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07/03/2024 | LUXEMBOURG | N°40/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 mars 2024, 40/24


N° 40 / 2024 pénal du 07.03.2024 Not. 7800/22/CD Numéro CAS-2023-00117 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept mars deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de 1) PERSONNE1.), et 2) PERSONNE2.), les deux demeurant ensemble à L-ADRESSE1.), cités directs, défendeurs au civil, demandeurs en cassation, comparant par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE3.), et 2) PERSONNE4.), les deux demeurant ensemble à L-ADRESSE2.), citants

directs, demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt ...

N° 40 / 2024 pénal du 07.03.2024 Not. 7800/22/CD Numéro CAS-2023-00117 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept mars deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de 1) PERSONNE1.), et 2) PERSONNE2.), les deux demeurant ensemble à L-ADRESSE1.), cités directs, défendeurs au civil, demandeurs en cassation, comparant par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE3.), et 2) PERSONNE4.), les deux demeurant ensemble à L-ADRESSE2.), citants directs, demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu le jugement attaqué, rendu le 23 mars 2023 sous le numéro 855/2023 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, dix-huitième chambre, siégeant en instance d’appel en matière de police ;

Vu le pourvoi en cassation formé au pénal et au civil par Maître Erol YILDIRIM, avocat à la Cour, en remplacement de Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.) et de PERSONNE2.), suivant déclaration du 20 avril 2023 au greffe du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 15 mai 2023 par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à PERSONNE3.) et PERSONNE4.), déposé le 17 mai 2023 au greffe du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le Tribunal de police de Luxembourg avait acquitté les demandeurs en cassation de l’ensemble des infractions qui leur étaient reprochées par les défendeurs en cassation sur base de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain. Au civil, il s’était déclaré incompétent concernant les demandes indemnitaires dirigées par les défendeurs en cassation contre les demandeurs en cassation et avait fait droit aux demandes reconventionnelles formulées par ces derniers à l’encontre des citants directs à titre de dommage moral et à titre d’indemnité de procédure.

Le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg a confirmé le jugement entrepris au pénal. Au civil il a, par réformation, déchargé les défendeurs en cassation de toutes les condamnations intervenues à leur encontre.

Sur les cinq moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Tiré de l’excès de pouvoir En ce que le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg a outrepassé les pouvoirs qu’il tire des dispositions de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain en effectuant in fine un contrôle de légalité d’un acte administratif individuel, in specie en ayant requalifié la construction litigieuse et en analysant la validité d’une autorisation de bâtir valablement délivrée et non autrement entreprise, en empiétant par là même sur des prérogatives dévolues spécifiquement et exclusivement aux juridictions administratives, 2 Alors que le juge judiciaire aurait dû observer les limites de compétence lui attribuée de par la loi, sinon de par la Constitution, et s’abstenir d’empiéter sur les prérogatives attribuées exclusivement et spécifiquement aux juridictions administratives. », le deuxième, « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise appréciation, sinon de la mauvaise application de l’article 95 bis (1) de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg En ce que le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg a effectué un contrôle de légalité d’un acte administratif individuel, in specie en requalifiant la construction litigieuse et en analysant la validité de l’autorisation de bâtir délivrée, en empiétant par là même sur des prérogatives dévolues spécifiquement et exclusivement aux juridictions administratives, Alors que le juge judiciaire aurait dû décliner toute compétence pour connaître d’un contentieux strictement réservé au juge administratif par application de l’article 95 bis (1) de la Constitution. », le troisième, « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise appréciation, sinon de la mauvaise application de l’article 95 bis (1) de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, pris ensemble avec l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain En ce que le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg a effectué un contrôle de légalité d’un acte administratif individuel sur base des dispositions de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, en effectuant in fine un contrôle de légalité d’un acte administratif individuel, in specie en ayant requalifié la construction litigieuse et en analysant la validité d’une autorisation de bâtir valablement délivrée et non autrement entreprise, en empiétant par là même sur des prérogatives dévolues spécifiquement et exclusivement aux juridictions administratives, Alors que le juge judiciaire aurait dû s’abstenir de connaître d’un contentieux strictement réservé au juge administratif par application de la Constitution dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 107 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. », le quatrième, « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise appréciation, sinon de la mauvaise application de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

En ce que le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg a requalifié la construction réalisée par les parties demanderesses en cassation et a considéré qu’elle avait été érigée sans autorisation valable, Alors qu’une autorisation de construire avait été valablement délivrée par l’Administration communale aux parties demanderesses en cassation pour ériger la construction. » et le cinquième, « Tiré de la violation du principe de l’autorité de la chose décidée En ce que le Tribunal d’Arrondissement, en requalifiant la construction réalisée, a considéré que les travaux effectués par les parties demanderesses en cassation – pourtant dûment couverts par une autorisation de bâtir valable - étaient illégaux, Alors que l’autorisation de bâtir délivrée par l’Administration communale, non autrement contestée devant les juridictions administratives, avait acquis autorité de chose décidée et ne pouvait plus être remise en question devant les juridictions de quelque ordre que ce soit. ».

