La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2024 | LUXEMBOURG | N°50/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 21 mars 2024, 50/24


N° 50 / 2024 du 21.03.2024 Numéro CAS-2023-00094 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-et-un mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, président, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, Anne MOROCUTTI, conseiller à la Cour d’appel, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre l’association sans but lucratif SAINTS PIERRE ET PAUL HOLLERICH

, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 31a, route d’Esch, représen...

N° 50 / 2024 du 21.03.2024 Numéro CAS-2023-00094 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-et-un mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, président, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, Anne MOROCUTTI, conseiller à la Cour d’appel, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre l’association sans but lucratif SAINTS PIERRE ET PAUL HOLLERICH, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 31a, route d’Esch, représentée par le conseil d’administration, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro F11051, demanderesse en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) le FONDS DE GESTION DES EDIFICES RELIGIEUX ET AUTRES BIENS RELEVANT DU CULTE CATHOLIQUE, personne morale de droit public, établi et ayant son siège social à L-2339 Luxembourg, 2, rue Christophe Plantin, représenté par le conseil d’administration, inscrit au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro J62, défendeur en cassation, comparant par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Myriam PIERRAT, avocat à la Cour, 2) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, et pour autant que de besoin par le Ministre de l’Intérieur, ayant ses bureaux à L-1219 Luxembourg, 19, rue Beaumont, ainsi que par le Ministre des Cultes, ayant ses bureaux à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, défendeur en cassation, comparant par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3) la FABRIQUE D’EGLISE DE LUXEMBOURG-HOLLERICH, établie à L-1617 Luxembourg, 35, rue de Gasperich, Home Paroissial, représentée par le Conseil de la Fabrique, sinon par le bureau de ses Marguilliers, 4) la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro NUMERO1.), 5) PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), 6) le MINISTERE PUBLIC, représenté par Monsieur le Procureur d’Etat près le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, Georges OSWALD, ayant ses bureaux à L-2080 Luxembourg, Plateau du Saint-Esprit, Cité judiciaire, bâtiment PL, défendeurs en cassation.

___________________________________________________________________

Vu le jugement attaqué, numéro 2023TALCH14/00053, rendu le 22 mars 2023 sous les numéros TAL-2021-10614 et TAL-2022-00203 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière de bail à loyer ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 26 mai 2023 par l’association sans but lucratif SAINTS PIERRE ET PAUL HOLLERICH (ci-après « l’ASSOCIATION ») au FONDS DE GESTION DES EDIFICES RELIGIEUX ET AUTRES BIENS RELEVANT DU CULTE CATHOLIQUE (ci-après « le FONDS »), à la FABRIQUE D’EGLISE DE LUXEMBOURG-HOLLERICH (ci-après « la FABRIQUE D’EGLISE »), à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après « l’ETAT »), à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), à PERSONNE1.) et au MINISTERE PUBLIC, déposé le même jour au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 21 juillet 2023 par le FONDS à l’ASSOCIATION, à la FABRIQUE D’EGLISE, à l’ETAT, à la société SOCIETE1.) et à PERSONNE1.), déposé le 24 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 25 juillet 2023 par l’ETAT à l’ASSOCIATION, au FONDS, à la FABRIQUE D’EGLISE, à la société SOCIETE1.) et à PERSONNE1.), déposé le 26 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le Tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer, avait été saisi, suivant requête introduite par le FONDS dirigée contre l’ASSOCIATION, d’une demande en annulation, sinon en résolution de différents contrats de bail, de cession de bail et de sous-location, et en condamnation au paiement d’une certaine somme sur base de l’enrichissement sans cause, sinon à titre de dommages et intérêts. Suite aux interventions volontaires de la FABRIQUE D’EGLISE et de l’ETAT, à la mise en intervention forcée par le FONDS de la société SOCIETE1.) et de PERSONNE1.), et en présence du Ministère public intervenu sur base de l’article 183 du Nouveau Code de procédure civile, le Tribunal de paix, après avoir saisi la Cour constitutionnelle de diverses questions de constitutionnalité qui ont été tranchées par arrêt du 26 mars 2021, a déclaré irrecevable l’intervention volontaire de la FABRIQUE D’EGLISE, a annulé certains contrats, et a condamné l’ASSOCIATION au paiement de différents montants. Sur appel de l’ASSOCIATION et de la FABRIQUE D’EGLISE, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a déclaré l’appel de cette dernière irrecevable, a dit fondée la demande en augmentation des montants réclamés par le FONDS à l’ASSOCIATION et a confirmé le jugement pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi sinon de la fausse interprétation de la règle de droit et, in specie, des dispositions de l’article 6 §1 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, ci-après , en ce que le jugement attaqué a confirmé le jugement n°1260/20 rendu par le juge de Paix de et à Luxembourg en date du 22 mai 2020 en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de l’État au motif que partiellement les mêmes problèmes que ceux soumis au tribunal saisi fait en sorte que l’ETAT a un intérêt suffisant pour intervenir dans le présent litige » alors que l’intervention de l’État dans un litige de droit privé ayant pour objet la résolution sinon l’annulation de contrats auxquels l’État n’est pas partie viole le procès équitable et plus particulièrement le principe de l’égalité des armes. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en confirmant le tribunal de paix en ce qu’il a admis l’intervention de l’ETAT au litige, bien que ce dernier n’ait pas été partie aux contrats dont l’annulation était demandée et que le Ministère public ait été partie à l’instance.

L’adjonction d’un adversaire additionnel, après que le Tribunal a constaté que celui-ci avait un intérêt suffisant pour intervenir dans le litige, et alors qu’il n’était pas déjà partie à l’instance, le rôle du Ministère public en tant que partie jointe n’étant pas de représenter les intérêts de l’ETAT, n’est pas de nature à emporter atteinte au procès équitable et au principe d’égalité des armes.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré du défaut de base légale au regard de l’article 483 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le jugement attaqué comporte des motifs de fait incomplets qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi au motif que le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, par adoption des motifs contenus dans le jugement n°1260/20 rendu par le juge de Paix de et à Luxembourg en date du 22 mai 2020, a déclaré recevable l’intervention volontaire de l’État en retenant que alors qu’il aurait appartenu au Tribunal d’arrondissement d’identifier ces et de déterminer dans quelle mesure ces « autres affaires » constituent un pour l’État. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires à la mise en œuvre de la règle de droit.

Les juges d’appel, en confirmant par adoption de motifs la décision du juge de première instance qui avait retenu « L’État fait valoir en particulier qu’il est directement intéressé par l’issue du présent dossier parce qu’il lui est reproché d’avoir, par une récente loi, procédé à une expropriation, et que sa responsabilité est recherchée dans ce contexte dans le cadre de plusieurs affaires.

Le Tribunal n’a pas reçu communication des procédures en cours et des décisions qui ont été rendues, mais il n’était pas contesté par les parties qu’une telle action de responsabilité dirigée contre l’État existe, qu’elle est pendante et que des questions relatives à la validité de la CONVENTION et de la LOI, et donc de l’existence du FONDS et de la suppression des fabriques sont discutées dans ce cadre. L’État a ainsi été attrait en justice devant les juridictions civiles par plusieurs fabriques d’église et par leur syndicat pour voir sa responsabilité engagée.

La présente instance, pour autant qu’elle aboutisse en premier, pourrait donc créer un préjugé défavorable à la position de l’État dans cette action en responsabilité. Si la décision rendue par une juridiction ne lie pas les autres, elle n’en peut pas moins les influencer.

En outre, ces affaires soulèvent en partie les mêmes questions que celles qui sont en discussion dans la présente affaire, à savoir la conformité de la suppression des fabriques d’église par rapport à l’ordre constitutionnel et international.

Plusieurs questions constitutionnelles ont été proposées dans le présent dossier, ces questions constitutionnelles étant nécessairement également en jeu dans les affaires dans lesquelles l’État est partie principale.

La durée d’instruction des différentes affaires est imprévisible pour les plaideurs, et il est possible que la présente affaire – quoi qu’introduite postérieurement – aboutisse en premier à un renvoi préjudiciel. Or, la décision qui sera rendue par la Cour constitutionnelle liera l’ensemble des autres juridictions.

L’État a dès lors un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente affaire afin de pouvoir donner son point de vue sur la question de savoir si les fabriques d’église ont été supprimées ou non dans le respect de l’ordre constitutionnel et international, et ce pour éviter un préjugé qui lui serait défavorable dans d’autres affaires dans laquelle il est attaqué, ainsi que pour pouvoir présenter son point de vue sur la formulation d’éventuelles questions préjudicielles et pour pouvoir ensuite présenter ses conclusions devant la Cour constitutionnelle. », pouvaient se dispenser d’identifier les autres affaires, en l’absence de contestations de la part des parties sur leur existence et leur objet.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de l’excès de pouvoir pour violation de l’article 4 du Code civil qui dispose que Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice », en ce que le Tribunal d’arrondissement, confirmant le jugement de première instance, a jugé ce qui suit :

La CONVENTION n'étant ainsi pas de nature à s'appliquer par elle-

même, mais nécessitant impérativement une transposition par une loi pour les dispositions qui nécessitent son intervention, - LOI entretemps intervenue -, il n'est dès lors pas pertinent d'analyser la validité et la conformité de ladite convention, ni par rapport à la CONSTITUTION ni par rapport aux normes internationales.

Le tribunal tient à souligner à titre superfétatoire que même le constat d'une prétendue irrégularité ou non-conformité de la CONVENTION, - qui n'a aucune portée directe -, ne peut pas avoir comme conséquence d'abroger ou d'invalider une LOI déclarée conforme à la CONSTITUTION par la Cour Constitutionnelle.

Le fait qu'en fonction des questions lui soumises, la Cour Constitutionnelle a décidé qu'il ne lui appartient ni de vérifier la conformité de la CONVENTION, - qui n'a pas la nature d'une loi -, à la CONSTITUTION, ni celle de la LOI à la CONVENTION, ni encore la validité en tant que telle de la CONVENTION, mais que ces questions relèvent de la compétence du fond, ne signifie pas pour autant que le juge du fond doit impérativement procéder à une analyse approfondie de la validité et de la conformité de la CONVENTION : eu égard aux dispositions légales applicables, le juge du fond doit, préalablement, vérifier si la CONVENTION existe indépendamment d'une transposition par une loi et le cas échéant vérifier la conformité ainsi que la validité de ladite convention ou si l'adoption d'une loi transposant une convention cultuelle est suffisante.

(…) La LOI ayant transposé en substance la CONVENTION qui n'est pas de nature à s'appliquer par elle-même et qui n'est pas une norme supérieure à la LOI, tel que relevé précédemment, il n'y a pas lieu de vérifier la conformité de la LOI par rapport à la CONVENTION.

Au vu des considérations précédentes, se pose seulement la question de la conformité de la LOI aux normes internationales », alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le tribunal a dénié sa compétence en refusant d’exercer son contrôle en violation de l’article 4 du Code civil. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir refusé de contrôler la conformité de la loi de 2018 à la Convention du 26 janvier 2015 entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et les communautés religieuses établies au Luxembourg (ci-après « la Convention »), alors que la Cour constitutionnelle avait retenu que cette question relevait de la compétence des juges du fond.

Il résulte de la motivation reprise au moyen que les juges d’appel n’ont pas refusé de statuer, mais qu’ils ont considéré, eu égard à la hiérarchie des normes, qu’il n’était, pour ce faire, pas nécessaire de contrôler la conformité de la loi de 2018 à la Convention.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré, première branche, de la violation, voire d’une application erronée, voire d’une fausse interprétation, in specie de l’article 22 de la Constitution, sinon 112 de la Constitution, le cas échéant lus en combinaison, qui énoncent respectivement que :

L’intervention de l’Etat dans la nomination et l’installation des chefs des cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres des cultes, la faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Eglise avec l’Etat, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des Députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention » Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale ou communale n’est obligatoire qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi » en ce que le Tribunal d’arrondissement, confirmant le jugement de première instance, a notamment considéré que Il est constant en cause que le 26 janvier 2015, une CONVENTION concernant la nouvelle organisation des fabriques d'Eglises a été conclue entre l'ETAT et l'Eglise catholique. Ladite CONVENTION est signée par le Ministre de l'Intérieur ainsi que par l'Archevêque de Luxembourg.

La loi du 13 février 2018 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, ainsi que sur l'interdiction du financement des cultes par les communes, - entrée en vigueur le 1er mai 2018 -, a transposé en substance la CONVENTION, qui n'a cependant pas été publiée ensemble avec la LOI.

Par arrêt du 26 mars 2021, la Cour Constitutionnelle a déclaré que les articles 1, 2, 9 et 22 de la LOI sont conformes à l'article 22 de la CONSTITUTION, que la question de la conformité des mêmes dispositions légales à l'article 119 de la CONSTITUTION est sans objet et que la question de la conformité des mêmes dispositions légales à l'article 16 de la CONSTITUTION ne se pose pas. La Cour Constitutionnelle a également retenu que les questions de la conformité de l'article lei de la LOI et de l'article 76 de la loi du 18 germinal an X à l'article 10bis de la CONSTITUTION ne se posent pas.

Au vu de l'arrêt rendu le 26 mars 2021 par la Cour Constitutionnelle, la conformité de la LOI par rapport à la CONSTITUTION ne fait dès lors plus débat.

L'ASSOCIATION et la FABRIQUE soulèvent une multitude de questions concernant la validité de la CONVENTION ainsi que la conformité de ladite convention à la CONSTITUTION et aux normes internationales. La question de la conformité de la LOI à la CONVENTION, considérée comme étant une norme supérieure à la LOI, est également soulevée.

Au vu de la remise en cause de la validité et de la conformité de la CONVENTION par l'ASSOCIATION et par la FABRIQUE, se pose la question de la pertinence desdites questions car la LOI transposant en substance la CONVENTION a été prise et est entrée en vigueur le 1er mai 2018 », alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement n’a pas, ou mal, contrôlé la conformité de la CONVENTION à l’article 22 de la Constitution qui prévoit manifestement son approbation par le législateur, ainsi que sa publication, à l’instar des conventions internationales de l’article visé par l’article 37 de la Constitution. », « tiré, deuxième branche, de la violation, voire d’une application erronée, voire d’une fausse interprétation, in specie de l’article 1134 du Code civil, ensemble avec l’article 2 de la CONVENTION signée le 26 janvier 2015 entre l'Etat du Grand-

Duché de Luxembourg et l'Eglise catholique du Luxembourg concernant la nouvelle organisation des fabriques d'églises qui énoncent respectivement que :

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » Art. 2. La présente convention est rédigée en deux exemplaires. Elle sera approuvée par la Chambre des Députés conformément à l’actuel article 22 de la Constitution et publiée au Mémorial et entrera en vigueur au moment à fixer par les lois d’approbation », en ce que dans le jugement attaqué les juges d’appel ont jugé notamment que Le fait que la LOI doit être conforme à la CONVENTION signifie simplement que la LOI ne peut pas transposer plus, respectivement autre chose, que ce qui a été convenu entre parties dans la CONVENTION. La LOI transposant le contenu de la CONVENTION doit, en effet, se conformer à ladite convention, et ne peut être ni contraire ni aller au-delà des prévisions de ce qui a été convenu entre l'ETAT et le culte catholique concerné. L'argument des parties appelantes tombe à faux », alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement a violé les dispositions de la clause suspensive énoncée à l’article 2 de la CONVENTION et par là même l’article 1134 du Code civil. » et « tiré, troisième branche, de la violation, voire d’une application erronée, voire d’une fausse interprétation, in specie de l’article 22 de la Constitution, sinon de l’article 8 in fine de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 9 juillet 1857 qui énoncent respectivement que :

cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres des cultes, la faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Eglise avec l’Etat, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des Députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention » décidées en Conseil » en ce que dans le jugement attaqué les juges d’appel ont jugé notamment que Les très longs développements des parties au sujet de la validité, respectivement de la conformité de la CONVENTION sont dès lors dépourvus de pertinence ».

alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement a violé les formalités substantielles prévues par les dispositions précitées en matière de conclusion d’une convention cultuelle. ».

Sur les trois branches du moyen réunies Il résulte des développements consacrés au moyen que la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir violé plusieurs dispositions constitutionnelles et légales, ainsi que l’article 2 de la Convention, en ne contrôlant ni la validité de la Convention ni sa conformité à la Constitution.

Les juges d’appel, qui ont retenu par des motifs non critiqués « Aux termes de l’article 22 de la CONSTITUTION, l’Etat dans la nomination et l’installation des chefs des cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres des cultes, la faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Eglise avec l’Etat, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des Députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention ».

Ainsi les rapports entre l’ETAT et les cultes, dans l’ensemble de leurs rapports, sont à régler par une convention, telle que prévue à l’article 22 précité.

Ladite convention et ses éléments sont à soumettre à la Chambre des Députés dans la mesure où ils nécessitent son intervention.

A titre préliminaire, il ne ressort pas de l’arrêt rendu par la Cour Constitutionnelle que cette dernière a établi une nouvelle hiérarchie des normes dans l’ordre constitutionnel luxembourgeois : tel que relevé à juste titre par le FONDS, le fait que le législateur ne peut pas légiférer dans les rapports entre l’ETAT et l’Eglise sans convention préalable conclue entre parties, ne signifie pas pour autant que les conventions cultuelles seraient à placer au-dessus des lois dans la hiérarchie des normes.

(…) A la lumière de l’article 22 précité, la CONVENTION n’est ainsi pas par elle-

même susceptible d’emporter à charge des tiers, dont les fabriques d’église, un droit ou une obligation. Elle n’est partant pas de nature à affecter un éventuel droit dans le chef desdites fabriques.

Tel que d’ores et déjà retenu par jugement du 11 juillet 2018 (cf. TAL, 11 juillet 2018, n° 184.072), la CONVENTION ne constitue pas en soi, même entre les parties signataires, un document juridiquement contraignant en ce qu’elle emporterait des droits et obligations qui pourraient faire l’objet d’une consécration judiciaire et par la suite d’une exécution forcée. Il résulte de son contenu qu’il s’agit d’un accord–cadre, sous forme d’une déclaration de volonté politique sur les règles juridiques que les parties entendent voir appliquer à l’avenir aux biens visés par la CONVENTION. Ce régime juridique, - et les éventuels transferts de propriété préalables que son application requiert -, ne peuvent pas découler de la CONVENTION, mais doivent résulter d’une loi.

Comme l’a relevé le PARQUET GENERAL dans ses conclusions devant la Cour Constitutionnelle, la CONVENTION est un instrument de droit interne, dont l’effet direct à l’égard des tiers suppose une transposition par le législateur.

Le PARQUET GENERAL a également précisé que, Constitution n’exigeait pas l’approbation formelle de la Convention par la Chambre des députés et que ni l’article 22 ni l’article 37, alinéa 1er, seconde phrase, de la Constitution n’exigeaient sa publication et, plus particulièrement, ne soumettaient sa prise d’effet à une telle publication. Les dispositions contenues dans la Convention sont entrées en vigueur par l’adoption et la publication de la loi de 2018, qui en transposa la substance. Comme la Convention a été intégralement transposée par la loi, il n’y a pas lieu d’envisager une entrée en vigueur propre de celle-ci, distincte de celle de la loi qui la met en œuvre. La question de son entrée en vigueur ne se pose donc pas. La Convention a indirectement pris effet par la prise d’effet de la loi qui l’incorpore. L’article 2 de la Convention renvoie donc à des formalités non pertinentes et réglemente une question – d’une entrée en vigueur de la Convention distincte de celle de sa loi d’approbation – qui ne se pose pas. Les conditions constitutionnelles de transposition législative de la Convention ayant été respectées et la Convention n’étant pas appelée à s’appliquer par elle-même, en dehors de la loi qui transpose son contenu, la question de son défaut d’entrée en vigueur par suite du défaut de respect des conditions de son article 2 est dépourvue de pertinence.» La CONVENTION n’étant ainsi pas de nature à s’appliquer par elle-même, mais nécessitant impérativement une transposition par une loi pour les dispositions qui nécessitent son intervention, - LOI entretemps intervenue -, il n’est dès lors pas pertinent d’analyser la validité et la conformité de ladite convention, ni par rapport à la CONSTITUTION ni par rapport aux normes internationales.

Le tribunal tient à souligner à titre superfétatoire que même le constat d’une prétendue irrégularité ou non-conformité de la CONVENTION, - qui n’a aucune portée directe -, ne peut pas avoir comme conséquence d’abroger ou d’invalider une LOI déclarée conforme à la CONSTITUTION par la Cour Constitutionnelle. », ont pu, sans violer les dispositions visées au moyen, décider qu’il n’y avait pas lieu de contrôler la validité de la Convention, ni sa conformité à la Constitution.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré, première branche, de la violation, voire d’une application erronée, voire d’une fausse interprétation, in specie de l’article 16 de la Constitution qui énonce que :

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de la manière établis par la loi » en ce que dans le jugement attaqué les juges d’appel ont jugé notamment que Les parties appelantes soutiennent également que le premier juge aurait à tort conclu à une absence de violation de l'article 1 er du protocole additionnel annexé à la CEDH. En particulier, elles font grief au jugement rendu d'avoir retenu que la Cour constitutionnelle a décidé que l'Eglise catholique est l'entité pouvant disposer de l'existence des fabriques d'Eglise ainsi que de leurs biens.

(…) Par confirmation du jugement entrepris, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la LOI ne peut pas violer l'article 1 er du protocole précité car elle se limite d'entériner un accord valablement conclu ».

alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement a violé l’article 16 de la Constitution en rejetant le moyen de la demanderesse en cassation tendant à voir reconnaitre une expropriation de ses biens au profit du FONDS, sans juste indemnisation. » et « tiré, deuxième branche, de la violation, voire d’une application erronée, voire d’une fausse interprétation, in specie de l'article 1er du Protocole additionnel n°1 annexé à la Convention EDH qui énonce que :

Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes », en ce que dans le jugement attaqué les juges d’appel ont jugé notamment que Les parties appelantes soutiennent également que le premier juge aurait à tort conclu à une absence de violation de l'article 1 er du protocole additionnel annexé à la CEDH. En particulier, elles font grief au jugement rendu d'avoir retenu que la Cour constitutionnelle a décidé que l'Eglise catholique est l'entité pouvant disposer de l'existence des fabriques d'Eglise ainsi que de leurs biens.

(…) Par confirmation du jugement entrepris, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la LOI ne peut pas violer l'article 1er du protocole précité car elle se limite d'entériner un accord valablement conclu ».

alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement a violé l'article 1er du protocole précité en rejetant le moyen de la demanderesse en cassation tendant à voir reconnaitre une expropriation de ses biens au profit du FONDS, sans juste indemnisation. ».

Sur les première et deuxième branches du moyen réunies La Cour constitutionnelle a retenu dans son arrêt du 26 mars 2021 que c’est sur base de l’accord des parties à la Convention qu’il y a eu suppression des fabriques d’églises avec transfert de propriété au FONDS nouvellement créé et non dépossession de leurs avoirs imposée aux fabriques d’églises par le législateur, de sorte que le cas d’expropriation visé à l’article 16 de la Constitution ne se pose pas.

Il en est de même du cas d’expropriation visé à l’article 1er du protocole additionnel annexé à la Convention européenne des droits de l’homme.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, voire d’une application erronée, voire d’une fausse interprétation, in specie des articles 12 et 14 du CONCORDAT signé le 26 messidor an IX entre la France et le Saint-Siège qui énoncent respectivement que :

Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques » curés dont les diocèses et les cures seront compris dans la circonscription nouvelle », en ce que le Tribunal d’arrondissement, confirmant le jugement de première instance, a jugé ce qui suit :

Pour autant que le CONCORDAT soit toujours en vigueur au Grand-

Duché de Luxembourg, au vu du passé historique mouvementé du Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu de confirmer le premier juge, par adoption des motifs, en ce qu'il a retenu qu'il n'y a ni violation de l'article 12 ni de l'article 14 dudit CONCORDAT.

Tel que souligné à juste titre par la juridiction du premier degré, la LOI précise à l'article 1er alinéa 2 que le FONDS est placé sous le contrôle de l'Archevêché de Luxembourg et qu'il est géré par un Conseil d'administration d'au moins trois membres nommés et révoqués par l'Archevêché : les biens ecclésiastiques sont ainsi sous la disposition de l'archevêque à travers ce fonds. Ni l'article 12 du CONCORDAT ni une autre disposition ne prévoit que la mise à disposition des biens ecclésiastiques doit se faire par l'intermédiaire des fabriques d'Eglise.

C'est également à bon droit que la juridiction du premier degré, partant par adoption des motifs, a conclu que l'article 14 du CONCORDAT ne prévoit pas que les curés doivent être en mesure de disposer dans leurs paroisses respectives de structures de gestion financières, telles les fabriques d’Eglise ».

En jugeant comme il l’a fait, le tribunal a violé les articles 12 et 14, précités, du CONCORDAT. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé les dispositions visées.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, voire d’une application erronée, voire d’une fausse interprétation, in specie des articles 9 et 11 de la Convention EDH, le cas échéant lus en combinaison, qui énoncent respectivement que :

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État » en ce que le Tribunal d’arrondissement, confirmant le jugement de première instance, a jugé ce qui suit :

Tel que relevé à juste titre par le premier juge, en l'espèce, il ne s'agit pas de dissoudre une communauté religieuse ou de remplacer son dirigeant, mais de réorganiser certaines structure internes à une communauté religieuse.

Contrairement à la position soutenue par les parties appelantes, par adoption des motifs du jugement entrepris, la suppression des fabriques d'églises ne constitue pas une violation de l'article 9 précité car au vu de l'accord trouvé entre le Gouvernement et l'Archevêque, le culte catholique n'est pas privé de ses biens, qui sont simplement réorganisés. Les croyants peuvent continuer à pratiquer librement leur religion en dépit de la suppression des fabriques d'Eglise.

Il n'y a ainsi pas violation de l'article 9 de la CEDH, car les fabriques d'Eglise ne peuvent être considérés comme des groupements religieux.

Pour autant que les fabriques d'Eglise sont à considérer comme association au sens de l'article 11 de la CEDH, il y a lieu de confirmer le premier juge en ce que ce dernier a retenu que la FABRIQUE ne s'est jamais librement constituée par une simple volonté des paroissiens de s'assembler, mais elle émane d'un acte de l'autorité. Sa suppression par un acte de même nature ne constitue dès lors pas une ingérence. Par conséquent, aucune violation de l'article 11 de la CEDH ne peut être retenue par confirmation du jugement entrepris » alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement a violé les articles 9 et 11 de la Convention EDH, le cas échéant lus en combinaison. ».

Réponse de la Cour Il résulte des développements consacrés au moyen que la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel de ne pas avoir retenu que la suppression des fabriques d’église, entités de droit privé, par l’ETAT, avec transfert de l’ensemble de leurs biens à ce dernier, constitue une violation des dispositions visées au moyen.

La suppression des fabriques d’église avec transfert de leurs patrimoines au FONDS nouvellement créé et géré par un conseil d’administration dont les membres sont nommés par l’Archevêché n’ayant ni privé l’Eglise des moyens indispensables à l’exercice du culte ni supprimé une association librement créée par des croyants, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le neuvième moyen de cassation qui est préalable Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi sinon de la fausse interprétation de la règle de droit et, in specie, des dispositions de l’article 2 alinéa 1er de la loi du 13 février 2018 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, ainsi que sur l’interdiction du financement des cultes par les communes qui dispose que d’église, supprimées conformément à l’article 9. Les dévolutions patrimoniales qui s’en suivent ont lieu en exemption des droits de timbre, des droits d’enregistrement, de succession et de mutation par décès et des droits de transcription. », en ce que le jugement attaqué a confirmé le premier jugement n°2892/21 du répertoire fiscal rendu en date du 4 novembre 2021 par le juge de Paix de et à Luxembourg, par adoption des motifs de ce dernier, pour retenir que le Fonds est propriétaire des biens situés à Luxembourg, 130, rue de Cessange, à Luxembourg, tant au 12 qu’au 7, rue Béatrix de Bourbon, ainsi que de la parcelle portant les numéros 155/3834 et 155/3835 du cadastre, au motif que , alors que l’article 2 alinéa 1er de la loi du 13 février 2018 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, ainsi que sur l’interdiction du financement des cultes par les communes dispose seulement que , sans pour autant préciser la nature ou la proportion des biens transférés au Fonds. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir retenu que le législateur a transféré l’intégralité des patrimoines des fabriques d’église au FONDS, alors que le FONDS, conformément à la disposition visée au moyen, ne serait que le successeur à titre universel des fabriques d’églises.

La loi de 2018 ayant en son article 9 supprimé les fabriques d’église, ce dont il résulte qu’elle devait donner une affectation à leurs biens, c’est à bon droit que les juges d’appel ont retenu, par adoption de motifs, qu’à défaut de toute précision quant aux quotités transférées et non transférées, sous réserve des attributions de propriété opérées à travers l’article 10 de ladite loi, la qualité du FONDS de successeur à titre universel des fabriques d’église s’étendait à l’intégralité de leurs avoirs.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi sinon de la fausse interprétation de la règle de droit et, in specie, des dispositions de l’article 3 3° du Nouveau Code de procédure civile qui dispose que la valeur de 2 000 euros et à charge d’appel à quelque valeur que la demande puisse s’élever : […] 3° de toutes les contestations entre bailleurs et preneurs relatives à l’existence et à l’exécution des baux d’immeubles, ainsi que des demandes en paiement d’indemnités d’occupation et en expulsion de lieux occupés sans droit, qu’elles soient ou non la suite d’une convention ; », en ce que le jugement attaqué a confirmé le premier jugement n°2892/21 du répertoire fiscal rendu en date du 4 novembre 2021 par lequel le juge de Paix de et à Luxembourg s’est déclaré compétent matériellement pour connaître de la demande en annulation du contrat de cession de bail de l’immeuble sis à L-1321 Luxembourg, 130, rue de Cessange, au motif que compétents pour apprécier le bien-fondé de la demande en annulation respectivement en résolution dudit contrat », alors que le juge de Paix, siégeant en matière de bail à loyer, est incompétent pour connaître d’une demande en annulation d’un contrat de cession de bail. ».

Réponse de la Cour Il résulte des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la FABRIQUE D’EGLISE avait conclu un contrat de bail avec la société SOCIETE1.)., contrat qu’elle a cédé à l’ASSOCIATION. La cession du contrat de bail, acceptée par la société SOCIETE1.), a eu pour effet de transférer la qualité de bailleur de la FABRIQUE D’EGLISE à l’ASSOCIATION. L’action du FONDS dirigée contre l’ASSOCIATION, en présence de la société SOCIETE1.), a pour finalité de rétablir l’existence du contrat de bail entre le FONDS, ayant repris par l’effet de la loi de 2018 les droits et obligations de la FABRIQUE D’EGLISE, et la société SOCIETE1.), et d’assurer l’exécution du contrat entre ces deux parties.

Elle constitue partant une contestation entre bailleur et preneur, relative à l’existence et à l’exécution d’un bail d’immeuble, qui relève de la compétence du juge de paix, siégeant en matière de bail à loyer.

Par ce motif de pur droit, substitué à celui, erroné, du tribunal, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le dixième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi sinon de la fausse interprétation de la règle de droit et, in specie, des dispositions des articles 1131 et 1133 du Code civil qui disposent que ne peut avoir aucun effet. » (art. 1131 C.civ.) et contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. » (art. 1133 C.civ.), en ce que le jugement attaqué a confirmé le premier jugement n°2892/21 du répertoire fiscal rendu en date du 4 novembre 2021 par le juge de Paix de et à Luxembourg au motif que , alors que le caractère illicite ou immoral de la cause doit s’apprécier par rapport aux dispositions en vigueur au moment de la conclusion du contrat. ».

Réponse de la Cour La cause subjective du contrat réside dans le mobile déterminant, en l’absence duquel les parties ne se seraient pas engagées.

Le caractère illicite de la cause n’est pas circonscrit à la violation des lois en vigueur au moment de la conclusion du contrat, mais peut consister dans la volonté de contourner une loi future dont l’adoption est prévisible au moment de la conclusion du contrat.

Les juges d’appel, en retenant « Le tribunal renvoie pour les adopter à l’exposé exhaustif fait par le tribunal de première instance des moyens de plaidoiries présentés en première instance et qui sont restés identiques aux conclusions prises en degré d’appel.

Il en est de même des principes relatifs à la cause illicite ou immorale correctement exposés par la juridiction du premier degré.

