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02/02/2024 | LUXEMBOURG | N°20/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 02 février 2024, 20/24


N° 20 /2024 du 01.02.2024 Numéro CAS-2023-00066 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier février deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par M

aître Ersan Özdek, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et ...

N° 20 /2024 du 01.02.2024 Numéro CAS-2023-00066 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier février deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Ersan Özdek, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

Vu le jugement attaqué, numéro 2023TALCH03/00045, rendu le 2 mars 2023 sous le numéro TAL-2022-07498 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 avril 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), déposé le 5 mai 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 5 juin 2023 par PERSONNE2.) à PERSONNE1.), déposé le 14 juin 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le Tribunal de paix d’Esch-sur-Alzette, siégeant en matière civile, avait dit non fondées les demandes dirigées par PERSONNE1.) à l’encontre de PERSONNE2.). Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a déclaré l’acte d’appel, interjeté selon la procédure applicable en matière civile, nul et l’appel irrecevable.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « tiré de la contravention à la loi, in specie de la violation, de la fausse interprétation et de la fausse application de l’article 114 du nouveau code de procédure civile ;

en ce que le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a faussement ou de façon erronée décidé qu’en application de l’article 114 du nouveau code de procédure civile tel que modifié par la loi du 15 juillet 2021 qui dispose que , le renvoi aux articles 547 et suivants du nouveau code de procédure civile, et donc également à l’alinéa 2 de l’article 547 du nouveau code de procédure civile, a été uniquement nécessaire pour indiquer que l’appel devait se faire dans les formes de l’article 548 du nouveau code de procédure civile de sorte que les justiciables ne disposeraient en aucun cas d’un choix concernant l’introduction de l’acte d’appel d’un jugement des juges de paix entre la procédure écrite et la procédure orale, et que seule la procédure orale est applicable en ce sens que l’acte de saisine du Tribunal d’arrondissement, siégeant en matière civile, devrait obligatoirement prévoir le mode de comparution en justice à date fixe, ladite formalité étant d’une importance telle que l’irrégularité l’affectant entraînerait l’annulation de l’acte.

alors que le Tribunal d’Arrondissement aurait dû décider que le renvoi exprès de l’article 114 concerne l’instruction, le jugement, l’introduction et le mode de saisie, et vise les articles 547 et suivants du nouveau code de procédure civile, de sorte qu’il convient de constater un renvoi général et exprès de l’article 114 à l’intégralité du titre 28 traitant de la procédure devant les tribunaux d’arrondissement siégeant en matière commerciale, y compris à l’article 547 traitant du mode de saisie et à la disposition dérogatoire de l’article 547, alinéa 2, que la loi du 15 juillet 2021 portant modification du nouveau code de procédure civile a modifié l’article 114 du nouveau code de procédure civile, aux termes duquel :

