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07/03/2024 | LUXEMBOURG | N°39/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 mars 2024, 39/24


N° 39 / 2024 du 07.03.2024 Numéro CAS-2023-00064 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Gmbh, établie et ayant son siège soci

al à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et ...

N° 39 / 2024 du 07.03.2024 Numéro CAS-2023-00064 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept mars deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Gmbh, établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Stephan WONNEBAUER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et le CENTRE COMMUN DE LA SECURITE SOCIALE, établissement public, établi à L-2144 Luxembourg, 4, rue Mercier, représenté par le président du conseil d’administration, inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J17, défendeur en cassation, 1comparant par Maître Luc OLINGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence de PERSONNE1.), demeurant à D-ADRESSE2.), défendeur en cassation.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 23 février 2023 sous le numéro 2023/0050 (No. du reg.: CCSS 2022/0216) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 28 avril 2023 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Gmbh au CENTRE COMMUN DE LA SECURITE SOCIALE (ci-après « le CCSS ») et à PERSONNE1.), déposé le 2 mai 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 21 juin 2023 par le CCSS à la société SOCIETE1.) et à PERSONNE1.), déposé le 22 juin 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;

Ecartant la note de plaidoirie versée par la demanderesse en cassation à l’audience pour ne pas répondre, quant à son objet, aux prescriptions de l’article 17, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Sur la recevabilité du pourvoi Le défendeur en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi pour être dirigé « contre le jugement précité » du Conseil arbitral de la sécurité sociale et « contre les motifs d’une décision » au lieu d’être formé contre le dispositif de la décision attaquée.

Le pourvoi, en ce qu’il indique être dirigé contre l’ « arrêt n° 2023/0050 rendu par le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale (…) en date du 23 février 2023 » et en précise les dispositions qu’il attaque, est régulier.

Le défendeur en cassation soulève encore l’irrecevabilité du pourvoi pour imprécision de l’identité de la demanderesse en cassation. L’indication d’un autre nom en page 8 du pourvoi et d’une adresse autre que celle de la société SOCIETE1.) ne permettrait pas d’identifier avec certitude la partie qui lui a signifié le pourvoi en cassation.

2 L’indication d’une personne autre que la demanderesse en cassation dans le bordereau des pièces transmises dans le cadre de l’instance de cassation constitue une erreur matérielle, qui n’est pas de nature à entacher la régularité du pourvoi. Il ne résulte pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que l’adresse indiquée par la société SOCIETE1.) serait inexacte.

Il s’ensuit que le pourvoi, introduit dans les forme et délai de la loi, est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la société SOCIETE1.) avait affilié son salarié, PERSONNE1.), auprès du CCSS durant la période du 1er juin 1999 au 15 juillet 2011.

Suite à une enquête menée par les autorités allemandes, il s’est avéré que ledit salarié n’avait cessé de travailler en Allemagne pour la société-mère, de sorte que sa situation a été régularisée par son affiliation rétroactive auprès d’un organisme de sécurité sociale allemand et le paiement des cotisations sociales pour la même période.

Suite à une demande de la société SOCIETE1.) auprès du CCSS en désaffiliation rétroactive de son salarié pour la prédite période et en remboursement des cotisations sociales y afférentes, le conseil d’administration du CCSS avait refusé de faire droit à ces demandes pour la période antérieure au 1er janvier 2010 par application de la prescription quinquennale prévue à l’article 432 du Code de la sécurité sociale.

Le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait déclaré partiellement fondé le recours exercé par la société SOCIETE1.) contre la décision du conseil d’administration du CCSS en faisant droit à la demande en remboursement des cotisations sociales pour le mois de décembre 2009 ainsi qu’à la demande en désaffiliation rétroactive pour la période du 1er juin 1999 au 31 décembre 2009. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé ce jugement.