C’est particulièrement à bon droit que le premier juge a retenu que même lorsqu’un contrat ne révèle aucune contrariété à l'ordre public et que son contenu est irréprochable, ledit contrat est susceptible d’encourir la nullité si le but poursuivi encourt ce grief en étant contraire à la loi ou aux bonnes mœurs. Toute convention ayant pour but une fraude à la loi ou à une loi future est nulle pour cause illicite.

(…) L’argumentation avancée par l’appelante, suivant laquelle au moment de la conclusion des contrats litigieux, la LOI n’aurait pas été en vigueur, ni même votée de sorte que lesdits contrats n’ont pas pu empêcher la bonne application de la LOI, est dépourvue de pertinence.

Contrairement à la position adoptée par l’appelante, le fait qu’au moment de la conclusion de l’ensemble des contrats par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE, la LOI n’a pas encore été en vigueur n’est, en effet, pas pertinent. Tel que relevé à juste titre par le premier juge, au moment de la conclusion entre les parties appelantes des différents contrats en mai 2017 et janvier 2018, le projet de suppression des fabriques d’église par la CONVENTION à entériner par la loi était connu comme en témoignent les stipulations contractuelles de la Convention de cession des droits et de mandat général. La manière d’agir en cas de suppression des fabriques d’église prévue à l’article 9 de la LOI est expressément envisagée notamment par les articles 11.2, respectivement 12 de ladite convention précitée. Par ailleurs, il est stipulé à l’article 10 de la convention de gestion financière que tout ayant droit ou successeur de la fabrique ou de la mense curiale devra respecter le présent contrat sous peine de verser une indemnité forfaitaire de 10% du montant de l’actif sous gestion financière le tout encore sous réserve de dommages et intérêts pour rupture abusive ou avant terme.

La conclusion des contrats litigieux a donc été effectuée en vue de contourner l’application de la loi à venir. », ont apprécié la licéité de la cause au moment de la conclusion du contrat et ont fait l’exacte application de la loi.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le onzième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi sinon de la fausse interprétation de la règle de droit et, in specie, des dispositions des articles 1131 et 1133 du Code civil et 1er du décret du 30 décembre 1809 qui disposent que ne peut avoir aucun effet. » (art. 1131 C.civ.), contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. » (art. 1133 C.civ.) et l'établissement, sont chargées de veiller à l'entretien et à la conservation des temples;

d'administrer les aumônes et les biens, rentes et perceptions autorisées par les lois et règlements, les sommes supplémentaires fournies par les communes, et généralement tous les fonds qui sont affectés à l'exercice du culte, enfin, d'assurer cet exercice, et le maintien de sa dignité, dans les églises auxquelles elles sont attachées, soit en réglant les dépenses qui y sont nécessaires, soit en assurant les moyens d'y pourvoir » (article 1er du décret du 30 décembre 1809), en ce que le jugement attaqué a confirmé le premier jugement n°2892/21 du répertoire fiscal rendu en date du 4 novembre 2021 par le juge de Paix de et à Luxembourg au motif que la conclusion des Contrats Litigieux, dont le but poursuivi conjointement par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE aurait été , alors que l’article 1er du décret du 30 décembre 1809 ne prohibe pas la conclusion de contrats causés par l’intention de déléguer à une autre entité la gestion de biens autres que les temples, les aumônes, et les biens, rentes et perceptions autorisées par les lois et règlements, les sommes supplémentaires fournies par les communes, et généralement tous les fonds qui sont affectés à l'exercice du culte. ».

Réponse de la Cour Il résulte de la réponse donnée au dixième moyen que le contrat encourt l’annulation pour cause illicite, sur base des articles 1131 et 1133 du Code civil, indépendamment des motifs repris au moyen relatifs au Décret de 1809 concernant les fabriques des églises, qui sont surabondants.

Il s’ensuit que le moyen est inopérant.

Sur le douzième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi sinon de la fausse interprétation de la règle de droit et, in specie, des dispositions de l’article 9 §1 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, ci-après , en ce que le jugement attaqué a confirmé le premier jugement n°2892/21 du répertoire fiscal rendu en date du 4 novembre 2021 par le juge de Paix de et à Luxembourg au motif que , alors que l’annulation des Contrats Litigieux porte atteinte à l’exercice par l’Association et par ses membres de leur liberté de religion. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir, par l’annulation des contrats litigieux, porté atteinte à sa liberté de religion garantie par la disposition visée au moyen.

Le moyen est nouveau et, en ce qu’il suppose l’examen des répercussions de l’annulation des contrats sur l’exercice de la liberté de religion de l’ASSOCIATION, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge du FONDS l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 10.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

la condamne à payer au FONDS DE GESTION DES EDIFICES RELIGIEUX ET AUTRES BIENS RELEVANT DU CULTE CATHOLIQUE une indemnité de procédure de 10.000 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation, avec distraction au profit de Maître Myriam PIERRAT, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Jeanne GUILLAUME en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Association sans but lucratif SAINTS-PIERRE ET PAUL HOLLERICH c/ 1.FONDS DE GESTION DES ÉDIFICES RELIGIEUX ET AUTRES BIENS RELEVANT DU CULTE CATHOLIQUE 2. FABRIQUE D’ÉGLISE DE LUXEMBOURG-HOLLERICH 3. ÉTAT DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG 4.Société à responsabilité limitée SOCIETE1.) 5.PERSONNE1.) en présence du Ministère public (affaire n° CAS-2023-00094 du registre) Sur la recevabilité du pourvoi ……………………………………………………………………………………. 24 Sur les faits ……………………………………………………………………………………………………………… 24 1.

Sur le cadre juridique ………………………………………………………………………………………… 24 1.1.

Les dispositions constitutionnelles en matière de cultes ………………………………….. 25 1.1.1.

Les dispositions en vigueur jusqu’à la réforme de la Constitution par les lois du 17 janvier 2023 …………………………………………………………………………………………………. 25 1.1.2.

Les dispositions de la Constitution révisée ………………………………………………. 26 1.2.

La législation régissant le culte catholique ……………………………………………………. 27 1.2.1.

Le Concordat de 1801 …………………………………………………………………………… 28 1.2.2.

Les articles organiques de la loi de l’an X ……………………………………………….. 30 1.2.3.

Le décret de 1809 …………………………………………………………………………………. 31 1.2.4.

La reconnaissance de l’évêché et sa constitution en personne morale de droit public 31 1.2.5.

La Convention du 31 octobre 1997 et sa transposition par la loi du 10 juillet 1998 32 1.2.6.

Les Conventions du 26 janvier 2015 et leur transposition par les lois du 17 mars 2006, 23 juillet 2006 et par celle de 2018 …………………………………………………………….. 34 1.2.7.

Conclusion : les rapports entre l’Etat et le culte catholique ………………………… 37 1.3.

Les Fabriques d’église et leur suppression par la loi de 2018 …………………………… 38 1.3.1.

Notion et origine des fabriques d’église sous l’Ancien droit ………………………. 38 1.3.2.

Suppression et spoliation au cours de la Révolution française ……………………. 39 1.3.3.

Nouvelle constitution des Fabriques d’église par les articles organiques de la loi de l’an X et le décret de 1809 ……………………………………………………………………………… 41 1.3.4.

Suppression des Fabriques d’église et transfert de leurs biens au Fonds par la seconde Convention du 26 janvier 2015 ………………………………………………………………. 46 2.

Sur le litige ayant donné lieu au pourvoi ………………………………………………………………. 50 3.

Sur les moyens de cassation ……………………………………………………………………………….. 53 3.1.

Sur le premier moyen de cassation ……………………………………………………………….. 53 3.2.

Sur le deuxième moyen de cassation …………………………………………………………….. 55 3.3.

Sur le troisième moyen de cassation …………………………………………………………….. 57 3.4.

Sur le quatrième moyen de cassation ……………………………………………………………. 59 3.4.1.

Sur la première branche du moyen ………………………………………………………….. 61 3.4.2.

Sur la deuxième branche du moyen ………………………………………………………… 63 3.4.3.

Sur troisième branche du moyen …………………………………………………………….. 64 3.5.

Sur le cinquième moyen de cassation …………………………………………………………… 65 3.6.

Sur le sixième moyen de cassation ……………………………………………………………….. 68 3.7.

Sur le septième moyen de cassation ……………………………………………………………… 75 3.8.

Sur le huitième moyen de cassation ……………………………………………………………… 79 3.9.

Sur le neuvième moyen de cassation …………………………………………………………….. 81 3.10. Sur le dixième moyen de cassation ………………………………………………………………. 85 3.11. Sur le onzième moyen de cassation ………………………………………………………………. 91 3.12. Sur le douzième moyen de cassation …………………………………………………………….. 93 Conclusion ………………………………………………………………………………………………………………. 95 Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 26 mai 2023, d’un mémoire en cassation, signifié le même jour aux défendeurs en cassation, est dirigé contre un jugement n° 2023TALCH14/00053 rendu contradictoirement en date du 22 mars 2023 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 14e chambre, siégeant en matière de bail à loyer.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1 et la forme2.

Il est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Il s’ensuit que le pourvoi est recevable.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, saisi par requête du FONDS DE GESTION DES ÉDIFICES RELIGIEUX ET AUTRES BIENS RELEVANT DU CULTE CATHOLIQUE (ci-après « le Fonds ») d’une demande en annulation, sinon en résolution de différents contrats de bail, de cession de bail et de sous-location, dirigée contre l’association sans but lucratif SAINTS PIERRE ET PAUL HOLLERICH (ci-après « l’Association »), le tribunal de paix de Luxembourg, après intervention de la FABRIQUE D’ÉGLISE DE LUXEMBOURG-

HOLLERICH (ci-après « la Fabrique d’église »), de l’ÉTAT DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG (ci-après « l’Etat »), la mise en intervention forcée aux fins de déclaration commun du jugement à intervenir par le Fonds de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) et de PERSONNE1.) et en présence du MINISTÉRE PUBLIC intervenu sur base de l’article 183 du Nouveau Code de procédure civile, après avoir saisi la Cour constitutionnelle, qui avait tranché différentes questions de constitutionnalité dans son arrêt n° 160 du 26 mars 2021, décidait de déclarer irrecevable l’intervention de la Fabrique d’église, d’annuler les contrats et de condamner l’Association au paiement de différents montants. Sur appel de l’Association et de la Fabrique d’église, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclara l’appel de cette dernière irrecevable, dit fondée la demande en augmentation des montants réclamés par le Fonds à l’Association et confirma le jugement entrepris pour le surplus.

1. Sur le cadre juridique Le pourvoi soulève des questions relatives à la législation en matière de cultes.

Le terme de « culte » désigne « l’ensemble des rites que constitue la manifestation publique d’une croyance »3. Il est dans le contexte de l’espèce « synonyme de « communauté religieuse » »4.

1 Il ne résulte pas des pièces auxquelles vous pouvez avoir égard que le jugement attaqué a été signifié à la demanderesse en cassation, de sorte que le délai imposé par l’article 7, alinéa 1 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation n’a pas commencé à courir, partant, n’a pas pu être méconnu.

2 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié aux défendeurs en cassation antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi précitée de 1885 ont été respectées.

3 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi du 13 février 2018 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, ainsi que sur l’interdiction du financement des cultes par les communes (Document parlementaire n° 7037-4, page 31, sous « Article 19 », cinquième alinéa).

4 Idem et loc.cit.

Le litige concerne la législation en matière de Fabriques d’église et la suppression de celles-ci par la loi du 13 février 2018 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, ainsi que sur l’interdiction du financement des cultes par les communes5 (ci-après « la loi de 2018 ») (1.3.), cette législation s’insérant dans celle régissant le culte catholique (1.2.), régie par les dispositions constitutionnelles applicables en la matière (1.1.).

1 . 1 . L e s d i s p o s i t i o n s c o n s t i t u t i o n n e l l e s e n m a t i è r e d e c u l t e s La Constitution ayant fait l’objet d’une révision profonde par quatre lois du 17 janvier 20236, il y a lieu de distinguer les dispositions en vigueur jusqu’à cette réforme (1.1.1.) de celles qui sont actuellement en vigueur dans la Constitution révisée (1.1.2.).

1.1.1.

Les dispositions en vigueur jusqu’à la réforme de la Constitution par les lois du 17 janvier 2023 La Constitution, ancienne, garantissait dans ses articles 19 et 20 la liberté de culte, ainsi que celle de ne pas être contrainte de l’exercer :

« Art. 19. La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés. ».

« Art. 20. Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte ni d’en observer les jours de repos. ».

Les articles 22 et 119 régissaient les rapports entre l’Etat et les cultes :

« Art. 22. L’intervention de l’Etat dans la nomination et l’installation des chefs des cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres, la faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Eglise avec l’Etat, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention. ».

« Art. 119. En attendant la conclusion des conventions prévues à l’article 22, les dispositions actuelles relatives aux cultes restent en vigueur. ».

L’article 106 disposait que les traitements et pensions des ministres des cultes sont à charge de l’Etat :

5 Mémorial, A, 2018, n° 142, du 26 février 2018.

6 La loi du 17 janvier 2023 portant révision du chapitre VI de la Constitution (Mémorial, A, 2023, n° 26 du 18 janvier 2023) ; celle de la même date portant révision des Chapitres Ier, II, III, V, VII, VIII, IX, X, XI et XEE de la Constitution (Mémorial, A, 2023, n° 27 du 18 janvier 2023) ; celle de la même date portant révision du chapitre II de la Constitution, dont la disposition pertinente en cause relative à la liberté des cultes, inscrite à l’article 19 de la loi en question et, suite aux modifications successives de la Constitution par les quatre lois, à l’article 24 de la Constitution révisée (Mémorial, A, 2023, n° 28 du 18 janvier 2023) ; et, enfin, celle de la même date portant révision des chapitres IV et Vbis de la Constitution (Mémorial, A, 2023, n° 29 du 18 janvier 2023).

« Art. 106. Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à charge de l’Etat et réglés par la loi. ».

1.1.2.

Les dispositions de la Constitution révisée Dans le cadre de la proposition de révision 6030 portant instauration d’une nouvelle Constitution, il a été envisagé de modifier ces dispositions.

La Proposition initiale prévoyait le maintien des dispositions actuelles, sous réserve de l’article 119, qu’il était prévu d’abandonner7.

La Chambre des députés adopta le 7 juin 2011 une motion, soutenue par 39 des 60 députés, invitant notamment le Gouvernement à continuer la voie du conventionnement des communautés religieuses et à instituer un groupe de réflexion chargé de réfléchir sur l’évolution future des relations entre les pouvoirs publics et les communautés religieuses8. Ce groupe présenta son rapport final le 3 octobre 20129. Toutefois, « aucune vision consensuelle sur le futur cadre des relations entre l’Etat et les communautés religieuses n’a pu être dégagée parmi les groupes et sensibilités politiques de la Chambre des députés »10.

A la suite du changement de majorité gouvernementale consécutif aux élections législatives du 20 octobre 2013, trois députés de cette nouvelle majorité déposèrent en novembre 2014 une proposition de loi portant organisation d’un référendum national sur différentes questions en relation avec l’élaboration d’une nouvelle Constitution, parmi lesquelles figura une question 4) : « Approuvez-vous l’idée que l’Etat n’ait plus l’obligation de prendre en charge les traitements et pensions des ministres des cultes reconnus ? »11.

Parallèlement le Gouvernement mena des négociations avec les cultes qui avaient pour objet le financement futur de ces derniers, ainsi que, s’agissant du culte catholique, le sort futur des Fabriques d’église. Ces négociations eurent pour résultat la conclusion de Conventions avec les cultes reconnus, dont, s’agissant du culte catholique, une Convention du 26 janvier 2015 relative aux modalités futures de financement de ce culte, transposée par une loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique12, et une seconde Convention de la même date, relative au sort des Fabriques d’église, transposée notamment par la loi de 2018 (ci-après « la seconde Convention du 26 janvier 2015 »).

Eu égard à cet accord trouvé entre l’Etat et les cultes, dont notamment le culte catholique, la Chambre des députés adopta le 21 janvier 2015, avec une majorité de 55 députés sur 60, une résolution décidant de ne pas reprendre l’article 106 actuel de la Constitution dans le corps du texte de la proposition de révision 6030, d’insérer un article nouveau dans le corps du projet de 7 Document parlementaire n° 6030-27, pages 83, 84 et 116 (articles 19, 22, 119 et 106 de la colonne de gauche du tableau synoptique).

8 Idem, page 34, troisième alinéa et le texte de la motion, publié sur le site internet de la Chambre des députés.

9 Idem et loc.cit.

10 Idem et loc.cit.

11 Proposition de loi 6738 (Document parlementaire n° 6738, page 2, question 4).

12 Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2514, la Convention relative au financement futur du culte catholique y étant annexée.

révision faisant état de la neutralité de l’Etat en matière religieuse et idéologique ainsi que de son impartialité en vertu de la séparation de l’Etat et des communautés religieuses et de retirer la question 4) de la proposition de loi portant organisation d’un référendum national13.

La Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des députés décida finalement de retenir que les relations futures de l’Etat avec les cultes seraient régies par trois principes :

« - les églises et les communautés religieuses sont séparées de l’Etat, - les relations entre les premières et l’Etat seront réglées par la loi, - la loi peut également tracer les contours des conventions à conclure entre l’Etat et les églises et communautés religieuses »14.

Les textes nouveaux adoptés sont libellés comme suit :

« Art. 24. La liberté de manifester ses convictions philosophiques ou religieuses, celle d’adhérer ou de ne pas adhérer à une religion sont garanties, hormis les infractions commises à l’occasion de l’exercice de ces libertés.

La liberté des cultes et celle de leur exercice sont garanties, hormis les infractions commises à l’occasion de l’exercice de ces libertés.

Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte ni d’en observer les jours de repos. » « Art. 120. Les églises et les communautés religieuses sont séparées de l’État.

La loi règle les relations entre l’État et les églises et communautés religieuses.

Dans les limites et formes déterminées par la loi, des conventions à approuver par la Chambre des Députés peuvent préciser les relations entre l’État et les églises et communautés religieuses. ».

Enfin, l’article 106 ancien a été abrogé : « le texte, qui supprime l’obligation de prendre en charge les traitements et pensions des ministres des cultes, relègue à une loi le soin de régler les relations entre l’Etat et les communautés religieuses »15.

1 . 2 . L a l é g i s l a t i o n r é g i s s a n t l e c u l t e c a t h o l i q u e La législation relative au culte catholique a été jusqu’à la loi de 2018 marquée par des dispositions remontant à l’époque de la Révolution française et du Premier Empire.

13 Document parlementaire n° 6738-2, page 4, premier alinéa, et le texte de la résolution, publié sur le site internet de la Chambre des députés. Voir également : Document parlementaire n° 6030-27, page 24, septième et huitième alinéa.

14 Document parlementaire n° 6030-27, page 34, dernier alinéa avant le Chapitre 9.

15 Idem, page 59, sous « Article 116 », dernier alinéa, première phrase.

1.2.1.

Le Concordat de 1801 De 1795 à 1814, le Luxembourg a été rattaché à la France16. La forteresse de Luxembourg capitula le 7 juin 1795 devant les troupes françaises17. Par le décret du 9 vendémiaire de l’an IV (1er octobre 1795) le duché de Luxembourg fut incorporé à la France, en même temps que les Pays-Bas et le Belgique, et il reçut le nom de Département des Forêts18. Depuis cette annexion, le Luxembourg partagea le sort politique et religieux de la France19. Les lois révolutionnaires y furent publiées et appliquées, notamment par un arrêté des commissaires du gouvernement à Bruxelles du 29 frimaire an IV (20 décembre 1795)20.

Les rapports entre l’Eglise catholique et la France furent réglementés par une Convention, dite Concordat, du 26 messidor an IX (15 juillet 1801) entre le Gouvernement français et le pape Pie VII21. Le Concordat dispose dans son préambule que le Gouvernement français «reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français ». Il ne reconnaît donc celle-ci pas comme religion d’Etat22. Il garantit que cette religion pourra être « librement exercée en France : son culte est public, en se conformant aux règlements de police que le Gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique »23. Le Concordat prévoit que toutes les églises non aliénées à la suite des spoliations de la Révolution française, nécessaires au culte, sont remises à la disposition des évêques24. Le Pape garantit que le Saint-Siège ne troublera pas les acquéreurs de biens ecclésiastiques aliénés25. En contrepartie de cette renonciation à la propriété de ces biens26, le Gouvernement s’engage à assurer un traitement convenable aux évêques et aux curés27. En substance, « à l’époque, l’Etat français s’était estimé obligé d’indemniser en quelque sorte le clergé des biens dont il l’avait spolié [au cours de la Révolution française] »28.

Le Concordat est en général considéré comme un traité international29, même si d’autres qualifications ont été proposées30.

16 Alexis PAULY, Le régime constitutionnel des cultes au Luxembourg, in : Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de l’Union européenne, Paris, LITEC, 1995, pages 191 à 202, voir page 192. Après avoir joui d’une large autonomie sous le Saint-Empire Romain de nation germanique, le Luxembourg perdit celle-ci en 1443 au profit de la Bourgogne, puis de 1506 à 1684 au profit de l’Espagne, puis de la France, de 1684 à 1714, et enfin de l’Autriche, de 1714 à 1795 (idem, pages 191-192).

17 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, Luxembourg, Saint Paul, 1926, page 27, troisième alinéa.

18 Idem et loc.cit.

19 Idem et loc.cit.

20 Idem, même page, quatrième alinéa.

21 Bulletin des lois de la République française n° 1344. Le Concordat est publié ensemble avec la loi de l’an X.

22 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 32, troisième alinéa.

23 Article 1er.

24 Article XII.

25 Article XIII.

26 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 32, quatrième alinéa 27 Article XIV.

28 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 6869, ayant donné lieu à la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869-2, page 3, dernier alinéa).

29 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 15, cinquième et sixième alinéa, citant l’Exposé des motifs présenté à l’occasion du Concordat de 1801 par PORTALIS au Corps législatif.

30 Paul EYSCHEN, Das Staatsrecht des Großherzogtums Luxemburg, Tübingen, Mohr, 1910, page 198, deuxième alinéa. L’auteur énonce, sans prendre position, que le Concordat est susceptible d‘être qualifé d’acte émis en vertu Une question controversée est celle du maintien en vigueur du Concordat à la suite de la Révolution belge de 1830 :

« La question de savoir si c’était le concordat de 1801 conclu entre Napoléon Bonaparte et le Saint-Siège ou l’acquis de la Révolution belge – l’article 16 de la Constitution belge met fin au concordat en tant que convention entre deux parties contractantes – qui demeurait applicable, n’a jamais été véritablement résolue, ni par la Constitution, ni par la Chambre des Députés, au cours de nombreux débats, ni par les tribunaux luxembourgeois. »31.

En effet, la Constitution belge du 7 février 1831 a, du moins suivant l’opinion majoritaire32, mis fin au régime concordataire33. Il est controversé si elle s’est appliquée au Grand-Duché de Luxembourg. Suite à la chute de Napoléon Bonaparte, le Congrès de Vienne avait élevé l’ancien duché de Luxembourg au rang de Grand-Duché et attribué au roi des Pays-Bas, Guillaume Ier, en compensation de la cession à la Prusse de possessions patrimoniales en Allemagne34. Si l’article 67 de l’Acte final du traité de Vienne avait érigé le Grand-Duché en Etat autonome, uni seulement au Royaume des Pays-Bas par la communauté du souverain, la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815 fut néanmoins étendue au Luxembourg, comme dix-huitième province35. Un arrêté royal n° 28 de Guillaume Ier du 10 mai 1816 confirma le Concordat36. A la suite de la Révolution belge, du 26 août 1830, la situation du Grand-Duché était compliquée :

la capitale, contrôlée par une garnison prussienne, et les villages voisins restaient fidèles au souverain néerlandais, tandis que le reste du pays faisait partie intégrante de la Belgique37.

Les Constituants de 1848, qui adoptèrent notamment les dispositions qui figuraient dans la Constitution avant sa révision, comme articles 22 et 119, étaient persuadés de la survivance du Concordat38 :

« Les droits établis par les concordats existent-ils encore pour nous ? Il n’y a là-dessus, selon l’orateur, aucun doute ; car, la Constitution belge, qui a aboli les droits établis par les concordats, n’a jamais été en vigueur dans la ville de Luxembourg, résidence du chef de l’Eglise dans le Grand-Duché. Les concordats n’ont donc jamais été révoqués ni modifiés chez nous, depuis 1827. »39.

d’une prérogative de la curie romaine, de loi, de traité international ou d’acte de nature sui generis, à caractère de droit public, et à considérer du point de vue de l’Etat comme loi.

31 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique (Document parlementaire n° 4374-6, page 4, sous 3 a), premier alinéa).

32 Voir, pour une lecture différente, considérant que la Constitution belge de 1831 n’a pas mis fin au Concordat :

Le Conseil d’Etat, gardien de la Constitution et des Droits et Libertés fondamentaux, Luxembourg 2006, Article 119, page 407, deuxième alinéa.

33 Répertoire pratique du droit belge, V° Cultes, Tome III, Bruxelles, Bruylant, 1949, n° 81.

34 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 36, premier alinéa.

35 Idem, même page, deuxième alinéa.

36 Idem et loc.cit. et Exposé des motifs du projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037, page 3, quatrième alinéa).

37 Idem, page 39, dernier alinéa.

38 Le Conseil d’Etat, gardien de la Constitution et des Droits et Libertés fondamentaux, précité, Article 119, page 407, troisième alinéa.

39 Déclaration du député Vendelin JURION citée dans : La Constitution de 1848, ses travaux préparatoires, Luxembourg, Imprimerie Bück, 1894, page 113, dernier alinéa.

En tout état de cause, le Concordat « n’a jamais été aboli expressément »40.

Quoiqu’il en soit « la question présente très peu d’intérêt pratique [car] les quelques lambeaux de la législation concordataire qu’on pourrait continuer à invoquer sont de peu d’importance »41. Il en suit que « l’opinion la plus générales admise (Paul Eyschen à la tribune de la Chambre des Députés, le 1er avril 1873 ou Nic Majerus, « la situation légale de l’Eglise catholique ») est que la plupart des articles du concordat ont bien été abolis et que seules quelques rares dispositions peuvent être considérées comme subsistant à l’heure actuelle, dont notamment le décret du 30 décembre 1809 sur les fabriques d’église »42.

Le Concordat de 1801 a été complété par un Concordat du 18 juin 1827 conclu entre le roi Guillaume I et le pape Léon XII43, qui n’a jamais été exécuté44 et dont l’objet se limitait à étendre le concordat de 1801, applicable jusqu’alors dans les provinces méridionales du royaume (l’actuelle Belgique et l’actuel Grand-Duché de Luxembourg) aux provinces septentrionales (les Pays-Bas actuels)45.

1.2.2.

Les articles organiques de la loi de l’an X Le Concordat de 1801 a été publié dans le cadre de la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802).

Celle-ci y ajouta des dispositions, dites articles organiques. Tandis que le Concordat ne comporte que 17 articles, les articles organiques comprennent 77 articles consacrés à l’Eglise catholique, auxquels s’ajoutent 44 articles relatifs aux cultes protestants.

Parmi les articles organiques consacrés à l’Eglise catholique figure l’article 76, qui prévoit la création des Fabriques d’église.

Si l’objet des articles organiques était « d’interpréter et de régler l’exécution du Concordat »46, leur portée a été sévèrement critiquée par des auteurs proches de l’Eglise :

40 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique (Document parlementaire n° 4374-6, page 4, sous 3 a), deuxième alinéa).

41 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 57, premier alinéa.

42 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique (Document parlementaire n° 4374-6, page 4, sous 3 a), troisième alinéa).

43 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 38, troisième alinéa.

44 Idem, page 39, deuxième alinéa; Paul EYSCHEN, Das Staatsrecht des Großherzogtums Luxemburg, précité, page 196, deuxième alinéa.

45 Exposé des motifs du projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037, page 3, quatrième alinéa, note de bas de page 1).

46 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 32, antépénultième alinéa.

« Reprenant par la force ce qu’il n’avait pas pu obtenir lors des négociations, [Napoléon Bonaparte] organisa la suprématie de l’Etat sur l’Eglise, conformément à ses tendances despotiques »47.

Le pape protesta contre les articles organiques, qui ne furent jamais reconnus par l’Eglise48.

« Les négociations sur le règlement de toutes les questions relatives au culte catholique menées au XIXe siècle, y compris la question de la création d’un évêché, ont précisément échoué en raison de la condition posée par le Saint-Siège que les articles organiques […] soient considérés comme sans valeur »49.

Ces articles organiques, même s’ils ont été adoptés à l’occasion du Concordat de 1801, ne sont donc, contrairement à ce dernier, pas à considérer comme ayant la qualité d’un traité international, mais seulement comme ayant celle d’une loi50.

1.2.3.

Le décret de 1809 Le Concordat de 1801 ne se réfère pas aux Fabriques d’église51. Cette institution n’est mentionnée que par l’article 76 de la loi de l’an X. Faisant partie des articles organiques, qui n’ont jamais été reconnus par le Saint-Siège, il relève d’une loi, donc ne participe pas à la nature de traité international généralement reconnu au Concordat.

Le régime juridique des Fabriques d’église sera finalement défini, sur base de l’article 76 de la loi de l’an X, par le décret impérial du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises (ci-après « le décret de 1809 »).

Il sera évoqué ci-après, sous 1.3.3.

1.2.4.

La reconnaissance de l’évêché et sa constitution en personne morale de droit public Par une loi du 30 avril 1873, le Gouvernement a été autorisé à consentir à l’érection du Grand-

Duché en évêché, à condition notamment que le siège épiscopal soit occupé par un Luxembourgeois et que la nomination soit agréée par le Gouvernement52.

Cette loi a confirmé ex post une création qui n’avait pas été convenue par le Saint-Siège avec les autorités civiles :

« La création de l’évêché de Luxembourg fut décidée unilatéralement par le Vatican.

Le pape Pie IX, dans le consistoire du 28 juin 1870, érigea le Vicariat apostolique en 47 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

48 Idem, page 33, deuxième alinéa.

49 Le Conseil d’Etat, gardien de la Constitution et des Droits et Libertés fondamentaux, précité, Article 119, page 407, dernier alinéa.

50 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 32, dernier alinéa.

51 Rapport de la Commission des affaires intérieures sur le projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037-10, page 2, sous II, premier alinéa).

52 Mémorial, 1873, n° 14, page 209.

évêché. Il confirma cette décision par bref apostolique du 27 septembre 1870, sans avoir préalablement consulté les autorités civiles luxembourgeoises. L’évêché fut reconnu par la loi du 30 avril 1873. Un arrêté royal grand-ducal du 23 juin 1873 porte reconnaissance de l’évêché de Luxembourg. »53.

La loi « ne modifie pas fondamentalement les relations entre l’Eglise et l’Etat »54 dès lors qu’elle dispose « qu’aucun changement ne sera apporté aux rapports existants entre l’autorité civile et l’autorité ecclésiastique, et que leurs droits et leurs obligations continuent à être réglés par les dispositions en vigueur »55. « La principale conséquence de ce principe était le refus de reconnaître la personnalité juridique à l’évêché »56.

Cette personnalité juridique sera finalement reconnue par une loi du 30 avril 1981, qui dispose que « l’évêché de Luxembourg constitue une personne juridique de droit public »57.

Cette loi a été maintenue par la législation postérieure58.

Tant la reconnaissance de l’évêché, devenu Archevêché, que la reconnaissance de sa personnalité juridique de droit public, ont eu lieu de façon unilatérale par l’Etat, en dehors de toute Convention au titre de l’article 22 de la Constitution conclue entre l’Etat et l’Eglise59.

1.2.5.

La Convention du 31 octobre 1997 et sa transposition par la loi du 10 juillet 1998 Pour la première fois depuis le Concordat de 1801 et pour la première fois sous l’empire de l’article 22 de la Constitution, l’Etat a conclu le 31 octobre 1997 une Convention avec l’Eglise catholique60. Celle-ci a été conclue avec l’Archevêché, bénéficiant depuis la loi précitée de 1981 de la personnalité morale de droit public. Elle avait pour objet la refixation des cadres du culte catholique en précisant que ce dernier s’exerce sous l’autorité de l’Archevêque61, que l’archidiocèse de Luxembourg est subdivisé en régions pastorales, doyennés et paroisses62, que 53 Rapport de la Commission spéciale de la Chambre des députés sur le projet de loi 2468, ayant donné lieu à la loi du 30 avril 1981 conférant la personnalité juridique à l’évêché de Luxembourg (Document parlementaire n° 2468-1, page 3, sous 2),, premier et deuxième alinéas.