seront portés devant le tribunal d’arrondissement. Ces appels seront introduits, instruits et jugés conformément aux articles 547 et suivants. », que l’article 114 du nouveau code de procédure civile laisse incontestablement une alternative à l’appelant, à savoir, celle d’introduire l’acte d’appel contre le jugement rendu par les juges de paix en toutes matières, donc civile et/ou commerciale, soit selon la procédure orale soit selon la procédure écrite, à charge dans ce dernier cas pour l’appelant de supporter les frais supplémentaires occasionnés par ce choix, que cette réforme a pour finalité de faciliter et de simplifier la procédure d’appel contre les décisions rendues par les juges de paix, ouvrant ainsi la possibilité pour l’appelant d’interjeter appel selon la procédure commerciale, respectivement la procédure orale dans laquelle la représentation par ministère d’avocat n’est pas obligatoire, qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 juillet 2021, l’article 114 du Nouveau Code de procédure civile prévoyait qu’un appel à l’encontre d’un jugement rendu par la justice de paix en matière civile devait nécessairement être introduit selon la procédure civile conformément aux articles 191 et suivants du Nouveau Code de procédure civile relatif à la procédure écrite, qu’un appel à l’encontre d’un jugement rendu par la justice de paix en matière commerciale devait être introduit selon la procédure commerciale conformément aux articles 553 et suivants relatif à la procédure orale, qu’en matière commerciale, la Cour de cassation avait retenu que le renvoi de l’article 114 à l’article 553 est un renvoi implicite et général à l’intégralité du titre 28 traitant de la procédure devant les tribunaux d’arrondissement siégeant en matière commerciale, donc y compris à l’article 547 traitant du mode de saisie et à la disposition dérogatoire de l’article 547, alinéa 2, que, dès lors, en matière commerciale, l’appelant avait déjà avant ladite réforme la possibilité d’opter pour l’application de l’article 547 alinéa 2, respectivement pour la procédure écrite, que l’article 114 du nouveau code de procédure civile tel que modifié par loi du 15 juillet 2021 renvoi expressément aux articles 547 et suivant, sans aucune réserve ni limitation, que ce renvoi concerne l’introduction, l’instruction et le jugement de l’affaire mais également le mode de saisie, qu’il est indéniable que le législateur a par la loi du 15 juillet 2021 uniformisé le régime des appels rendus par la justice de paix en matière civile et commerciale en appliquant la procédure commerciale telle que prévue aux articles 547 du nouveau code de procédure civile, y inclut la disposition dérogatoire de l’article 547 al. 2 du nouveau code de procédure civile, qu’en considérant que le renvoi de l’article 114 à l’article 547 al. 2 n’est qu’un renvoi et en refusant de faire application de cet article, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a manifestement violé l’article 114 du Nouveau code de procédure civile. » et le deuxième, « tiré de la contravention à la loi, in specie de la violation, de la fausse interprétation et de la fausse application de l’article 547 du nouveau code de procédure civile, en ce que le tribunal a faussement ou de façon erronée décidé que l’article 547 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, qui dispose que , ne permet pas à l’appelant d’opter d’introduire l’appel selon la procédure applicable en matière civile, à savoir la procédure écrite, et que l’instance d’appel se déroulant devant le Tribunal d’arrondissement, siégeant en tant que juridiction d’appel des décisions rendues par le Tribunal de Paix, ne saurait jamais se dérouler autrement que selon les règles de la procédure orale en ce sens que l’acte de saisine du Tribunal d’Arrondissement, devrait en pareille hypothèse obligatoirement prévoir le mode de comparution en justice à date fixe ;

alors que l’article 547 prévoit dans son alinéa 1e à titre de principe une procédure orale, et que l’alinéa 2 de ce même article permet la possibilité d’opter pour une procédure écrite, à charge pour l’appelant de supporter les frais supplémentaires occasionnés pas son choix de sorte que le demandeur en cassation, en faisant figurer dans son acte d’appel le mode de comparution par ministère d’avocat, en conformité avec les termes de l’alinéa 2 de l’article 547 du nouveau code de procédure civile, dont la portée n’est pas autrement limitée, répondait aux exigences légales de recevabilité, que le législateur a visé l’article 547 et suivants du nouveau code de procédure civile sans aucune distinction de sorte que cet article doit recevoir la même interprétation que ce soit en matière commerciale ou civile, que si le législateur avait aboli la possibilité de faire usage de la procédure écrite, il n’aurait pas manqué d’émettre des réserves voire même d’exclure l’application de l’alinéa 2 de l’article 547 du nouveau code de procédure civile pour les appels des jugements rendus par les juges de paix, que par ailleurs, avant même la loi du 15 juillet 2021, il a été jugé que l’article 547 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile ne fait pas la distinction entre les procédures de première instance et les procédures d’appel de sorte qu’en matière commerciale, l’acte d’appel à l’encontre contre un jugement du tribunal de paix pouvait être interjeté selon la procédure civile, prévoyant donc la comparution par ministère d’avocat (Cass. 1er mars 2007, pas. 33, p.443), que cette interprétation demeure et n’a pas été remis en cause par la loi du 15 juillet 2021, que dans ce contexte, l’article 547 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile doit revoir la même interprétation que ce soit dans le cadre d’un appel d’un jugement du tribunal de paix rendu en matière commerciale ou civile.

qu’en décider autrement reviendrait à ajouter une condition non prévue par la loi, que, dès lors, en retenant que seule la procédure orale est applicable en matière d’appel de jugement rendus par la justice de paix et que le mode de comparution doit nécessairement être à date fixe, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a manifestement violé l’article 547 du nouveau code de procédure civile. ».

Réponse de la Cour Vu les articles 114 et 547 du Nouveau Code de procédure civile.

L’article 114 du Nouveau Code de procédure civile dispose « Les appels des jugements des juges de paix rendus en toutes matières seront portés devant le tribunal d’arrondissement. Ces appels seront introduits, instruits et jugés conformément aux articles 547 et suivants ».

L’article 547 du Nouveau Code de procédure civile dispose « La procédure devant les tribunaux d’arrondissement siégeant en matière commerciale se fait sans ministère d’avocat à la Cour.