Sur les deux moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « tiré de la contravention à la loi, de la violation ou de la fausse application de la loi, spécialement des principes jurisprudentiels issus de l’arrêt de la CJUE C-34/02 du 19 juin 2003 qui pose en principe que :

le droit national doit cependant respecter le principe communautaire d’équivalence, qui impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l’exercice d’une liberté communautaire ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes, ainsi que le principe communautaire d’effectivité, qui impose que ces modalités 3procédurales ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits résultants de la situation d’origine communautaire. » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré que :

le Conseil arbitral a retenu que ces principes étaient respectés. Il y a lieu de confirmer cette décision.

pour en conclure que :

concernant le principe d’équivalence, la prescription de l’article 432 du code de la sécurité sociale s’applique de la même façon à une situation purement interne qu’à la situation de PERSONNE1.) s’inscrivant dans le contexte de l’exercice de la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne.

Alors qu’en décidant ainsi, le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a décidé au mépris du principe d’équivalence qui impose que dans le traitement de situations trouvant leur origine dans l’exercice d’une liberté communautaire ne soient pas moins favorable que le traitement de situations purement internes. » et le second, « tiré de la contravention à la loi, de la violation ou de la fausse application de la loi, spécialement des principes jurisprudentiels issus de l’arrêt de la CJUE C-34/02 du 19 juin 2003 qui pose en principe que :

le droit national doit respecter le principe communautaire d’effectivité, qui impose que ces modalités procédurales ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits résultants de la situation d’origine communautaire. » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré que :

le Conseil arbitral a retenu que ces principes étaient respectés. Il y a lieu de confirmer cette décision.

pour en conclure que :

Quant au principe de l’effectivité, l’article 432 du code de la sécurité sociale prévoit en son deuxième alinéa que le droit au remboursement des cotisations sociales payées indument se prescrit dans un délai de 5 ans à partir de l’expiration de l’année au cours de laquelle elles ont été payées.

Il est donc laissé un délai de 5 ans à l’assuré pour réclamer la restitution de sommes indument payées. Ce délai doit être considéré comme suffisamment long pour ne pas remettre en cause l’effectivité du droit de tout travailler de circuler librement au sein de l’Union européenne.

Alors qu’en décidant ainsi, le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a décidé au mépris du principe d’équivalence qui impose de tenir compte de traitement 4de situations trouvant leur origine dans l’exercice d’une liberté communautaire ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué.

Les moyens en ce qu’ils visent « la contravention à la loi, la violation ou la fausse application de la loi » ne précisent pas en quoi les juges d’appel auraient violé les principes d’ « équivalence et d’effectivité » visés aux moyens.

Il s’ensuit que les moyens sont irrecevables.

Sur les demandes en allocation d’indemnités de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge du CCSS l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation reçoit le pourvoi ;

le rejette ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Luc OLINGER, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

5 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société à responsabilité limitée SOCIETE1.) GmbH contre Centre Commun de la Sécurité Sociale et PERSONNE1.) (n° CAS-2023-00064 du registre) Le pourvoi en cassation introduit par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) GmbH (ci-

après la société SOCIETE1.)) par un mémoire en cassation signifié le 28 avril 2023 aux parties défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 2 mai 2023 est dirigé contre un arrêt n° 2023/0050 rendu par défaut à l’encontre de PERSONNE1.) et contradictoirement à l’encontre de la société SOCIETE1.) et du Centre Commun de la Sécurité Sociale en date du 23 février 2023 par le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale, (n° du registre: CCSS 2022/0216).

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale, contre lequel un pourvoi en cassation peut être formé sur la base de l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.

L’arrêt attaqué a été notifié par la poste le 1er mars 2023 conformément à l’article 458 du Code de la sécurité sociale à la demanderesse en cassation.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de la convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 19721, lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, le dies ad quem est le jour du dernier mois ou de de la dernière année dont la date correspond à celle du dies a quo. Le 1er mai 2023 fut un jour férié. Conformément à l’article 5 de la convention, le délai est partant prolongé de façon à englober le premier jour ouvrable qui suit, en l’espèce le mardi 2 mai 2013.