Réponse de la Cour Les demandeurs en cassation, acquittés au pénal, ayant intérêt à contester la décision prise au civil par laquelle leurs demandes reconventionnelles en allocation de dommages-intérêts pour préjudice moral et pour procédure abusive et vexatoire ainsi qu’en remboursement des frais d’expertise et des frais d’avocat ont été rejetées aux motifs que les demandeurs en cassation, cités directs, « bien que de manière inconsciente, ne se sont absolument pas tenus à l’autorisation de construire qui leur a été délivrée, que les [défendeurs en cassation, citants directs] avaient toutes les raisons de s’étonner de l’ampleur de l’édifice qui a été érigé à la limite de leur propriété et pouvaient légitimement se voir en droit d’agir en justice, …, ces derniers n’ont pas commis de faute au sens de l’article 1382 du Code civil », sont recevables dans ce cadre à discuter les motifs du juge d’appel tenant à l’autorisation de construire.

Les demandeurs en cassation font grief au juge d’appel d’avoir effectué un contrôle de la légalité d’un acte administratif individuel en ayant requalifié la construction litigieuse et en ayant analysé la validité d’une autorisation de bâtir valablement délivrée et non autrement entreprise, empiétant ainsi sur les prérogatives attribuées spécifiquement et exclusivement aux juridictions administratives.

En constatant que la construction érigée « ne constitue pas une véranda, mais bien une véritable extension de la construction existante », que « la construction de l’extension de l’habitation des parties intimées n’était pas couverte par une autorisation », que « la construction litigieuse n’a pas été réalisée conformément à l’autorisation de bâtir à sa base » et que « les époux GROUPE1.), bien que de manière inconsciente, ne se sont absolument pas tenus à l’autorisation de construire qui leur a été délivrée », le juge d’appel s’est limité à statuer sur la conformité de la construction réalisée par rapport à l’autorisation de bâtir délivrée, sans effectuer un contrôle de la légalité de cette dernière.

Il s’ensuit que les moyens, en ce qu’ils procèdent d’une lecture erronée de l’arrêt, manquent en fait.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs en cassation aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 2,75 euros ;

les condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, sept mars deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) et PERSONNE2.) contre PERSONNE3.) et PERSONNE4.) en présence du Ministère Public (CAS-2023-00117) Par déclaration au greffe de la Cour supérieure de justice en date du 20 avril 2023.

PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont formé un recours en cassation contre un jugement numéro 855/2023 (not. 7800/22/CD) rendu le 23 mars 2023 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, dix-huitième chambre, siégeant en instance d’appel en matière de police, statuant contradictoirement.

La déclaration de recours a été faite auprès du greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, dans les formes prévues à l’article 417 du Code de procédure pénale. Le pourvoi a été introduit dans le délai d’un mois prévu à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Cette déclaration a été suivie du dépôt au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg d’un mémoire en cassation en date du 17 mai 2023. Ce mémoire a été préalablement signifié aux parties défenderesses en cassation en date du 15 mai 2023.

Le pourvoi est recevable.

Sur les faits En date du 17 septembre 2014, les parties demanderesses en cassation se sont vu délivrer une autorisation de bâtir en vue de la construction d’une véranda.

En date du 16 février 2017, les parties défenderesses en cassation ont fait citer les parties demanderesses en cassation devant le tribunal de police de et à Luxembourg par voie de citation directe sur la base de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain en leur reprochant l’exécution de travaux illégaux.

Par jugement n°08/22 rendu contradictoirement en date du 17 janvier 2022, le Tribunal de police de et à Luxembourg a acquitté les demandeurs en cassation PERSONNE1.) et PERSONNE2.) de l’ensemble des infractions mises à leur charge.

