires se détruisent et s’annihilent réciproquement de façon à ce qu’aucun d’eux ne puisse alors être retenu comme fondement de la décision ; ».

3 Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué. Les développements en droit, qui aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Les moyens ne précisent ni les motifs critiqués ni en quoi ceux-ci se contrediraient.

Il s’ensuit que les moyens sont irrecevables.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et des articles 249, alinéa 1er, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, le moyen vise le défaut de motifs, respectivement l’insuffisance de motifs qui est un vice de forme ;

en ce que la Cour d’appel a retenu que 30 septembre 2019 indique clairement et sans équivoque que le licenciement est à considérer comme un licenciement avec préavis » ;

alors que l’employeur a indiqué dans la lettre de résiliation mettre fin au contrat conclu à l’essai. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen vise, d’une part, en tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution dans sa version applicable avant le 1er juillet 2023 et 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, le défaut de motifs, qui est un vice de forme, et d’autre part, en ce qu’il articule le grief d’une insuffisance de motifs, le défaut de base légale, qui est un vice de fond, partant deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

4 Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la règle de droit et plus précisément de la non-

application sinon de la fausse interprétation, sinon de la fausse application de l’article L. 124-3 du Code du travail pris ensemble avec l’article L. 124-6 du Code du travail ;

en ce que la Cour d’appel a déclaré que la partie demanderesse en cassation ne saurait prétendre à une indemnité compensatoire de préavis ;

alors que la partie défenderesse en cassation ayant indiqué un mauvais délai de préavis, la partie demanderesse en cassation aurait pu prétendre à l’octroi d’une indemnité compensatoire de préavis. ».

Réponse de la Cour Il résulte des développements consacrés au moyen que la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir retenu qu’elle avait droit à une indemnité compensatoire de préavis pour la période allant de la fin du contrat de travail, telle qu’indiquée dans la lettre de licenciement, jusqu’à la fin du préavis légal.

Vu l’article L.124-6 du Code du travail qui dispose « la partie qui résilie le contrat à durée indéterminée sans y être autorisée par l’article L.124-10 ou sans respecter les délais de préavis visés aux articles L.124-4 et L.124-5 [lire L.124-3 et L.124-4] est tenue de payer à l’autre partie une indemnité compensatoire de préavis égale au salaire correspondant à la durée du préavis ou, le cas échéant, à la partie de ce délai restant à courir ».

En retenant « Tel que retenu à juste titre par le tribunal du travail, l’employeur aurait dû accorder à PERSONNE1.), en application de l’article L.124-3 du Code du travail, un préavis de deux mois, au lieu des 24 jours indiqués dans la lettre de licenciement, de sorte qu’en principe PERSONNE1.) saurait encore prétendre à un solde de 37 jours de préavis.

C’est encore à juste titre que le tribunal du travail a retenu qu’il est établi sur base de l’attestation testimoniale de PERSONNE2.), qui n’est contredite par aucun élément du dossier, que la salariée n’a pas repris son travail après la fin de son congé de maternité, le 26 septembre 2019 et que la salariée, contrairement à son affirmation, n’a pas été dispensée de travail au cours de la période de préavis.

Par réformation du jugement entrepris, la Cour retient dans ces conditions que la salariée, qui n’a pas respecté son obligation d’exécuter le contrat de travail qui perdure pendant le délai de préavis, ne saurait prétendre à une indemnité compensatoire de préavis (en ce sens : Cour d’appel 1er décembre 2005, n°28988 du rôle).

5 L’appel incident est fondé de ce chef. », les juges d’appel ont violé les dispositions visées au moyen, la défenderesse en cassation ayant résilié le contrat de travail avec effet au 24 octobre 2019 et l’obligation de la salariée de fournir la prestation de travail ne perdurant pas au-delà du délai de préavis indiqué par l’employeur dans la lettre de résiliation.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

La défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué, numéro 81/23 - VIII - TRAV, rendu le 11 mai 2023 sous le numéro CAL-2022-00402 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail, en ce qu’il a réformé le jugement de première instance ayant dit la demande en paiement d’une indemnité compensatoire de préavis fondée et en ce qu’il a déchargé la défenderesse en cassation de la condamnation au paiement de ladite indemnité compensatoire de préavis ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, autrement composée ;

rejette la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

la condamne à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée JURISLUX, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’unemention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

7 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) c/ la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.AR.L.