Le délai de deux mois, prévu par l’article 7, alinéas 1 et 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, a partant été respecté.

Le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le mémoire en réponse du Centre Commun de la Sécurité Sociale (ci-après CCSS), signifié le 21 juin 2023, a été déposé au greffe de la Cour le 22 juin 2023. Le mémoire en réponse peut 1 Article 4, paragraphe 2, de la Convention européenne sur la computation des délais du 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984 (Mémorial A, 1984, page 923), 6être pris en considération pour avoir été déposé dans la forme et le délai prévus aux articles 15 et 16 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le défendeur en cassation PERSONNE1.) (ci-après PERSONNE1.)) n’a pas déposé de mémoire en réponse.

Les faits et rétroactes :

PERSONNE1.) était affilié auprès du CCSS du 1er juin 1999 au 16 juillet 2011 en tant que salarié de la société SOCIETE1.) établie au Luxembourg, après avoir été affilié jusqu’au 31 mai 1999 à la législation allemande en tant que salarié auprès de la société SOCIETE2.) GmbH, établie en Allemagne, qui est la société mère de la société SOCIETE1.).

Suite à une enquête des autorités allemandes, il a été affilié pour cette même période à la sécurité sociale allemande au motif qu’il n’a pas cessé de travailler en Allemagne, nonobstant la signature d’un contrat de travail avec la société SOCIETE1.).

Cette dernière a saisi le CCSS d’une déclaration de sortie de PERSONNE1.) motivée par une résiliation ou fin du contrat de travail au 16 juillet 2011, voire pour tout autre motif non spécialement énuméré. Elle a également introduit une demande en désaffiliation de PERSONNE1.) auprès du CCSS pour la période du 1er juin 1999 au 16 juillet 2011, accompagnée d’une demande en remboursement des cotisations sociales payées pour cette période.

A l’appui de sa demande, la société SOCIETE1.) verse une décision (« Bescheid ») de l’organisme Deutsche Rentenversicherung Bund daté du 17 juillet 2015, adressé à la société de droit allemand SOCIETE2.) GmbH. Il ressort de ce document que pour la période du 1er juin 1999 au 15 juillet 2011 des arriérés de cotisations sociales d’un montant total de 398.555,32 € sont à payer par la société SOCIETE2.) GmbH. Celle-ci est également informée qu’en principe les créances de cotisations sociales sont soumises à une prescription de quatre ans à partir de la fin de l’année au cours de laquelle elles sont venues à échéance, mais que ce délai de prescription est de 30 ans lorsqu’il s’agit de cotisations retenues intentionnellement2.

2 En bas de la page 3 du « Bescheid » du 17.07.2015 :

“Ansprüche auf Sozialversicherungsbeiträge verjähren grundsätzlich in vier Jahren nach Ablauf des Kalenderjahres, in dem sie fällig geworden sind (§25 Abs. 1 Satz 1 SGB IV). Nach § 25 Abs. 1 Satz 2 SGB IV verjähren Ansprüche auf vorsätzlich vorenthaltene Beiträge in dreissig Jahren nach Ablauf des Kalenderjahres, in dem sie fällig geworden sind.

Für die Annahme der dreissigjährigen Verjährungsfrist reicht es nach dem Urteil des Bundessozialgerichtes vom 21.06.1990-12 RK 13/89- aus, wenn der Beitragsschuldner die Beiträge mit bedingtem Vorsatz vorenthalten hat, er also seine Beitragspflicht für möglich gehalten, die Nichtabführung der Beiträge aber billigend in Kauf genommen hat. In seiner Entscheidung vom 30.03.2000- B 12 KR 14/99 R- führte das Bundessozialgericht diesbezüglich ergänzend aus, dass Vorsatz regelmässig vorliegt, wenn für ein typisches Arbeitsentgelt (beispielsweise auch bei illegaler Beschäftigung und Schwarzarbeit) überhaupt keine Sozialversicherungsbeiträge entrichtet werden.