Quant au volet civil, le juge de première instance s’est déclaré incompétent en ce qui concerne l’ensemble des demandes indemnitaires dirigées par PERSONNE3.) et PERSONNE4.) envers PERSONNE1.) et PERSONNE2.) et a fait droit aux demandes reconventionnelles formulées par ces derniers à l’encontre des citant directs à hauteur de 5.000 euros à titre de dommage moral et de 8.000 euros à titre d’indemnité de procédure.

PERSONNE3.) et PERSONNE4.) ont encore été condamnés au remboursement des frais d’expertise réglés par PERSONNE1.) et PERSONNE4.) ainsi qu’au paiement de tous les autres frais et dépens.

En date du 18 février 2022, le mandataire des citant directs PERSONNE3.) et PERSONNE4.) a interjeté appel au pénal et au civil contre le jugement de première instance.

Par déclaration datée du même jour, le Procureur d’État de Luxembourg a interjeté appel au pénal.

Le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, dix-huitième chambre, siégeant en instance d’appel en matière de police, statuent contradictoirement, a rendu un jugement n° 855/2023, dont le dispositif se lit comme suit :

« reçoit les appels en la forme, déclare irrecevable l’appel au pénal de PERSONNE3.) et PERSONNE4.), déclare recevable l’appel au civil de PERSONNE3.) et PERSONNE4.), déclare recevable l’appel au pénal du Ministère Public, statuant au pénal, dit l’appel du Ministère Public non fondé, partant, confirme le jugement entrepris, partiellement par d’autres motifs, en ce qu’il a acquitté PERSONNE1.) et PERSONNE2.) du chef de l’ensemble des infractions, statuant au civil, d i t l’appel de PERSONNE3.) et de PERSONNE4.) partiellement fondé, par réformation :

décharge PERSONNE3.) et de PERSONNE4.) de toutes les condamnations intervenues à leur encontre, laisse les frais de la demande civile des deux instances à charge de PERSONNE1.) et PERSONNE2.). » Ce jugement fait l’objet du présent pourvoi.

Sur les cinq moyens de cassation réunis :

Les cinq moyens de cassation reprochent au jugement dont pourvoi d’avoir contrôlé la légalité d’un acte administratif individuel, à savoir l’autorisation de bâtir délivrée aux parties demanderesses en cassation en date du 17 septembre 2014, empiétant ainsi sur les prérogatives attribuées exclusivement et spécifiquement aux juridictions administratives.

Le premier moyen de cassation est tiré de l’excès de pouvoir et reproche au juge d’appel d’avoir outrepassé les pouvoirs qu’il tire des dispositions de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 95 bis (1) de la Constitution qui dispose que « le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative ».

Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 95 bis (1) de la Constitution, pris ensemble avec l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de l’autorité de la chose décidée.

Les parties demanderesses en cassation font grief au jugement attaqué d’avoir analysé la validité d’une autorisation de bâtir valablement délivrée et non autrement entreprise.

Les cinq moyens procèdent d’une lecture erronée du jugement a quo. Le juge d’appel n’a pas statué sur la validité de l’autorisation de bâtir délivrée aux parties demanderesses en cassation, mais il a constaté qu’il est « un fait que la construction litigieuse n’a pas été réalisée conformément à l’autorisation de bâtir à sa base »1, ou encore « que les époux GROUPE1.), bien que de manière non consciente, ne se sont absolument pas tenus « scrupuleusement » à l’autorisation de construire qui leur a été délivrée »2.

En constatant que la construction érigée n’était pas conforme à l’autorisation de bâtir délivrée, le juge d’appel n’a pas statué sur la légalité de ladite autorisation, de sorte que les cinq moyens manquent en fait.

Subsidiairement :

Sous le couvert de la violation des dispositions visées, les quatre premiers moyens tentent de remettre en discussion le constat par le juge d’appel de la non-conformité de la 1 Jugement du 23 mars 2023, page 6, dernier paragraphe 2 ibidem, page 8, 7e paragrapheconstruction litigieuse à l’autorisation de bâtir délivrée, constat qui relève de son appréciation souveraine et échappe au contrôle de votre Cour.

Les quatre premiers moyens ne sauraient être accueillis.

Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation du principe de l’autorité de la chose décidée.

D’après la jurisprudence constante de votre Cour, un principe général du droit ne donne ouverture à cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale.

Le moyen ne précise pas de texte de loi qui exprimerait le principe invoqué ou une jurisprudence d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe.

Il en suit que le cinquième moyen est irrecevable.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le 1er avocat général, Marie-Jeanne Kappweiler 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40/24
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-03-07;40.24 ?

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