54 Idem, même page, sous 2), troisième alinéa).

55 Article 1er, sous 1°, de la loi.

56 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique (Document parlementaire n° 4374-6, page 5, troisième alinéa).

57 Loi du 30 avril 1981 conférant la personnalité juridique à l’évêché de Luxembourg (Mémorial, A, 1981, n° 28, page 692), article 1er.

58 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sur le projet de loi 6869, ayant donné lieu à la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869-5, page 4, sous III, premier alinéa).

59 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique (Document parlementaire n° 4374-6, page 5, troisième alinéa).

60 La Convention est publiée au Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1322.

61 Article 1er de la Convention.

62 Artiche 2 de la Convention.

l’Archevêque organise la formation des ministres du culte et nomme et révoque ces derniers63, et en énumérant les postes qu’il est autorisé à pourvoir et dont les traitements et pensions incombent à l’Etat sur base de l’article 106 de la Constitution64.

Cette Convention a été approuvée par une loi du 10 juillet 199865, qui procède notamment à l’abrogation de la plupart des articles organiques contenus dans la loi de l’an X, sous réserve notamment de l’article 76 relatif aux Fabriques d’église66.

Cette Convention s’inscrit dans un vaste mouvement de Conventions similaires conclues, entre 1982 et 2004, avec les autres cultes reconnus, à savoir :

- une Convention conclue le 15 juin 1982 avec l’Eglise protestante réformée du Luxembourg, transposée par une loi du 23 novembre 198267, - une Convention du 31 octobre 1997 avec les Communautés israélites du Luxembourg, transposée par une loi du 10 juillet 199868, - une Convention du 31 octobre 1997 avec l’Eglise protestante du Luxembourg, transposée par une loi du 10 juillet 199869, - une Convention du 31 octobre 1997 avec l’Eglise orthodoxe hellénique du Luxembourg, transposée par une loi du 10 juillet 199870, - une Convention du 27 janvier 2003 avec l’Eglise anglicane du Luxembourg, transposée par une loi du 11 juin 200471 et - une Convention du 27 janvier 2003 avec les Eglises orthodoxes roumaine et serbe du Luxembourg, transposée par une loi du 11 juin 200472.

63 Article 3 de la Convention.

64 Idem et loc.cit.

65 Loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique et réglant certaines matières connexes (Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1318).

66 Article 13 de la loi précitée.

67 Loi du 23 novembre 1982 portant approbation de la Convention de reconnaissance de l’Eglise Protestante Réformée du Luxembourg, octroi de la personnalité juridique à celle-ci et détermination des fonctions et emplois rémunérés par l’Etat (Mémorial, A, 1982, n° 96, page 1993).

68 Loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et les communautés israélites du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1324).

69 Loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise Protestante du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1327).

70 Loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise Orthodoxe Hellénique du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1333).

71 Loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte de l’Eglise Anglicane du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public à ladite Eglise (Mémorial, A, 2004, n° 99, page 1608).

72 Loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte des Eglises Orthodoxes Roumaine et Serbe du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public auxdites Eglises (Mémorial, A, 2004, n° 99, page 1609).

1.2.6.

Les Conventions du 26 janvier 2015 et leur transposition par les lois du 17 mars 2006, 23 juillet 2006 et par celle de 2018 Dans le contexte décrit ci-avant, sous 1.1.2., le nouveau Gouvernement, issu des élections du 20 octobre 2013, considérant « que les réalités sociétales requièrent une redéfinition des relations actuelles entre l’Etat et les cultes [et qu’il y a lieu d’affirmer] le principe du respect de la liberté de pensée, de la neutralité de l’Etat à l’égard de toutes les confessions religieuses et de l’autodétermination des citoyens »73, décida de « dénoncer les conventions existantes pour entamer des négociations avec les cultes, lancer une discussion sur leur financement et redéfinir leurs relations avec les communes »74. Ces négociations eurent lieu alors que, comme rappelé ci-avant, une proposition de loi soutenue par la majorité parlementaire avait préconisé la tenue d’un référendum sur l’opportunité du maintien du financement des cultes par l’Etat.

Les négociations aboutirent, en date du 26 janvier 2015, à la conclusion de Conventions avec tous les cultes reconnus dans lesquelles ceux-ci acceptèrent de voir remplacer le système jusqu’alors en vigueur, du paiement direct des traitements et pensions des ministres du culte par l’Etat, par l’attribution d’une subvention globale annuelle, dont le montant était, dans un souci de « désengagement financier progressif de l’Etat »75, sensiblement inférieur à celui qui avait été payé jusqu’à ce moment, sous réserve du maintien du statut des ministres du culte engagés avant l’entrée en vigueur de la loi de transposition de la Convention. Il était ainsi envisagé, s’agissant de l’Eglise catholique, de réduire à terme le montant global du financement public annuel d’environ 24 millions d’euros par année, payés à l’époque de la conclusion de la Convention, à environ 8 millions d’euros par année76.

Le Gouvernement négocia une seconde Convention avec l’Eglise catholique, également signée le 26 janvier 2015, visant à réformer la législation des Fabriques d’église et à supprimer le financement communal de ces Fabriques.

Eu égard à la conclusion de ces Conventions, le législateur renonça au référendum évoqué ci-

avant77.

Ces Conventions, transposées par des lois du 23 juillet 2016, ont été conclues, outre avec l’Eglise catholique, avec :

- le Consistoire israélite78, 73 Exposé des motifs du projet de loi 6869, ayant donné lieu à la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869, page 3, sous « Le réaménagement des relations entre l’Etat et les Communautés religieuses », premier alinéa).

74 Idem et loc.cit.

75 Exposé des motifs de la Convention du 26 janvier 2015 entre l’Etat et l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869, page 11, sous « 3. Caractéristiques des conventions de 2015 », premier alinéa).

76 Idem, page 13, deuxième alinéa.

77 Document parlementaire n° 6738-2, page 4, premier alinéa, et le texte de la résolution, publié sur le site internet de la Chambre des députés. Voir également : Document parlementaire n° 6030-27, page 24, septième et huitième alinéa.

78 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à la communauté israélite du Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte israélite, conférant la personnalité juridique au Consistoire israélite et portant abrogation de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et les communautés israélites du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2517).

- les Eglises orthodoxes hellénique, roumaine, serbe et russe du Luxembourg79, - l’Eglise protestante du Luxembourg et l’Eglise protestante réformée du Luxembourg80, - l’Eglise anglicane du Luxembourg81 et - la Communauté musulmane du Luxembourg82.

L’Eglise catholique fit, comme rappelé ci-avant, l’objet de deux Conventions.

1.2.6.1.

La première Convention, relative au cadre futur du culte catholique Une première Convention remplaça, comme évoqué, le paiement direct des traitements et pensions des ministres du culte par un système de subvention globale annuelle, sous réserve du maintien du statut des ministres du culte engagés avant l’entrée en vigueur de la loi de transposition, du 23 juillet 201683.

Celle-ci retint, conformément à la Convention, les principes suivants :

- l’octroi d’un soutien financier annuel, remplaçant le paiement direct par l’Etat des traitements et pensions des ministres du culte, d’un montant ne représentant plus que le tiers du montant payé jusqu’à ce moment84, 79 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise orthodoxe au Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte orthodoxe, conférant la personnalité juridique aux églises orthodoxes et portant abrogation de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise orthodoxe hellénique du Luxembourg, d’autre part et de la loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte des Eglises Orthodoxes Roumaine et Serbe du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public auxdites Eglises (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2520).

80 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise protestante du Luxembourg et à l’Eglise protestante reformée du Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte protestant, conférant la personnalité juridique aux Eglises protestantes et portant abrogation de la loi du 23 novembre 1982 portant approbation de la Convention de reconnaissance de l’Eglise Protestante Réformée du Luxembourg, octroi de la personnalité juridique à celle-ci et détermination des fonctions et emplois rémunérés par l’Etat et de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise Protestante du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 20016, n° 147, page 2523), 81 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise anglicane du Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte anglican, conférant la personnalité juridique à ladite Eglise et portant abrogation de la loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte de l’Eglise Anglicane du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public à ladite Eglise (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2529).

82 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à la Communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte musulman et conférant la personnalité juridique à l’Assemblée de la Communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2526).

83 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2514).

84 Article 1er de la loi. Exposé des motifs de la Convention du 26 janvier 2015 entre l’Etat et l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869, page 13, deuxième alinéa).

- l’octroi d’une exemption fiscale de toute mutation immobilière en faveur de l’Archevêché dans l’intérêt de l’exercice du culte85, - le maintien de l’assimilation quant aux régimes des traitements et des pensions des ministres du culte engagés avant l’entrée en vigueur de la loi à des fonctionnaires de l’Etat86 et - l’abrogation des obligations de l’Archevêque de prêter serment et d’être agréé par le Gouvernement et de la condition que le siège épiscopal doit être occupé par un Luxembourgeois, imposées par la loi du 30 avril 187387.

1.2.6.2.

La seconde Convention, relative aux fabriques d’église et la création d’un Fonds Une seconde Convention, qui était spécifique à l’Eglise catholique, concerne les Fabriques d’église. Il suffit à ce stade de se limiter à évoquer brièvement son objet et sa transposition.

1.2.6.2.1.

Objet de la Convention Cette seconde Convention du 26 janvier 2015 entre l’Etat et l’Eglise catholique, qui, contrairement aux autres Conventions, n’a pas été publiée88, a eu pour objet de confier l’administration des biens du culte catholique à un nouvel organe, à savoir le Fonds, de supprimer les Fabriques d’église, de transférer les patrimoines des secondes au premier et de mettre un terme au financement communal des cultes.

1.2.6.2.2.

Transposition de la Convention : Lois de 2016 et de 2018 Cette Convention a été transposée par deux lois successives.

1.2.6.2.2.1.

La loi du 17 mars 2016 Dans l’attente d’une loi de transposition de la Convention qui créerait le Fonds et supprimerait les Fabriques d’église, le Gouvernement voulut immédiatement mettre un terme au financement communal des Fabriques d’église89. Il proposa donc, dans l’attente de la suppression de celles-

ci, de modifier le décret de 1809, qui les régissait, et d’abroger l’obligation y imposée aux communes de suppléer l’insuffisance des revenus des Fabriques d’église ainsi que celle de mettre à disposition du curé un presbytère, sinon un logement, sinon une indemnité pécuniaire90.

85 Article 4 de la loi.

86 Article 9 de la loi.

87 Article 7 de la loi.

88 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037-4, page 2, dernier alinéa).

89 Exposé des motifs du projet de loi 6824, ayant donné lieu à la loi du 17 mars 2016 modifiant le décret du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises (Document parlementaire n° 6824, page 2).

90 Article 92, sous 1° et 2°, du décret de 1809.

Cette réforme anticipée partielle a été mise en œuvre par une loi du 17 mars 201691.

1.2.6.2.2.2.

La loi de 2018 L’objet principal de la Convention, à savoir la suppression des Fabriques d’église, partant également du décret de 1809, encore modifié en 2016, la création du Fonds et le transfert des patrimoines des premières au second, a été transposé par la loi de 2018.

1.2.7.

Conclusion : les rapports entre l’Etat et le culte catholique Le changement des rapports entre l’Etat et le culte catholique par suite de la transposition des Conventions du 26 janvier 2015 n’a pas été si radical et profond qu’il ne pourrait paraître à première vue.

1.2.7.1.

La situation antérieure à la transposition des Conventions du 26 janvier 2015 La situation ancienne était caractérisée par un régime d’indépendance réciproque de l’Eglise et de l’Etat, combiné avec un devoir d’aide et de protection, caractérisé notamment par l’article 106 de la Constitution92 :

« De façon générale, les rapports entre l’Etat et les cultes sont marqués par le régime de l’indépendance réciproque et de la « liberté protégée », dans lequel le pouvoir civil doit aux cultes dont il reconnaît l’utilité sociale, non seulement la liberté, mais encore aide et protection »93.

1.2.7.2.

La situation postérieure à la transposition des Conventions du 26 janvier 2015 Les Conventions de 2015, sont « marquées par :

- la négociation des termes des relations entre les deux partenaires ;

- la délimitation claire des domaines respectifs ;

- l’indépendance et la neutralité réciproques ;

- l’autonomie des organisations cultuelles ;

91 Loi du 17 mars 2016 modifiant le décret du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises (Mémorial, A, 2016, n° 42, page 866).

92 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 59, dernier alinéa.

93 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique (Document parlementaire n° 4374-6, page 4, sous 2, second alinéa).

- le principe d’une participation financière de l’Etat aux activités des organisations cultuelles […]94».

Les termes des rapports n’ont donc pas profondément changé. Certes l’indépendance des cultes s’est renforcée et l’aide étatique a été réduite, il est vrai, de façon considérable, l’aide communale ayant même été interdite, sauf exceptions limitativement énoncées. Cette réduction du soutien financer a été réalisée tant bien même que l’article 106 de la Constitution restait jusqu’à la révision de 2023 en vigueur. Si de ce point de vue le principe de la séparation entre l’Etat et les églises s’est accentué95, il reste que le législateur a pris soin de compléter ce principe par celui d’une coopération entre l’Etat et les églises, que le législateur ne remet pas en cause :

« La neutralité de l’Etat en matière religieuse […] n’exclut pas la coopération entre les pouvoirs publics et les communautés cultuelles, étant donné qu’elles continuent à occuper une place dans la sphère publique »96.

1 . 3 . L e s F a b r i q u e s d ’ é g l i s e e t l e u r s u p p r e s s i o n p a r l a l o i d e 2 0 1 8 Les Fabriques d’église sont au cœur du litige ayant donné lieu au pourvoi. Il importe d’en saisir la notion et les origines de cette institution (1.3.1.), d’évoquer leur suppression sous la Révolution française (1.3.2.), leur recréation sous Napoléon Bonaparte (1.3.3.), avant d’évoquer leur suppression par la loi de 2018 (1.3.4.).

1.3.1.

Notion et origine des fabriques d’église sous l’Ancien droit La Fabrique d’église désignait au départ la construction de l’église et les travaux à y effectuer, puis le bâtiment lui-même, puis les biens et revenus affectés à la réparation des églises et aux besoins du culte et enfin les administrateurs chargés du temporel du culte dans une église déterminée97. Le terme « fabrique » aurait l’origine suivante : « Le pape Simplicius, successeur de saint Hilaire, élu le 20 septembre de l’an 467, écrivit à plusieurs évêques que le dernier quart (des biens de l’Eglise) devait être employé ecclesiasticis fabricis, d’où il paraît qu’est venu le terme fabrique tel qu’on l’emploie aujourd’hui »98.

La notion est susceptible de se définir comme suit :

« On appelle fabrique d’église l’être moral représenté par un corps d’administrateurs qui gèrent les affaires temporelles relatives à l’exercice du culte dans les églises catholiques. Les fabriques sont des personnes civiles, capables de droits et d’obligations qui reçoivent, possèdent et administrent conformément aux dispositions de la loi. »99.

94 Exposé des motifs du projet de loi 6869, ayant donné lieu à la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869, page 6, troisième alinéa).

95 Exposé des motifs de la Convention du 26 janvier 2015 ayant donné lieu à la loi précitée du 23 juillet 2016 (Document parlementaire n° 6869, page 11, point 2.3.).

96 Exposé des motifs du projet de loi 6869, ayant donné lieu à la loi précitée du 23 juillet 2016 (Document parlementaire n° 6869, page 4, dernier alinéa).

97 Nicolas MAJERUS, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, Luxembourg, Saint-Paul, 1937, n° 173, pages 154-155.

98 Pandectes françaises, V° Fabriques d’église, Tome 31, Paris, Plon, 1899, n° 28.

99 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, Bruxelles, Larcier, Tome 42, 1892, n° 49.

« Les fabriques existèrent, en quelque sorte, depuis le temps où l’église fut reconnue comme capable de posséder des biens destinés à l’entretien de ses ministres et à l’exercice du culte »100.

A partir « […] du quatorzième siècle, les conciles engagent l’autorité ecclésiastique à s’adjoindre des administrateurs laïques »101. « Il faut arriver au seizième siècle, pour trouver les bases d’une réglementation proprement dite »102. « Le plus ancien règlement connu [en France] est celui de la paroisse de Saint-Germain-L’auxerrois, à Paris, qui fut homologué par arrêt du Parlement du 18 avril 1562 »103. Vers la fin du XVIe siècle, la Fabrique d’église, là où elle existait, « formait dans la paroisse une entité de droit et possédait déjà un statut spécial »104. « Plus tard les fabriques cherchèrent à se soustraire au curé et à l’autorité diocésaine comme au pouvoir civil. Surtout aux temps du Gallicanisme ces efforts se multiplièrent. Mais les conciles provinciaux s’élevèrent contre ces tendances et s’efforcèrent de maintenir intacts les droits de l’Eglise sur l’administration de ses biens. Le concile de Trente […] affirma de nouveau le caractère ecclésiastique des fabriques et le droit de contrôle de l’autorité diocésaine. »105.

1.3.2.

Suppression et spoliation au cours de la Révolution française La Révolution française opéra la spoliation des biens gérés par les Fabriques d’église d’ancien régime :

« Aucune loi de la Révolution ne supprima expressément les fabriques. Elles disparurent forcément, lorsque les églises furent dépouillées de leurs biens ; n’ayant plus rien à administrer, elles devinrent sans objet. »106.

Cette spoliation s’effectua par étapes.

Un décret du 2 novembre 1789 de l’Assemblée constituante proclama que « tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir, d’une manière convenable, aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d’après les instructions des provinces »107. La spoliation se poursuivit par les décrets du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités et du 22 décembre 1789 relatif à la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives :

« L’organisation nouvelle décrétée par l’assemblée constituante n’admettait point de fabriques, puisque le soin de pourvoir à tous les besoins du culte était une charge de l’Etat.

Aussi l’entretien, la réparation, la reconstruction des églises, presbytères et autres objets nécessaires au culte, le soulagement des pauvres, la régie des hôpitaux, la surveillance de l’enseignement et de l’éducation publique, la manutention de tous les fonds destinés à toute espèce de bienfaisance publique, furent-ils nominativement classés par les lois du 14 et du 22 100 Idem, n° 4.

101 Pandectes françaises, V° Fabriques d’église, précité, n° 19.

102 Idem, n° 22.

103 Idem, n° 25.

104 Nicolas MAJERUS, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 155, n° 174, dernier alinéa.

105 Idem, page 156, sixième alinéa.

106 Pandectes françaises, V° Fabriques d’église, précité, n° 41.

107 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 10.

décembre 1789 parmi les branches d’administration générale, et confiés aux corps municipaux et départementaux sous l’autorité du Roi. »108.

Un décret du 19 août-3 septembre 1792 décida la vente des immeubles affectés au service des églises, donc les immeubles des Fabriques d’église109. Enfin, un décret des 13-14 brumaire an II (3 et 4 novembre 1793) « consacra définitivement la disparition des fabriques en déclarant que les meubles et immeubles provenant de l’actif des églises seraient vendus comme biens nationaux et que les créances actives et passives des fabriques étaient transférées à l’Etat »110 :

« Mais en attendant que les circonstances permissent de porter au budget annuel de l’Etat les sommes nécessaires aux dépenses du culte, les fabriques avaient continué à subsister : la loi du 20-22 avril 1790 leur avait laissé provisoirement l’administration de leurs biens, réunis en droit au domaine national, jusqu’à ce qu’il en eût été autrement ordonné. La loi du 19 août-3 septembre 1792 qui prescrivait […] la vente de leurs biens, accordait aux fabriques l’intérêt de 4 p.c. du produit net de la vente. Quelques jours après, la loi des 24 août-13 septembre, relative à la formation du grand livre de la dette publique, supprima au profit de la république les divers titres des fabriques et chargea l’Etat de pourvoir aux frais du culte. Cette disposition entraînait nécessairement la suppression des fabriques comme personnes civiles, puisque la seule raison d’être de leur existence comme telles, était l’administration des biens et revenus, affectés aux besoins de la célébration du culte. L’Etat se chargeant directement d’y pourvoir, les fabriques disparaissent. Le décret des 13-14 brumaire an II était la conséquence de cette suppression définitive. »111.

Ces spoliations ont également été subies à Luxembourg :

« La loi du 9 vendémiaire an IV [1er octobre 1795] réunit à la France, les Pays-Bas Autrichiens [dont le duché de Luxembourg] et le pays de Liège. La Constitution du 5 fructidor an III, fut publiée en Belgique [et au Luxembourg], le 14 vendémiaire an IV.

Dès lors, les dispositions qui avaient supprimé en France les corps et les établissements qui représentaient autrefois les intérêts du culte et qui par suite avaient réuni leurs biens au domaine de l’Etat devenaient applicables à la Belgique [et au Luxembourg]. »112.

« […] il ne saurait y avoir le moindre doute que la nationalisation des biens de fabrique dans le Grand-Duché de Luxembourg ait été opérée [par les lois révolutionnaires françaises, devenues applicables par suite de la réunion du Luxembourg à la France en 1795] »113.

108 Idem, n° 12.

109 Idem, n° 11.

110 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 25, deuxième alinéa.

111 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 13 112 Idem, n° 15.

113 Nicolas MAJERUS, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 158, quatrième alinéa.

1.3.3.

Nouvelle constitution des Fabriques d’église par les articles organiques de la loi de l’an X et le décret de 1809 Les Fabriques d’église furent recréées par l’article 76 de la loi de l’an X (1.3.3.1.), mis en œuvre par le décret de 1809 (1.3.3.3.), qui était le résultat d’antécédents non concluants (1.3.3.2.), une question débattue étant celle de savoir si cette législation a ressuscité les Fabriques d’église d’ancien régime ou a créé une institution de même nom, mais de nature nouvelle (1.3.3.4.).

1.3.3.1.

L’article 76 de la loi de l’an X L’un des articles organiques, qui n’ont, comme rappelé ci-avant, été jamais reconnus par le Saint-Siège, publié à l’occasion de la publication du Concordat de 1801 par la loi de l’an X, à savoir l’article 76, disposait :

« Il sera établi des fabriques pour veiller à l’entretien et à la conservation des temples, à l’administration des aumônes ».

La loi, qui ne contient sur ce point pas d’autres dispositions, n’indique pas de quelle manière ces Fabriques d’église seraient organisées114 :

« A cette époque, en effet, l’action des fabriques ne pouvait pas avoir plus d’étendue.

Le temporel du culte étant supprimé, tous les biens qui le composaient étaient devenus propriétés de l’Etat, les fabriques, rétablies par le concordat, ne possédaient rien. Elles n’avaient à s’occuper que de l’entretien du temple, mis à la disposition du culte, et de l’administration des ressources fort modiques, qu’elles pouvaient trouver dans les quêtes, dans le prix des bancs ou des chaises, dans les oblations des fidèles. A raison de leur peu d’importance, le gouvernement ne pense pas à donner à ces fabriques une organisation générale et un règlement uniforme. Une décision du 9 floréal an XI engagea les évêques à constituer les fabriques et à leur donner des règlements particuliers qui devaient être soumis à l’approbation du gouvernement. C’est ce qui a été exécuté. Les évêques ont rédigé des règlements qui ont été successivement approuvés. Ces fabriques, dont les membres étaient nommés par les évêques, n’ont été dans la pensée du gouvernement consulaire que de simples commissions administratives, et ne constituaient pas de véritables personnes civiles. »115.

Il est, dans cet ordre d’idées, également à renvoyer à PORTALIS116, qui indiquait dans un rapport de juillet 1806 que :

« Il était impossible de faire un règlement général pour toutes les fabriques de l’empire, dans cette matière, les archevêques et évêques sont les vrais agents du gouvernement […] [les évêques en élaborant les règlements des fabriques d’église] n’ont présenté leurs règlements que comme de simples projets qui ne pourraient 114 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 35, deuxième alinéa ; idem, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 158, dernier alinéa.

115 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 21-22.

116 Jean-Etienne-Marie PORTALIS (1746-1807), jurisconsulte de Napoléon Bonaparte (et co-rédacteur du Code civil).

recevoir d’exécution qu’autant que Votre Majesté les sanctionnerait ; ils n’étaient donc en ce point que les vice-gérants de la puissance civile. »117.

1.3.3.2.

La genèse du décret de 1809 Un arrêté du 7 thermidor an XI (26 juillet 1803) « ordonna que les biens des fabriques non aliénés [à la suite des spoliations de la Révolution française], ainsi que les rentes dont elles jouissaient et dont le transport n’avait pas été fait, seraient rendus à leur destination, et que ces biens seraient administrés, dans la forme particulière aux biens communaux, par trois marguilliers nommés par le préfet sur une liste double présentée par le maire et par le curé. Le curé avait voix consultative. »118.

En exécution de cet arrêté il y eut deux espèces de Fabriques d’église, la fabrique intérieure, créée par l’évêque et chargée de recueillir et d’administrer le produit des aumônes et de veiller au culte et la fabrique extérieure, créée par le préfet et chargée d’administrer les biens et rentes rendus à l’Eglise119. L’arrêté ne portait que sur les anciens biens de fabriques rendus à leur destination. Il n’était dès lors appliqué que dans les départements où il existait encore de ces biens non aliénés, la plupart des préfets n’y ayant pas donné suite120.

La différence entre fabrique d’église intérieure et fabrique d’église extérieure a été expliquée comme suit par PORTALIS :

« Les fabriques que l’arrêté du 7 thermidor charge les préfets d’organiser, sont les fabriques qui sont destinées à administrer les biens non aliénés qui appartiennent aux anciennes fabriques. Ces biens continuent d’être nationaux. On leur conserve leur destination première, mais on ne veut pas qu’ils figurent comme propriétés ecclésiastiques. De là on choisit des administrateurs particuliers pour les régir au nom de l’Etat et pour les employer cependant d’une manière utile à l’église. Les fabriques dont l’établissement est autorisé par la loi du 18 germinal an X sont, au contraire, des institutions purement relatives à l’administration des revenus que l’on perçoit dans l’intérieur des temples, à la réception et à l’emploi des aumônes, De pareilles institutions tiennent de trop près à l’exercice du culte et à la police ecclésiastique, pour qu’on ne les laisse pas sous un régime qui ne puisse blesser ni les droits des évêques, ni ceux des curés. »121.

Ni les fabriques intérieures, ni les fabriques extérieures n’avaient la capacité de posséder ou d’acquérir pour elles-mêmes. Aucune loi ne leur avait donné la personnalité civile :

« Les fabriques n’étaient que des corps administratifs, les unes chargées de l’administration des biens nationaux rendus à leur ancienne destination, d’assurer 117 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 23.

118 Idem, n° 26.

119 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 35, deuxième alinéa ; idem, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 158, dernier alinéa 120 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 28.

121 Idem, n° 31, citant un courrier de PORTALIS adressé à l’évêque de Meaux en date du 23 brumaire an XII (15 novembre 1803).

l’exercice du culte, les autres chargées seulement de l’administration de choses purement mobilières. »122.

La personnification n’a été donnée aux fabriques d’église, comme aux autres établissements publics, que par le Code civil, en 1804123 :

« C’est à partir de ce moment seulement qu’elles devinrent capables de recevoir et d’acquérir des biens pour elles-mêmes ; c’est alors que le service public du culte fut individualisé et séparé de l’Etat dans les attributions duquel il se trouvait confondu. »124.

Les deux espèces de Fabriques d’église (intérieure et extérieure) étaient finalement considérées comme constituant un être moral unique :

« Cependant on a considéré ces deux corps administratifs comme n’étant en définitive que la représentation d’un même être personnifiant le culte : c’était, dit-on, une double administration, une double organisation de la fabrique, instituée en deux fois à cause des circonstances diverses dans lesquelles la nécessité s’en était produite. Mais il n’y avait, à ce que l’on prétend, qu’une fabrique, constituant un être moral, pouvant posséder, et ayant la personnification civile en vertu de la loi du 18 germinal an X qui l’avait instituée, et depuis la date de cette loi. »125.

Cette coexistence de deux espèces de Fabriques d’église créait des difficultés et faisait naître l’idée d’une fusion :

« Il y eut des compétitions continuelles entre les deux sortes de fabriques, dont l’une empiétait sur le domaine de l’autre, de sorte que le gouvernement se vit obligé de les fusionner et de les réorganiser. Ainsi naquit le Décret du 30 décembre 1809. »126.

1.3.3.3.

Le décret de 1809 « Le gouvernement voulut faire cesser toutes les difficultés en donnant enfin des règles précises et uniformes pour l’organisation des fabriques »127. Le décret de 1809 organise définitivement et complètement les Fabriques d’église128.

Il a été décrit par des auteurs proches de l’Eglise comme « moyen de dominer l’Eglise, en la soumettant à un contrôle exagéré de l’Etat et en la regardant comme un rouage de l’administration publique »129, voire « comme une immixtion injustifiée de l’autorité civile dans 122 Idem et loc.cit.

123 Idem, n° 32.

124 Idem et loc.cit.

125 Idem, n° 35.

126 Nicolas MAJERUS, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 159, premier alinéa.

127 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 41.

128 Nicolas MAJERUS, La situation légale de l’Eglise catholique au Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 35, dernier alinéa.

129 Même auteur, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 159, sous n° 179, premier alinéa. L’auteur a toutefois défendu une opinion plus mesurée, d’un juste milieu conciliant le domaine de l’Eglise »130. L’organisation des Fabriques d’église qu’il a mise en place ne repose manifestement pas sur la prémisse que les Fabriques d’église constituent « des institutions régies par le droit canon […] [exclusivement soumises] à l’autorité de l’Eglise »131.

Il a créé les Fabriques d’église aux fins de permettre la gestion des biens des Fabriques d’église d’ancien régime, confisqués par l’Etat au cours de la Révolution française :

« Les biens des anciennes fabriques ont été attribués aux nouvelles ; mais elles n’ont repris que ceux qui n’avaient pas été aliénés et elles les ont repris tels qu’ils se trouvaient alors dans les mains de l’Etat, dégrevés de leurs anciennes dettes »132.

A cette fin, il a soumis les Fabriques d’église à une double tutelle : « Dans l’exercice de leurs attributions, les fabriques d’église sont soumises au contrôle et à la tutelle de l’autorité diocésaine et de l’autorité civile »133.

Il a confié aux Fabriques d’église une triple mission, de veiller à l’entretien et à la conservation des temples, d’administrer les aumônes, biens et fonds affectés à l’exercice du culte, de régler les dépenses et de mettre à disposition les moyens pour assurer l’exercice du culte et le maintien de sa dignité134.

Son organisation comporta un Conseil de fabrique, composé de cinq à neuf membres pris parmi les notables et deux membres de droit, qui étaient le curé et le bourgmestre135, ainsi qu’un Bureau des marguilliers, composé du curé et de trois fabriciens, ayant pour mission de préparer les affaires portées devant le Conseil de fabrique, d’exécuter les décisions de ce dernier et d’assurer l’administration journalière de la Fabrique d’église136.

Celle-ci tirait ses revenus du produit des biens et rentes restitués, du produit des biens et rentes qu’elle a été autorisée à accepter, des quêtes, etc., et finalement « du supplément donné par la commune, le cas échéant »137. Ces revenus devaient lui permettre d’assumer différentes charges, dont le paiement des frais nécessaires du culte, de la décoration et des dépenses relatives à l’embellissement intérieur de l’église, des frais d’entretien des églises, presbytères et cimetières138.

Les communes étaient tenues de suppléer à l’insuffisance des revenus de la Fabrique d’église pour les charges que celle-ci devait porter, de mettre à disposition du curé un presbytère, sinon un logement, sinon une indemnité pécuniaire et de financer les grosses réparations des édifices religieux139. Il a été vu ci-avant, sous 1.2.6.2.2.1., que la loi du 17 mars 2016 a mis un terme aux deux premières de ces trois obligations.

les prétentions de l’Eglise et du pouvoir civil « appelés à s’entraider et à se suppléer » (idem, page 163, sous n° 182, dernier alinéa).

130 Idem, page 163, sous n° 182, premier alinéa.

131 Idem, même page, sous n° 182, deuxième alinéa.

132 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 9.

133 Répertoire pratique du droit belge, V° Cultes, précité, n° 1259.

134 Article 1er du décret de 1809.

135 Articles 3 et 4 du décret de 1809.

136 Articles 13 et 24 du décret de 1809.

137 Article 36 du décret de 1809.

138 Article 37 du décret de 1809.

139 Article 92 du décret de 1809.

1.3.3.4.