Bei dem vorliegenden Sachverhalt handelt es sich um vorsätzlich vorenthaltene Sozialversicherungsbeiträge und Umlagen, so dass die Beitragsansprüche nach § 25 Abs. 1 Satz 2 SGB IV nicht verjährt sind.“ 7La société SOCIETE2.) GmbH n’a pas exercé de recours pour contester l’application du délai de prescription de 30 ans.

Depuis le 16 juillet 2011, PERSONNE1.) a été réaffilié en Allemagne auprès de son employeur d’origine.

Par courrier du 4 novembre 20153, le ministère de la sécurité sociale s’est adressé à l’autorité compétente allemande en vue d’un accord sur une dérogation à la soumission de PERSONNE1.) à la législation allemande et sur le maintien du salarié à la législation luxembourgeoise au cours de la période du 1er juin 1999 au 15 juillet 2011, dans l’intérêt du salarié, conformément à l’article 16, alinéa 1er, du règlement (CE) n° 883 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale4. Cette proposition de dérogation s’est heurtée à un rejet de l’autorité allemande du 17 décembre 2015 au motif qu’il est reproché à l’employeur de PERSONNE1.) d’avoir commis une infraction intentionnelle à la règlementation allemande en matière de sécurité sociale.5 Par décision du conseil d’administration du 27 septembre 2018, confirmant la décision présidentielle préalable, le CCSS a refusé de faire droit aux deux demandes de la société SOCIETE1.), plus précisément il a été refusé de faire doit à la demande de désaffiliation de PERSONNE1.) et à la demande de remboursement des cotisations sociales pour la période du 1er juin 1999 au 31 décembre 2009, en invoquant l’article 432 du Code de la sécurité sociale qui dispose :

«La prescription des cotisations, des amendes d’ordre et autres redevances connexes est régie par la législation relative au recouvrement des contributions directes, des droits d’accises et des cotisations de sécurité sociale. Cependant, lorsqu’il est prouvé par les livres de l’employeur, par des décomptes réguliers de salaires ou par une condamnation en vertu de l’article 449, alinéa 1er, numéro 3 que les cotisations ont été retenues sur les salaires sans avoir été versées dans les délais impartis, la prescription n’est acquise que trente ans après le 31 décembre de l’année au cours de laquelle la retenue a été opérée.

Le droit au remboursement des cotisations payées indûment se prescrit dans un délai de cinq ans à partir de l’expiration de l’année au cours de laquelle elles ont été payées. » Sur recours de la société SOCIETE1.), le Conseil arbitral de la sécurité sociale a ordonné la mise en intervention de PERSONNE1.) par jugement du 17 avril 2020.

3 Pièce n° 7 4 L’article 16, alinéa 1er, du règlement (CE) n° 883 dispose :

« Deux ou plusieurs Etat membres, les autorités compétentes de ces Etats membres ou les organismes désignés par ces autorités peuvent prévoir d’un commun accord, dans l’intérêt de certaines personnes ou catégories de personnes, des dérogations aux articles 11 à 15. » (Les articles 11 à 15 portent sur les règles régissant la détermination de la législation applicable.) 5 Pièce n°8, 2e paragraphe:

“ Vor dem Hintergrund des Bescheides der Deutschen Rentenversicherung Bund vom 17.07.2015. mit welchem der Arbeitgeber Herrn PERSONNE1.) über das Ergebnis einer bei ihm durchgeführten Betriebs-und Steuerfahndungsprüfung informiert und im Zuge dessen ihm unter anderem der vorsätzliche Verstoss gegen deutsche sozialversicherungsrechtliche Vorschriften zur Last gelegt wird, sehen wir uns ausserstande dem Abschluss einer Ausnahmevereinbarung zugunsten Herrn PERSONNE1.) zuzustimmen.“ 8 Par jugement du 23 septembre 2022, le Conseil arbitral a fait droit au recours en ce qu’il tend au remboursement des cotisations sociales du mois de décembre 2009 et à la désaffiliation de PERSONNE1.) à la législation luxembourgeoise durant la période litigieuse. Il a dit le recours non fondé en ce qu’il tend au remboursement des cotisations sociales payées avant le mois de décembre 2009. Il a renvoyé le dossier devant le CCSS et il a déclaré le jugement commun à PERSONNE1.).

Par requête déposée en date du 14 novembre 2022, la société SOCIETE1.) a interjeté appel contre ce jugement.

Dans un arrêt rendu en date du 23 février 2023, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a reçu l’appel en la forme, l’a déclaré non fondé, a confirmé le jugement entrepris et a déclaré l’arrêt commun à PERSONNE1.).

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur les deux moyens de cassation réunis:

Les deux moyens sont « tirés de la contravention à la loi, de la violation ou de la fausse application de la loi, spécialement des principes jurisprudentiels issus de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après CJUE) dans l’affaire C-34/02 du 19 juin 2003 qui pose en principe que :

« le droit national doit cependant respecter le principe communautaire d’équivalence, qui impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l’exercice d’une liberté communautaire ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes », (premier moyen) « ainsi que le principe communautaire d’effectivité, qui impose que ces modalités procédurales ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits résultant de la situation d’origine communautaire » (deuxième moyen). » Quant à la recevabilité :

Les deux moyens indiquent comme cas d’ouverture la violation de la loi sans toutefois préciser la disposition légale dont la violation serait invoquée. Les moyens n’invoquent pas non plus la violation d’un principe général du droit.

L’indication du cas d’ouverture est des plus floues et cette impression est renforcée par le fait que les deux principes communautaires invoqués sont des principes qui doivent guider les autorités nationales des Etats membres de l’Union européenne dans l’application de leurs dispositions nationales. Néanmoins la partie demanderesse n’invoque aucune violation d’une disposition nationale par refus d’application ou par fausse application, mais seulement une violation des principes communautaires d’équivalence et d’effectivité.

La soussignée se rapporte à la sagesse de votre Cour en ce qui concerne la recevabilité des deux moyens compte tenu de leur formulation peu orthodoxe.

9 Quant au fond :

Dans l’affaire C-34/02 invoquée par la partie demanderesse en cassation, la CJUE avait été saisie de questions préjudicielles sur l’interprétation du règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté. La CJUE a rappelé que le système mis en place par le règlement n° 1408/71 repose sur une simple coordination des législations nationales en matière de sécurité sociale et ne vise pas à leur harmonisation, pour conclure :

« C’est donc dans la législation nationale de l’Etat concerné que doivent être recherchées les règles applicables à la prescription ou à la répétition de l’indu ».6 C’est dans ce contexte que la CJUE a précisé les principes d’équivalence et d’effectivité, qui font l’objet d’une jurisprudence abondante7:

« 57.

Le principe d'équivalence impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l'exercice d'une liberté communautaire ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes (voir, en ce sens, arrêts précités Palmisani, point 32 et Edis, point 34). À défaut, il y aurait violation du principe d'égalité de traitement entre les travailleurs ayant exercé le droit de libre circulation et ceux dont la totalité de la carrière professionnelle s'est déroulée à l'intérieur d'un même État membre.

58.

Le principe d'effectivité impose que ces modalités procédurales ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par le droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts précités Palmisani, points 28 et 29 ainsi que Edis, point 34).

59.

