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28/03/2024 | LUXEMBOURG | N°57/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 28 mars 2024, 57/24


N° 57 / 2024 du 28.03.2024 Numéro CAS-2023-00111 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

E n t r e la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siè

ge social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de comme...

N° 57 / 2024 du 28.03.2024 Numéro CAS-2023-00111 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

E n t r e la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, ayant comparu par Maître Jean-Philippe LAHORGUE, avocat à la Cour, comparant actuellement par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, nommé administrateur provisoire de l’étude de Maître Jean-Philippe LAHORGUE par ordonnance du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg du 1er février 2024, e t la société anonyme de droit belge SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à B-ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, immatriculée à la banque carrefour des entreprises sous le numéroNUMERO2.), dont la succursale luxembourgeoise est inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO3.), établie à L-ADRESSE3.), venant aux droits de la société anonyme de droit belge SOCIETE3.) N.V./S.A., défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée MOLITOR Avocats à la Cour, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître François CAUTAERTS, avocat à la Cour.

__________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 54/23 - VII - REF, rendu le 29 mars 2023 sous le numéro CAL-2023-00047 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 26 mai 2023 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à la société anonyme de droit belge SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) »), déposé le 16 juin 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 19 juillet 2023 par la société SOCIETE2.) à la société SOCIETE1.), déposé le 25 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Christiane BISENIUS.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un juge des référés du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné la défenderesse en cassation à remettre à la demanderesse en cassation les clefs d’un véhicule acquis par cette dernière. La Cour d’appel a, par réformation, débouté la demanderesse en cassation de sa demande, qui ne portait plus que sur le double des clefs du véhicule.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 1315 du Code Civil Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir estimé pour réformer le jugement dont appel 2 n’est pas complet et d’autre part déduire par présomption conformément à l’article 1349 et 1353 du Code Civil que le double des clés, dont la remise est réclamé seulement pour la première fois à l’audience de la Cour d’Appel, pourtant élément essentiel pour l’acheteur, n’a pas été mentionnée dans le récépissé du 23 Mars 2022, pour la simple raison que la société SOCIETE1.) en disposait déjà. Il y a dès lors lieu de retenir que la société SOCIETE1.) ne s’est jamais dessaisie du véhicule dès la prise en location et est restée en possession de la camionnette après la fin du contrat de location. La société SOCIETE1.) n’établit dès lors pas que la société SOCIETE3.) ne lui a pas délivré les clés et le double jeu de rechange ».

Alors que celui qui prétend être libéré de son obligation de remise doit le prouver.

Qu’en l’espèce, la preuve de la remise des clés et le double jeu de rechange incombait à la partie défenderesse en cassation.

Qu’en statuant comme elle l’a fait, en estimant que SOCIETE1.) n’établissait pas l’absence de remise des clés et du double jeu de rechange quand elle aurait dû constater que la présomption retenue permettait de prouver que la défenderesse en cassation avait justifié ladite remise, la Cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

D’où qu’il suit que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, dès lors, qu’en retenant à la suite des motifs reproduits au moyen, « La preuve d’un trouble manifestement illicite ou la prévention d’un dommage imminent n’est pas établi par la société SOCIETE1.) », les juges d’appel n’ont pas imposé à la demanderesse en cassation la charge de la preuve de la remise du double des clefs du véhicule par la défenderesse en cassation, mais ils ont constaté que la demanderesse en cassation restait en défaut de rapporter la preuve d’un trouble manifestement illicite ou d’un risque de dommage imminent, conditionnant l’issue de sa demande en référé.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux frais et dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée MOLITOR Avocats à la Cour, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation la societé à responsabilité limitée SOCIETE1.) contre la société anonyme SOCIETE2.) (n° CAS-2023-00111 du registre) Le pourvoi en cassation a été introduit par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) par un mémoire en cassation signifié le 26 mai 2023 à la société anonyme de droit belge SOCIETE2.), défenderesse en cassation, venant aux droits de la société anonyme de droit belge SOCIETE3.) N.V./S.A suite à une fusion absorption effective au 1er avril 2023. Il a été déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 16 juin 2023. Il est dirigé contre l’arrêt n°54/23-

VII-REF, rôle n° CAL-2023-00047, rendu en date du 29 mars 2023 par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière d’appel référé contre une ordonnance rendue le 22 décembre 2022 par le premier juge du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant comme juge des référés (n° 2022TALREFO/00498, rôle TAL-2022-07480) entre la société anonyme de droit belge SOCIETE3.) et la société à responsabilité limitée SOCIETE1.).

L’arrêt a été signifié le 8 mai 2023 par la société SOCIETE2.) à la société SOCIETE1.).

Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le mémoire en réponse a été signifié le 19 juillet 2023 au domicile élu de la demanderesse en cassation et déposé le 25 juillet 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice. Il peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes :

Par contrat de location du 19 juin 2014, la société anonyme de droit belge SOCIETE3.) a loué à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) une camionnette, immatriculée NUMERO4.), pour la durée de cinq ans. Le 2 juin 2020, la société SOCIETE3.) a assigné la société SOCIETE1.) à lui remettre le certificat d’immatriculation, partie I, et à lui communiquer le kilométrage et à lui payer diverses factures. Par jugement du 22 octobre 2020, le tribunal de paix, siégeant en matière commerciale et en première instance, a rejeté la demande de la société SOCIETE3.) de se voir remettre le certificat d’immatriculation, partie I, et à lui communiquer le kilométrage, mais a déclaré fondée sa demande en paiement de diverses factures. Par jugement du 21 juin 2021, la 14ème chambre du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale et en instance d’appel, a condamné la société SOCIETE1.) àremettre le certificat d’immatriculation, partie I, sous peine d’astreinte, à la société SOCIETE3.).

Par contrat de vente du 14 mars 2022, la société SOCIETE3.) a vendu la camionnette immatriculée NUMERO4.) à la société SOCIETE1.). Le prix de vente et les condamnations prononcées ont été versés le 14 mars 2022 à la société SOCIETE3.) et le 23 mars 2022, un récépissé a été signé par le mandataire de SOCIETE1.) reconnaissant réception des « papiers du véhicule et notamment les originaux du certificat d’immatriculation du véhicule immatriculé NUMERO5.), partie I et II ». Ce récépissé ne mentionnait pas la remise « des clés du véhicule ».

Le 4 octobre 2022, la société SOCIETE1.) a assigné la société SOCIETE3.) a lui remettre divers documents et « les clés du véhicule ». Par ordonnance du 22 décembre 2022, la société SOCIETE3.) a été condamnée à remettre sous peine d’astreinte les clefs du véhicule à la société SOCIETE1.). La société SOCIETE3.) a interjeté appel et a fait valoir à l’audience qu’en application du réalisme juridique, elle ne pouvait être condamnée à remettre à la société SOCIETE1.) un objet dont elle ne disposait pas parce que cette dernière avait utilisé le véhicule pendant huit ans et était restée en sa possession après avoir levé l’option d’achat. Dans son arrêt du 29 mars 2023, la Cour d’appel a constaté qu’il était acquis en cause que la société SOCIETE1.) avait à sa disposition depuis une huitaine d’années le véhicule immatriculé NUMERO4.) et en a déduit qu’elle avait nécessairement dû disposer des clés et qu’elle était restée en possession du véhicule après que le contrat de location avait pris fin et après avoir levé l’option de rachat. La Cour d’appel a déclaré la demande de remise des clés par la société SOCIETE1.) irrecevable après avoir observé que la remise des clés n’avait pas été constatée dans le récépissé relatif aux documents remis par la société SOCIETE3.) à la société SOCIETE1.), signé le 23 mars 2022, parce que la société SOCIETE1.) en disposait nécessairement.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur l’unique moyen de cassation Le moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1315 du Code civil au motif que la Cour d’appel aurait inversé la charge de la preuve. Malgré le fait qu’il appartiendrait à celui qui se prétend libéré de son obligation de remise de le prouver, soit en l’espèce à la défenderesse en cassation, de prouver la remise des clefs et du double jeu de rechange, la Cour d’appel aurait estimé que l’actuelle demanderesse en cassation n’avait pas établi l’absence de remise des clefs et du double jeu de rechange et en avait déduit que la défenderesse en cassation avait justifié ladite remise.

L’article 1315 du Code civil prévoit que « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver. Réciproquement, celui qui se dit libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

Le moyen manque en fait en ce qu’il procède d’une lecture erronée de l’arrêt dont pourvoi. Au regard des éléments de fait soumis à la Cour d’appel et ayant trait notamment à la nature et la durée des relations commerciales qu’ont entretenues les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE3.), dument documentées par les pièces échangées lors des procédures judiciaires qu’elles ont engagées successivement l’une contre l’autre, la juridiction d’appel a pu construire sa conviction à l’aide d’indices résultant de cette relation commerciale qu’elle a énumérés etappréciés pour retenir sur base de présomptions graves, précises et concordantes que la partie intimée disposait en fait de l’objet qu’elle réclamait à la partie appelante.

La Cour n’a dès lors pas constaté que l’actuelle défenderesse en cassation n’avait pas établi l’absence de remise des clefs, mais elle a déduit des circonstances de fait que l’actuelle demanderesse en cassation ne s’est défaite ni du véhicule immatriculé NUMERO4.) ni des clés de ce véhicule depuis qu’elle l’avait pris en location longue durée en octobre 2014 et acquis la propriété en mars 2022.

L’appréciation de la valeur des présomptions et la possibilité d’en déduire toutes conséquences utiles relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la Cour de cassation. Sous le couvert du grief de la violation de l’article 1315 du Code civil, le moyen ne tend qu’à mettre en discussion cette appréciation souveraine.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

pour le Procureur général d’Etat, le Procureur général d’Etat adjoint Christiane BISENIUS 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 57/24
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-03-28;57.24 ?

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