La législation napoléonienne a-t-elle fait revivre les Fabriques d’église d’ancien régime ou a-t-elle créée de nouvelles Fabriques d’église ? Comme il existait des Fabriques d’église sous l’ancien régime et que les Fabriques d’église créées par l’article 76 de la loi de l’an X et organisées par le décret de 1809 ont exercé en substance les mêmes fonctions que les premières, il se pose la question de savoir si les secondes n’ont pas ressuscité la personnalité juridique des premières.

Cette question a reçu en doctrine une réponse négative :

« Les fonctions des anciennes fabriques étaient en principe les mêmes que celles des fabriques actuelles. Supprimées par la Révolution elles furent rétablies lors de la restauration du culte catholique et adaptées à un régime politique nouveau. Au point de vue historique et administratif, les nouvelles fabriques ne continuèrent pas les anciennes. Ce sont des corps dont la vie a commencé avec le concordat, tandis que les anciennes fabriques étaient mortes par la réunion des Pays-Bas autrichiens [dont le duché de Luxembourg] à la France. »140.

Cette opinion se justifie.

D’une part, les termes employés par la loi de l’an X et le décret de 1809 impliquent que les Fabriques d’église constituent des personnes morales nouvellement créées et non la confirmation de l’existence des Fabriques d’église d’ancien régime. L’article 76 de la loi de l’an X dispose, en effet, que : « Il sera établi des fabriques pour veiller à l’entretien et à la conservation des temples, à l’administration des aumônes » et l’article 1er du décret de 1809 confirme cette lecture en prévoyant que « Les fabriques, dont l’article 76 de la loi 18 germinal an X a ordonné l’établissement, sont chargées de […] ».

D’autre part, le statut des Fabriques d’église issues de la loi de l’an X et du décret de 1809, conférant des pouvoirs importants de gestion et de contrôle aux autorités civiles, se distingue profondément de celui des Fabriques d’église d’ancien régime, qui étaient des organes créés et contrôlés par l’Eglise.

Il y a également lieu de considérer comme « universellement abandonnée »141 une opinion similaire, jadis défendue par certains, selon laquelle la Fabrique d’église constitue un représentant de la communauté des fidèles, du diocèse ou de la paroisse, qui est la personnalité civile et le propriétaire des biens affectés à l’exercice du culte, et que ce régime, détruit par la Révolution française, aurait été rétabli par la loi de l’an X :

« Sous l’ancien régime, qui n’était point uniforme, il y avait bien deux établissements distincts, la fabrique et la paroisse. Or, il n’y a pas moyen de trouver une disposition législative qui ait rétabli la personnification civile des diocèses ou des paroisses. Les fabriques au contraire ont tous les caractères de personnes civiles. Elles ont été instituées par une loi spéciale et ont reçu par elle la faculté de posséder un patrimoine 140 Pandectes belges, V° Fabrique d’église, précité, n° 9.

141 Nicolas MAJERUS, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 167, n° 185.

propre, composé surtout de biens ecclésiastiques restitués. Elles sont représentées par un organe administratif et soumises au contrôle du pouvoir public. »142.

1.3.4.

Suppression des Fabriques d’église et transfert de leurs biens au Fonds par la seconde Convention du 26 janvier 2015 Il a été vu ci-avant, sous 1.2.6., que le Gouvernement a, en date du 26 janvier 2015, conclu une Convention avec l’Archevêché, qui prévoyait de supprimer les Fabriques d’église, de transférer leurs patrimoines au Fonds à créer et de mettre fin au financement communal des cultes. Ce dernier point a déjà, par anticipation, avant même la suppression des Fabriques d’église, été mis en œuvre par la loi du 17 mars 2016143. La suppression des Fabriques d’église, la création du Fonds, le transfert des patrimoines des unes à l’autre et la réitération d’une interdiction de financement communal des cultes (déjà mise partiellement en œuvre par la loi du 17 mars 2016) a été réalisée par la loi de 2018.

L’objet de cette loi a été décrit comme suit :

« En vue de leur remplacement par le Fonds, le projet de loi supprime toutes les fabriques d’église et abolit le décret modifié du 30 décembre 1809 concernant les fabriques d’église. Les missions et les patrimoines des fabriques d’église ainsi supprimées sont repris par le Fonds dont la création est prévue par la loi en projet. »144.

La loi a, dans ses articles 1 et 2, créé le Fonds et défini ses missions :

« Art. 1er. Sous la dénomination « Fonds de gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique », ci-après dénommé « le Fonds », il est créé une personne morale de droit public aux fins de pourvoir aux besoins matériels liés à l’exercice du culte catholique.

Le Fonds est placé sous le contrôle de l’Archevêché de Luxembourg, ci-après dénommé « l’Archevêché ».

Son siège est établi au Grand-Duché de Luxembourg. ».

« Art. 2. Le Fonds est de plein droit le successeur à titre universel des fabriques d’église, supprimées conformément à l’article 9. Les dévolutions patrimoniales qui s’en suivent ont lieu en exemption des droits de timbre, des droits d’enregistrement, de succession et de mutation par décès et des droits de transcription.

Le Fonds a pour mission :

142 Idem, même page, n° 185, dernier alinéa.

143 Voir, ci-avant, sous 1.2.6.2.2.1.

144 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037-4, page 3, deuxième alinéa).

1° d’assurer, en tant que propriétaire, la gestion des biens meubles et immeubles ayant relevé de la gestion patrimoniale des fabriques d’église avant la suppression de celles-

ci ainsi que de ceux qu’il a acquis par tous moyens de droit ;

2° de répondre des dettes et des charges contractées par les fabriques d’église avant leur suppression et d’exercer, tant en demandant qu’en défendant, les droits et actions ayant appartenu à celles-ci ;

3° de pourvoir, à l’exception de tous frais de personnel visés par la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Église catholique, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte catholique et portant 1. modification de la loi modifiée du 30 avril 1873 sur la création de l’évêché; 2. modification de certaines dispositions du Code du Travail; 3. abrogation de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part, portant refixation des cadres du culte catholique et réglant certaines matières connexes;

4. abrogation de certaines dispositions de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’État, aux besoins matériels liés à l’exercice du culte catholique, dont notamment la préservation des édifices religieux qui servent à l’exercice du culte et qui relèvent de sa propriété.

Le Fonds est propriétaire des immeubles, connus sous la dénomination de « biens de cure », qui sont énumérés à l’annexe I avec l’indication de leur dénomination, de leur nature, de leur numéro cadastral et de leur contenance.

Il est subrogé dans les droits et obligations résultant des engagements conventionnels que l’Archevêché a, le cas échéant, pris avant la création du Fonds en relation avec la conservation, l’entretien constructif et la remise en état ainsi qu’avec les frais de fonctionnement et l’entretien courant de la Cathédrale de Luxembourg et de la Basilique d’Echternach. ».

Elle a supprimé, dans son article 9, les Fabriques d’église et abrogé, dans son article 22, les dispositions qui les avaient régies :

« Art. 9. Les fabriques d’église régies par le décret modifié du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises sont supprimées. ».

« Art. 22. Sont abrogés :

a) l’article 76 de la loi modifiée du 18 germinal an X (8 avril 1802) relative à l’organisation des cultes, b) le décret du 5 mai 1806 relatif au logement des ministres du culte protestant et à l’entretien des temples, c) le décret du 18 mai 1806 concernant le service dans les églises et les convois funèbres, d) le décret modifié du 30 septembre 1807 qui augmente le nombre des succursales, e) le décret modifié du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises. ».

Le Fonds nouvellement créé « peut être considéré comme une sorte de fusion des 285 fabriques d’église locales en une fabrique d’église nationale, placée sous la tutelle exclusive de l’Archevêché »145. Il se voit formellement conférer le statut de personne morale de droit public146 et il est placé sous le contrôle de l’Archevêché de Luxembourg147, qui nomme et révoque les membres de son conseil d’administration148. En revanche, aucune tutelle étatique ou communale n’est prévue.

La mission du Fonds est, ainsi qu’il résulte de l’article 2, triple :

Il assure d’abord, en tant que propriétaire, la gestion des biens qui ont relevé de la gestion patrimoniale des Fabriques d’église et de ceux qu’il a acquis par tous moyens de droit.

Nonobstant la formulation ambigüe de l’article 2, alinéa 2, sous 1°, qui paraît circonscrire la mission du Fonds à gérer les biens dont les Fabriques d’église ont été propriétaires (« en tant que propriétaire »), le Fonds a aussi pour mission de gérer les édifices religieux qui continuent à figurer dans le patrimoine des communes, mais qui servent à l’exercice du culte catholique149.

La portée de cette obligation est toutefois plus importante lorsque le Fonds est propriétaire de l’édifice religieux que lorsque l’édifice appartient à la commune. Dans le premier cas, l’obligation implique la conservation, l’entretien constructif, la remise en état et l’entretien courant150 tandis que dans le second elle n’impose que l’entretien courant de l’édifice151.

Le Fonds répond ensuite aux dettes et charges contractées par les Fabriques d’église avant leur suppression.

Il pourvoit, enfin, aux besoins matériels liés à l’exercice du culte catholique. Cette mission n’inclut toutefois pas, d’une part, les frais de personnel des ministres du culte visés par la loi du 23 juillet 2016, évoqué ci-avant sous 1.2.6.1., et, d’autre part, les besoins d’autres personnes morales agissant dans le même domaine : « Tel est notamment le cas de l’Archevêché, du Grand Séminaire de Luxembourg, des ordres et congrégations religieux et de nombreuses autres personnes morales de droit privé créées sous forme d’association sans but lucratif, de fondation ou de société commerciale »152.

Le Fonds est propriétaire de deux catégories de biens :

- des immeubles, connus sous la dénomination de « biens de cure », énumérés à l’annexe I de la loi153, qui sont « des biens dont certains curés (notamment parmi ceux qui avaient 145 Commentaire de l’article 1er du projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037, page 18, sous « Article 1er », deuxième alinéa).

146 Article 1er, alinéa 1er, de la loi de 2018.

147 Idem.

148 Article 4, alinéa 1er, de la loi de 2018.

149 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037-4, page 10, dernier alinéa).

150 Article 15 de la loi de 2018, qui impose la conservation, l’entretien constructif et la remise en état au propriétaire de l’édifice religieux. L’article 16, paragraphe 2, se réfère à la notion d’entretien commun qui, dans la logique de la loi constitue une quatrième catégorie d’obligations que la gestion d’un édifice religieux est susceptible d’impliquer. Or, l’article 2, alinéa 2, sous 3°, impose au Fonds de pourvoir aux besoins matériels liés à l’exercice du culte catholique, dont « notamment » la préservation des édifices religieux et qui relèvent de sa propriété. Il serait difficile de saisir que le Fonds, chargé de pourvoir aux besoins matériels liés à l’exercice du culte et tenu d’assurer pour les édifices religieux qui lui appartiennent la conservation, l’entretien constructif et la remise en état, serait dispensé d’assurer également l’entretien commun. La loi ne prévoit en tout cas pas d’autre débiteur de cette obligation.

151 Article 15 de la loi de 2018 et la note de bas de page qui précède.

152 Idem, page 11, dernier alinéa, avant « Alinéa 3 ».

153 Article 2, alinéa 3, de la loi de 2018.

accepté de prêter serment à la République) avaient par tolérance conservé la jouissance au moment où, sous le Régime de la première République française, les biens du clergé avaient été nationalisés et leur vente avait été ordonnée »154 et - des biens ayant appartenu aux Fabriques d’église, dont il est de plein droit le successeur à titre universel155, parmi lesquels figurent notamment les édifices religieux énumérés à l’Annexe II de la loi comme étant propriété du Fonds156.

Il n’est, en revanche, bien entendu, pas propriétaire du patrimoine d’autres personnes morales dans le domaine du culte catholique, tels les patrimoines de l’Archevêché, des congrégations et ordres religieux catholiques et du Grand Séminaire de Luxembourg157.

La loi comporte des dispositions complexes régissant le sort des édifices religieux. Ces derniers sont susceptibles d’appartenir aux communes ou au Fonds, l’attribution de propriété résultant de leur inscription à l’Annexe II de la loi158. Lorsque l’édifice appartient à une commune, celle-

ci est en droit d’obtenir le dégrèvement de sa destination et ce même sans l’accord de l’Archevêché, sauf pour les édifices inscrits à l’annexe III de la loi, dont le dégrèvement suppose l’accord de l’Archevêché159. Lorsqu’un édifice appartient au Fonds et que l’Archevêché décide de le dégrever de sa finalité cultuelle, le Fonds doit le céder pour un euro à la Commune, sinon à l’Etat et ne peut en disposer librement que si la commune ou l’Etat renoncent à l’acquérir160. Des édifices religieux qui appartiennent aux communes peuvent être cédés au Fonds, à titre onéreux ou gratuit ou être mis à disposition du Fonds par voie de convention moyennant paiement d’une indemnité annuelle d’un montant se situant entre 1.000 et 2.500 euros à la valeur de l’indice semestriel des prix de la construction applicable au 1er octobre 2016, le Fonds devant alors assumer les frais de fonctionnement et d’entretien courant161.

Le Fonds se voit attribuer certains avantages exorbitants du droit commun :

- une exemption fiscale pour toute mutation immobilière en faveur du Fonds, dans l’intérêt de l’exercice du culte catholique162, - une exemption de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial et de l’impôt sur la fortune, sous réserve de l’impôt dû en raison d’activités à caractère industriel ou commercial163, - une garantie étatique d’un emprunt que le Fonds est en droit de contracter au cours des trois premières années après sa création164 et 154 Commentaire de l’article 2 du projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037, page 19, quatrième alinéa).

155 Article 2, alinéa 1, de la loi de 2018.

156 Article 10 de la loi de 2018 et Annexe II de celle-ci.

157 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018 (Document parlementaire n° 7037-4, page 19, deuxième alinéa).

158 Article 10 de la loi de 2018.

159 Article 11 de la loi de 2018.

160 Article 12 de la loi de 2018.

161 Article 14 de la loi de 2018.

162 Article 3 de la loi de 2018.

163 Article 8 de la loi de 2018.

164 Article 6 de la loi de 2018.

- une exemption des droits de timbre, des droits d’enregistrement, de succession et de mutation par décès et des droits de transcription pour les dévolutions patrimoniales résultant de l’institution du Fonds comme successeur à titre universel des Fabriques d’église165.

La loi interdit, comme son titre le précise, aux communes de financer les cultes166. Cette interdiction, qui n’est pas spécifique au culte catholique, comporte cependant certaines exceptions limitativement énoncées, à savoir :

- les interventions financières destinées à rémunérer les fournitures et services que le Fonds peut, le cas échéant, effectuer pour compte d’une commune167, - des subventions versées en vue de la préservation ou de l’embellissement des édifices érigés sur le territoire communal168, - l’acquisition pour un euro de tout édifice religieux dégrevé de sa finalité cultuelle appartenant au Fonds169, - la cession au Fonds d’édifices religieux qui servent à l’exercice du culte catholique et qui appartiennent à la commune170, - la conservation, l’entretien constructif et la remise en état des édifices religieux qui servent à l’exercice du culte catholique et qui appartiennent à la commune171 et - la contribution par la Ville de Luxembourg aux frais de fonctionnement et d’entretien courant (donc à l’exclusion des frais de conservation, d’entretien constructif et de remise en état) de la Cathédrale de Luxembourg et celle de la Ville d’Echternach aux frais de conservation, d’entretien constructif et de remise en état ainsi qu’aux frais de fonctionnement et d’entretien courant de la Basilique d’Echternach, étant précisé que l’Etat est en outre autorisé à contribuer pour ces deux édifices aux frais de conservation, d’entretien constructif et de remise en état172.

La loi, qui a supprimé les Fabriques d’église et transféré leurs patrimoines au Fonds, n’a prévu aucune indemnisation pour celles-ci, qui ont cessé d’exister, et la Convention transposée par la loi n’a pas été conclue ou négocié avec elles, mais entre l’Etat et l’Archevêché.

2. Sur le litige ayant donné lieu au pourvoi En l’espèce, le Fonds avait saisi le tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer173.

165 Article 2, alinéa 1er, de la loi de 2018.

166 Article 17 de la loi de 2018.

167 Article 6, paragraphe 1, alinéa 1, de la loi de 2018.

168 Article 6, paragraphe 1, alinéa 2, de la loi de 2018.

169 Article 12, alinéa 1er, de la loi de 2018.

170 Article 14, alinéa 1er, de la loi de 2018.

171 Article 15 de la loi de 2018.

172 Article 16 de la loi de 2018.

173 Jugement attaqué, page 132, troisième alinéa.

Il avait fait valoir que la Fabrique d’église de Luxembourg-Hollerich a été, antérieurement à la loi de 2018, propriétaire de quatre bâtiments d’habitation ayant fait l’objet de baux d’habitation174. En octobre 2016, donc à un moment où l’Etat et l’Archevêché avaient déjà signé la seconde Convention du 26 janvier 2015 prévoyant la suppression des Fabriques d’église, la création du Fonds et le transfert des patrimoines des premières au second, et où le projet de loi 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018, avait déjà été déposé175, la Fabrique d’église en question aurait constitué une association sans but lucratif, Saints Pierre et Paul, donc l’Association176.

En 2017, elle aurait dénoncé les baux d’habitation qu’elle avait conclus au sujet des quatre immeubles d’habitation177. Elle aurait donné ces immeubles à bail à l’Association qu’elle avait créée178. Celle-ci les aurait ensuite sous-loués, en partie aux anciens locataires de la Fabrique d’église179.

Le Fonds exposait que suite à l’entrée en vigueur de la loi de 2018 il était devenu le successeur à titre universel de la Fabrique d’église180, donc également des quatre immeubles d’habitation ayant appartenu à celle-ci antérieurement à sa suppression par la loi. Or, il n’aurait pas été informé de l’existence des contrats de bail et n’aurait perçu aucun loyer181.

Il considérait que la Fabrique d’église avait voulu contourner la loi par la constitution de l’Association, la dénonciation des baux d’habitation, la conclusion d’un bail avec l’Association et la sous-location des immeubles par celle-ci182. Le but de ces manœuvres aurait été de frauder la loi et de priver le Fonds des biens et revenus que la loi de 2018 lui a alloués183.

Le Fonds avait dès lors fait convoquer l’Association devant le tribunal de paix de Luxembourg, aux fins de voir, à titre principal, annuler les contrats de bail et de sous-location, à titre subsidiaire, voir prononcer leur résolution pour inexécution et voir condamner l’Association au paiement des sommes perçues sur base de l’enrichissement sans cause, sinon à titre de dommages-intérêts184.

La Fabrique d’église et l’Etat étaient intervenus au litige185.

Le Fonds avait fait convoquer deux locataires de l’Association, à savoir la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) et M. PERSONNE1.), aux fins de leur voir déclarer communs le jugement à intervenir186.

Le tribunal avait communiqué la cause au Procureur d’Etat à Luxembourg sur base de l’article 183 du Nouveau Code de procédure civile.

174 Jugement de première instance n° 1260/20 du 22 mai 2020 (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées par la Fabrique d’église dans son mémoire), page 9, sous 1.2.1., deuxième alinéa.

175 Ce projet de loi a été déposé le 29 août 2016 (Document parlementaire n° 7037, page 1).

176 Jugement n° 1260/20 du 22 mai 2020, page 9, sous 1.2.1., troisième alinéa.

177 Idem, même page, sous 1.2.1., quatrième alinéa.

178 Idem et loc.cit.

179 Idem et loc.cit.

180 Idem, même page, sous 1.2.1., premier alinéa.

181 Idem, même page, dernier alinéa.

182 Idem, page 11, dernier alinéa.

183 Idem, page 12, deuxième alinéa.

184 Idem, page 8.

185 Idem, page 16.

186 Idem, pages 16 et 17, sous 4.

Le tribunal avait, par jugement du 22 mai 2020, joint les affaires, reçu les requêtes en la pure forme, reconnu à la Fabrique d’église de Luxembourg-Hollerich la capacité d’agir en justice pour se défendre contre sa suppression, dit que l’Etat avait un intérêt suffisant pour intervenir à titre accessoire, qu’il pouvait intervenir à l’instance en tant que partie, en parallèle de la présence du Ministre public, et que son intervention était recevable, réservé la recevabilité de la requête principale, de la requête en intervention de la Fabrique d’église de Luxembourg-

Hollerich et de la requête en intervention forcée du Fonds contre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) et M. PERSONNE1.) et réservé le fond187.

Par jugement du 9 juin 2020, le tribunal avait dit qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer au vu d’un appel qui a été formé par la Fabrique d’église et de l’Association contre le jugement du 22 mai 2020 en ce que le tribunal y avait admis l’Etat à intervenir au litige188. Il avait par ailleurs dit qu’il y avait lieu de saisir la Cour constitutionnelle de différentes questions, tout en invitant les parties à prendre position sur la formulation des questions préjudicielles proposées189.

Par jugement du 2 juillet 2020, le tribunal avait saisi la Cour constitutionnelle de cinq questions.

Par arrêt n° 160 du 26 mars 2021, la Cour constitutionnelle avait décidé :

« que les articles 1, 2, 9 et 22 de la loi du 13 février 2018 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, ainsi que sur l’interdiction du financement des cultes par les communes sont conformes à l’article 22 de la Constitution ;

que la question de la conformité des mêmes dispositions légales à l’article 119 de la Constitution est sans objet ;

que la question de la conformité des mêmes dispositions légales à l’article 16 de la Constitution ne se pose pas ;

que les questions de la conformité de l’article 1er de la loi du 13 février 2018 et de l’article 76 de la loi du 18 germinal an X à l’article 10bis de la Constitution ne se posent pas ».

Par jugement du 4 novembre 2021, le tribunal, outre de prendre acte de l’arrêt de la Cour constitutionnelle avait dit :

- qu’il était incompétent pour connaître de l’annulation des contrats de sous-location invoqués, - que la loi de 2018 n’est pas contraire à la Constitution, - que la loi de 2018 et la seconde Convention du 26 janvier 2015 entre l’Etat et l’Eglise catholique ne sont pas contraires au Concordat signé le 26 messidor an IX entre la France et le Saint-Siège, 187 Idem, page 34.

188 Jugement du 9 juin 2020, page 46.

189 Idem et loc.cit.

- que la loi de 2018 et la seconde Convention du 26 janvier 2015 ne sont pas contraires aux articles 9 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni à l’article 1er de son Protocole additionnel, - que la loi de 2018 et la seconde Convention du 26 janvier 2015 ne sont pas contraires à la Charte européenne de l’autonomie locale, - que la loi de 2018 est conforme à la seconde Convention du 26 janvier 2015, - que la requête en intervention de la Fabrique d’église est irrecevable, - que la requête en intervention contre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) et M. PERSONNE1.) est recevable, - qu’il y a lieu d’annuler les contrats de cession de bail et de location visés, - que la demande pécuniaire du Fonds dirigée contre l’Association est partiellement fondée et - qu’il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement190.

Sur appel du Fabrique d’église et de l’Association, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg dit, dans le jugement attaqué :

- que l’appel de la Fabrique d’église est irrecevable et - que l’appel de l’Association est non fondée.

3. Sur les moyens de cassation 3 . 1 . S u r l e p r e m i e r m o y e n d e c a s s a t i o n Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement a confirmé l’intervention au litige de l’Etat, aux motifs que : « La juridiction du premier degré a également à bon droit retenu que même si l’objet primaire du litige porte sur la résiliation de contrats en matière de bail, l’enjeu du litige lui soumis dépasse le cadre de l’annulation, respectivement de la résolution desdits contrats. L’existence d’autres affaires pendantes devant les juridictions judiciaires soulevant au moins partiellement les mêmes problèmes que ceux soumis au tribunal saisi fait en sorte que l’ETAT a un intérêt suffisant pour intervenir dans le présent litige. »191, alors que l’intervention de l’Etat dans un litige de droit privé ayant pour objet la résolution, sinon l’annulation de contrats auxquels l’Etat n’est pas partie, viole le droit au procès équitable et plus particulièrement le principe de l’égalité des armes.

190 Pièce n° 2 annexée au mémoire en cassation, pages 78-80.

191 Jugement attaqué, page 135, avant-dernier alinéa.

Dans son premier moyen la demanderesse en cassation critique la confirmation, par les juges d’appel, de l’admission de l’intervention de l’Etat au litige, qui méconnaîtrait le droit au procès équitable et plus particulièrement le principe de l’égalité des armes.

Ces juges avaient confirmé cette admission aux motifs que :

« La juridiction du premier degré a également à bon droit retenu que même si l’objet primaire du litige porte sur la résiliation de contrats en matière de bail, l’enjeu du litige lui soumis dépasse le cadre de l’annulation, respectivement de la résolution desdits contrats.

L’existence d’autres affaires pendantes devant les juridictions judiciaires soulevant au moins partiellement les mêmes problèmes que ceux soumis au tribunal saisi fait en sorte que l’ETAT a un intérêt suffisant pour intervenir dans le présent litige. »192.

L’Etat est intervenu en raison de l’existence d’une action en responsabilité civile engagée contre lui par la Fabrique d’église du fait de l’expropriation prétendument illicite découlant de l’application de la loi de 2018193. Dans le cadre de cette action, toujours pendante, la Fabrique d’église avait soulevé des moyens d’inconventionnalité et d’inconstitutionnalité similaires à ceux qu’elle a soulevés en l’espèce194. Cette similitude de moyens, ou « problèmes »195, soulevés dans les deux instances, qui implique le risque d’un préjugé défavorable dans le cadre de l’action en responsabilité civile non encore jugée, justifie un intérêt suffisant d’intervention de l’Etat.

L’admission de cette intervention ne constitue pas non plus une violation du principe d’égalité des armes au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du fait que, outre l’Etat, le Ministère public est également intervenu au titre de l’article 183 du Nouveau Code de procédure civile. En effet, contrairement à ce qui est insinué par le moyen, le Ministère public n’est, dans le système judiciaire luxembourgeois, pas un agent de l’Etat.

Le Parquet général avait, dans le cadre de l’arrêt n° 160 de la Cour constitutionnelle du 26 mars 2021, donc sous l’état du droit antérieur à la réforme constitutionnelle récente du 17 janvier 2023196, résumé les arguments justifiant cette conclusion comme suit :

« Les parties défenderesses craignent une violation du principe d’égalité des armes qui consisterait à voir défendre les intérêts de l’Etat devant votre Cour par deux parties, à savoir par l’Etat lui-même et par le Ministère public. Cette crainte méconnaît que le Ministère public n’a pas pour mission de défendre les intérêts de l’Etat, qu’ils soient pécuniaires ou politiques. Lorsqu’il est, comme en l’espèce, partie jointe à un procès civil sur base de l’article 183 du Nouveau Code de procédure civile, son rôle ne consiste pas à défendre les intérêts d’une partie, serait-ce l’Etat, qui est, par hypothèse, assisté d’un avocat, mais d’exposer son point de vue sur la question d’ordre public soumise à la juridiction. Ce point de vue est exprimé par des magistrats. Si ces magistrats sont, en l’état actuel du droit, placés sous l’autorité du Ministre de la Justice197, il n’en suit ni en fait, ni 192 Idem et loc.cit.

193 Mémoire en réponse de l’Etat, page 2, dernier alinéa.

194 Idem et loc.cit.

195 Jugement attaqué, page 135, avant-dernier alinéa.

196 Voir les lois du 17 janvier 2023 (Mémorial, A, 2023, n° 26 à n° 29) ayant porté révision de la Constitution.

197 Article 70, alinéa 1er, ancien, de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire (« Les fonctions du ministère public sont exercées, sous l’autorité du ministre de la Justice, par le procureur général d’Etat […] »).

en droit qu’ils entendent défendre dans leurs conclusions les intérêts et positions du Gouvernement. Leur rôle est dans un tel cas de figure celui d’un organe d’avis198 ou amicus curiae, dont la mission consiste à « faire exposer sous un éclairage neutre le problème »199.

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs envisagé de confier ce rôle au Ministère public dans toutes les affaires de la Cour constitutionnelle, par analogie à celui qu’il assume devant la Cour de cassation ou qui est assumé par les avocats généraux devant la Cour de justice de l’Union européenne ou la Cour de justice Benelux200. S’il a finalement hésité à recommander cette voie, notamment au regard de l’embarras que pourrait ressentir le Procureur général d’Etat à conclure à la non-conformité à la Constitution d’une loi que le Ministre de la Justice a élaborée, cette hésitation ne procède cependant pas de la crainte de voir le Ministre de la Justice contraindre le Procureur général d’Etat à défendre les intérêts du Gouvernement. Une telle crainte serait de toute façon déplacée alors que le Ministre de la Justice a renoncé de façon notoire depuis des décennies à intervenir auprès du Ministère public dans les affaires individuelles201 et qu’un projet de loi en cours d’examen a pour objet d’adapter les textes à la pratique constante en abandonnant formellement l’autorité exercée par le Ministre de la Justice sur le Ministère public202. »203.

Ces arguments ont été confortés par la récente réforme constitutionnelle, dans le cadre de laquelle le Ministre de la Justice n’exerce même du point de vue théorique plus d’autorité sur les magistrats du Ministère public, la disposition qui consacrait cette autorité ayant été abrogée par la loi du 23 janvier 2023 sur le statut des magistrats204.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

3 . 2 . S u r l e d e u x i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le deuxième moyen est tiré, pour défaut de base légale, de la violation de l’article 483 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le tribunal d’arrondissement a confirmé la recevabilité de l’intervention volontaire de l’Etat, aux motifs que : « C’est également à bon droit, partant par adoption des motifs, que le tribunal de première instance a retenu qu’en cas d’une intervention volontaire accessoire, aucune qualité particulière n’est exigée, mais un simple risque de préjudice pour l’intervenant suffit. La juridiction du premier degré a également à bon droit retenu que même si l’objet primaire du litige porte sur la résiliation de contrats en matière de bail, l’enjeu du litige lui soumis dépasse le cadre de l’annulation, respectivement de la résolution desdits contrats. L’existence d’autres affaires pendantes devant 198 Cour de cassation 3 juillet 2008, n° 40/2008 pénal, numéro 2583 du registre; idem, 11 février 2010, n° 7/2010 pénal numéro 2711 du registre.

199 Avis du Conseil d’Etat sur la proposition de loi 4218, ayant donné lieu à la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle (Document parlementaire n° 4218-2, page 8, dernier alinéa). Le fait pour le Ministère public de figurer comme partie jointe à une procédure civile ne l’empêche pas d’exercer un tel rôle, mais, tout au contraire, lui permet précisément de l’assumer.

200 Idem, page 8, avant-dernier alinéa, et page 9, premier au troisième alinéa.

201 Voir l’Avis commun du Parquet général et des Parquets près les tribunaux d’arrondissement de Luxembourg et de Diekirch sur la proposition de révision constitutionnelle 7575 (Document parlementaire n° 7575-3, page 27, antépénultième alinéa).

202 Article 54, sous 6°, du projet de loi 7323 portant organisation du Conseil suprême de la justice (Document parlementaire n° 7323, page 13).

203 Conclusions du Parquet général sous l’arrêt n° 160 du registre de la Cour constitutionnelle du 26 mars 2021 (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées au mémoire en réponse du Fonds), page 109, quatrième alinéa.

204 Article 63, point 10°, de la loi du 23 janvier 2023 sur le statut des magistrats (Mémorial, A, 2023, n° 42 du 25 janvier 2023), ayant modifié l’article 70 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire.

les juridictions judiciaires soulevant au moins partiellement les mêmes problèmes que ceux soumis au tribunal saisi fait en sorte que l’ETAT a un intérêt suffisant pour intervenir dans le présent litige. »205, alors que les juges d’appel auraient dû identifier ces « autres affaires » et déterminer dans quelle mesure celles-ci constituent un « simple risque de préjudice ».

Dans son deuxième moyen la demanderesse en cassation réitère sa critique de l’admission de l’intervention de l’Etat en reprochant aux juges d’appel d’avoir insuffisamment motivé cette admission en fait, donc d’avoir entaché le jugement attaqué d’un défaut de base légale.

Ces juges avaient motivé cette admission comme suit :

« C’est également à bon droit, partant par adoption des motifs, que le tribunal de première instance a retenu qu’en cas d’une intervention volontaire accessoire, aucune qualité particulière n’est exigée, mais un simple risque de préjudice pour l’intervenant suffit.

La juridiction du premier degré a également à bon droit retenu que même si l’objet primaire du litige porte sur la résiliation de contrats en matière de bail, l’enjeu du litige lui soumis dépasse le cadre de l’annulation, respectivement de la résolution desdits contrats.