Il serait contraire au principe d'équivalence de qualifier ou de traiter différemment une situation trouvant son origine dans l'exercice d'une liberté communautaire et une situation purement interne, alors qu'elles seraient similaires et comparables, et de soumettre la situation d'origine communautaire à un régime propre, moins favorable pour le travailleur que celui applicable à la situation purement interne, et justifié exclusivement par cette différence de qualification ou de traitement.

60.

Dans leurs observations écrites, l'INPS et le gouvernement italien ont précisé que certaines règles du droit italien en matière de prescription et de répétition de l'indu étaient applicables à la situation de M. Pasquini, notamment la prescription décennale instituée par l'article 2946 du code civil et les règles prévoyant une exception au principe de la répétition de l'indu 6 Arrêt du 19 juin 2003 dans l’affaire C-34/02, points 52 et 53 7 Voir aussi : CJUE [GCH] arrêt Dragos Constantin Târsia du 6 octobre 2015, affaire C.69/14, points 27-40 ;

CJUE, arrêt Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral dans l’affaire 33/76, point 5 ; arrêt Transportes Urbanos y Servicios Generales, C-118/08, point 31 ; arrêt Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, C‑362/12, point 32 ; arrêt Impresa Pizzarotti, C‑213/13, point 58-62 ; arrêt Weber’s Wine World e.a., C‑147/01, point 104 ; arrêt ÖBB Personenverkehr, C-417/13, point 74 ; arrêt Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, point 27 ; arrêt Agrokonsulting-04, C‑93/12, point 48 ; arrêt Peterbroeck du 14 décembre 1995, C-312/93, point 12 .

10pour les paiements indus en matière de sécurité sociale et limitant les montants pouvant être récupérés en fonction des revenus des personnes concernées.

61.

L'application de telles règles tant aux situations trouvant leur origine dans l'exercice de la libre circulation des personnes qu'aux situations purement internes répond à l'exigence du principe d'équivalence.

62.

Toutefois, il y a lieu de relever que ce principe ne doit pas seulement être appliqué pour ce qui concerne les dispositions nationales relatives à la prescription et à la répétition de l'indu, mais également pour l'ensemble des modalités procédurales de traitement des situations comparables, qu'elles soient de nature administrative ou judiciaire.

63.

Ainsi, les dispositions permettant de prendre en considération la bonne foi de l'intéressé doivent être appliquées d'une manière équivalente, que l'intéressé soit un ancien travailleur migrant ayant cotisé aux régimes de sécurité sociale de plusieurs États membres ou un ancien travailleur ayant cotisé à plusieurs régimes de droit interne.» Il découle de cet arrêt que les dispositions nationales en matière de prescription étaient applicables à la demande en remboursement dont la demanderesse en cassation a saisi le CCSS8.

La CJUE a reconnu la compatibilité avec le droit communautaire de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l'administration concernés9. Par contre, la suppression rétroactive de délais de prescription a été jugée contraire au principe d’effectivité10.

Il ressort de l’arrêt dont pourvoi que la prescription quinquennale prévue à l’article 432, paragraphe 2, du Code de la sécurité sociale a été appliquée.

Il ressort également de la lecture de l’arrêt entrepris que le Conseil arbitral s’était basé sur l’arrêt de la CJUE du 19 juin 2003 pour reconnaître au CCSS le droit d’invoquer la prescription prévue à l’article 432 du Code de la sécurité sociale, tandis que l’appelante SOCIETE1.) a soutenu en instance d’appel que sur la base des principes dégagés par cet arrêt, le droit allemand était applicable. Elle a encore développé une autre argumentation qui consistait à dire qu’aucun droit national n’est applicable, la demande en restitution des cotisations indument payées ne devant être analysée qu’au regard du droit communautaire11.

Les principes d’équivalence et d’effectivité sont partant invoqués par la demanderesse en cassation pour la première fois en instance de cassation à l’appui de l’argumentation présentée dans les deux moyens. Les deux moyens sont dès lors nouveaux.