(affaire n° CAS-2023-00129 du registre) Le pourvoi en cassation introduit par PERSONNE1.) par mémoire en cassation daté au 14 juillet 2023, signifié à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) S.AR.L., dénommée ci-après la société SOCIETE1.), le 18 juillet 2023, et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 21 juillet 2023, est dirigé contre l’arrêt n° 81/23, rendu contradictoirement le 11 mai 2023 par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail, dans la cause inscrite numéro CAL-2022-00402 du rôle.

Il ne ressort pas des pièces versées au dossier que l’arrêt dont pourvoi ait fait l’objet d’une signification.

Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation.

La société SOCIETE1.) a signifié un mémoire en réponse le 10 août 2023 et l’a déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 24 août 2023. Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.

Quant aux faits et rétroactes :

Le 9 octobre 2018 la société SOCIETE1.) et PERSONNE1.) ont signé un contrat de travail, comprenant une période d’essai.

Le 30 septembre 2019 la société SOCIETE1.) a résilié le contrat de travail avec un préavis de 24 jours. PERSONNE1.) ne fut pas dispensée de la prestation du travail pendant le préavis.

Le 5 décembre 2019 elle protesta contre le licenciement qu’elle considéra comme abusif.

PERSONNE1.) ayant saisie le tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, ce dernier, par jugement rendu le 7 février 2022, a, entre autres, retenu que le contrat de travail conclu entre parties est devenu définitif à compter du 9 mai 2019, que le licenciement avec préavis intervenu le 30 septembre 2019 à l’égard de PERSONNE1.) n’est pas abusif. En conséquence, il a déclaré les demandes en indemnisation des préjudices matériel et moral non fondées. Il a, entre autres, dit fondée la demande de PERSONNE1.) en allocation d’une indemnité de préavis. Il a dit non fondées d’autres demandes formulées par PERSONNE1.).

Quant à la clause d’essai, le licenciement et l’indemnité compensatoire de préavis le 1er juge s’est déterminé comme suit 1 1 cf. p. 8-12 du jugement de 1ère instance ;

« Quant à la clause d’essai Il y a lieu de rappeler que le contrat de travail conclu entre parties prévoit dans son article 2 que le contrat est conclu avec une période d’essai allant du 9 octobre 2018 au 8 avril 2019.

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) SARL soutient que du fait de l’état d’incapacité de travail depuis le 8 janvier 2019 et de son congé de maternité ayant pris fin le 25 septembre 2019, la période d’essai aurait été prolongée jusqu’au 25 décembre 2019.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article L.121-5 al.2 du Code du travail prévoit qu’en cas de suspension de l’exécution du contrat pendant la période d’essai, cette période est prolongée d’une durée égale à celle de la suspension, sans que la prolongation de l’essai ne puisse excéder un mois.

En l’espèce, la clause à l’essai a débuté le 9 octobre 2018 et était conclue pour une durée de six mois. A compter du 8 janvier 2019 la requérante a été en état d’incapacité de travail, avant d’être en congé de maternité à compter du 10 mai 2019.

Indépendamment de savoir si la salariée a continué à travailler pendant son état d’incapacité de travail, tel qu’allégué par la requérante et que les arrêts maladie ont été faits à la demande de l’employeur dans le seul but de ne pas avoir à payer la requérante, il y a lieu de constater que la période d’essai ne pouvait être prolongée au-delà du 8 mai 2019.

Dans ces conditions il y a lieu de retenir que le contrat de travail était un contrat de travail définitif à compter du 9 mai 2019.

(…) Quant au licenciement En date du 30 septembre 2019 l’employeur a résilié le contrat de travail avec un préavis de vingt-quatre jours.

PERSONNE1.) soutient avoir sollicité les motifs du licenciement par courrier recommandé du 5 décembre 2019 et que l’employeur n’aurait réservé aucune suite à ce courrier.

Elle conclut partant au caractère abusif du licenciement.

L’employeur estime avoir résilié le contrat de travail au cours de la période d’essai, de sorte qu’il n’était pas obligé de communiquer des motifs à la requérante.