L’existence d’autres affaires pendantes devant les juridictions judiciaires soulevant au moins partiellement les mêmes problèmes que ceux soumis au tribunal saisi fait en sorte que l’ETAT a un intérêt suffisant pour intervenir dans le présent litige. »206.

Il résulte donc des motifs critiqués que les juges d’appel se sont limités à confirmer par adoption de motifs la décision du juge de première instance d’admettre l’intervention de l’Etat.

Ce dernier avait admis cette intervention aux motifs que :

« Le Tribunal n’a pas reçu communication des procédures en cours et des décisions qui ont été rendues, mais il n’était pas contesté par les parties qu’une telle action de responsabilité dirigée contre l’Etat existe, qu’elle est pendante et que des questions relatives à la validité de la CONVENTION et de la LOI, et donc de l’existence du FONDS et de la suppression des fabriques sont discutées dans ce cadre. L’Etat a ainsi été attrait en justice devant les juridictions civiles par plusieurs fabriques d’églises et par leur syndicat pour voir sa responsabilité engagée.

La présente instance, pour autant qu’elle aboutisse en premier, pourrait donc créer un préjugé défavorable à la position de l’Etat dans cette action en responsabilité. Si la décision rendue par une juridiction ne lie pas les autres, elle n’en peut pas moins les influencer.

Plusieurs questions constitutionnelles ont été proposées dans le présent dossier, ces questions constitutionnelles étant nécessairement également en jeu dans les affaires pour lesquelles l’Etat est partie principale.

La durée d’instruction des différentes affaires est imprévisible pour les plaideurs, et il est possible que la présente affaire – quoi qu’introduite postérieurement – aboutisse en 205 Jugement attaqué, page 135, antépénultième et avant-dernier alinéa.

206 Idem et loc.cit. (c’est nous qui soulignons).

premier à un renvoi préjudiciel. Or, la décision qui sera rendue par la Cour constitutionnelle liera l’ensemble des autres juridictions.

L’Etat a dès lors un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente affaire afin de pouvoir donner son point de vue sur la question de savoir si les fabriques d’église ont été supprimées ou non dans le respect de l’ordre constitutionnel et international, et ce pour éviter un préjugé qui lui serait défavorable dans d’autres affaires dans laquelle il est attaqué, ainsi que pour pouvoir présenter son point de vue sur la formulation d’éventuelles questions préjudicielles et pour pouvoir ensuite présenter ses conclusions devant la Cour constitutionnelle. »207.

Il résulte des pièces auxquelles vous pouvez avoir égard que l’Etat avait versé en cours d’instance d’appel aux parties une copie de l’acte d’assignation de la Fabrique d’église du 30 avril 2018 aux fins d’engager une action en responsabilité civile contre lui208.

Ces éléments obligent de déduire que les juges d’appel ont, par adoption de motifs, admis l’intervention de l’Etat en raison de l’existence de l’action pendante en responsabilité civile dirigée contre l’Etat par acte d’assignation de la Fabrique d’église du 30 avril 2018 « afin de [permettre à l’Etat de] pouvoir donner son point de vue sur la question de savoir si les fabriques d’église ont été supprimées ou non dans le respect de l’ordre constitutionnel et international, et ce pour éviter un préjugé qui lui serait défavorable dans [le cadre de l’action en responsabilité civile précitée] dans laquelle il est attaqué, ainsi que pour pouvoir présenter son point de vue sur la formulation d’éventuelles questions préjudicielles et pour pouvoir ensuite présenter ses conclusions devant la Cour constitutionnelle. »209.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

3 . 3 . S u r l e t r o i s i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le troisième moyen est tiré de l’excès de pouvoir par violation de l’article 4 du Code civil, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg refusa de contrôler la conformité de la loi de 2018 à la seconde Convention du 26 janvier 2015, aux motifs que : « Comme l’a relevé le PARQUET GENERAL dans ses conclusions devant la Cour Constitutionnelle, la CONVENTION est un instrument de droit interne, dont l’effet direct à l’égard des tiers suppose une transposition par le législateur. Le PARQUET GENERAL a également précisé que, « l’article 22 de la Constitution n’exigeait pas l’approbation formelle de la Convention par la Chambre des députés et que ni l’article 22 ni l’article 37, alinéa 1er, seconde phrase, de la Constitution n’exigeaient sa publication et, plus particulièrement, ne soumettaient sa prise d’effet à une telle publication. Les dispositions contenues dans la Convention sont entrées en vigueur par l’adoption et la publication de la loi de 2018, qui en transposa la substance.

Comme la Convention a été intégralement transposée par la loi, il n’y a pas lieu d’envisager une entrée en vigueur propre de celle-ci, distincte de celle de la loi qui la met en œuvre. La question de son entrée en vigueur ne se pose donc pas. La Convention a indirectement pris effet 207 Jugement de première instance n° 1260/20 du 22 mai 2020, n° 1260/20 (Pièce n° 3 des pièces de procédure versées par la Fabrique d’église dans son mémoire), page 31, troisième au dernier alinéa.

208 Voir les pièces n° 1, sous I, sous 4, et n° 2, annexées par l’Etat à son mémoire en réponse et ce mémoire, page 4, deuxième alinéa.

209 Jugement de première instance n° 1260/20 du 22 mai 2020 (pièce n° 3 des pièces de procédure annexées par la Fabrique d’église dans son mémoire), page 31, dernier alinéa.

par la prise d’effet de la loi qui l’incorpore. L’article 2 de la Convention renvoie donc à des formalités non pertinentes et réglemente une question – d’une entrée en vigueur de la Convention distincte de celle de sa loi d’approbation – qui ne se pose pas. Les conditions constitutionnelles de transposition législative de la Convention ayant été respectées et la Convention n’étant pas appelée à s’appliquer par elle-même, en dehors de la loi qui transpose son contenu, la question de son défaut d’entrée en vigueur par suite du défaut de respect des conditions de son article 2 est dépourvue de pertinence » La CONVENTION n’étant ainsi pas de nature à s’appliquer par elle-même, mais nécessitant impérativement une transposition par une loi pour les dispositions qui nécessitent son intervention, - LOI entretemps intervenue -, il n’est dès lors pas pertinent d’analyser la validité et la conformité de ladite convention, ni par rapport à la CONSTITUTION ni par rapport aux normes internationales. Le tribunal tient à souligner à titre superfétatoire que même le constat d’une prétendue irrégularité ou non-

conformité de la CONVENTION, - qui n’a aucune portée directe -, ne peut pas avoir comme conséquence d’abroger ou d’invalider une LOI déclarée conforme à la CONSTITUTION par la Cour Constitutionnelle. Le fait qu’en fonction des questions lui soumises, la Cour Constitutionnelle a décidé qu’il ne lui appartient ni de vérifier la conformité de la CONVENTION, - qui n’a pas la nature d’une loi -, à la CONSTITUTION, ni celle de la LOI à la CONVENTION, ni encore la validité en tant que telle de la CONVENTION, mais que ces questions relèvent de la compétence du fond, ne signifie pas pour autant que le juge du fond doit impérativement procéder à une analyse approfondie de la validité et de la conformité de la CONVENTION : eu égard aux dispositions légales applicables, le juge du fond doit, préalablement, vérifier si la CONVENTION existe indépendamment d’une transposition par une loi et le cas échéant vérifier la conformité ainsi que la validité de ladite convention ou si l’adoption d’une loi transposant une convention cultuelle est suffisante. Les très longs développements des parties au sujet de la validité, respectivement de la conformité de la CONVENTION sont dès lors dépourvus de pertinence. Le tribunal actuellement saisi n’est dès lors pas amené à vérifier si la juridiction du premier degré a outrepassé ses pouvoirs en procédant à un contrôle de constitutionnalité de la loi du 30 avril 1981 conférant la personnalité juridique à l’évêché de Luxembourg. Par conséquent, c’est à tort que la juridiction du premier degré a cru devoir procéder à une analyse exhaustive de la validité de la CONVENTION ainsi que celle de sa conformité à la CONSTITUTION et aux normes internationales. La LOI ayant transposé en substance la CONVENTION qui n’est pas de nature à s’appliquer par elle-même et qui n’est pas une norme supérieure à la LOI, tel que relevé précédemment, il n’y a pas lieu de vérifier la conformité de la LOI par rapport à la CONVENTION. Au vu des considérations précédentes, se pose seulement la question de la conformité de la LOI aux normes internationales. »210, alors que, ainsi qu’il n’est exposé que dans la discussion du moyen, tant bien même que la Cour constitutionnelle a, dans son arrêt n° 160 du 26 mars 2021, retenu que la question de la conformité de la loi de 2018 à la seconde Convention du 26 janvier 2015 relève de la compétence du juge du fond, le tribunal a, par son refus d’exercer ce contrôle, dénié sa compétence, violant ainsi l’article 4 du Code civil.

Dans son troisième moyen la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir commis un déni de justice en refusant de contrôler la conformité de la loi de 2018 à la seconde Convention du 26 janvier 2015.

Le déni de justice est un refus de juger qui manifeste une méconnaissance par le juge de l’étendue de ses pouvoirs211. Il implique donc un refus de statuer et de se prononcer sur la 210 Jugement attaqué, page 140, quatrième alinéa, à page 141, cinquième alinéa.

211 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, 6e édition, 2023, Paris, Dalloz, n° 73.41, page 374.

demande212. En revanche, si le juge n’a pas refusé de statuer, mais a rejeté les prétentions de la demanderesse en cassation par des motifs qui n’expriment pas un tel refus, il ne saurait encourir le grief de déni de justice213.

En l’espèce, les juges d’appel, invités à se prononcer sur la conformité de la loi de 2018 à la seconde Convention du 26 janvier 2015, n’ont pas constaté qu’ils étaient dépourvus de compétence pour procéder à un tel contrôle, mais ils ont refusé d’y procéder parce qu’ils considéraient que ce contrôle était dépourvu de pertinence au double motif que la Convention n’est pas de nature à s’appliquer par elle-même, son application supposant impérativement une loi de transposition, et que le constat de son irrégularité ou de sa non-conformité est dépourvu de tout effet, puisqu’il ne peut avoir comme conséquence d’abroger ou d’invalider la loi de transposition.

Ils n’ont donc pas dénié leur compétence ou méconnu l’étendue de leur pouvoir, mais considéré que l’exercice de cette compétence ou de ce pouvoir n’était pas nécessaire pour statuer sur la demande. Le bien-fondé des motifs par lesquels ils ont constaté le défaut de pertinence du contrôle de conformité n’est pas susceptible d’être attaqué par le cas d’ouverture du déni de justice, mais constitue tout au plus une simple violation de la loi, non invoquée dans le cadre du présent moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

3 . 4 . S u r l e q u a t r i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le quatrième moyen est tiré de la violation des articles 22, ancien, sinon 112, ancien, de la Constitution (devenu article 113, nouveau, de la Constitution révisée), les deux articles étant le cas échéant lus en combinaison, de la Constitution, 1134 du Code civil, ensemble avec l’article 2 de la seconde Convention du 26 janvier 2015 et 22, ancien, de la Constitution, sinon de l’article 8 in fine de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 9 juillet 1857 portant organisation du Gouvernement grand-ducal214, en ce que, en premier lieu, le tribunal d’arrondissement a rejeté les moyens tirés de la non-conformité de la seconde Convention du 26 janvier 2015 à l’article 22, ancien, de la Constitution aux motifs que : « Il est constant en cause que le 26 janvier 2015, une CONVENTION concernant la nouvelle organisation des fabriques d’Eglises a été conclue entre l’ETAT et l’Eglise catholique. Ladite CONVENTION est signée par le Ministre de l’Intérieur ainsi que par l’Archevêque de Luxembourg. La loi du 13 février 2018 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique, ainsi que sur l’interdiction du financement des cultes par les communes, - entrée en vigueur le 1er mai 2018 -, a transposé en substance la CONVENTION, qui n’a cependant pas été publiée ensemble avec la LOI. Par arrêt du 26 mars 2021, la Cour Constitutionnelle a déclaré que les articles 1, 2, 9 et 22 de la LOI sont conformes à l’article 22 de la CONSTITUTION, que la question de la conformité des mêmes dispositions légales à l’article 119 de la CONSTITUTION est sans objet et que la question de la conformité des mêmes dispositions légales à l’article 16 de la 212 Cour de cassation, 7 juillet 2011, n° 50/11, numéro 2863 du registre (réponse au premier moyen).

213 Idem et loc.cit.

214 Mémorial, 1857, n° 25 du 16 juillet 1857, page 285 (la disposition invoquée, à savoir l’article 8, dernier alinéa, de l’arrêté royal grand-ducal étant restée inchangée jusqu’à l’abrogation de ce texte par l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2023 portant approbation du règlement interne du Gouvernement, adopté sur base de l’article 92, nouveau, de la Constitution révisée (Mémorial, A, 2023, n° 346 du 1er juillet 2023) : « Les affaires qui concernent à la fois plusieurs départements, sont décidés en Conseil »).

CONSTITUTION ne se pose pas. La Cour Constitutionnelle a également retenu que les questions de la conformité de l’article 1er de la LOI et de l’article 76 de la loi du 18 germinal an X à l’article 10bis de la CONSTITUTION ne se posent pas. Au vu de l’arrêt rendu le 26 mars 2021 par la Cour Constitutionnelle, la conformité de la LOI par rapport à la CONSTITUTION ne fait dès lors plus débat. L’ASSOCIATION et la FABRIQUE soulèvent une multitude de questions concernant la validité de la CONVENTION ainsi que la conformité de ladite convention à la CONSTITUTION et aux normes internationales. La question de la conformité de la LOI à la CONVENTION, considérée comme étant une norme supérieure à la LOI, est également soulevée. Au vu de la remise en cause de la validité et de la conformité de la CONVENTION par l’ASSOCIATION et par la FABRIQUE, se pose la question de la pertinence desdites questions car la LOI transposant en substance la CONVENTION a été prise et est entrée en vigueur le 1er mai 2018. »215, que, en deuxième lieu, il refusa de contrôler la conformité de la loi de 2018 à la seconde Convention du 26 janvier 2015 aux motifs que : « Le fait que la LOI doit être conforme à la CONVENTION signifie simplement que la LOI ne peut pas transposer plus, respectivement autre chose, que ce qui a été convenu entre parties dans la CONVENTION. La LOI transposant le contenu de la CONVENITON doit, en effet, se conformer à ladite convention, et ne peut être ni contraire ni aller au-delà des prévisions de ce qui a été convenu entre l’ETAT et le culte catholique concerné. L’argument des parties appelantes tombe à faux. »216 et que, en troisième lieu, il considéra que le contrôle de la conformité de la seconde Convention du 26 janvier 2015 à l’article 22, ancien, de la Constitution n’était pas pertinent aux motifs que : « Les très longs développements des parties au sujet de la validité, respectivement de la conformité de la CONVENTION sont […] dépourvus de pertinence »217, alors que, première branche, l’article 22, ancien, de la Constitution prévoit une approbation de la Convention par le législateur, ainsi que la publication de celle-ci, à l’instar des conventions internationales visées par l’article 37, ancien, de la Constitution (devenu l’article 46, nouveau, de la Constitution révisée), de sorte que c’est à tort que le tribunal considéra que la question de la non-conformité de la seconde Convention du 26 janvier 2015 à l’article 22, ancien, de la Constitution était dépourvue de pertinence ; que, deuxième branche, l’article 2 de la seconde Convention du 26 janvier 2015 dispose qu’elle « sera approuvée par la Chambre des Députés conformément à l’actuel article 22 de la Constitution et publiée au Mémorial et entrera en vigueur au moment à fixer par les lois d’approbation », de sorte que le tribunal, en refusant de constater la non-conformité de la loi de 2018 à la seconde Convention du 26 janvier 2015, viola l’article 2 de celle-ci et, partant, l’article 1134 du Code civil et que, troisième branche, le tribunal, en refusant, pour être dépourvu de pertinence, le contrôle de la conformité de la seconde Convention du 26 janvier 2015 à l’article 22, ancien, de la Constitution, cette Convention ayant été, comme il est exposé dans la discussion du moyen, signée par le seul Ministre de l’Intérieur, tandis qu’elle aurait dû l’être, sur base de l’article 1er, point 1, II, de l’arrêté grand-ducal modifié du 24 juillet 2014 portant constitution des Ministères218, applicable au moment de la signature, par le Ministre des Cultes, sinon, sur base de l’article 8 in fine de l’arrêt royal grand-ducal modifié du 9 juillet 1857, après délibération du Gouvernement en conseil, viola les formalités substantielles prévues par l’article 22, ancien, de la Constitution, sinon l’article 8 in fine de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 9 juillet 1857.

215 Jugement attaqué, page 139, deuxième au septième alinéa.

216 Idem, page 139, dernier alinéa.

217 Idem, page 141, deuxième alinéa.

218 Mémorial, A, 2014, n° 137 du 30 juillet 2014, page 2172.

3.4.1.

Sur la première branche du moyen Dans la première branche du moyen la demanderesse en cassation critique le refus, motivé par un défaut de pertinence, du contrôle, par les juges d’appel, de la conformité de la loi de 2018 à la seconde Convention du 26 janvier 2015. Cette critique porte plus précisément sur l’omission par les juges d’appel de contrôler à titre préalable si cette Convention produit, au regard de la Constitution, effet dans l’ordre juridique interne, ce qui, selon la demanderesse en cassation, suppose qu’elle ait été, conformément à l’article 37, alinéa 2, ancien, de la Constitution (devenu l’article 46, alinéa 1, nouveau, de la Constitution révisée) et 112, ancien, de la Constitution (devenu 113, nouveau, de la Constitution révisée), publiée, cette formalité n’ayant pas été respectée en l’espèce.

La seconde Convention du 26 janvier 2015 constitue une Convention au titre de l’article 22, ancien, de la Constitution, qui disposait, comme rappelé ci-avant, que « [l]’intervention de l’Etat dans la nomination et l’installation des chefs des cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres, la faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Eglise avec l’Etat, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention ».

La demanderesse en cassation entend assimiler les conventions au titre de l’article 22, ancien, de la Constitution, entre l’Etat et les cultes reconnus à un traité international entre Etats au titre de l’article 37, ancien, de la Constitution (devenu l’article 46, nouveau, de la Constitution révisée). Or, la Cour constitutionnelle a, dans son arrêt n° 160 du 26 mars 2021, rejeté cette assimilation. Tandis que les traités internationaux, pour avoir effet dans l’ordre juridique interne, doivent, sur base de l’article 37, ancien, de la Constitution (devenu l’article 46, nouveau, de la Constitution révisée), être préalablement approuvés et publiés, une convention entre l’Etat et un culte reconnu au titre de l’article 22, ancien, de la Constitution « n’est pas, en tant que telle, à soumettre à la Chambre des Députés pour approbation, […] l’intervention de la Chambre [étant] limitée à la mise en œuvre des parties de la convention qui requièrent une transposition par voie d’une loi »219.

L’exigence, découlant de l’article 37, ancien, de la Constitution (devenu l’article 46, nouveau, de la Constitution révisée), applicable aux traités internationaux, conclus entre Etats étrangers et l’Etat luxembourgeois, subordonnant la prise d’effet dans l’ordre juridique interne à une approbation parlementaire et à une publication, n’est donc pas applicable aux conventions conclus entre l’Etat et les cultes au titre de l’article 22, ancien, de la Constitution.

Ces conventions ne sont, en effet, pas des Conventions ou traités internationaux :

« L’article 22 de la Constitution dispose que les rapports entre l’Eglise et l’Etat « font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des Députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention ».

Cette formule est à comparer à celle de l’article 37, alinéa 1er, de la Constitution, qui dispose, dans sa seconde phrase, que « les traités n’auront d’effet avant d’avoir été approuvés par la loi et publiés dans les formes prévues pour la publication des lois ».

La différence de ces deux textes est saisissante. Tandis que la prise d’effet du Traité international est par principe subordonnée à son approbation par la loi, les Conventions au titre de l’article 22 de la 219 Arrêt n° 160 de la Cour constitutionnelle du 26 mars 2021, page 8, premier alinéa.

Constitution ne sont à soumettre à la Chambre que pour ce qui concerne les dispositions qui nécessitent l’intervention de celle-ci. Il en suit que, contrairement aux Traités, la prise d’effet des Conventions n’est pas par principe subordonnée à une approbation. Celle-ci, non exigée par principe, ne s’impose que si la Convention appelle une transposition par des dispositions que seul le législateur est compétent d’adopter.

En revanche, dans la mesure où la Convention n’appelle pas de transposition, elle prend, contrairement aux Traités, effet sans approbation législative.

La finalité de l’intervention du législateur est donc différente dans les deux cas de figure : en matière de Traités, l’approbation a pour but de permettre au législateur de décider si le Traité doit, ou non, prendre effet ; en matière de Conventions au titre de l’article 22, il intervient non pour décider s’il y a lieu de leur donner effet, mais seulement aux fins d’assurer la transposition de celle de leurs dispositions qui, eu égard à leur matière, relèvent de sa compétence.

La Convention au titre de l’article 22 présente, en effet, par rapport au Traité international, la différence qu’elle ne constitue pas un instrument de droit international primant le droit interne et y ayant effet direct à condition d’être approuvé par le législateur et publié. La Convention constitue un instrument de droit interne. Elle n’a pas vocation à avoir effet direct. Elle ne devient norme à l’égard des tiers que si et dans la mesure où elle fait l’objet d’une transposition par le législateur.

C’est dès lors à juste titre que le Conseil d’Etat retient que « l’article 22 de la Constitution n’exige pas l’approbation formelle de la convention conclue avec un culte en tant que telle »220, donc qu’il « n’exige […] pas l’approbation de la Convention dans son ensemble »221.

Il n’exige l’intervention du législateur « uniquement [pour] les dispositions dont la mise en application est subordonnée à une intervention du pouvoir législatif »222, donc « à l’effet d’arrêter les mesures qui relèvent de sa compétence. »223, partant, « qui constituent la « réserve » de la loi »224. »225.

La convention au titre de l’article 22, ancien, de la Constitution n’étant pas un traité international, sa prise d’effet, outre de ne pas être subordonnée à une approbation parlementaire, ne l’est pas non plus à une publication :

« Cette même conclusion s’étend à la publication des Conventions conclues au titre de l’article 22. La Constitution subordonne la prise d’effet des Traités, outre à leur approbation, à leur publication, son article 37, alinéa 1er, seconde phrase, disposant que « les traités n’auront d’effet avant d’avoir été approuvés par la loi et publiés dans les formes prévues pour la publication des lois ». L’article 22 ne prévoit aucune disposition similaire pour les Conventions conclues à ce titre. Celles-ci ne sont, en effet, pas des instruments de droit international, primant le droit interne et y ayant effet direct, à condition d’avoir été approuvés et publiés. Elles sont des instruments de droit interne, dont l’effet direct à l’égard 220 Idem et loc.cit.

221 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part (Document parlementaire n° 4374-2, page 9, huitième alinéa).

222 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sous le projet de loi 6869, ayant donné lieu à la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869-5, page 3, dernier alinéa).

223 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 4374, ayant donné lieu à la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Archevêché, d’autre part (Document parlementaire n° 4374-2, page 9, huitième alinéa).

224 Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sous le projet de loi 5150, ayant donné lieu à la loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministères du culte des Eglises Orthodoxes Roumaine et Serbe du Luxembourg (Document parlementaire n° 5150-6, page 2, avant-dernier alinéa) ; Rapport de la Commission des Institutions et de la révision constitutionnelle sous le projet de loi 5151, ayant donné lieu à la loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministères du culte de l’Eglise Anglicane du Luxembourg (Document parlementaire n° 5151-6, page 3, premier alinéa).

225 Conclusions du Parquet général sous l’arrêt n° 160 de la Cour constitutionnelle du 26 mars 2021 (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées au mémoire en réponse du Fonds), page 49, deuxième au dernier alinéa, à page 50, premier alinéa.

des tiers suppose une transposition par le législateur. Leur publication est donc, contrairement aux Traités internationaux, inefficace pour leur conférer effet direct. Elle est dès lors inutile.

Il n’en est autrement que si la Convention au titre de l’article 22 constitue en outre un Traité international, parce qu’elle a été conclue avec un sujet de droit international, tel le Saint-Siège. Dans ce cas, sa publication s’impose, non en raison de sa nature de Convention au titre de l’article 22, mais parce qu’elle est par ailleurs un Traité international. Cette situation ne se présente pas lorsque, comme en l’espèce, la Convention a été conclue avec un sujet de droit interne, tel l’Archevêché. »226.

Les articles 37, alinéa 2, ancien, de la Constitution (devenu article 46, alinéa 1, nouveau, de la Constitution révisée) et 112, ancien, de la Constitution (devenu article 113, nouveau, de la Constitution révisée), que le premier des deux articles rend applicable à la publication des traités internationaux, sont dès lors étrangers aux conventions entre l’Etat et les cultes au titre de l’article 22, ancien, de la Constitution.

Il s’ensuit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

3.4.2.

Sur la deuxième branche du moyen Dans sa deuxième branche la demanderesse en cassation critique les juges d’appel d’avoir omis de déduire, du point de vue de la régularité de la loi de 2018, des conséquences de ce que la seconde Convention du 26 janvier 2015, transposée par cette loi, dispose, dans son article 2, qu’elle « sera […] publiée au Mémorial », mais que cette publication n’a pas eu lieu.

La branche est tirée de la violation de l’article 1134 du Code civil, « ensemble avec l’article 2 de la CONVENTION »227. L’Etat fait soutenir à juste titre qu’un acte qui n’est pas à considérer comme loi au sens large ne saurait donner lieu à un moyen tiré de sa violation228. La deuxième Convention du 26 janvier 2015, qui, comme il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion de la première branche du quatrième moyen, n’est pas à assimiler à un traité international, ne constitue pas une loi au sens large, donc ne saurait donner lieu à un moyen de cassation tiré de sa violation.

Il s’ensuit que, dans la mesure où le moyen est tiré de violation de l’article 2 de cette Convention, il est irrecevable.

Les juges d’appel ont constaté le défaut de pertinence du grief tiré du non-respect de l’article 2 de la Convention par suite du défaut de publication de celle-ci aux motifs que :

« Comme l’a relevé le PARQUET GENERAL dans ses conclusions devant la Cour Constitutionnelle, la CONVENTION est un instrument de droit interne, dont l’effet direct à l’égard des tiers suppose une transposition par le législateur.

Le PARQUET GENERAL a également précisé que, « l’article 22 de la Constitution n’exigeait pas l’approbation formelle de la Convention par la Chambre des députés et que ni l’article 22, ni l’article 37, alinéa 1er, seconde phrase, de la Constitution n’exigeaient sa publication et, plus particulièrement, ne soumettaient sa prise d’effet à 226 Idem, page 52, dernier alinéa, à page 53, premier alinéa.

227 Mémoire en cassation, page 22, sous 5.4.2., premier alinéa.

228 Mémoire en réponse de l’Etat, pages 10 et 11, sous « Sur la deuxième branche », sous 1. Voir également :

BORÉ, précité, n° 62.110, page 277.

une telle publication. Les dispositions contenues dans la Convention sont entrées en vigueur par l’adoption et la publication de la loi de 2018, qui en transposa la substance.

Comme la Convention a été intégralement transposée par la loi, il n’y a pas lieu d’envisager une entrée en vigueur propre de celle-ci, distincte de celle de la loi qui la met en œuvre. La question de son entrée en vigueur ne se pose donc pas. La Convention a indirectement pris effet par la prise d’effet de la loi qui l’incorpore. L’article 2 de la Convention renvoie donc à des formalités non pertinentes et réglemente une question – d’une entrée en vigueur de la Convention distincte de celle de sa loi d’approbation – qui ne se pose pas. Les conditions constitutionnelles de transposition législative de la Convention ayant été respectées et la Convention n’étant pas appelée à s’appliquer par elle-même, en dehors de la loi qui transpose son contenu, la question de son défaut d’entrée en vigueur par suite du défaut de respect des conditions de son article 2 est dépourvue de pertinence. ». »229.

Par ces motifs, adoptés des conclusions du Parquet général sous l’arrêt n° 160 de la Cour constitutionnelle du 26 mars 2021, les juges d’appel, ont ainsi que le soutient l’Etat dans son mémoire en réponse230, légalement justifié leur décision au regard du grief soulevé.

Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion de la première branche, que, contrairement à ce que soutient la demanderesse en cassation, une convention sur base de l’article 22, ancien, de la Constitution, entre l’Etat et un culte reconnu ne donne pas lieu à une obligation d’approbation législative et de publication. L’article 2 de la Convention de l’espèce, qui imposa ces formalités, était dès lors superfétatoire. La Convention n’a par ailleurs pas fait l’objet d’une application directe. Elle n’a été appliquée que de façon indirecte par l’intermédiaire de la loi de 2018 qui en transposa la substance. Il ne se pose donc aucune question d’une prise d’effet autonome de la Convention, distincte de celle de la loi.

Toutes ces raisons justifient le défaut de pertinence de la question du respect de la condition superfétatoire de publication inscrite à l’article 2 de la Convention.

Il s’ensuit que la branche n’est pas fondée.

3.4.3.

Sur troisième branche du moyen La troisième branche du moyen, tirée de la violation des articles 22, ancien, de la Constitution et 8 in fine de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 9 juillet 1857, critique le jugement en ce que les juges d’appel y ont conclu que les développements des parties au sujet de la validité, sinon de la conformité de la seconde Convention du 26 janvier 2015 sont dépourvus de pertinence, « alors qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement a violé les formalités substantielles prévues par les dispositions précitées en matière de conclusion d’une convention cultuelle »231. La demanderesse en cassation omet de préciser dans l’énoncé du moyen en quoi consiste cette violation alléguée.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, 229 Jugement attaqué, page 140, quatrième et cinquième alinéa.

230 Mémoire en réponse de l’Etat, page 11, sous 2.

231 Mémoire en cassation, page 23, sous « 5.4.3. Troisième branche du quatrième moyen », cinquième alinéa.

préciser en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

La branche du moyen ne précise pas en quoi les dispositions visées auraient été violées.

Il s’ensuit que la troisième branche est irrecevable232.

Dans un ordre subsidiaire, c’est à juste titre et pour des motifs adéquats, rappelés en partie ci-

avant dans le cadre de la discussion de la deuxième branche du moyen, que les juges d’appel ont conclu que les moyens relatifs à la légalité de la Convention sont dépourvus de pertinence :

cette Convention, qui « ne constitue pas en soi, même entre les parties signataires, un document juridiquement contraignant en ce qu’elle emporterait des droits et obligations qui pourraient faire l’objet d’une consécration judiciaire et par la suite d’une exécution forcée »233, n’est « pas de nature à s’appliquer par elle-même, mais nécessit[e] impérativement une transposition par une loi pour les dispositions qui nécessitent son intervention »234, ce à quoi s’ajoute « que même le constat d’une prétendue irrégularité ou non-conformité de la CONVENTION, - qui n’a aucune portée directe -, ne peut pas avoir comme conséquence d’abroger ou d’invalider [la loi de 2018] déclarée conformée à la CONSTITUTION par la Cour Constitutionnelle »235.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que la branche n’est pas fondée.

3 . 5 . S u r l e c i n q u i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le cinquième moyen est tiré de la violation des articles 16, ancien, de la Constitution (devenu l’article 36, nouveau, de la Constitution révisée) et 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement a rejeté le moyen de la Fabrique d’église tiré de ce qu’elle a fait l’objet d’une expropriation de ses biens au profit du Fonds, aux motifs que : « Les parties appelantes soutiennent également que le premier juge aurait à tort conclu à une absence de violation de l’article 1er du protocole additionnel annexé à la CEDH. En particulier, elles font grief au jugement rendu d’avoir retenu que la Cour constitutionnelle a décidé que l’Eglise catholique est l’entité pouvant disposer de l’existence des fabriques d’Eglise ainsi que de leurs biens. Aux termes de l’article 1er du Protocole additionnel à la CEDH, « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ». Par confirmation du jugement entrepris, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que la LOI ne peut pas violer l’article 1er du protocole précité car elle se limite d’entériner un accord valablement conclu. »236, alors que, ainsi qu’il est exposé dans 232 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 25 mai 2023, n° 58/2023, CAS-2022-00062 du registre (réponse au premier moyen).