8 Dans le même sens : CJUE arrêt Rzepa du 12 novembre 1974, dans l’affaire 35/74, points 12 et 13 9 CJUE arrêt Edis du 15 septembre 1998, C-231/96, point 20 ; arrêt Palmisani du 10 juillet 1997, C-261/95, point 28 : arrêt Haahr Petroleum, C-90/94, point 48 10 CJUE, arrêt Commission c. Royaume-Uni du 18 décembre 2014, C-440/13 11 arrêt du 23 février 2023, page 6, 2e et 3e paragraphes.

11Le premier moyen de cassation reproche à l’arrêt attaqué qu’«en appliquant de la même manière et de façon indifférente la prescription de l’article 432 du Code de la sécurité sociale à la situation de PERSONNE1.), comme elle l’aurait fait à une situation purement interne, ladite situation issue du droit communautaire est manifestement traitée de façon moins favorable ».

Il ressort du point 61 de l’arrêt de la CJUE cité ci-dessus que l'application de règles nationales en matière de prescription, tant aux situations trouvant leur origine dans l'exercice de la libre circulation des personnes qu'aux situations purement internes répond à l'exigence du principe d'équivalence.

La partie demanderesse reste d’ailleurs en défaut de préciser en quoi concrètement les modalités procédurales appliquées seraient moins favorables que celles appliquées à des situations purement internes et elle se limite à suggérer qu’il n’y aurait pas eu lieu d’appliquer de la même manière et de façon indifférente la prescription de l’article 432 du Code de la sécurité sociale comme elle l’aurait fait à une situation purement interne, sans toutefois préconiser une application alternative.

Il découle encore du principe d’équivalence que toutes les dispositions favorables à l’intéressé, susceptibles d’être appliquées à une situation purement interne, doivent être appliquées à la situation d’origine communautaire.

La partie demanderesse en cassation n’indique toutefois pas non plus quelle autre disposition favorable aurait à son avis dû être appliquée pour répondre à l’exigence du principe d’équivalence.

Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire en cassation doit contenir les conclusions dont l’adjudication est demandée. Or, la partie demanderesse n’indique pas comment le principe d’équivalence aurait été appliqué correctement, et il manque de la précision requise.

S’y ajoute que le moyen est nouveau et qu’il est mélangé de fait et de droit dans la mesure où la demanderesse en cassation fait valoir « qu’il résulte en effet des données factuelles de la cause que ce n’est que suite à la décision du « deutsche Rentenversicherung Bund » du 17 juillet 2015 que les cotisations sociales afférentes à l’activité salariale exercée par PERSONNE1.) ont dû être payées en Allemagne ».

Or, la question de savoir à partir de quelle date les cotisations sociales ont dû être payées en Allemagne (pendant toute la période où PERSONNE1.) a effectivement exercé une activité salariale en Allemagne ou seulement à partir de la décision du 17 juillet 2015) n’a pas été tranchée par les juges du fond et il n’appartient pas à votre Cour de trancher cette question.

Le moyen est irrecevable pour manque de précision et pour nouveauté.

Plus subsidiairement :

Dans la mesure où les juges du fond ont appliqué à une situation trouvant son origine dans l'exercice de la libre circulation des personnes la même règle nationale en matière de prescription que celle applicable aux situations purement internes, le principe d’équivalence a été respecté.

12 Le moyen n’est pas fondé.

Le deuxième moyen de cassation invoque le principe d’effectivité et reproche à l’arrêt dont pourvoi d’avoir retenu un point de départ du délai quinquennal prévu à l’article 432 du Code de la sécurité sociale qui contrevient au principe d’effectivité.

Le deuxième paragraphe de l’article 432 du Code de la sécurité sociale dispose que « le droit au remboursement des cotisations payées indûment se prescrit dans un délai de cinq ans à partir de l’expiration de l’année au cours de laquelle elles ont été payées ».