Tel qu’il résulte des développements qui précèdent, le contrat de travail est devenu définitif à compter du 9 mai 2019.

9 En licenciant la salariée par courrier du 30 septembre 2019, l’employeur a dès lors résilié un contrat de travail à durée indéterminée définitif.

L’article L.124-5 du Code du travail prévoit que dans un délai d’un mois à compter de la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée, demander à l’employeur les motifs du licenciement. L’employeur est tenu d’énoncer avec précision par lettre recommandée, au plus tard un mois après la notification de la lettre recommandée, le ou les motifs du licenciement liés à l’aptitude ou à la conduite du salarié ou fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service qui doivent être réels et sérieux. A défaut de motivation écrite formulée avant l’expiration du délai visé à l’alinéa qui précède, le licenciement est abusif.

Force est de constater que la requérante n’a pas dans le délai d’un mois à compter de la notification du licenciement sollicité la communication des motifs du licenciement.

Par conséquent l’employeur n’avait aucune obligation légale de donner suite à ce courrier du 5 décembre 2019 et le licenciement prononcé est régulier à cet égard.

En outre, PERSONNE1.) n’a pas non plus établi le caractère abusif du licenciement.

Sa demande en indemnisation des préjudices matériel et moral est dès lors à rejeter.

Quant à l’indemnité de préavis Néanmoins, en application de l’article L.124-3 du Code du travail, l’employeur aurait dû accorder un préavis de deux mois à la requérante.

La société à responsabilité limitée SOCIETE1.) SARL soutient que la requérante ne s’était plus présentée sur son poste de travail après la fin de son congé de maternité, bien qu’elle n’ait pas été dispensée de travailler, de sorte qu’elle ne saurait prétendre au paiement d’un quelconque salaire au cours de la période de préavis de vingt-quatre jours qu’elle lui avait accordée.

A l’appui de ses dires elle se base sur des attestations testimoniales.

Il y a lieu de constater que le témoin PERSONNE2.) atteste que « Madame PERSONNE1.) n’est pas revenue après son congé de maternité (fin du congé de maternité le 26 septembre 2019) ».

Il y a lieu de rappeler que le contrat de travail est un contrat synallagmatique qui engendre des obligations réciproques à charge des parties, l’obligation principale du salarié est d’effectuer le travail pour lequel il est engagé et le corollaire de cette obligation salariale est pour l’employeur de le rémunérer pour le travail effectué selon l’adage « tout travail mérite salaire » (cf. C.S.J., 8 décembre 2011, n° 36454).

En l’espèce, il est établi au vu de l’attestation testimoniale de PERSONNE2.) qui répond d’ailleurs aux exigences de l’article 402 du nouveau code de procédure 10 civile, qui présente des garanties de crédibilité et de fiabilité suffisantes comme moyen de preuve et qui n’est contredite par aucun autre élément du dossier, que la requérante n’a pas repris son travail après le 26 septembre 2019. Contrairement à ses dires elle n’a pas été dispensée de travail au cours de la période de préavis.

Il s’ensuit qu’elle ne saurait prétendre qu’au solde du préavis non respecté par l’employeur, à savoir trente-sept jours (deux mois – vingt-quatre jours).

(…) Le tribunal retient par conséquent que la requérante a travaillé à temps plein de novembre 2018 au 26 septembre 2019.

L’indemnité de préavis à payer pour les trente-sept jours de préavis non respectés s’élève dès lors au montant de 4.267,33.- euros (173 x 20 + ((173x7/30) x 20)).2 Par arrêt dont pourvoi, la Cour d’appel a, par réformation, déchargé l’employeur du paiement de l’indemnité compensatoire de préavis et confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Les extraits pertinents pour l’examen des moyens de cassation formulés par PERSONNE1.) sont le suivants 3 :

Quant au licenciement :

PERSONNE1.) ne critique pas le tribunal du travail d’avoir retenu qu’en l’espèce, la période d’essai ne pouvait être prolongée au-delà du 8 mai 2019 et que le contrat de travail était devenu un contrat définitif à partir du 9 mai 2019.