233 Jugement attaqué, page 140, troisième alinéa.

234 Idem, même page antépénultième alinéa.

235 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

236 Jugement attaqué, page 143, premier au troisième alinéa.

la discussion du moyen, les fabriques d’église ne sont pas des établissements publics, de sorte que la seconde Convention du 26 janvier 2015 ne pouvait d’autorité les supprimer et les exproprier de l’ensemble de leurs biens au bénéfice du Fonds et que, même à supposer qu’elles soient des établissements publics, il y a lieu de leur appliquer le régime des mutations domaniales qui protège les personnes morales de droit public contre les expropriations, ainsi qu’il a été rappelé par le Conseil d’Etat dans son avis du 24 janvier 2017 sur le Projet de loi n° 6861 portant organisation de la sécurité civile et création d’un Corps grand-ducal d’incendie et de secours237, le législateur ne pouvant procéder à une réaffectation des biens dépendant de l’exécutif, de sorte que le tribunal d’arrondissement a violé, première branche, l’article 16, ancien, de la Constitution (devenu l’article 36, nouveau, de la Constitution révisée) et, seconde branche, l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans son cinquième moyen la demanderesse en cassation critique les juges d’appel d’avoir rejeté, par confirmation, son moyen tiré de ce que la loi de 2018, transposant la seconde Convention du 26 janvier 2015, a illégalement exproprié la Fabrique d’église. Elle omet cependant d’exposer, dans l’énoncé du moyen, en quoi elle critique cette décision, se limitant à affirmer « qu’en jugeant comme il l’a fait, le Tribunal d’arrondissement a violé l’article 16 de la Constitution [et] l’article 1er du protocole précité »238.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Les deux branches du moyen ne précisent pas en quoi les dispositions visées auraient été violées.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable239.

Dans un ordre subsidiaire, il est observé que la demanderesse en cassation critique, au regard du développement du moyen, que la loi, transposant la Convention, a procédé à une expropriation des biens de la Fabrique d’église parce que celle-ci est une entité de droit privé, sinon, à supposer qu’elle doit être qualifiée d’établissement public, parce que les établissements publics sont également protégés contre les expropriations.

Ces questions avaient été longuement discutées dans les écrits transmis à la Cour constitutionnelle dans le cadre de son arrêt n° 160 du 26 mars 2021240. Celle-ci conclut que la question de la conformité de la loi de 2018 à l’article 16, ancien, de la Constitution (devenu l’article 36, nouveau, de la Constitution révisée) ne se pose pas parce que « c’est sur base de l’accord des parties à la Convention [adopté entre l’Etat et l’Eglise catholique sur base de 237 Document parlementaire n° 6861-8, voir les pages 7 et 8, sous « Article 6 ».

238 Mémoire en cassation, page 25, sous « 5.5.1. Première branche du cinquième moyen », cinquième alinéa, et page 27, premier alinéa.

239 Voir, à titre d’illustration, l’arrêt précité de votre Cour n° 58/2023, CAS-2022-00062 du registre du 25 mai 2023 (réponse au premier moyen).

240 Voir notamment les conclusions du Parquet général sous cet arrêt (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées au mémoire en réponse du Fonds), pages 60 à 107.

l’article 22, ancien, de la Constitution] qu’il y a eu suppression des fabriques d’église avec un transfert de propriété au Fonds nouvellement créé et non une dépossession de leurs avoirs imposée aux fabriques d’église par le législateur »241. Elle considère donc que, du fait que la loi de 2018 se limite à transposer la seconde Convention du 26 janvier 2015, ce sont in fine les parties à cette Convention, donc l’Etat et l’Eglise catholique, qui par celle-ci opèrent le transfert de propriété et non le législateur qui se limite à exécuter et à rendre effective celle-ci par sa loi de 2018.

Ce transfert de propriété, décidé par les parties dans la Convention et exécuté par le législateur par la loi de 2018, n’est pas à qualifier d’expropriation. Il est renvoyé à cet effet aux conclusions du Parquet général sur cette question sous l’arrêt n° 160 du 26 mars 2021 de la Cour constitutionnelle. Il y a été considéré que les Fabriques d’église sont à qualifier, non comme des entités de droit privé, mais comme des établissements publics au sens de l’article 108bis, ancien, de la Constitution (devenu les articles 128 et 129, nouveau, de la Constitution révisée)242. S’agissant de la conformité à l’article 16, ancien, de la Constitution (devenu l’article 36, nouveau, de la Constitution révisée) du transfert de propriété des Fabriques d’église au Fonds il y a été conclu ce qui suit :

« La loi de 2018 a supprimé les Fabriques d’église et transféré leurs patrimoines au Fonds. La Cour constitutionnelle belge a décidé que la protection de l’article 16 de la Constitution, qui s’étend certes en principe aux biens des personnes morales de droit public, ne s’applique pas dans un tel cas de figure, à défaut de sujet de droit titulaire d’un droit de propriété243. Si vous décidez de suivre cette solution, toute discussion complémentaire devient superfétatoire et vous conclurez que la loi est conforme à la Constitution.

Si vous considérez, en revanche, que cette solution ne saurait, en raison de son caractère isolé ou de sa nature trop peu protectrice des droits protégés par la Constitution, pas être suivie, vous trouverez des critères de réponse au domaine de la protection du droit de propriété des personnes publiques dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français, à laquelle s’est référé par ailleurs le Conseil d’Etat244, tant dans son avis que dans l’opinion dissidente245.

Tenant compte de la particularité des biens appartenant aux personnes publiques, dont l’usage est, eu égard au principe de spécialité de celles-ci, limité aux finalités d’intérêt général ayant justifié de leur attribuer les biens, cette jurisprudence reconnaît au législateur le pouvoir de transférer les biens d’une personne publique à une autre, sans l’accord des personnes concernées et sans indemnité246. Dans un tel cas il n’y a pas d’expropriation et le droit de propriété garanti par la Constitution est respecté.

La constitutionnalité du transfert de biens suppose toutefois que ce dernier se fonde sur un motif d’intérêt général suffisant s’il s’agit de biens relevant du domaine privé des personnes publiques concernées et que les biens relevant du domaine public de ces personnes restent affectés à leur but d’intérêt général.

Les Fabriques d’église et le Fonds étant à qualifier de personnes morales de droit public, la constitutionnalité du transfert de biens est à apprécier selon ces critères.

241 Arrêt cité, page 11, antépénultième alinéa.

242 Conclusions du Parquet général sous l’arrêt n° 160 du 26 mars 2021 de la Cour constitutionnelle (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées au mémoire en réponse du Fonds), page 77, premier alinéa, concluant des développements exhaustifs exposés aux pages 60 à 77.

243 Arrêt n° 44/99 de la Cour d’arbitrage belge, du 20 avril 1999, B.5, deuxième alinéa.

244 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi 7037 (Document parlementaire n° 7037-4, page 5, avant-dernier alinéa).

245 Opinion dissidente du Conseil d’Etat sur le projet de loi précité (Document parlementaire n° 7037-5, page 2, avant-dernier alinéa).

246 Voir ci-avant, sous 8.2.1.2.

Ces derniers sont toutefois dans le contexte particulier des cultes, caractérisés par une garantie constitutionnelle de l’exercice des cultes prévue par l’article 19 de la Constitution et par l’obligation prévue par l’article 22 de la Constitution de régler les rapports entre l’Etat et les cultes par des Conventions, à compléter par deux critères complémentaires :

-

d’une part, les biens affectés à l’usage d’un culte ne sauraient, quelle que soit leur nature de biens relevant du domaine public ou du domaine privé, être transférés sans que ne soit garanti qu’ils restent affectés à l’usage de ce culte, sauf Convention contraire conclue sur base de l’article 22 de la Constitution et -

d’autre part, un transfert de tels biens suppose l’accord du culte sous forme de Convention au sens de l’article 22 de la Constitution.

Ces critères paraissent être respectés dans le cadre de la loi de 2018, dès lors :

-

que le législateur a justifié la création du Fonds, le transfert des biens des Fabriques d’église au Fonds et la suppression des Fabriques d’église par un motif d’intérêt général, tiré de la volonté d’instaurer dans le cadre de la gestion des biens du culte catholique une plus grande transparence et une moins grande complexité, -

que les biens transférés par les Fabriques d’église au Fonds gardent leur affectation, dans le cadre et dans les limites de la Convention conclue à cette fin entre l’Etat et l’Archevêché sur base de l’article 22 de la Constitution et -

que ce transfert a été accepté par l’Eglise par la Convention précitée, fondée sur l’article 22 de la Constitution, conclue en son nom par l’organe qui, au regard de la législation applicable247, en assume la direction, à savoir l’Archevêque.

La suppression des Fabriques d’église et le transfert de leurs biens au Fonds respectent dès lors les exigences de l’article 16 de la Constitution. »248.

Ces conclusions sont maintenues. Elles s’appliquent mutatis mutandis à la question, soulevée par la seconde branche, de la compatibilité du transfert des biens des Fabriques d’église au Fonds décidé par la Convention conclue entre l’Etat et l’Eglise et exécuté par la loi de 2018 au regard de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

3 . 6 . S u r l e s i x i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le sixième moyen est tiré de la violation des articles 12 et 14 du Concordat du 26 messidor an IX (15 juillet 1801) entre le Gouvernement français et le pape Pie VII, en ce que le tribunal d’arrondissement a considéré que la loi de 2018 ne viole pas les dispositions visées au moyen, aux motifs que : « L’ASSOCIATION et la FABRIQUE font grief au jugement entrepris en ce que le premier juge a conclu à une absence de violation du CONCORDAT. Tel que relevé à juste titre par le premier juge, le CONCORDAT qui est le traité signé le 26 messidor an IX (15 juillet 1801) entre le Gouvernement français et le Saint-Siège, est un traité international. Aux termes de l’article 12 du CONCORDAT, « Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, 247 L’article 15 de la première Convention du 26 janvier 2015 faisant l’objet de la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique.

248 Conclusions du Parquet général sous l’arrêt n° 160 du 26 mars 2021 de la Cour constitutionnelle (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées au mémoire en réponse du Fonds), pages 105, dernier alinéa, à page 107, deuxième alinéa.

paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques. » L’article 14 du même CONCORDAT poursuit « Le Gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les cures seront compris dans la circonscription nouvelle ». Pour autant que le CONCORDAT soit toujours en vigueur au Grand-Duché de Luxembourg, au vu du passé historique mouvementé du Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu de confirmer le premier juge, par adoption des motifs, en ce qu’il a retenu qu’il n’y a ni violation de l’article 12 ni de l’article 14 dudit CONCORDAT. Tel que souligné à juste titre par la juridiction du premier degré, la LOI précise à l’article 1er alinéa 2 que le FONDS est placé sous le contrôle de l’Archevêché de Luxembourg et qu’il est géré par un Conseil d’administration d’au moins trois membres nommés et révoqués par l’Archevêché : les biens ecclésiastiques sont ainsi sous la disposition de l’archevêque à travers ce fonds. Ni l’article 12 du CONCORDAT ni une autre disposition ne prévoit que la mise à disposition des biens ecclésiastiques doit se faire par l’intermédiaire des fabriques d’Eglise. C’est également à bon droit que la juridiction du premier degré, partant par adoption des motifs, a conclu que l’article 14 du CONCORDAT ne prévoit pas que les curés doivent être en mesure de disposer dans leurs paroisses respectives de structures de gestion financières, telles les fabriques d’Eglise. »249, alors que, ainsi qu’il n’est exposé que dans la discussion du moyen, le Fonds est, sur base de l’article 1er de la loi de 2018, une personne morale de droit public, de sorte qu’il est à considérer comme établissement public, donc comme un démembrement de l’Etat, ce qui, de l’avis de la demanderesse en cassation, est contraire à l’esprit du Concordat.

Dans son sixième moyen la demanderesse en cassation critique une violation des articles 12 et 14 du Concordat. Ce n’est pourtant que dans la discussion du moyen qu’elle précise en quoi, selon elle, le Concordat aurait été méconnu, se limitant dans l’énoncé du moyen à relever que « [e]n jugeant comme il l’a fait, le tribunal a violé les articles 12 et 14, précités, du CONCORDAT »250.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les dispositions visées auraient été violées.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable251.

Dans un ordre subsidiaire, il est rappelé que, ainsi qu’il a été exposé ci-avant sous 1.2.1., qu’il est controversé si le Concordat est toujours en vigueur.

La demanderesse en cassation invoque une violation des articles 12 et 14 de ce dernier, qui disposent que :

« Art. 12. Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront remises à la disposition des évêques. », 249 Jugement attaqué, page 141, sixième au dernier alinéa.

250 Mémoire en cassation, page 28, deuxième alinéa.

251 Voir, à titre d’illustration, l’arrêt précité de votre Cour n° 58/2023, CAS-2022-00062 du registre du 25 mai 2023 (réponse au premier moyen).

« Art. 14. Le Gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les paroisses seront compris dans la circonscription nouvelle. ».

Les juges d’appel rejetèrent ce moyen aux motifs suivants :

« L’ASSOCIATION et la FABRIQUE font grief au jugement entrepris en ce que le premier juge a conclu à une absence de violation du CONCORDAT.

Tel que relevé à juste titre par le premier juge, le CONCORDAT qui est le traité signé le 26 messidor an IX (15 juillet 1801) entre le Gouvernement français et le Saint-Siège, est un traité international.

Aux termes de l’article 12 du CONCORDAT, « Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques. » L’article 14 du même CONCORDAT poursuit « Le Gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les cures seront compris dans la circonscription nouvelle ».

Pour autant que le CONCORDAT soit toujours en vigueur au Grand-Duché de Luxembourg, au vu du passé historique mouvementé du Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu de confirmer le premier juge, par adoption des motifs, en ce qu’il a retenu qu’il n’y a ni violation de l’article 12 ni de l’article 14 dudit CONCORDAT.

Tel que souligné à juste titre par la juridiction du premier degré, la LOI précise à l’article 1er alinéa 2 que le FONDS est placé sous le contrôle de l’Archevêché de Luxembourg et qu’il est géré par un Conseil d’administration d’au moins trois membres nommés et révoqués par l’Archevêché : les biens ecclésiastiques sont ainsi sous la disposition de l’archevêque à travers ce fonds. Ni l’article 12 du CONCORDAT ni une autre disposition ne prévoit que la mise à disposition des biens ecclésiastiques doit se faire par l’intermédiaire des fabriques d’Eglise.

C’est également à bon droit que la juridiction du premier degré, partant par adoption des motifs, a conclu que l’article 14 du CONCORDAT ne prévoit pas que les curés doivent être en mesure de disposer dans leurs paroisses respectives de structures de gestion financières, telles les fabriques d’Eglise. »252.

Dans la discussion du moyen la demanderesse en cassation critique ce raisonnement en soutenant que, suivant l’article 1er de la loi de 2018, le Fonds est une personne morale de droit public, ce dont elle déduit qu’il est un établissement public. Elle critique que « le fait de céder tous les biens des Fabriques (qui proviennent des dons des fidèles depuis des siècles) à un établissement public, c’est-à-dire à l’ETAT, est contraire à l’esprit du CONCORDAT »253.

Elle considère donc que le Fonds, auquel les biens des Fabriques d’église ont été transférés, est, en tant que personne morale de droit public, donc établissement public, à considérer comme un démembrement de l’Etat ;

252 Jugement attaqué, page 141, sixième au dernier alinéa.

253 Mémoire en cassation, page 28, sous « Discussion du moyen », troisième alinéa.

« Cette conclusion repose sur une conception de l’établissement public qui circonscrit ce dernier à une branche décentralisée de l’administration. Il est vrai [que à une certaine époque] les établissements publics étaient considérés [en France] comme « des organes de l’administration publique, de rouages de la machine administrative, au même titre que les administrations directement rattachées à l’Etat »254. Or, […], « depuis toujours l’établissement [public] est une pure forme, un simple moule juridique, un pur instrument entre les mains de l’Etat et des collectivités territoriales pour satisfaire des finalités bien précises, plus ou moins liées à l’intérêt général ou au service public »255. L’établissement public est « de longue date marqué par une forte hétérogénéité »256. « Comment en effet [s’agissant par analogie de l’hétérogénéité des établissements publics en France] synthétiser le fonctionnement interne d’une université, du Centre Georges Pompidou, de la SNCF et d’un office de tourisme ? »257.

Ainsi, à titre d’illustration, s’il a été traditionnellement considéré que « tout établissement public doit être techniquement rattaché à une personne morale »258, la jurisprudence administrative française retient que des établissements de type corporatif, telles les chambres professionnelles de commerce, de métiers ou d’agriculture ou les associations syndicales autorisées ou forcées de propriétaires, donc des « établissements de type corporatif, qui ne sont pas vraiment des prolongements personnalisés d’autres collectivités publiques et assurant la défense des intérêts collectifs de leurs membres »259 sont des établissements publics260.

Poursuivant cette évolution, le droit administratif français a depuis une vingtaine d’années complété la distinction tripartite traditionnelle des personnes morales de droit public entre Etat, collectivités territoriales - qui sont en droit luxembourgeoise les communes – et les établissements publics en leur adjoignant une quatrième catégorie, qualifiée de personnes de droit public spécialisées ou sui generis261.

Celle-ci regroupe à l’heure actuelle notamment la Banque de France262 et les autorités administratives indépendantes263. Ces dernières sont caractérisées par leur indépendance, ce qui implique qu’elles ne sont ni rattachées à une autre personne morale de droit public ni soumises à tutelle, tandis qu’il est en général considéré que les établissements publics font l’objet d’un rattachement ou d’une tutelle administrative264.

Il a cependant été vu ci-avant que le droit administratif français n’hésite pas à qualifier comme établissements publics des établissements de type corporatif, telles les chambres professionnelles de commerce, de métiers ou d’agriculture ou les associations syndicales autorisées ou forcées de propriétaires, qui se caractérisent, au même titre que les autorités administratives indépendantes, par une absence de rattachement administratif.

La qualification de personne morale de droit public est donc susceptible d’être attribuée à des personnes qui ne sont pas à considérer comme des branches de l’administration ou un service d’Etat. »265.

L’attribution de la personnalité morale de droit public aux organes du culte, à savoir, en premier lieu, comme vu ci-avant sous 1.2.4., par la loi du 30 avril 1981, à l’Evêché, devenu Archevêché, puis, par la suite, à des organes d’autres cultes et enfin au Fonds s’explique plus 254 JurisClasseur Administratif, Fasc. 135 : Etablissements publics – Notion, Création, Contrôle, par Benoît PLESSIX, mars 2014, n° 2.

255 Idem, n° 3.

256 JurisClasseur Administratif, Essentiel, Etablissements publics: personnes publiques « sui generis », par Benoît DELAUNAY, août 2017, n° 27.

257 JurisClasseur Administratif, Fasc. 135, précité, n° 3.

258 Idem, n° 70, citant la juripsurdence du Conseil d’Etat français.

259 Idem et loc.cit.

260 Idem et loc.cit. et les références jurisprudentielles y citées.

261 Idem, n° 35.

262 Idem, n° 36.

263 Idem, n° 38.

264 Idem, n° 39.

265 Conclusions du Parquet général sous l’arrêt n° 160 du 26 mars 2021 de la Cour constitutionnelle (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées au mémoire en réponse du Fonds), page 68, dernier alinéa, à page 69, dernier alinéa.

particulièrement, dans le contexte luxembourgeois, par une volonté de reconnaissance par le législateur de la mission d’intérêt public des cultes :

« L’attribution de la personnalité morale de droit public est « un emprunt du droit allemand »266. L’article 140 de la loi fondamentale allemande (« Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland ») déclare applicable certaines dispositions de la Constitution allemande du 11 août 1919, dite Constitution de Weimar, parmi lesquelles figure l’article 137 de cette Constitution, qui dispose dans son paragraphe 5 que les églises ou cultes demeurent des organismes de droit public267.

L’attribution de la personnalité morale de droit public est donc dans ce contexte à comprendre comme la reconnaissance de l’intérêt public des activités de l’Eglise catholique. Elle a pu être décrite en Allemagne comme « le « statut du symbole » »268. Elle s’explique par ailleurs dans le contexte allemand par le pouvoir exorbitant de droit commun reconnu, par l’article 137, paragraphe 6, de la Constitution de Weimar, auquel renvoie l’article 140 de la loi fondamentale allemande, aux cultes constitués comme personnes morales de droit public de prélever des impôts. Ces cultes jouissent par ailleurs, sur base de l’article 137, paragraphe 3, de la Constitution de Weimar, d’une indépendance dans la gestion de leurs affaires sous réserve du respect des lois.

L’attribution de la personnalité morale de droit public n’est donc pas à comprendre comme un assujettissement des cultes à l’Etat ou leur transformation en branche du gouvernement ou service d’Etat.

Il reste que l’attribution de cette qualité et des effets qu’elle engendre relèvent de l’appréciation du législateur lorsqu’il est appelé à décider de l’approbation des Conventions conclues avec les cultes sur base de l’article 22 de la Constitution.

La reconnaissance de l’Evêché, devenu Archevêché, comme personne morale de droit public par la loi de 1981 a préfiguré la reconnaissance d’autres cultes :

-

le Consistoire de l’Eglise protestante réformée, par une loi du 23 novembre 1982269, confirmée par l’une des lois du 23 juillet 2016270, 266 Alexis PAULY, Eglises et Etat au Luxembourg, Thèse de doctorat, 1988, page 83, premier alinéa.

267 Idem, et loc.cit. L’article 140 de la loi fondamentale allemande dispose que: « Die Bestimmungen der Artikel 136, 137, 138, 139 und 141 der deutschen Verfassung vom 11.August 1919 sind Bestandteil dieses Grundgesetzes ». L’article 137 de la Constitution allemande du 11 août 1919 dispose que : « Art. 137. (1) Es besteht keine Staatskirche. (2) Die Freiheit der Vereinigung zu Religionsgemeinschaften wird gewährleistet. Der Zusammenschluss von Religionsgesellschaften innerhalb des Rechtsgebiets unterliegt keinen Beschränkungen. (3) Jede Religionsgesellschaft ordnet und verwaltet ihre Angelegenheiten selbständig innerhalb der Schranken des für alle geltenden Gesetzes. Sie verleiht ihre Ämter ohne Mitwirkung des Staates oder der bürgerlichen Gemeinde.

(4) Religionsgesellschaften erwerben die Rechtsfähigkeit nach den allgemeinen Vorschriften des bürgerlichen Rechtes. (5) Die Religionsgesellschaften bleiben Körperschaften des öffentlichen Rechts, soweit sie solche bisher waren. Anderen Religionsgesellschaften sind auf ihren Antrag gleiche Rechte zu gewähren, wenn sie durch ihre Verfassung und die Zahl ihrer Mitglieder die Gewähr der Dauer bieten. Schließen sich mehrere derartige öffentlich-rechtliche Religionsgesellschaften zu einem Verbande zusammen, so ist auch dieser Verband eine öffentlich-rechtliche Körperschaft. (6) Die Religionsgesellschaften welche Körperschaften des öffentlichen Rechtes sind, sind berechtigt, auf Grund der bürgerlichen Steuerlisten nach Maßgabe des landesrechtlichen Bestimmungen Steuern zu erheben. (7) Den Religionsgesellschaften werden die Vereinigungen gleichgestellt, die sich die gemeinschaftliche Pflege einer Weltanschauung zur Aufgabe machen. (8) Soweit die Durchführung dieser Bestimmungen eine weitere Regelung erfordert, liegt diese der Landesgesetzgebung ob. » (c’est nous qui soulignons).

268 Alexis PAULY, précité, page 83, deuxième alinéa, citant l’auteur allemand A. HOLLERBACH.

269 Loi du 23 novembre 1982 portant approbation de la Convention de reconnaissance de l’Eglise Protestante Réformée du Luxembourg, octroi de la personnalité juridique à celle-ci et détermination des fonctions et emplois rémunérés par l’Etat (Mémorial, A, 1982, n° 96, page 1993), article 2 : « Le Consistoire de l’Eglise Protestante Réformée constitue une personne juridique de droit public ».

270 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise protestante du Luxembourg et à l’Eglise protestante reformée du Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte protestant, conférant la personnalité juridique aux Eglises protestantes et portant abrogation de la loi du 23 novembre 1982 portant approbation de la Convention de reconnaissance de l’Eglise Protestante Réformée du Luxembourg, octroi de la personnalité juridique à celle-ci et -

le Consistoire de l’Eglise protestante du Luxembourg, par l’une des lois du 10 juillet 1998271, confirmée par l’une des lois du 23 juillet 2016272, -

le Consistoire administratif de l’Eglise protestante du Luxembourg, par l’une des lois du 23 juillet 2016273, -

le Consistoire israélite, par l’une des lois du 10 juillet 1998274, confirmée par l’une des lois du 23 juillet 2016275, -

l’Eglise orthodoxe hellénique du Luxembourg, par l’une des lois du 10 juillet 1998276, confirmée par l’une des lois du 23 juillet 2016277, -

l’Eglise orthodoxe roumaine et l’Eglise orthodoxe serbe, établies au Luxembourg, par une loi du 11 juin 2004278, confirmée par l’une des lois du 23 juillet 2016279, -

l’Eglise orthodoxe russe, par l’une des lois du 23 juillet 2016280, détermination des fonctions et emplois rémunérés par l’Etat et de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise Protestante du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 20016, n° 147, page 2523), article 2, alinéa 3, première phrase : « Les consistoires de l’Eglise protestante et de l’Eglise protestante réformée constituent des personnes juridiques de droit public ».

271 Loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise Protestante du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1327), article 2 : « Le Consistoire de l’Eglise Protestante constitue une personne juridique de droit public ».

272 Voir la deuxième note de bas de page qui précède la présente.

273 Voir l’article 2, alinéa 1, de la loi visée par la troisième note de bas de page qui précède la présente : « Le Consistoire administratif de l’Eglise protestante du Luxembourg, qui regroupe aux fins d’application de la présente loi les Eglises protestantes établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, constitue une personne juridique de droit public ».

274 Loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et les communautés israélites du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1324), article 2 :

« Le Consistoire Israélite constitue une personne juridique de droit public ».

275 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à la communauté israélite du Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte israélite, conférant la personnalité juridique au Consistoire israélite et portant abrogation de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et les communautés israélites du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2517), article 2 , alinéa 1 :

« Le Consistoire israélite constitue une personne juridique de droit public ».

276 Loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise Orthodoxe Hellénique du Luxembourg, d’autre part (Mémorial, A, 1998, n° 66, page 1333), article 2 : « L’Eglise Orthodoxe Hellénique au Luxembourg constitue une personne juridique de droit public ».

277 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise orthodoxe au Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte orthodoxe, conférant la personnalité juridique aux églises orthodoxes et portant abrogation de la loi du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d’une part, et l’Eglise orthodoxe hellénique du Luxembourg, d’autre part et de la loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte des Eglises Orthodoxes Roumaine et Serbe du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public auxdites Eglises (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2520), article 2 , alinéa 1 : « L’Eglise orthodoxe au Luxembourg regroupe les Eglises orthodoxes hellénique, roumaine, serbe et russe établies au Luxembourg. Elles constituent des personnes juridiques de droit public ».

278 Loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte des Eglises Orthodoxes Roumaine et Serbe du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public auxdites Eglises (Mémorial, A, 2004, n° 99, page 1609), article 1er alinéa 1 : « L’Eglise Orthodoxe Roumaine et l’Eglise Orthodoxe Serbe, établies au Luxembourg, constituent des personnes juridiques de droit public ».

279 Voir la deuxième note de bas de page qui précède la présente.

280 Voir la troisième note de bas de page qui précède la présente.

-

l’Eglise orthodoxe au Luxembourg, par l’une des lois du 23 juillet 2016281, -

l’Eglise anglicane du Luxembourg, par une loi du 11 juin 2004282, confirmée par l’une des lois du 23 juillet 2016283 et -

la Shoura, assemblée de la Communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg, par l’une des lois du 23 juillet 2016284.

L’attribution de la qualité de personne morale de droit public à ces cultes est à comprendre, au regard de l’intention exprimée par le législateur à l’occasion de l’attribution de cette qualité à l’Evêché en 1981, comme refus, fondé sur l’article 19 de la Constitution, de les « enfermer […] dans la seule sphère privée et [leur reconnaissance implicite] comme éléments de l’ordre public dignes d’être protégés par la loi »285.

L’appartenance des cultes à la sphère publique a été confirmée par la Convention du 26 janvier 2015 entre l’Etat et l’Archevêché, transposée par la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique, qui retient que : « La neutralité de l’Etat en matière religieuse […] n’exclut pas la coopération entre les pouvoirs publics et les communautés cultuelles, étant donné qu’elles continuent à occuper une place dans la sphère publique »286. Il est à préciser que l’article 19 de la Constitution est, en l’état actuel des travaux de révision de la Constitution, appelé à être maintenu dans sa substance287.

281 Voir la quatrième note de bas de page qui précède la présente. L’Eglise orthodoxe au Luxembourg, qui constitue une personne juridique de droit public regroupant, sur base de l’article 2, alinéa 1, de la loi précitée de 2016, les Eglises orthodoxes hellénique, roumaine, serbe et russe, est, au regard de l’article 1er, alinéa 1, de cette loi, le destinataire du soutien financier annuel revenant aux quatre Eglises concernées.

282 Loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte de l’Eglise Anglicane du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public à ladite Eglise (Mémorial, A, 2004, n° 99, page 1608), article 1er alinéa 1 : « L’Eglise Anglicane du Luxembourg constitue une personne juridique de droit public ».

283 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise anglicane du Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte anglican, conférant la personnalité juridique à ladite Eglise et portant abrogation de la loi du 11 juin 2004 autorisant l’Etat à prendre en charge les traitements et pensions des ministres du culte de l’Eglise Anglicane du Luxembourg et conférant la personnalité juridique de droit public à ladite Eglise (Mémorial, A, 2016, n° 147, page 2529), article 2, alinéa 1 : « L’Eglise anglicane du Luxembourg constitue une personne juridique de droit public ».

284 Loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à la Communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg, arrêtant les exemptions en matière d’acquisition d’immeubles affectés à l’exercice du culte musulman et conférant la personnalité juridique à l’Assemblée de la Communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg (Mémorial ,A, 2016, n° 147, page 2526), article 2, première phrase :

« La Shoura, assemblée de la Communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg qui représente les communautés musulmanes établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, constitue une personne juridique de droit public ».

285 Exposé des motifs du projet de loi n° 2468 ayant donné lieu à la loi du 30 avril 1981 (Document parlementaire n° 2468, page 2, sous « Exposé des motifs », quatrième et cinquième alinéas).

286 Exposé des motifs du projet de loi 6869, ayant donné lieu à la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique (Document parlementaire n° 6869, page 4, dernier alinéa).

287 La Proposition de révision portant instauration d’une nouvelle Constitution avait repris la substance de cette disposition dans un article 24 libellé comme suit : « La liberté de manifester ses convictions philosophiques ou religieuses, celle d’adhérer ou de ne pas adhérer à une religion sont garantis, sauf la répression des infractions commises à l’occasion de l’exercice de ces libertés. […] La liberté des cultes et celle de leur exercice sont garanties, sauf la répression des infractions commises à l’occasion de l’exercice de ces libertés. » (Document parlementaire n° 6030-27, pages 39-40, sous « Article 24 » et page 63 (reproduisant l’article proposé)). L’article 19, ancien, de la Constitution disposait, pour rappel que « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l‘usage de ces libertés ». Il en suit que si l’exercice des cultes est toujours garanti, il n’est plus formellement fait référence au caractère public de cet exercice. [L’article 24, nouveau, alinéa 2, de la Constitution révisée dispose finalement que : « La liberté des cultes et celle de leur exercice sont garanties, hormis les infractions commises à l’occasion de l’exercice de ces libertés »].

Cette attribution réitérée aux organes du culte de la qualité de personne morale de droit public constitue un élément d’appréciation supplémentaire permettant de trancher si les Fabriques d’église ont été à considérer comme des établissements publics. Elle illustre à la fois la volonté du législateur de recourir à cette qualification en cette matière, la compatibilité de celle-ci avec la notion d’établissement public ou de personne morale de droit public et la façon dont cette personnification est à comprendre, à savoir non pas comme l’expression de la volonté de réduire les organes du culte à une branche de l’administration, mais comme reconnaissance de leur rôle, qui est considéré être digne de protection et appelé à s’exercer dans la sphère publique. »288.