La partie demanderesse en cassation fait valoir qu’en date du 17 juillet 2015, jour de la réalisation de l’évènement ouvrant droit au remboursement des cotisations impayées au CCSS pour la période du 1er juin 1999 au 30 novembre 2009, le délai aurait déjà été prescrit.

Ce moyen est nouveau et il est mélangé de fait et de droit.

Dans la décision du Deutsche Rentenversicherung Bund du 17 juillet 2015, la prescription trentenaire a été appliquée au motif que la demanderesse en cassation a intentionnellement méconnu son obligation au paiement des cotisations sociales en Allemagne pendant la période du 1er juin 1999 au 30 novembre 2009, pendant laquelle PERSONNE1.) a exclusivement exercé une activité salariée en Allemagne. Etant donné que pendant la période litigieuse PERSONNE1.) n’était donc pas soumis à la législation luxembourgeoise, il semble permis de penser que la demanderesse en cassation aurait pu à tout moment au cours de cette période demander la désaffiliation de PERSONNE1.) auprès du CCSS et demander le remboursement des cotisations sociales indûment payées, sans attendre la décision des autorités allemandes du 17 juillet 2015, qui a seulement constaté la violation intentionnelle de la part de la société SOCIETE2.) GmbH de ses obligations en matière de sécurité sociale.

Il n’appartient pas à votre Cour de trancher la question de savoir à quelle date est né le droit au remboursement des cotisations indûment payées au CCSS et si le 17 juillet 2015 est effectivement le « jour de la réalisation de l’évènement » ouvrant un droit au remboursement des cotisations sociales payées au Luxembourg pendant la période litigieuse.

Le moyen est irrecevable.

Plus subsidiairement :

Il est ressort des constatations des juges du fond que PERSONNE1.) n’a pas exercé sa liberté de circulation en travaillant tantôt en Allemagne, tantôt au Luxembourg. Bien au contraire, il est toujours resté travailler en Allemagne auprès de la société SOCIETE2.) GmbH, alors que la société SOCIETE1.) a payé les cotisations sociales au Luxembourg entre le 1er juin 1999 et le 16 juillet 2011. Suite à un contrôle effectué en 2013, les autorités allemandes dénoncent une violation intentionnelle (« vorsätzlich ») de la législation allemande en matière de sécurité sociale, et ce n’est qu’après le paiement par la société SOCIETE2.) GmbH des cotisations sociales allemandes dues pour la période litigieuse que la demanderesse en cassation saisit le CCSS d’une demande en remboursement des cotisations payées au Luxembourg.

13A la lecture de la décision du Deutsche Rentenversicherung Bund du 17 juillet 2015 il appert que c’est en raison du caractère intentionnel du défaut de paiement des cotisations en Allemagne que la prescription trentenaire (§ 25 Abs. 1 Satz 2 SGB IV ) a été appliquée au lieu de la prescription de 4 ans qui s’applique normalement en matière de cotisations sociales ((§25 Abs.

1 Satz 1 SGB IV). C’est cette décision qui est à l’origine de la situation dont se plaint la partie demanderesse en cassation : la société mère établie en Allemagne a dû payer les cotisations sociales pour la totalité de la période du 1er juin 1999 au 15 juillet 2011, tandis que la société SOCIETE1.) se voit opposer la prescription « normale » de 5 ans prévue à l’article 432 du Code de la sécurité sociale et ne peut pas se faire rembourser les cotisations sociales payées avant décembre 2009. La décision du 17 juillet 2015 n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucun recours pour contester le reproche du « Vorsatz » et la prescription trentenaire qui s’en suit.

Ainsi ce n’est pas l’exercice d’une liberté communautaire qui se trouve à l’origine de la situation dont se plaint la demanderesse en cassation, mais une violation intentionnelle par la société mère de la règlementation allemande en matière de sécurité sociale.

Le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi en cassation est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général, Marie-Jeanne Kappweiler 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39/24
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-03-07;39.24 ?

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