Le tribunal du travail a retenu qu’en licenciant la salariée par courrier du 30 septembre 2019, l’employeur a résilié un contrat de travail à durée indéterminée, définitif, et que l’article L.124-5 du Code du travail, dès lors applicable, n’a pas été respecté par la salariée. Le tribunal du travail a retenu en conséquence que l’employeur n’avait aucune obligation légale de donner suite au courrier du 5 décembre 2019 et que le licenciement prononcé est régulier à cet égard. N’ayant pas établi le caractère abusif du licenciement, la demande de PERSONNE1.) en indemnisation des préjudices matériel et moral a été rejetée.

A titre principal, PERSONNE1.) fait grief au tribunal du travail d’avoir retenu qu’elle n’a pas sollicité, dans le délai d’un mois à compter de la notification du licenciement, tel que prescrit par l’article L.124-5 du Code du travail, la communication des motifs dudit licenciement.

Il convient de rappeler que par courrier du 30 septembre 2019, le contrat de travail a été résilié avec un préavis de vingt-quatre jours à l’initiative de l’employeur qui a considéré que le contrat de travail est toujours un contrat à l’essai. Par courrier recommandé du 5 décembre 2019, PERSONNE1.) a protesté contre le licenciement qu’elle considère comme abusif et a sollicité les motifs de son congédiement.

2 passages mis en exergue par la soussignée ;

3 cf. p. 10-14 de l’arrêt dont pourvoi ;

L’employeur n’a pas réservé de suites à ce courrier. Il soutient ne pas avoir été obligé de communiquer les motifs, étant donné que le congédiement est intervenu en période d’essai.

PERSONNE1.) soutient avoir été liée par les termes de la lettre de résiliation dans laquelle l’employeur s’est expressément référé à la clause d’essai, de sorte qu’il aurait été inutile, et dans tous les cas, non obligatoire dans son chef, de demander les motifs de la résiliation de son contrat de travail. Par ailleurs, l’indication d’un préavis d’une durée erronée équivaudrait à une absence d’indication de préavis, de sorte que le licenciement serait à considérer comme étant un licenciement avec effet immédiat, partant abusif.

La société SOCIETE1.) conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point spécifique.

Le courrier de congédiement du 30 septembre 2019 indique clairement et sans équivoque que le licenciement est à considérer comme un licenciement avec préavis. Dans ces conditions, la qualification du contrat résilié donnée par l’employeur dans sa lettre de congédiement n'est pas pertinente, dès lors que le rédacteur de cette lettre a, à l'évidence, omis de prendre en compte la protection spéciale dont il bénéficie, limitant la prolongation de la clause d’essai suspendue pour cause de maladie à un seul mois.

Aux termes de l’article L.124-6, « la partie qui résilie le contrat à durée indéterminée sans y être autorisée par l’article L.124-10 ou sans respecter les délais de préavis visés aux articles L.124-4 et L.124-5 est tenue de payer à l’autre partie une indemnité compensatoire de préavis égale au salaire correspondant à la durée du préavis ou, le cas échéant, à la partie de ce délai restant à courir ».

Cependant, le seul fait pour l’employeur de ne pas avoir respecté le délai de préavis légal et d’avoir licencié le salarié avec un préavis plus court, n'a pas d'incidence sur le bien-fondé du licenciement. Le non-respect du préavis légal ne rend pas automatiquement le licenciement abusif. Si l’employeur accorde un délai de préavis plus court que le délai de préavis légal applicable, le salarié pourra réclamer le paiement d'une indemnité compensatoire de préavis. Le montant de l’indemnité compensatoire de préavis équivaut à la rémunération brute correspondant à la durée du préavis non respectée (en ce sens : Cour d’appel, 18 mai 2000, n°23957 du rôle; Cour d’appel 7 juillet 1994, n°14824 du rôle ; Cour d’appel 17 juin 2010, n°35143 du rôle).

La lettre de licenciement du 30 septembre 2019 indiquant une durée de préavis incorrecte ne permet dès lors pas de retenir que l’employeur a procédé à un licenciement avec effet immédiat, tel qu’allégué par la salariée, mais ouvre droit à celle-ci, le cas échéant, à une indemnité compensatoire de préavis.