Le statut de personne morale de droit public du Fonds, conféré par la loi de 2018, n’est donc pas à comprendre comme une « étatisation » du culte catholique et une appropriation de ses biens par l’Etat. Il en est ainsi d’autant moins que le Fonds n’a pas de lien direct avec l’Etat :

« […] il est à constater que le Fonds est, au regard de l’article 1er, alinéa 2, de la loi de 2018, placé sous le contrôle d’une autre personne morale de droit public, à savoir l’Archevêché. Ce dernier est lié à l’Etat par des conventions conclues sur base de l’article 22 de la Constitution, en exécution desquelles il se voit notamment, conformément à l’article 1er de la loi du 23 juillet 2016 réglant le montant et les modalités d’octroi du soutien financier annuel à l’Eglise catholique, accorder un soutien financier annuel, dont l’octroi est, au regard de l’article 3 de la loi, subordonné au respect par l’Archevêché de l’ordre public et des droits de l’homme. Si le Fonds n’a donc pas de lien direct avec l’Etat ou les communes, cette situation s’explique dans le cadre des rapports entre l’Etat et les cultes, régis par l’article 22 de la Constitution, et le recours dans ce contexte, pour souligner l’intérêt public de l’exercice des cultes, à la constitution de personnes morales de droit public. Il est à rappeler, à titre d’analogie, qu’en France la qualification de personne morale de droit public est accordée à des organes, telles les chambres de commerce ou les autorités administratives indépendantes, qui n’ont pas de rattachement direct à l’Etat ou aux collectivités locales, ni ne sont soumises à la tutelle de ces derniers. […] »289.

Il ne saurait donc être soutenu que la loi de 2018, en constituant le Fonds sous forme de personne morale de droit public, a cédé les biens des Fabriques d’église à l’Etat.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

3 . 7 . S u r l e s e p t i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le septième moyen est tiré de la violation des articles 9 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement a rejeté les moyens tirés de ce que le transfert, par la loi de 2018, de la propriété de la Fabrique d’église au Fonds, donc, ce dernier constituant une personne morale de droit public, à l’Etat, viole les dispositions visées, aux motifs que : « Tel que relevé à juste titre par le premier juge, en l’espèce, il ne s’agit pas de dissoudre une communauté religieuse ou de remplacer son dirigeant, mais de réorganiser certaines structures internes à une communauté religieuse.

Contrairement à la position soutenue par les parties appelantes, par adoption des motifs du jugement entrepris, la suppression des fabriques d’églises ne constitue pas une violation de l’article 9 précité car au vu de l’accord trouvé entre le Gouvernement et l’Archevêque, le culte catholique n’est pas privé de ses biens, qui sont simplement réorganisés. Les croyants peuvent continuer à pratiquer librement leur religion en dépit de la suppression des fabriques d’Eglise.

Il n’y a ainsi pas violation de l’article 9 de la CEDH, car les fabriques d’Eglise ne peuvent être considérés comme des groupements religieux. Pour autant que les fabriques d’Eglise sont à considérer comme association au sens de l’article 11 de la CEDH, il y a lieu de confirmer le 288 Conclusions du Parquet général sous l’arrêt n° 160 du 26 mars 2021 de la Cour constitutionnelle (Pièce n° 3 des pièces de procédure annexées au mémoire en réponse du Fonds), page 70, alinéa 1, à page 74, alinéa 2.

289 Idem, page 91, deuxième alinéa.

premier juge en ce que ce dernier a retenu que la FABRIQUE ne s’est jamais librement constituée par une simple volonté des paroissiens de s’assembler, mais elle émane d’un acte de l’autorité. Sa suppression par un acte de même nature ne constitue dès lors pas une ingérence.

Par conséquent, aucune violation de l’article 11 de la CEDH ne peut être retenue par confirmation du jugement entrepris. »290, alors que, ainsi qu’il n’est exposé que dans le développement du moyen, les Fabriques d’église constituaient des entités de droit privé, financés en partie par les dons des fidèles, de sorte que leur suppression et le transfert de leur patrimoine au Fonds, qui est une personne morale de droit public, de sorte que leur patrimoine a finalement été transféré à l’Etat, constitue une ingérence non justifiée par l’Etat dans l’organisation du culte catholique, partant, une violation des dispositions visées.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les dispositions visées auraient été violées.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable291.

Dans un ordre subsidiaire, il est relevé que la demanderesse en cassation expose dans le développement du moyen qu’elle considère que les Fabriques d’église sont des entités de droit privé et que leur suppression et le transfert de leur patrimoine au Fonds par la loi de 2018 constitue une ingérence injustifiée dans la liberté religieuse et, dans ce contexte, dans la liberté d’association, telles qu’elles sont protégées par les articles 9 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cette thèse repose sur une prémisse erronée.

Il est à cet effet renvoyé aux développements faits ci-avant sous 1.3.3.4., dont il résulte qu’il y a lieu de considérer comme « universellement abandonnée »292 l’opinion selon laquelle les Fabriques d’église créées par la loi de l’an X et le décret de 1809, qui ont été supprimées et dont le patrimoine a été transféré par l’effet de la seconde Convention du 26 janvier 2015, transposée par la loi de 2018 au Fonds, constituaient des personnifications civiles de la communauté des fidèles, du diocèse ou de la paroisse, ces communautés, représentées par les Fabriques d’église, de sorte que ces communautés sont à considérer comme propriétaires des biens affectés à l’exercice du culte :

« Sous l’ancien régime, qui n’était point uniforme, il y avait bien deux établissements distincts, la fabrique et la paroisse. Or, il n’y a pas moyen de trouver une disposition législative qui ait rétabli la personnification civile des diocèses ou des paroisses. Les fabriques au contraire ont tous les caractères de personnes civiles. Elles ont été instituées par une loi spéciale et ont reçu par elle la faculté de posséder un patrimoine 290 Jugement attaqué, page 142, huitième au dernier alinéa.

291 Voir, à titre d’illustration, l’arrêt précité de votre Cour n° 58/2023, CAS-2022-00062 du registre du 25 mai 2023 (réponse au premier moyen).

292 Nicolas MAJERUS, L’Administration des biens d’église dans le Grand-Duché de Luxembourg, précité, page 167, n° 185.

propre, composé surtout de biens ecclésiastiques restitués. Elles sont représentées par un organe administratif et soumises au contrôle du pouvoir public. »293.

Cette conclusion est confortée par la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique citée par l’Etat dans son mémoire en réponse294.

Les juges d’appel ont conclu à une non-violation des articles 9 et 11 de la Convention aux motifs que :

« Tel que relevé à juste titre par le premier juge, en l’espèce, il ne s’agit pas de dissoudre une communauté religieuse ou de remplacer son dirigeant, mais de réorganiser certaines structures internes à une communauté religieuse.

Contrairement à la position soutenue par les parties appelantes, par adoption des motifs du jugement entrepris, la suppression des fabriques d’églises ne constitue pas une violation de l’article 9 précité car au vu de l’accord trouvé entre le Gouvernement et l’Archevêque, le culte catholique n’est pas privé de ses biens, qui sont simplement réorganisés. Les croyants peuvent continuer à pratiquer librement leur religion en dépit de la suppression des fabriques d’Eglise.

Il n’y a ainsi pas violation de l’article 9 de la CEDH, car les fabriques d’Eglise ne peuvent être considérés comme des groupements religieux.

Pour autant que les fabriques d’Eglise sont à considérer comme association au sens de l’article 11 de la CEDH, il y a lieu de confirmer le premier juge en ce que ce dernier a retenu que la FABRIQUE ne s’est jamais librement constituée par une simple volonté des paroissiens de s’assembler, mais elle émane d’un acte de l’autorité. Sa suppression par un acte de même nature ne constitue dès lors pas une ingérence. Par conséquent, aucune violation de l’article 11 de la CEDH ne peut être retenue par confirmation du jugement entrepris. »295, Ces arguments sont similaires à ceux du juge de première instance, auxquels un renvoi partiel est opéré par les juges d’appel.

S’agissant du grief tiré de la violation de l’article 9 de la Convention, ce juge avait retenu que :

« Contrairement aux développements de l’Etat, l’article 9 ConvEDH ne relève cependant pas seulement de l’ordre du spirituel en excluant tout aspect matériel. Il peut y avoir atteinte à la liberté de religion si l’intervention étatique prive une Eglise des moyens matériels indispensables à l’exercice du culte, de manière à rendre l’exercice de la religion impossible. En l’espèce toutefois, le culte catholique n’est privé d’aucun de ses biens, ces biens étant simplement réorganisés. Il découle en outre de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qu’en votant la LOI, l’Etat n’est pas intervenu d’autorité mais dans le seul but de mettre en pratique un accord librement consenti entre l’Eglise et l’Etat. La suppression des fabriques d’église n’empêche aucun citoyen de continuer à exercer librement sa religion. Les biens affectés au Culte sont transmis à une autre 293 Idem, même page, n° 185, dernier alinéa.

294 Mémoire en réponse de l’Etat, page 18, sous VII, quatrième alinéa, citant : Cour de cassation de Belgique, 20 mars 1882, Pasicrisie belge, 1882, I, page 146.

295 Jugement attaqué, page 142, huitième au dernier alinéa.

entité, mais restent pleinement accessibles aux fidèles. Il n’y a dès lors pas eu d’atteinte au volet spirituel de la liberté de religion.

Le fait que certains fidèles soient privés de leur implication dans la gestion patrimoniale du Culte ne constitue pas une atteinte à leur liberté de religion si ce culte n’est pas privé des ressources qui étaient les siennes.

Il n’y a dès lors pas de violation de l’article 9 ConvEDH. »296.

S’agissant du grief tiré de la violation de l’article 11 de la Convention, il avait fait valoir, après avoir constaté que la Fabrique d’église était susceptible de bénéficier de la liberté d’association garantie par cet article, ce qui suit :

« Le droit de fonder une association implique en principe l’interdiction pour l’Etat de la dissoudre sans motif légitime. Ainsi la suppression d’une association par la loi constitue en principe une ingérence de l’Etat.

La situation doit cependant être appréciée différemment dans le cas où, comme en l’espèce, une entité créée par le législateur est malgré tout considérée comme une «association ». Dans ce cas, la liberté dont peut se prévaloir le justiciable est limitée aux libertés dont il a effectivement joui. Or, tel que développé ci-dessus, la FABRIQUE ne s’est jamais librement constituée par une simple volonté de s’assembler des paroissiens, mais elle émane d’un acte de l’autorité. Sa suppression par un acte de même nature ne constitue dès lors pas une ingérence.

Elle doit son existence à la création sous l’impulsion de l’Eglise, de la paroisse de Hollerich et des institutions qui vont de pair. C’est ainsi que la suppression des fabriques revient également à l’Etat et à l’Evêché, conformément à ce que la Cour constitutionnelle a décidé.

Il n’y a dès lors pas de violation de l’article 11 ConvEDH. »297.

Ces arguments sont compatibles avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a reconnu qu’il ne lui incombait pas de dicter à un Etat défendeur telle ou telle forme de coopération avec les différentes communautés religieuses, parmi lesquelles figure la forme de relations de type concordataire298. La suppression des Fabriques d’église et le transfert de leur patrimoine au Fonds n’ont pas été imposés par l’Etat contre l’Eglise, mais constituent des mesures de rationalisation de la gestion des biens de l’Eglise convenues dans le cadre d’un accord conclu, sur base de l’article 22, ancien, de la Constitution, entre l’Etat et l’Eglise. Ces mesures, convenues entre l’Etat et l’Eglise dans la seconde Convention du 26 janvier 2015, sont à comprendre dans le contexte des avantages financiers et fiscaux accordés par l’Etat à l’Eglise par la première Convention de cette date, rappelés ci-avant sous 1.2.6.1., qui, s’ils sont certes beaucoup moins généreux que ceux octroyés sous le régime antérieur, manifestent cependant la volonté de l’Etat de poursuivre son engagement financier en faveur des cultes, dont la rationalisation de la gestion des biens de l’Eglise par la création du Fonds et la suppression 296 Jugement de première instance n° 2892/21 du 4 novembre 2021 (Pièce n° 2 annexée au mémoire de la Fabrique d’église), page 37, dernier alinéa, à page 38, troisième alinéa.

297 Idem, page 41, sous « Existence d’une ingérence », troisième au dernier alinéa.

298 Cour européenne des droits de l’homme, Guide sur l’article 9 de la Convention, 31 août 2022, Guide sur l’article 9 - Liberté de pensée, de conscience et de religion (coe.int), page 59, point 159 et les références y citées.

consécutive des Fabriques d’église constitue une contrepartie. Ces mesures, acceptées par l’Eglise, à mettre en rapport avec la poursuite de l’engagement financier de l’Etat en faveur de l’Eglise, caractérisent une nouvelle forme de coopération entre l’Eglise et l’Etat. Le patrimoine des Fabriques d’église supprimées n’est pas approprié par l’Etat, mais transféré au Fonds, de sorte qu’il reste sous le contrôle de l’Eglise, le Fonds, nonobstant son statut de droit public, n’étant pas un démembrement de l’Etat mais un organe contrôlé par l’Eglise. Les Fabriques d’église supprimées n’étaient, comme exposé ci-avant, pas, comme soutenu par la demanderesse en cassation, une personnification de la communauté de fidèles réunies dans la paroisse, mais un instrument de gestion des biens de l’Eglise unilatéralement et de façon autoritaire mis en place par le législateur napoléonien. Elles ne sont donc pas l’expression d’un exercice de la liberté d’association. En revanche, le Fonds est la conséquence d’un accord entre l’Etat et l’Eglise, donc d’une coopération de type concordataire dans le cadre de laquelle les biens ayant appartenu aux Fabriques ont été transférés au Fonds, contrôlé par l’Eglise.

L’intervention étatique caractérisée notamment par la suppression critiquée des Fabriques d’église n’a donc ni privé l’Eglise des moyens matériels indispensables à l’exercice du culte, ni supprimé une association librement créée par des croyants ou contre la volonté de l’Eglise.

C’est dès lors à juste titre et par des motifs adéquats que les juges d’appel conclurent à l’absence de violation des articles 9 et 11 de la Convention.

3 . 8 . S u r l e h u i t i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 3,3° du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le jugement attaqué a confirmé le juge de première instance de s’être déclaré matériellement compétent pour connaître de la demande en annulation du contrat de cession de bail de l’immeuble sis à L-1321 Luxembourg, 130, rue de Cessange, aux motifs que :

« Contrairement à la position soutenue par l’ASSOCIATION, et par adoption des motifs, le contrat de cession de bail litigieux portant sur l’immeuble situé à Luxembourg, 130, rue de Cessange, procédant en même temps à un renouvellement du bail, confère la qualité de bailleur, respectivement de preneur, de sorte que le tribunal de paix ainsi que la juridiction saisie de l’appel sont compétents pour apprécier le bien-fondé de la demande en annulation respectivement en résolution dudit contrat. »299, alors que le juge de paix, siégeant en matière de bail à loyer, est incompétent pour connaître d’une demande en annulation d’un contrat de cession de bail.

Le Fonds demanda par requête adressée au juge de paix, siégeant en matière de bail à loyer, l’annulation d’un contrat de cession de bail conclu le 5 mai 2017 entre la Fabrique d’église, l’Association et la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) d’un immeuble situé à Luxembourg, 130, rue de Cessange300.

L’Association souleva l’incompétence du juge de paix au titre de l’article 3, point 3°, du Nouveau Code de procédure civile, qui dispose que le juge de paix connaît « de toutes les contestations entre bailleurs et preneurs relatives à l’existence et à l’exécution de baux d’immeubles, ainsi que des demandes en paiement d’indemnités d’occupation et en expulsion de lieux occupés sans droit, qu’elles soient ou non la suite d’une convention ». Elle soutint que 299 Jugement attaqué, page 144, dernier alinéa.

300 La requête est reproduite comme pièce de procédure n° 1 du Fonds. Le contrat de cession de bail est reproduit comme pièce n° 1 de cette même partie.

cet article, d’interprétation stricte, qui restreint la compétence d’attribution du juge de paix siégeant en matière de bail à loyer aux contestations relatives aux baux d’immeubles entre bailleurs et preneurs, est inapplicable au Fonds qui, au regard du contrat visé, ne disposerait d’aucune de ces deux qualités.

Le juge de paix se déclara cependant compétent au motif que le contrat procède, outre à la cession du bail par la Fabrique d’église à l’Association, acceptée par le locataire, également à un renouvellement du contrat de bail, partant, confère la qualité de preneur et de bailleur301.

Les juges d’appel confirmèrent cette décision par adoption de motifs :

« Contrairement à la position soutenue par l’ASSOCIATION, et par adoption des motifs, le contrat de cession de bail litigieux portant sur l’immeuble situé à Luxembourg, 130, rue de Cessange, procédant en même temps à un renouvellement du bail, confère la qualité de bailleur, respectivement de preneur, de sorte que le tribunal de paix ainsi que la juridiction saisie de l’appel sont compétents pour apprécier le bien-fondé de la demande en annulation respectivement en résolution dudit contrat. »302.

L’Association critique, dans la discussion du moyen, ce raisonnement pour trois motifs, à savoir parce que :

- le Fonds, qui demanda l’annulation du contrat conclu entre la SOCIETE3.), n’est ni bailleur ni preneur, - que le contrat, dont l’objet est la cession du bail par transfert de la qualité de bailleur de la Fabrique d’église à l’Association, n’a pas pour objet le louage d’immeubles et - que le contrat ne comporte aucun renouvellement de bail.

Il est constant que la Fabrique d’église avait donné à bail l’immeuble concerné à la société à responsabilité précitée avant de céder, par le contrat litigieux, ce bail à l’Association, cette cession ayant été acceptée par la société303. L’article 2 de la loi de 2018 dispose que le Fonds « est de plein droit le successeur à titre universel des fabriques d’église » supprimées par cette loi. Par l’effet de celle-ci le Fonds remplace les Fabriques d’église dans les contrats conclus par elles. Il remplace dès lors, dans le cadre du contrat litigieux, la Fabrique d’église supprimée dans son rôle de bailleur initial de l’immeuble donné par elle en location à la société, qui en est le preneur. Son action a pour but d’annuler la cession de bail par la Fabrique d’église à l’Association, partant, de faire revivre le contrat de bail initial dans le cadre duquel il assume, par l’effet de la loi de 2018, la qualité de bailleur. Son action vise donc à assurer l’exécution de ce contrat de bail en évinçant, par l’annulation, l’obstacle opposé à cette exécution par la cession de bail attaquée304.

301 Jugement de première instance n° 2892/21 du 4 novembre 2021 (pièce n° 2 annexée au mémoire de la Fabrique d’église), page 9, troisième alinéa.

302 Jugement attaqué, page 144, dernier alinéa.

303 Idem et loc.cit. et pièce n° 1 du Fonds.

304 Le Fonds critique dans sa requête introductive d’instance les cessions de bail de la Fabrique d’église à l’Association mais non les baux initialement conclus par la Fabrique d’église avec les preneurs (voir la requête (pièce n° 1 des pièces de procédure du Fonds), page 2, antépénultième alinéa, à titre d’illustration).

Ainsi comprise l’action oppose le Fonds pris en sa qualité de bailleur découlant du contrat de bail initial conclu entre la Fabrique d’église, supprimée par la loi de 2018 et dont le Fonds est, sur base de la loi, le successeur, et la société concernée et cette dernière considérée dans sa qualité de preneur. Elle a pour objet d’assurer l’exécution de ce contrat de bail en faisant annuler la cession de bail acceptée par le preneur.

Elle constitue donc une contestation entre bailleur et preneur relative à l’exécution d’un bail d’immeuble, partant, relève de la compétence du juge de paix sur base de l’article 3, point 3°, du Nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs de pur droit substitués aux motifs critiqués la décision attaquée est légalement justifiée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Cette conclusion repose sur la prémisse que le neuvième moyen, qui soutient qu’il n’est pas établi que le Fonds est successeur de la Fabrique d’église en ce qui concerne l’immeuble litigieux, est à rejeter. Si vous partagez cette conclusion il y aurait alors lieu de répondre d’abord au neuvième moyen qui, dans cette logique, est préalable.

3 . 9 . S u r l e n e u v i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le neuvième moyen est tiré de la violation de l’article 2, alinéa 1, de la loi de 2018, en ce que le jugement attaqué a confirmé le juge de première instance de retenir que le Fonds est propriétaire des biens situés à Luxembourg, 130, rue de Cessange, à Luxembourg, tant au 12 qu’au 7, rue Béatrix de Bourbon, ainsi que de la parcelle portant les numéros 155/3834 et 155/3835 du cadastre, aux motifs que : « Les parties sont en désaccord quant au droit de propriété des biens immobiliers litigieux. L’ASSOCIATION estime que la LOI, contrairement à la CONVENTION, n’opèrerait aucun transfert de propriété pour les immeubles pour lesquels le FONDS se prétend propriétaire. Le FONDS invoquerait à tort les dispositions de l’article 2 alinéa 1er de la LOI, qui prévoirait seulement que le FONDS est à considérer comme successeur à titre universel. Une distinction serait cependant à faire entre les biens « ayant relevé de la gestion patrimoniale des fabriques d’Eglise » et les biens ayant relevé du patrimoine des fabriques d’église, la LOI étant muette au sujet des derniers. L’ASSOCIATION conclut que le FONDS serait obligé de prouver son droit de propriété sur les immeubles litigieux, faute de quoi il serait privé de la qualité et de l’intérêt à agir et les demandes tendant à l’obtention d’indemnités d’occupation respectivement de dommages et intérêts seraient à déclarer irrecevables sinon non fondées. Le FONDS conclut à la confirmation du jugement entrepris. Aux termes de l’article 2 alinéa 1er de la LOI, « le FONDS est de plein droit le successeur à titre universel des fabriques d’église, supprimées conformément à l’article 9. » C’est à bon droit que le premier juge a retenu qu’au vu de l’éventuelle confusion terminologique, il fallait rechercher la volonté du législateur. Tel que relevé à juste titre par la juridiction du premier degré, partant par adoption des motifs, le législateur a voulu transférer l’intégralité du patrimoine des fabriques d’église au FONDS. Par conséquent, le FONDS est devenu propriétaire des biens litigieux, à l’exception du presbytère de Hollerich. »305, alors que l’article 2, alinéa 1, de la loi de 2018 dispose seulement que « [l]e Fonds est de plein droit le 305 Jugement attaqué, page 148, sous « Droit de propriété », premier alinéa, à page 149, premier alinéa.

successeur à titre universel des fabriques d’église, supprimées conformément à l’article 9 », sans pour autant préciser la nature ou la proportion des biens transférés au Fonds.

La loi de 2018 dispose que le Fonds est le successeur « à titre universel » des Fabriques d’église. Le Code civil opère en matière de legs, donc de biens transférés par testament, une distinction entre le legs universel et le legs à titre universel. L’article 1003 dispose que le legs universel « est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès », tandis que le legs à titre universel est, ainsi que le dispose l’article 1010 du Code civil, « celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier ». Les termes « à titre universel » désignent donc en matière de droit successoral le transfert, non de l’universalité du patrimoine, mais seulement d’une quote-part de ce dernier.

Cette distinction a été invoquée par l’Association pour soutenir que le transfert opéré par la loi de 2018 du patrimoine des Fabriques d’église au Fonds n’était pas total mais aurait uniquement eu lieu par quote-part, de sorte qu’il ne pourrait être présumé de la loi qu’un immeuble déterminé, tel que celui visé par la demande d’annulation en cause, a été transféré par la loi au Fonds, mais qu’il appartiendrait à ce dernier d’établir au cas par cas l’existence de ce transfert de propriété.

Le juge de première instance rejetait ce moyen aux motifs suivants :

« Il avait été contesté par l’ASSOCIATION que le FONDS soit devenu propriétaire des biens immobiliers litigieux et a développé divers moyens (voir titre D.1.). Ce moyen avait été soulevé à tort au niveau de la qualité à agir, mais il appartient désormais au Tribunal de l’analyser au fond. En effet, si le FONDS n’était pas propriétaire des biens, il ne pourra prétendre à la restitution de la jouissance.

L’article 2 alinéa 1er de la LOI prévoit que « Le Fonds est de plein droit le successeur à titre universel des fabriques d’église, supprimées conformément à l’article 9 ».

Les parties sont en désaccord quant à savoir si par cette formulation, et notamment par l’usage des termes « à titre universel », la LOI a transféré l’intégralité des biens au FONDS ou seulement une quote-part de celles-ci.

Le Tribunal relève qu’il est exact que le droit des successions opère une distinction entre les notions « universel » et « à titre universel ».

Cette distinction n’implique cependant pas automatiquement que le législateur réglant le transfert des biens des fabriques d’Église ait nécessairement voulu donner la même signification aux termes « à titre universel ». Même s’il utilise également la notion de « successeur », il ne s’agit cependant pas d’une succession au sens des dispositions du code civil sur les dispositions testamentaires, le transfert de propriété n’étant en l’espèce pas lié à un testament et au décès d’une personne physique.

Il convient de rechercher l’intention du législateur. A ce titre, il ne ferait aucun sens que le législateur ait voulu transférer seulement une partie du patrimoine des fabriques d’église au FONDS tout en abrogeant intégralement les fabriques. Si telle avait été son intention, il aurait nécessairement défini cette quote-part et précisé à quelle autre entité revient la quote-part subsistante. On ne peut en effet admettre que l’intention du législateur était de laisser une partie indéfinie des biens des fabriques d’église dans un vide juridique. Le but de la législation était au contraire de clarifier les rapports de propriété au sein du culte catholique.

En outre, l’objectif de la LOI est de transposer la CONVENTION, qui prévoit un transfert intégral des actifs des fabriques au FONDS. La Cour constitutionnelle a rappelé à ce titre que les articles 1, 2, 9 et 22 n’ont fait qu’entériner les dispositions correspondantes de la CONVENTION, notamment le transfert de l’ensemble de leurs avoirs actifs et passifs au FONDS.

Il ne fait ainsi aucun doute que malgré l’utilisation des termes « à titre universel », la LOI transfère l’intégralité des biens des fabriques au FONDS.

Par conséquent, le FONDS est devenu propriétaire des biens et notamment des immeubles dont la FABRIQUE était propriétaire.

Pour les immeubles autres que le presbytère, il n’est pas litigieux qu’ils appartenaient à la FABRIQUE. Par conséquent, le FONDS en est désormais le propriétaire. »306.

Ce raisonnement a été confirmé par adoption de motifs par les juges d’appel :

« Les parties sont en désaccord quant au droit de propriété des biens immobiliers litigieux.

L’ASSOCIATION estime que la LOI, contrairement à la CONVENTION, n’opèrerait aucun transfert de propriété pour les immeubles pour lesquels le FONDS se prétend propriétaire.

Le FONDS invoquerait à tort les dispositions de l’article 2 alinéa 1er de la LOI, qui prévoirait seulement que le FONDS est à considérer comme successeur à titre universel.

Une distinction serait cependant à faire entre les biens « ayant relevé de la gestion patrimoniale des fabriques d’Eglise » et les biens ayant relevé du patrimoine des fabriques d’église, la LOI étant muette au sujet des derniers.

L’ASSOCIATION conclut que le FONDS serait obligé de prouver son droit de propriété sur les immeubles litigieux, faute de quoi il serait privé de la qualité et de l’intérêt à agir et les demandes tendant à l’obtention d’indemnités d’occupation respectivement de dommages et intérêts seraient à déclarer irrecevables sinon non fondées.

Le FONDS conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Aux termes de l’article 2 alinéa 1er de la LOI, « le FONDS est de plein droit le successeur à titre universel des fabriques d’église, supprimées conformément à l’article 9. » C’est à bon droit que le premier juge a retenu qu’au vu de l’éventuelle confusion terminologique, il fallait rechercher la volonté du législateur.

Tel que relevé à juste titre par la juridiction du premier degré, partant par adoption des motifs, le législateur a voulu transférer l’intégralité du patrimoine des fabriques d’église 306 Jugement de première instance n° 2892/21 du 4 novembre 2021 (Pièce n° 2 annexée au mémoire de la Fabrique d’église), page 74, sous « 2.2.3. Quant à la propriété », à page 75, quatrième alinéa.

au FONDS. Par conséquent, le FONDS est devenu propriétaire des biens litigieux, à l’exception du presbytère de Hollerich. »307.

Ce raisonnement est correct.

Le projet de loi n° 7037, ayant donné lieu à la loi de 2018, proposa de disposer que « [l]e Fonds reprend l’universalité du patrimoine, y compris l’ensemble des droits et obligations ayant relevé de la gestion des fabriques d’église […] »308. Cette disposition est motivée dans le Commentaire des articles par la considération tirée de ce que « [p]lutôt que d’énumérer en détail, à l’instar de l’approche retenue à l’article 1er du décret de 1809, les missions que le Fonds aura à assumer, le texte proposé prévoit d’en déterminer l’objet comme étant celui de gérer les besoins matériels « liés à l’exercice du culte catholique » et de lui confier « l’universalité du patrimoine » ayant jusqu’à leur dissolution relevé de la gestion patrimoniale des fabriques d’église (cf. alinéa 1er, première phrase) »309. Le Conseil d’Etat, tout en approuvant le transfert au Fonds du patrimoine des Fabriques d’église, suggéra de remplacer les termes de reprise par le Fonds de « l’universalité du patrimoine » des Fabriques d’église par une terminologie alternative qu’il considéra comme équivalente, à savoir que le Fonds deviendrait « de plein droit le successeur à titre universel des fabriques d’église » aux motifs que :

« En droit civil, la notion de « patrimoine » répond à la définition suivante : « Ensemble des biens et des obligations d’une même personne (c’est-à-dire de ses droits et charges appréciables en argent), de l’actif et du passif, envisagé comme formant une universalité de droit, un tout comprenant non seulement ses biens présents, mais aussi ses biens à venir ».

Comme le patrimoine d’une personne est, par définition, une universalité de droits qui comprend tous les droits et obligations attachés à cette personne, l’expression « universalité du patrimoine, y compris l’ensemble des droits et obligations » énonce une tautologie.

L’expression « patrimoine […] ayant relevé de la gestion des fabriques d’église » est ambiguë, puisque la gestion des fabriques d’église, selon le décret de 1809, porte sur les églises paroissiales, sans considération du statut de propriété de celles-ci. Même l’église, qui ne fait pas partie du patrimoine d’une fabrique d’église pour lui appartenir en propriété, tombe sous la gestion légale de celle-ci.

Tout en visant la totalité, donc une pluralité, de fabriques d’église, le texte sous revue se réfère néanmoins « à l’universalité du patrimoine (au singulier) des fabriques d’église ». Comme chaque personne dispose d’un patrimoine propre, distinct de celui des autres personnes, l’alinéa sous revue devrait se référer non pas à la reprise d’un patrimoine unique, mais à la reprise d’une pluralité de patrimoines distincts.

Afin de tenir compte des observations qui précèdent, l’article 2, alinéa 1er, pourrait être libellé comme suit :

307 Jugement attaqué, page 148, sous « Droit de propriété », premier alinéa, à page 149, premier alinéa.

308 Article 2, alinéa 1, du projet de loi n° 7037 portant sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique (Document parlementaire n° 7037), page 6.

309 Commentaire de l’article 2 du projet de loi précité (Document parlementaire n° 7037), page 18, sous « Article 2 », troisième alinéa.

« Le Fonds est de plein droit successeur à titre universel des fabriques d’église […] ». »310.

Cette proposition de texte a été retenue par le législateur311, qui confirma par ailleurs que « [l]e Fonds reprend […] les missions des fabriques d’église et se voit transférer leurs patrimoines tout en gardant l’affectation antérieure »312.

Il est dès lors manifeste que le législateur, en disposant dans l’article 2, alinéa 1, de la loi de 2018 que « [l]e Fonds est de plein droit le successeur à titre universel des fabriques d’église, supprimées conformément à l’article 9 », lui voulut transférer, sans réserve ni exception, l’ensemble du patrimoine de chacune des Fabriques d’église. L’usage des termes « successeur à titre universel » paraît s’expliquer par le souci d’exprimer que l’objet du transfert n’est pas « la reprise d’un patrimoine unique, mais [celle] d’une pluralité de patrimoines distincts »313, à savoir d’autant de patrimoines qu’il y eut de Fabriques d’église supprimées. Le juge de première instance est en tout état de cause à approuver dans son constat que le transfert d’une quote-part seulement de patrimoine, déduit par l’Association de l’usage des termes « à titre universel », est dépourvu de tout sens, les propriétaires présomptifs des quotes-parts non transférées au Fonds, à savoir les Fabriques d’église, ayant été supprimés par la loi qui n’apporte par ailleurs aucune précision sur la détermination des quotes-parts transférées et non transférées et sur l’identité du titulaire des quotes-parts non transférées, ce qui confirme que le législateur, en employant les termes « à titre universel » n’avait pas en vue le transfert de quotes-parts de patrimoine et n’employait pas ces termes dans le sens qu’ils reçoivent, dans le contexte d’un legs à titre universel, par l’article 1010 du Code civil.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

3 . 1 0 .

S u r l e d i x i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le dixième moyen est tiré de la violation des articles 1131 et 1133 du Code civil, en ce que le jugement attaqué a confirmé le juge de première instance d’avoir annulé les contrats de bail et de cession de bail, aux motifs que : « L’argumentation avancée par l’appelante, suivant laquelle au moment de la conclusion des contrats litigieux, la LOI n’aurait pas été en vigueur, ni même votée de sorte que lesdits contrats n’ont pas pu empêcher la bonne application de la LOI, est dépourvue de pertinence. Contrairement à la position adoptée par l’appelante, le fait qu’au moment de la conclusion de l’ensemble des contrats par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE, la LOI n’a pas encore été en vigueur n’est, en effet, pas pertinent. Tel que relevé à juste titre par le premier juge, au moment de la conclusion entre les parties appelantes des différents contrats en mai 2017 et janvier 2018, le projet de suppression des fabriques d’église par la CONVENTION à entériner par la loi était connu comme en témoignent les stipulations contractuelles de la Convention de cession des droits et de mandat général. La manière d’agir en cas de suppression des fabriques d’église prévue à l’article 9 de la LOI est expressément envisagée notamment par les articles 11.2, respectivement 12 de ladite convention précitée.

310 Avis du Conseil d’Etat, du 14 juillet 2017, sur le projet de loi précité (Document parlementaire n° 7037-4), page 10, sous « Article 2. Alinéa 1er », deuxième au dernier alinéa.

311 Rapport de la Commission des affaires intérieures de la Chambre des députés, du 11 janvier 2018 (Document parlementaire n° 7037-10), page 10, dernier alinéa.

312 Idem, page 11, deuxième alinéa, citant en l’approuvant un extrait de l’avis précité du Conseil d’Etat.

313 Avis précité du Conseil d’Etat, page 10, sous « Article 2. Alinéa 1er », cinquième alinéa.

Par ailleurs, il est stipulé à l’article 10 de la convention de gestion financière que tout ayant droit ou successeur de la fabrique ou de la mense curiale devra respecter le présent contrat sous peine de verser une indemnité forfaitaire de 10% du montant de l’actif sous gestion financière le tout encore sous réserve de dommages et intérêts pour rupture abusive ou avant terme. La conclusion des contrats litigieux a donc été effectuée en vue de contourner l’application de la loi à venir. Eu égard à l’ensembles des considérations précédentes, il y a lieu de confirmer le premier juge, par adoption des motifs, en ce qu’il a fait droit à la demande en annulation des contrats de bail et de cession de bail, le contrat de bail portant sur le presbytère inclus. »314, alors que le caractère illicite ou immoral de la cause doit s’apprécier par rapport aux dispositions en vigueur au moment de la conclusion du contrat.

Le juge de première instance annula les contrats pour cause illicite, « consistant dans la volonté de frauder la future LOI et de priver le FONDS de l’Archevêché des recettes devant lui revenir »315, après avoir constaté que « le but de l’ensemble contractuel, et des contrats de bail en particulier, consistait dans un premier temps à priver sur une longue durée la FABRIQUE de tout pouvoir décisionnel et de toute emprise sur son propre patrimoine [étant ajouté que] [c]ette cause contrevient aux finalités du DECRET, qui confiait aux fabriques d’église la mission de gérer les biens et prévoyait à ce titre des modalités de contrôle et de surveillance »316.

Les juges d’appel confirmèrent cette décision aux motifs que :

« Les parties sont en désaccord quant à la cause des contrats litigieux.

Le tribunal renvoie pour les adopter à l’exposé exhaustif fait par le tribunal de première instance des moyens de plaidoiries présentés en première instance et qui sont restés identiques aux conclusions prises en degré d’appel.

Il en est de même des principes relatifs à la cause illicite ou immorale correctement exposés par la juridiction du premier degré.

C’est particulièrement à bon droit que le premier juge a retenu que même lorsqu’un contrat ne révèle aucune contrariété à l'ordre public et que son contenu est irréprochable, ledit contrat est susceptible d’encourir la nullité si le but poursuivi encourt ce grief en étant contraire à la loi ou aux bonnes mœurs. Toute convention ayant pour but une fraude à la loi ou à une loi future est nulle pour cause illicite.

Le fait de donner à bail des immeubles, respectivement de céder un contrat de bail, n’est en soi pas répréhensible.

Après une analyse scrupuleuse et approfondie des contrats de bail et de cession de bail litigieux, à la lumière des contrats-cadre conclus ainsi que des statuts de l’ASSOCIATION, le premier juge a à juste titre retenu que le but poursuivi conjointement par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE en concluant lesdits contrats a été dans un premier temps de priver la FABRIQUE sur une longue durée de tout pouvoir décisionnel et de toute emprise sur ses biens gérés jusqu’alors. Cet agissement 314 Jugement attaqué, page 148, premier au quatrième alinéa.

315 Jugement de première instance n° 2892/21 du 4 novembre 2021 (Pièce n° 2 annexée au mémoire de la Fabrique d’église), page 69, avant-dernier alinéa.

316 Idem, page 69, premier alinéa.

contrevient, par adoption des motifs, au DECRET qui confiait aux fabriques d’église la mission de gérer les biens, y inclus les immeubles, tombant dans le champ d’application de l’article 1er dudit DECRET, eu égard à sa terminologie très vaste.

Les parties appelantes ont également tenté de contrecarrer la finalité de la LOI à venir qui attribue à l’Archevêché la gestion de ces biens à travers le FONDS.

Le but poursuivi par les parties appelantes a aussi été d’empêcher le FONDS d’avoir, dès son existence, le contrôle sur la gestion des biens jusqu’alors gérés par la fabrique d’SOCIETE4.), les recettes devant rester sous le contrôle de l’ASSOCIATION, au détriment du FONDS.

En agissant de la sorte, l’ASSOCIATION et la FABRIQUE ont essayé par tous les moyens de maintenir les biens de l’ancienne fabrique d’église de Hollerich aussi longtemps que possible sous le contrôle de l’ASSOCIATION qui s’est vue déléguer la gestion des biens, ASSOCIATION composée partiellement des mêmes personnes qui géraient ces biens auparavant dans le cadre de la fabrique d’église.

Ces comportements (signature des contrats de bail et cession de bail en mai 2017 et janvier 2018 ainsi que des contrats-cadre en mai 2017) contreviennent ainsi tant au DECRET - abrogée entretemps par la LOI -, qu’à la LOI à intervenir, par adoption des motifs du jugement entrepris.

[…] L’argumentation avancée par l’appelante, suivant laquelle au moment de la conclusion des contrats litigieux, la LOI n’aurait pas été en vigueur, ni même votée de sorte que lesdits contrats n’ont pas pu empêcher la bonne application de la LOI, est dépourvue de pertinence.

Contrairement à la position adoptée par l’appelante, le fait qu’au moment de la conclusion de l’ensemble des contrats par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE, la LOI n’a pas encore été en vigueur n’est, en effet, pas pertinent. Tel que relevé à juste titre par le premier juge, au moment de la conclusion entre les parties appelantes des différents contrats en mai 2017 et janvier 2018, le projet de suppression des fabriques d’église par la CONVENTION à entériner par la loi était connu comme en témoignent les stipulations contractuelles de la Convention de cession des droits et de mandat général. La manière d’agir en cas de suppression des fabriques d’église prévue à l’article 9 de la LOI est expressément envisagée notamment par les articles 11.2, respectivement 12 de ladite convention précitée. Par ailleurs, il est stipulé à l’article 10 de la convention de gestion financière que tout ayant droit ou successeur de la fabrique ou de la mense curiale devra respecter le présent contrat sous peine de verser une indemnité forfaitaire de 10% du montant de l’actif sous gestion financière le tout encore sous réserve de dommages et intérêts pour rupture abusive ou avant terme.

La conclusion des contrats litigieux a donc été effectuée en vue de contourner l’application de la loi à venir.

Eu égard à l’ensembles des considérations précédentes, il y a lieu de confirmer le premier juge, par adoption des motifs, en ce qu’il a fait droit à la demande en annulation des contrats de bail et de cession de bail, le contrat de bail portant sur le presbytère inclus. »317.

L’Association critique ce raisonnement au motif que la cause constitue une condition de formation du contrat, donc s’apprécie au moment de la conclusion de ce dernier. Or, ainsi qu’elle l’expose dans la discussion du moyen, les contrats annulés ont été conclus en mai 2017 et janvier 2018 tandis que la loi de 2018, signée le 13 février 2018, n’est entrée en vigueur que le 1er mai 2018 et « strictement rien ne laissait admettre au jour de la conclusion des contrats annulés que la loi du 13 février 2018 serait votée avec certitude »318.

Les juges d’appel ont annulé les contrats litigieux pour cause illicite. Le moyen critique que cette cause illicite n’aurait pas pu consister dans le but de contourner, antérieurement à son adoption, la loi de 2018, la cause devant s’apprécier au jour de la conclusion du contrat, auquel la loi n’était pas encore en vigueur. Or, la cause illicite caractérisée en l’espèce par les juges du fond ne se limite pas au motif de contourner par anticipation la loi de 2018. Elle est constituée en outre par un second motif consistant dans le but de violer le décret de 1809 :

« Après une analyse scrupuleuse et approfondie des contrats de bail et de cession de bail litigieux, à la lumière des contrats-cadre conclus ainsi que des statuts de l’ASSOCIATION, le premier juge a à juste titre retenu que le but poursuivi conjointement par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE en concluant lesdits contrats a été dans un premier temps de priver la FABRIQUE sur une longue durée de tout pouvoir décisionnel et de toute emprise sur ses biens gérés jusqu’alors. Cet agissement contrevient, par adoption des motifs, au DECRET qui confiait aux fabriques d’église la mission de gérer les biens, y inclus les immeubles, tombant dans le champ d’application de l’article 1er dudit DECRET, eu égard à sa terminologie très vaste.

[…] Ces comportements (signature des contrats de bail et cession de bail en mai 2017 et janvier 2018 ainsi que des contrats-cadre en mai 2017) contreviennent ainsi tant au DECRET - abrogée entretemps par la LOI -, qu’à la LOI à intervenir, par adoption des motifs du jugement entrepris. »319.

Le décret de 1809 était en vigueur au moment de la formation des contrats annulés. Le grief tiré du non-respect de l’appréciation de la cause au moment de cette formation, quelque soit sa pertinence, ne saurait dès lors s’étendre à ce motif, qui n’est d’ailleurs pas attaqué par le moyen.

Le caractère illicite de la cause est justifié à suffisance par le constat, non attaqué par le moyen, que les parties voulurent méconnaître, outre la future loi de 2018, également le décret de 1809.

La décision d’annulation des contrats reste donc justifiée, même abstraction faite des motifs critiqués par le moyen, qui sont sous ce regard surabondants.

Il s’ensuit que le moyen est inopérant.

317 Jugement attaqué, page 146, dixième au dernier alinéa, page 147, cinq premiers alinéas et page 148, quatre premiers alinéas.

318 Mémoire en cassation, page 37, antépénultième alinéa de la discussion du dixième moyen.

319 Jugement attaqué, page 147, premier et cinquième alinéa (c’est nous qui soulignons).

Cette conclusion suppose cependant que le onzième moyen, qui critique le bien-fondé du motif tiré de ce que le comportement des parties contrevenait au décret de 1809, ne soit pas fondé. Il s’ensuit que si vous optez pour déclarer le dixième moyen inopérant, il y a lieu d’examiner d’abord le onzième moyen, qui est, de ce point de vue, préalable.

Dans un ordre subsidiaire, il est observé que le moyen critique les juges d’appel d’avoir omis d’examiner la cause des contrats au moment de la formation de ces derniers. Il résulte pourtant des motifs du jugement attaqué que :

« Les parties appelantes ont également tenté de contrecarrer la finalité de la LOI à venir qui attribue à l’Archevêché la gestion de ces biens à travers le FONDS.

Le but poursuivi par les parties appelantes a aussi été d’empêcher le FONDS d’avoir, dès son existence, le contrôle sur la gestion des biens jusqu’alors gérés par la fabrique d’SOCIETE4.), les recettes devant rester sous le contrôle de l’ASSOCIATION, au détriment du FONDS.

En agissant de la sorte, l’ASSOCIATION et la FABRIQUE ont essayé par tous les moyens de maintenir les biens de l’ancienne fabrique d’église de Hollerich aussi longtemps que possible sous le contrôle de l’ASSOCIATION qui s’est vue déléguer la gestion des biens, ASSOCIATION composée partiellement des mêmes personnes qui géraient ces biens auparavant dans le cadre de la fabrique d’église.

Ces comportements (signature des contrats de bail et cession de bail en mai 2017 et janvier 2018 ainsi que des contrats-cadre en mai 2017) contreviennent ainsi tant au DECRET - abrogée entretemps par la LOI -, qu’à la LOI à intervenir, par adoption des motifs du jugement entrepris. »320.

Les juges d’appel ont donc bien apprécié la cause des contrats au moment de la formation de ces derniers. Ils se sont placés à ce moment pour scruter la motivation des contractants. Cette motivation consista, selon leur appréciation, à contrecarrer la finalité de la future loi de 2018 en mettant, à dessein avant l’adoption de cette loi et la création du Fonds, en place des structures de gestion dont le but était de déjouer la loi dès son entrée en vigueur. L’un des aspects frauduleux de la manœuvre consistait précisément à anticiper cette entrée en vigueur.

Les juges d’appel ayant apprécié la cause des contrats au moment de la formation de ces derniers, le moyen manque en fait.

De façon complémentaire, sous le couvert du grief tiré du défaut d’appréciation de la cause au moment de la formation des contrats, le moyen, qui met en doute la probabilité de l’adoption de la loi de 2018 au moment de la cette formation et, partant, le caractère plausible de la volonté des parties de contrecarrer cette loi par anticipation, tend en réalité à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des motifs ayant guidé les parties pour conclure les contrats, qui relève de leur appréciation souveraine et échappe à votre contrôle.

A devoir être ainsi compris le moyen ne saurait être accueilli.

320 Idem, même page, deuxième au quatrième alinéa (c’est nous qui soulignons).

Dans un ordre plus subsidiaire, il est observé que la cause du contrat s’apprécie effectivement au jour de la formation du contrat. La cause étant une condition de validité du contrat, elle s’apprécie, en effet, à ce moment321. Cette solution, qui est surtout appliquée lorsqu’il s’agit d’apprécier l’existence de la cause322, mais aussi, bien que rarement, en cas de cause illicite323, a été rappelée par votre Cour324.

S’il faut donc bien se placer au jour de la formation du contrat pour apprécier l’existence d’une cause illicite, le caractère illicite de la cause n’est pas circonscrit à la violation des lois en vigueur au jour de cette formation, mais est susceptible de s’étendre à la violation de lois futures dont l’adoption est raisonnablement prévisible et a, par hypothèse, motivé les parties à conclure le contrat. Exclure ce cas de figure permettrait de soustraire de la sanction de la nullité les contrats conclus aux fins de contourner par anticipation des lois futures sur le point d’être adoptées. Ce serait d’autant moins cohérent qu’une telle fraude présente un caractère plus astucieux qu’une fraude commise seulement après l’entrée en vigueur de la loi contournée.

En l’espèce, les contrats litigieux ont été conclus les 2 et 5 mai 2017 et 7 janvier 2018325. La loi de 2018 transpose la seconde Convention du 26 janvier 2015. Le projet de loi ayant procédé à cette transposition a été déposé le 29 août 2016 et a été voté par la Chambre des députés au cours de sa séance publique du 17 janvier 2018326. La loi a été publiée le 26 février 2018327 et elle est entrée en vigueur le 1er mai 2018328. La formation des contrats, en mai 2017 et janvier 2018, est donc bien postérieure à la conclusion de la Convention, en janvier 2015, et du dépôt du projet de loi, en août 2016, de sorte que l’adoption de la loi de 2018 était raisonnablement prévisible au moment de cette formation. La connaissance par les parties de l’imminence, au moment de cette formation des contrats, de l’adoption de la loi de 2018 résulte des constatations souveraines des juges du fond relatives aux manœuvres entreprises par celles-ci pour contourner, par la conclusion des contrats annulés, cette législation future.

Les juges d’appel ont dès lors constaté juste titre le défaut de pertinence du grief aux motifs que :

« L’argumentation avancée par l’appelante, suivant laquelle au moment de la conclusion des contrats litigieux, la LOI n’aurait pas été en vigueur, ni même votée de sorte que lesdits contrats n’ont pas pu empêcher la bonne application de la LOI, est dépourvue de pertinence.

Contrairement à la position adoptée par l’appelante, le fait qu’au moment de la conclusion de l’ensemble des contrats par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE, la LOI n’a pas encore été en vigueur n’est, en effet, pas pertinent. Tel que relevé à juste titre 321 Pascal ANCEL, Contrats et obligations conventionnelles en droit luxembourgeois, 1ère édition, Bruxelles, Larcier, 2015, n° 346, page 410 à 411.

322 Idem et loc.cit.

323 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation française, première chambre civile, 10 février 1998, n° 96-15.275, Recueil Dalloz 2000, page 442, note Léna GANNAGA, « La licéité de la cause doit-elle s’apprécier lors de la formation du contrat ? », rejetant un pourvoi dirigé contre un arrêt ayant déclaré illicite un contrat de présentation de clientèle d’astrologue au motif que le métier de deviner et pronostiquer ou d’expliquer les songes était au moment de la formation du contrat pénalement interdit, cette interdiction ayant cependant été abrogée depuis lors, ce qui ne permit cependant pas de « sauver » le contrat.

324 Cour de cassation, 12 février 2015, n° 11/15, numéro 3403 du registre (réponse au deuxième moyen).

325 Voir les pièces n° 1 à 6 annexées au mémoire en réponse du Fonds, reproduisant les contrats annulés.

326 Dossiers parlementaires | Chambre des députés du grand-duché de Luxembourg (chd.lu).

327 Mémorial, A, 2018, n° 142 du 26 février 2018.

328 En application de l’article 24 de la loi de 2018.

par le premier juge, au moment de la conclusion entre les parties appelantes des différents contrats en mai 2017 et janvier 2018, le projet de suppression des fabriques d’église par la CONVENTION à entériner par la loi était connu comme en témoignent les stipulations contractuelles de la Convention de cession des droits et de mandat général. La manière d’agir en cas de suppression des fabriques d’église prévue à l’article 9 de la LOI est expressément envisagée notamment par les articles 11.2, respectivement 12 de ladite convention précitée. Par ailleurs, il est stipulé à l’article 10 de la convention de gestion financière que tout ayant droit ou successeur de la fabrique ou de la mense curiale devra respecter le présent contrat sous peine de verser une indemnité forfaitaire de 10% du montant de l’actif sous gestion financière le tout encore sous réserve de dommages et intérêts pour rupture abusive ou avant terme.

La conclusion des contrats litigieux a donc été effectuée en vue de contourner l’application de la loi à venir. »329.

Il s’ensuit, à titre plus subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

3 . 1 1 .

S u r l e o n z i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le onzième moyen est tiré de la violation des articles 1131 et 1133 du Code civil et 1er du décret de 1809, en ce que le jugement attaqué a confirmé le juge de première instance d’avoir annulé les contrats de bail et de cession de bail, aux motifs que : « Après une analyse scrupuleuse et approfondie des contrats de bail et de cession de bail litigieux, à la lumière des contrats-cadre conclus ainsi que des statuts de l’ASSOCIATION, le premier juge a à juste titre retenu que le but poursuivi conjointement par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE en concluant lesdits contrats a été dans un premier temps de priver la FABRIQUE sur une longue durée de tout pouvoir décisionnel et de toute emprise sur ses biens gérés jusqu’alors. Cet agissement contrevient, par adoption des motifs, au DECRET qui confiait aux fabriques d’église la mission de gérer les biens, y inclus les immeubles, tombant dans le champ d’application de l’article 1er dudit DECRET, eu égard à sa terminologie très vaste. Les parties appelantes ont également tenté de contrecarrer la finalité de la LOI à venir qui attribue à l’Archevêché la gestion de ces biens à travers le FONDS. Le but poursuivi par les parties appelantes a aussi été d’empêcher le FONDS d’avoir, dès son existence, le contrôle sur la gestion des biens jusqu’alors gérés par la fabrique d’SOCIETE4.), les recettes devant rester sous le contrôle de l’ASSOCIATION, au détriment du FONDS. En agissant de la sorte, l’ASSOCIATION et la FABRIQUE ont essayé par tous les moyens de maintenir les biens de l’ancienne fabrique d’église de Hollerich aussi longtemps que possible sous le contrôle de l’ASSOCIATION qui s’est vue déléguer la gestion des biens, ASSOCIATION composée partiellement des mêmes personnes qui géraient ces biens auparavant dans le cadre de la fabrique d’église. Ces comportements (signature des contrats de bail et cession de bail en mai 2017 et janvier 2018 ainsi que des contrats-cadre en mai 2017) contreviennent ainsi tant au DECRET - abrogée entretemps par la LOI -, qu’à la LOI à intervenir, par adoption des motifs du jugement entrepris. »330, alors que le décret de 1809 ne prohibe pas la conclusion de contrats causés par l’intention de déléguer à une autre entité la gestion de biens autres que ceux affectés à l’exercice du culte.

Dans son onzième moyen l’Association critique les juges d’appel d’avoir constaté que la conclusion des contrats annulés violait le décret de 1809.

329 Jugement attaqué, page 146, premier au troisième alinéa.

330 Jugement entrepris, page 148, premier au cinquième alinéa.

Ils avaient retenu à ce titre, pour rappel, que :

« Après une analyse scrupuleuse et approfondie des contrats de bail et de cession de bail litigieux, à la lumière des contrats-cadre conclus ainsi que des statuts de l’ASSOCIATION, le premier juge a à juste titre retenu que le but poursuivi conjointement par l’ASSOCIATION et la FABRIQUE en concluant lesdits contrats a été dans un premier temps de priver la FABRIQUE sur une longue durée de tout pouvoir décisionnel et de toute emprise sur ses biens gérés jusqu’alors. Cet agissement contrevient, par adoption des motifs, au DECRET qui confiait aux fabriques d’église la mission de gérer les biens, y inclus les immeubles, tombant dans le champ d’application de l’article 1er dudit DECRET, eu égard à sa terminologie très vaste.

[…] Ces comportements (signature des contrats de bail et cession de bail en mai 2017 et janvier 2018 ainsi que des contrats-cadre en mai 2017) contreviennent ainsi tant au DECRET -

abrogée entretemps par la LOI -, qu’à la LOI à intervenir, par adoption des motifs du jugement entrepris. »331.

Ainsi qu’il a été exposé ci-avant, dans le cadre de la discussion du dixième moyen, les juges d’appel ont constaté, en l’espèce, une double cause illicite, à savoir, d’une part, une intention de violer, par les contrats, le décret de 1809 et, d’autre part, celle de contourner par anticipation la loi de 2018. La décision d’annuler les contrats litigieux trouvant son fondement suffisant dans le second de ces deux motifs, les motifs relatifs à la violation du décret de 1809 sont susceptibles d’être considérés comme surabondants, de sorte que le moyen est surabondant.

Cette conclusion ne se conçoit cependant pas si vous considérez que le dixième moyen, critiquant les motifs relatifs à la violation de la loi de 2018, est à son tour inopérant parce que la décision d’annulation trouve son fondement dans les motifs relatifs à la violation du décret de 1809. Si vous entendez déclarer l’un ou l’autre de ces deux moyens inopérants, il convient d’opérer un choix, les deux moyens ne pouvant pas être simultanément inopérants.

Dans un ordre subsidiaire, il est observé que l’Association fait valoir que les contrats annulés n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 1er du décret de 1809, dont l’esprit serait de viser les biens « qui sont affectés à l’exercice du culte », sinon que cet article ne prohibe pas la délégation par la Fabrique d’église de la gestion de ses biens à un tiers.

S’agissant des biens susceptibles d’être gérés par les Fabriques d’église au regard de l’article 1er du décret de 1809, celles-ci avaient, sur base de cet article, pour mission « d’administrer les aumônes et les biens, rentes et perceptions autorisées par les lois et règlements, les sommes supplémentaires fournies par les communes, et généralement tous les fonds qui sont affectés à l’exercice du culte ». Parmi ces biens figuraient les « maisons et biens ruraux appartenant à la fabrique » qui, sur base de l’article 60 du décret, devaient être « affermés, régis et administrés par le bureau des marguilliers, dans la forme déterminée pour les biens communaux », qui, comme exposé ci-avant sous 1.3.3.3., était, à côté du Conseil de Fabrique, un second organe de gestion de celle-ci, composé du curé et de trois membres du Conseil de Fabrique332. L’article 331 Jugement entrepris, page 147, premier et cinquième alinéa (c’est nous qui soulignons).

332 Article 13 du décret de 1809, non modifié sur ce point par la loi du 17 mars 2016 modifiant le décret du 30 décembre 1809 concernant les fabriques d’église (Mémorial, A, 2016, n° 42 du 18 mars 2016, page 866), cette loi étant antérieure aux contrats annulés.

36 énumérait les revenus des Fabriques d’église, dont le « produit des biens, rentes et fondations qu’elles ont été ou pourront être par nous autorisées à accepter »333. Ces revenus ont dû être utilisés pour financer les charges des Fabriques, définies par les articles 37 à 43 du décret334. Les immeubles ayant fait l’objet des contrats annulés, qui sont des « maisons […] appartenant à la fabrique » visées par l’article 60 du décret, sont dès lors des biens dont la gestion était prévue par le décret. Les Fabriques d’église ayant été des personnes morales de droit public il ne se conçoit de toute façon pas qu’elles aient pu avoir un patrimoine composé de biens non visés par le décret qui les a constituées ou être propriétaires de biens en dehors des prévisions de leur statut, défini par le décret. Le grief tiré de ce que les immeubles ayant fait l’objet des contrats annulés ne relevaient pas du champ d’application du décret est donc à rejeter.

S’agissant du grief tiré de ce que l’article 1er du décret ne prohibe pas la délégation par la Fabrique d’église de la gestion de ses biens à un tiers, il suffit de constater que le décret précisait en détail les règles de gestion des Fabriques d’église. Ces règles étaient à exécuter, ainsi qu’il a été exposé ci-avant sous 1.3.3.3., dans le cadre de la double tutelle, de l’autorité diocésaine et de l’autorité civile, à laquelle les Fabriques d’église étaient soumises. Le statut des Fabriques d’église comme personnes morales de droit public, le degré de précision des règles de gestion définies par le décret ainsi que les « modalités de contrôle et de surveillance »335 qui y étaient prévues dans le cadre de la double tutelle qui caractérisait cette institution obligent à conclure au caractère exhaustif des règles prévues par le décret et s’opposent à admettre d’envisager la possibilité d’une délégation de gestion par la Fabrique d’église à des tiers, de surcroît lorsque celle-ci aurait eu pour effet de « priver sur une longue durée la FABRIQUE de tout pouvoir décisionnel et de toute emprise sur son propre patrimoine »336, tout en mettant en échec les règles de gestion, l’exercice de la double tutelle et les « modalités de contrôle et de surveillance »337 définies par le décret. Il s’ensuit que le second grief n’est pas non plus fondé.

Le moyen est, partant, à rejeter.

3 . 1 2 .

S u r l e d o u z i è m e m o y e n d e c a s s a t i o n Le douzième moyen est tiré de la violation de l’article 9, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le jugement attaqué a confirmé le juge de première instance d’avoir annulé les contrats de bail et de cession de bail, aux motifs que : « C’est également à juste titre que le premier juge a retenu que si la volonté de promouvoir le culte de la fabrique d’église de Hollerich et d’assurer des revenus à l’exercice dudit culte n’est en soi pas répréhensible, il est cependant contraire à la LOI, - transposant la CONVENTION librement souscrite par l’Eglise catholique et le Gouvernement -, de mettre sur pied avant l’entrée en vigueur de la LOI un ensemble de contrats dans le but de contourner la finalité de cette LOI future: cette dernière prévoit expressément la création d’un FONDS dont la mission est d’un côté d’assurer la gestion des biens meubles et immeubles ayant relevé de la gestion patrimoniale des fabriques d’église et de ceux qu’il a acquis par tous moyens de droits 333 Article 36, point 2°, du décret, non modifié par la loi précitée du 17 mars 2016.

334 L’article 44 du décret, qui figurait dans la même section, a été abrogé par l’article 5 de la loi précitée du 17 mars 2016.

335 Jugement de première instance n° 2892/21 du 4 novembre 2021 (Pièce n° 2 annexée au mémoire de la Fabrique d’église), page 69, premier alinéa.

336 Idem et loc.cit.

337 Idem et loc.cit.

et de l’autre côté de répondre des dettes et des charges contractées par les fabriques d’église avant leur suppression. L’affirmation suivant laquelle les recettes étaient destinées à être reversées à la FABRIQUE, respectivement au FONDS à l’expiration d’un délai de neuf après déduction faite des charges eu égard aux stipulations contractuelles convenues dans la Convention de cession des droits et de mandat de gestion général conclu entre l’ASSOCIATION et la FABRIQUE, n’enlève rien au fait que les parties appelantes ont justement préalablement mis en œuvre un ensemble de contrats destinés à empêcher le FONDS à récupérer les recettes provenant de la location des biens, et à faire face à ses obligations financières dès sa création.

Le fait que les membres de l’ASSOCIATION et de la FABRIQUE n’avaient prétendument pas été animés par un esprit de lucre et qu’ils souhaitaient simplement promouvoir l’exercice du seul culte catholique de Hollerich en s’assurant la rentrée de revenus afin d’assurer ladite promotion n’empêche que des manœuvres ont été sciemment effectuées dans le but de contourner la loi future et de la vider de sa substance. »338, alors que l’annulation des contrats litigieux porte atteinte à l’exercice par l’Association et par ses membres de leur liberté de religion.

Dans son douzième moyen, l’Association critique que les juges du fond, en sanctionnant par la nullité des contrats la violation du décret de 1809 et de la loi de 2018 recherchées par les parties par la conclusion de ces contrats, auraient porté atteinte à sa liberté de religion, garantie par l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ainsi que le soulève à juste titre le Fonds dans son mémoire en réponse339, le moyen est, au regard des éléments auxquels vous pouvez avoir égard, nouveau. L’Association et la Fabrique d’église, si elles ont invoqué une violation de la liberté de religion, ce grief avait pour objet la suppression des Fabriques d’église et le transfert de leur patrimoine au Fonds. L’Association n’a, en revanche, pas invoqué une telle violation en rapport avec l’incidence de l’annulation des contrats sur l’exercice de ses propres activités de promotion du culte catholique. Elle en a pourtant eu l’occasion, l’annulation des contrats ayant été l’objet du litige.

Le moyen supposant l’examen de l’existence de la répercussion alléguée de l’annulation des contrats et de la privation consécutive des activités de gestion patrimoniale de certains biens immobiliers de la Fabrique d’église assumées par l’Association sur l’exercice de la liberté de religion de celle-ci, donc une appréciation de fait, il est mélangé de fait et de droit, partant irrecevable.

Dans un ordre subsidiaire, il est relevé que, sous le couvert de la violation de la disposition invoquée, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des motifs ayant inspiré les parties aux fins de conclure les contrats annulés pour cause illicite, qui relève de leur appréciation souveraine.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.

Dans un ordre plus subsidiaire, il est renvoyé au motif du premier juge tiré de ce que « [l]e fait que certains fidèles [en l’occurrence ceux regroupés dans l’Association] soient privés de leur implication dans la gestion patrimoniale du Culte ne constitue pas une atteinte à leur liberté de religion si ce culte n’est pas privé des ressources qui étaient les siennes »340.

338 Jugement attaqué, page 147, antépénultième au dernier alinéa.

339 Mémoire en réponse du Fonds, page 39, sous « Quant à la recevabilité du moyen eu égard à sa nouveauté ».

340 Jugement de première instance n° 2892/21 du 4 novembre 2021 (Pièce n° 2 annexée au mémoire de la Fabrique d’église), page 38, deuxième alinéa.

Il s’ensuit, à titre plus subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 95


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50/24
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-03-21;50.24 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award