(…) C’est à juste titre que le tribunal du travail a retenu qu’à défaut pour le salarié de respecter le délai d’un mois prévu par l’article L.124-5 (1) du Code du travail, 12 l’employeur n’était pas tenu de réserver des suites au courrier de demande des motifs du 5 décembre 2019, étant donné qu’en application de l’article L.124-5 (3) du même code, à défaut de respect par le salarié du délai d’un mois pour demander la communication des motifs, il n’appartient pas à l’employeur de rapporter la preuve des motifs réels et sérieux gisant à la base du licenciement, mais au salarié de rapporter la preuve que son congédiement constitue un acte économiquement et socialement inéquitable à son égard.

C’est dans ce contexte de la charge de la preuve par la salariée du caractère abusif du licenciement qu’est à analyser le raisonnement de PERSONNE1.) relatif à son comportement irréprochable à l’égard de l’employeur.

(…) C’est partant à juste titre que le tribunal du travail a retenu que PERSONNE1.) n’a pas établi le caractère abusif du licenciement et a rejeté sa demande en indemnisation des préjudices matériel et moral.

L’appel principal n’est dès lors pas fondé sur ce point.

Quant à l’indemnité de préavis :

La société SOCIETE1.) soutient que la salariée ne serait plus revenue travailler au sein de l’entreprise après la fin de son congé de maternité et qu’elle n’aurait pas été dispensée de prester le préavis. Elle conclut, à titre principal et par réformation, à voir dire qu’elle ne saurait dans ces conditions être condamnée à payer quelque montant que ce soit à PERSONNE1.). A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal du travail a retenu que la salariée ne saurait prétendre qu’au solde de préavis non respecté par l’employeur, correspondant à 4.267,33 euros.

PERSONNE1.) conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal a retenu qu’elle a droit à un préavis de deux mois, au lieu des 24 jours lui accordés par l’employeur, de sorte que sa demande à ce titre serait fondée pour le solde de 37 jours.

Tel que retenu à juste titre par le tribunal du travail, l’employeur aurait dû accorder à PERSONNE1.), en application de l’article L.124-3 du Code du travail, un préavis de deux mois, au lieu des 24 jours indiqués dans la lettre de licenciement, de sorte qu’en principe PERSONNE1.) saurait encore prétendre à un solde de 37 jours de préavis.

C’est encore à juste titre que le tribunal du travail a retenu qu’il est établi sur base de l’attestation testimoniale de PERSONNE2.), qui n’est contredite par aucun élément du dossier, que la salariée n’a pas repris son travail après la fin de son congé de maternité, le 26 septembre 2019 et que la salariée, contrairement à son affirmation, n’a pas été dispensée de travail au cours de la période de préavis.

Par réformation du jugement entrepris, la Cour retient dans ces conditions que la salariée, qui n’a pas respecté son obligation d’exécuter le contrat de travail qui 13 perdure pendant le délai de préavis, ne saurait prétendre à une indemnité compensatoire de préavis (en ce sens : Cour d’appel 1er décembre 2005, n°28988 du rôle).

L’appel incident est fondé de ce chef.4 » Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen est tiré de la violation de la loi, plus précisément de la non-application, sinon de la fausse interprétation, sinon de la fausse application de l’article L.121-5 du Code du travail en ce que la Cour d’appel a retenu que « le courrier de congédiement du 30 septembre 2019 indique clairement et sans équivoque que le licenciement est à considérer comme un licenciement avec préavis » ;

alors que le contenu de la lettre de résiliation mentionne à plusieurs reprises le terme « essai ».

La disposition visée au moyen porte sur la période d’essai, réglementé à l’article L.121-5 du Code du travail.

Les juges d’appel, en disant que « Le courrier de congédiement du 30 septembre 2019 indique clairement et sans équivoque que le licenciement est à considérer comme un licenciement avec préavis. Dans ces conditions, la qualification du contrat résilié donnée par l’employeur dans sa lettre de congédiement n'est pas pertinente, dès lors que le rédacteur de cette lettre a, à l'évidence, omis de prendre en compte la protection spéciale dont il bénéficie, limitant la prolongation de la clause d’essai suspendue pour cause de maladie à un seul mois. » retiennent à l’instar du 1er juge, que l’employeur a ignoré que la période d’essai, si certes elle peut être prolongée (et ce en cas de suspension de l’exécution du contrat de travail), elle ne peut l’être au-delà d’un mois, ce au vœux de l’article L.121-

5 (2) dernier alinéa du Code du travail.

Implicitement mais nécessairement, les juges d’appel ont confirmé le 1er juge ayant dit que l’employeur s’est mépris quant à la durée de la prolongation de la période d’essai et qu’en réalité il a résilié un contrat de travail à durée indéterminée devenu définitif et non pas un contrat de travail à l’essai. Sous cette considération, les juges d’appel ont dit que la qualification apportée par l’employeur au contrat de travail dont résiliation est sans pertinence.

De prime abord, le moyen est irrecevable pour être nouveau. En effet, il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que le raisonnement du 1er juge en relation avec le caractère limité de la prolongation de la période d’essai et ses conséquences sur la qualification du contrat de travail aient fait l’objet de contestations par l’une des parties appelantes devant les juges d’appel.

4 passages mis en exergue par la soussignée ; Pour le surplus, le moyen pêche par son caractère imprécis. Il ne dit en rien, ni aux termes de l’énoncé même du moyen, ni dans la discussion subséquente, en quoi les juges d’appel auraient mal appliqué, voire mal interprété l’article L.121-5 du Code du travail. Ainsi il ne satisfait pas aux exigences de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation et est encore irrecevable à ce titre.

Le moyen n’appelle pas d’autres observations.

Quant au troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen est tiré de violation de l’article 89 de la Constitution et des articles 249, alinéa 1er, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, et « vise le défaut de motifs, respectivement l’insuffisance de motifs qui est un vice de forme ;

« en ce que la Cour d’appel a retenu que « le courrier de congédiement du 30 septembre 2019 indique clairement et sans équivoque que le licenciement est à considérer comme un licenciement avec préavis » ;

alors que l’employeur a indiqué dans la lettre de résiliation mettre fin au contrat conclu à l’essai. » Aux termes de la discussion subséquente du moyen, la demanderesse en cassation conclut que « la motivation des juges d’appel est insuffisante pour justifier en quoi le courrier de congédiement du 30 septembre 2019 est clair et sans équivoque ».

Le moyen sous examen est tiré à la fois de l’absence de motivation, vice de forme, et de l’insuffisance de motifs, constitutive du défaut de base légale, vice de fond.

Un moyen mélangeant vice de fond et vice de forme, est irrecevable.

Pour le surplus et pour l’hypothèse dans laquelle le moyen devait se comprendre dans le sens qu’il ne vise que le seul défaut de motivation, il est de jurisprudence constante qu’en tant que tiré de la violation des articles 89 (actuellement article 109) de la Constitution et 249, alinéa 1er, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, il vise un vice de forme et qu’une décision est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré, quel qu’en soit le bien-fondé.

Par la motivation ci-avant reproduite5, les juges d’appel ont exposé les motifs de leur décision.

Le moyen tiré de l’absence de motifs est dès lors à rejeter.

Pour l’hypothèse dans laquelle le moyen devait se comprendre comme visant la seule insuffisance de motifs, constitutive du défaut de base légale, il est irrecevable étant donné qu’il est tiré de la violation de dispositions de forme, à savoir des articles 89 de la Constitution et 249 du Nouveau Code de procédure civile6.

5 passages mis en exergue à la page 5 des présentes conclusions ;

6 voir, à titre d’illustration d’une jurisprudence constante : Cour de cassation, 12 octobre 2017 ;

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit. Or, dans la mesure où ni l’énoncé du moyen sous examen, ni la discussion subséquente ne permettent de dégager quelle disposition légale autre que celles énumérées au moyen aurait été violée par les juges d’appel, il s’ensuit que le moyen est irrecevable sous ce rapport.

Quant au quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen est tiré de violation de la règle de droit et plus précisément de la non-

application sinon de la fausse interprétation, sinon de la fausse application de l’article L. 124-3 du Code du travail pris ensemble avec l’article L. 124-6 du Code du travail ;

en ce que la Cour d’appel a déclaré que la partie demanderesse en cassation ne saurait prétendre à une indemnité compensatoire de préavis ;

alors que la partie défenderesse en cassation ayant indiqué un mauvais délai de préavis, la partie demanderesse en cassation aurait pu prétendre à l’octroi d’une indemnité compensatoire de préavis. » L’article L.124-6 du Code du travail dispose que la partie qui résilie le contrat à durée indéterminée sans y être autorisée par l’article L. 124-10 ou sans respecter les délais de préavis visés aux articles L. 124-3 et L. 124-4 est tenue de payer à l’autre partie une indemnité compensatoire de préavis égale au salaire correspondant à la durée du préavis ou, le cas échéant, à la partie de ce délai restant à courir.

L’article L.124-6 alinéa 1er du Code du travail vise deux hypothèses, soit 1.) l’hypothèse du licenciement pour faute grave déclaré abusif, cas de figure exigeant le paiement d’une indemnité qui compense le préavis auquel le salarié aurait eu droit s’il avait été licencié avec préavis et qui correspond à la durée du préavis auquel il aurait légalement pu prétendre, ainsi que 2.) l’hypothèse où le délai de préavis visé aux articles L-124-3 (licenciement avec préavis par l’employeur) et L-124-4 du Code du travail (licenciement avec préavis de la part du salarié/employé) n’a pas été respecté, cas de figure qui exige le paiement sous forme d’indemnité de la partie de ce délai restant à courir ;

il importe de préciser que lorsque la durée du préavis à laquelle le salarié peut légalement prétendre n’a pas été respectée, l’employeur lui doit le « solde » du préavis légal restant, sous forme d’indemnité compensatoire ; ainsi, une fois la lettre de licenciement, comprenant un délai de préavis insuffisant, notifié, l’employeur ne peut y remédier en p.ex. notifiant une nouvelle lettre de licenciement comprenant un délai de préavis correct ; il ne pourrait revenir sur son erreur et prolonger ultérieurement le préavis, sauf accord du salarié7 ; pour cette raison, il doit régler le solde par voie d’indemnité correspondant à la durée de préavis manquante.

7 cf. CCass n° 31/2019 du 14 février 2019, n° 4092 du registre, visant l’hypothèse de l’impossibilité par le salarié-démissionnaire de revenir de Pour rappel, l’employeur, sur appel incident, a principalement demandé de voir dire qu’il ne saurait être condamné à payer un quelque montant que ce soit à sa salariée et, subsidiairement, que cette dernière ne saurait prétendre qu’au solde de préavis non respecté.

Les juges d’appel ont dit que c’est à juste titre que le tribunal de travail a retenu que l’employeur aurait dû accorder à sa salariée, en application de l’article L.124-3 du Code du travail, un préavis de deux mois, au lieu des 24 jours indiqués dans la lettre de licenciement, de sorte qu’en principe sa salariée saurait encore prétendre à un solde de 37 jours de préavis.

En faisant valoir par la suite que la salariée n’a pas été dispensée de travailler au cours de la période de préavis, ils ont, par réformation du jugement entrepris, retenu que « dans ces conditions la salariée, qui n’a pas respecté son obligation d’exécuter le contrat de travail qui perdure pendant le délai de préavis, ne saurait prétendre à une indemnité compensatoire de préavis (en ce sens : Cour d’appel 1er décembre 2005, n°28988 du rôle) ».8 En conséquence ils ont déclaré fondé l’appel incident.

En l’occurrence, l’employeur, aux termes de la lettre de résiliation, a informé sa salariée de la durée du préavis et de la fin du contrat de travail. Les juges du fond ont retenu que le terme indiqué par l’employeur se situe avant l’écoulement du délai de préavis auquel la salariée pouvait légalement prétendre.

Conformément à l’analyse de la partie demanderesse en cassation, les juges d’appel ne pouvaient reprocher à la salariée de ne pas être venue travailler au-delà de la date de rupture du contrat du travail lui indiquée par l’employeur. Le préavis auquel elle pouvait légalement prétendre ayant expiré le 30 novembre 2019 et l’employeur ayant arrêté la fin du préavis au 24 octobre 2019, l’exigence de prestation du préavis au-delà de la fin du contrat de travail ne se conçoit pas, l’obligation de travailler n’existant pas par rapport à la partie du préavis « oubliée » dans le délai de préavis figurant dans la lettre de licenciement.

La question de l’absence de dispense de travail, engendrant l’obligation de travailler pendant le préavis, ne se pose et ne peut avoir une incidence que par rapport à la période de préavis indiquée par l’employeur dans sa lettre de résiliation (en l’occurrence 24 jours), et non par rapport au solde de préavis manquant et non-respecté par l’employeur (en l’occurrence 37 jours).

L’obligation de travailler dans le chef de la salariée, non dispensée de travailler, existant pendant la durée du préavis indiquée par l’employeur dans la lettre de résiliation, mais ne perdurant pas au-delà, c’est par une juste application de l’article L.124-6 du Code du travail que le 1er juge a retenu qu’il « s’ensuit qu’elle ne saurait prétendre qu’au au solde du préavis non respecté par l’employeur, à savoir trente-sept jours (deux mois – vingt-quatre jours). » C’est par une fausse application dudit article que les juges d’appel ont étendu l’obligation d’exécuter le contrat de travail au solde du préavis non respecté par l’employeur.

sa propre initiative et sans l’accord de l’autre partie, de revenir sur la durée du préavis, et devant s’appliquer logiquement également à l’hypothèse si l’employeur a procédé au licenciement ;

8 passages pertinents mis en exergue par la soussignée ; En rattachant l’allocation de l’indemnité compensatoire de préavis à l’existence d’une obligation de travailler pendant le délai de préavis restant à courir, les juges d’appel ont violé l’article L.124-6 du Code du travail.

Pour être complet, la jurisprudence citée par les juges d’appel à l’appui de leur motivation vise le cas de figure où l’employeur, après avoir notifié à son salarié un licenciement avec un délai de préavis trop court, a rectifié la durée du préavis en lui indiquant (dans la lettre de motivation) la date d’expiration exacte, ce à un moment où le préavis légal n’avait pas encore expiré. Le salarié, averti à temps de la durée correcte du délai de préavis, n’ayant pas travaillé pendant le préavis « redressé » sans en avoir été dispensé, n’a pas eu droit à l’indemnité compensatoire de préavis.

Ledit cas de figure étant étranger à l’espèce, c’est à tort que les juges d’appel l’ont cité pour soutenir leur décision.

Si Votre Cour devait partager les considérations qui précèdent, le moyen sous examen serait à déclarer fondé.

Quant aux deuxième et cinquième moyens de cassation pris ensemble :

Le deuxième moyen de cassation est libellé comme étant tiré « de la contradiction de motifs au sein de l’arrêt attaqué constituant une violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que la contrariété de motifs équivaut à une absence de motifs selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation française (Civ. 7 janv. 1891, DP 1891.1.51. – Cass., ch. mixte, 21 juin 1974, Bull. civ. N° 2. – Civ. 2e, 25 oct. 1995, n° 93.14.077 et n° 93-14.079, Bull. civ. II, n° 252) ;

que les motifs contradictoires se détruisent et s’annihilent réciproquement de façon à ce qu’aucun d’eux ne puisse alors être retenu comme fondement de la décision ; » Il en est de même du cinquième moyen de cassation, son libellé étant identique.

L’architecture des moyens sous examen se heurte aux exigences de l’article 10, alinéas 2 et 3, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Vu le libellé totalement abstrait d’un chacun des moyens, sans que la partie demanderesse en cassation n’indique dans l’énoncé même du moyen la partie critiquée de la décision dont pourvoi, ni en quoi les dispositions visées au moyen auraient été violées, ils contreviennent gravement à l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Dans la mesure où la partie demanderesse en cassation ne saurait remédier à la carence originaire du moyen au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité par des développements dans une discussion subséquente, les deux moyens sous examen sont irrecevables au regard de ce qui précède et n’exigent pas d’autres observations.

Conclusion :

déclarer recevable le pourvoi, déclarer fondé le quatrième moyen de cassation, rejeter les autres moyens de cassation.

Luxembourg, le 2 avril 2024 Pour le Procureur général d’Etat le premier avocat général Monique SCHMITZ 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 82/24
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-05-16;82.24 ?

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