Néanmoins, le demandeur peut, même en matière commerciale, introduire la demande selon la procédure applicable en matière civile, auquel cas il doit en toute hypothèse supporter les frais supplémentaires occasionnés par ce choix ».

En décidant « Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, il convient donc de retenir qu’aux termes du nouvel article 114 du nouveau code de procédure civile, l’appelant ne peut pas opter d’introduire l’appel selon la procédure applicable en matière civile, à savoir la procédure écrite. En effet, le législateur a, en modifiant l’article 114 du nouveau code de procédure civile, eu l’intention de rendre seule la procédure orale applicable à l’appel des jugements de la justice de paix en toutes matières.

Il s’ensuit que l’acte d’appel, interjeté selon la procédure applicable en matière civile et conformément aux articles 191 et suivants du nouveau code procédure civile, est à déclarer nul et l’appel irrecevable. », les juges d’appel ont fait une fausse application des dispositions légales visées aux moyens.

Il s’ensuit que la décision encourt la cassation.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Le défendeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour de cassation casse et annule le jugement attaqué, numéro 2023TALCH03/00045, rendu le 2 mars 2023 sous le numéro TAL-2022-07498 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composé ;

rejette la demande du défendeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Ersan ÖZDEK, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute du jugement annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre PERSONNE1.) et PERSONNE2.) (n° CAS-2023-00066 du registre) Par un mémoire signifié le 27 avril 2023 à PERSONNE2.) (ci-après « PERSONNE2.) ») et déposé le 5 mai 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Ersan ÖZDEK, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de PERSONNE1.) (ci-après « PERSONNE1.) »), a formé un pourvoi en cassation contre un jugement rendu contradictoirement le 2 mars 2023 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance d’appel, dans la cause inscrite sous le numéro TAL-2022-07498 du rôle.

Le jugement entrepris a été rendu en dernier ressort.

Le pourvoi introduit est recevable au regard des conditions de délai1 et de forme prévues par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Un mémoire en réponse a été signifié le 5 juin 2023 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de PERSONNE2.), et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 14 juin 2023. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Sur les faits et rétroactes :

Par un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal de paix d’Esch-sur-Alzette avait dit non fondées les demandes de PERSONNE1.) tendant à la condamnation de PERSONNE2.), 1 Le jugement entrepris a été signifié au demandeur en cassation le 8 mars 2023 (pièce n° 5 de Maître Ersan ÖZDEK), de sorte que le pourvoi introduit le 5 mai 2023 l’a été dans le délai de deux mois prévu à l’article 7 la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

d’une part, à l’indemniser à hauteur d’un certain montant, et, d’autre part, à enlever toute la masse de terre constitutive d’une surélévation de son terrain jusqu’au niveau du terrain naturel, à arracher tous les arbres, arbrisseaux et arbustes d’une hauteur supérieure à deux mètres de la ligne séparative des deux héritages et à entretenir et couper toutes plantes et arbres font les feuillages et branches viennent empiéter sur la propriété d’PERSONNE1.), ceci endéans le délai d’un mois, sous peine d’astreinte.

Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par un jugement du 2 mars 2023, avait dit irrecevable l’appel interjeté par PERSONNE1.) contre le jugement du tribunal de paix.

Le pourvoi est dirigé contre le jugement du 2 mars 2023.

Sur les trois moyens de cassation réunis Les moyens sont tirés de la violation, de la fausse interprétation et de la fausse application des articles 114, 547 et 548 du Nouveau Code de procédure civile.

L’article 114 du Nouveau code de procédure civile dispose :

« Les appels des jugements des juges de paix rendus en toutes matières seront portés devant le tribunal d’arrondissement. Ces appels seront introduits, instruits et jugés conformément aux articles 547 et suivants. » L’article 547 du Nouveau Code de procédure civile dispose :

« La procédure devant les tribunaux d’arrondissement siégeant en matière commerciale se fait sans ministère d’avocat à la Cour.

Néanmoins, le demandeur peut, même en matière commerciale, introduire la demande selon la procédure applicable en matière civile, auquel cas il doit en toute hypothèse supporter les frais supplémentaires occasionnés par ce choix. ».

L’article 548 du Nouveau Code de procédure civile dispose :

« Sans préjudice des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 547, l’assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites par les articles 153 et 154 : les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée. » Aux termes du moyen, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir déclaré irrecevable son appel introduit selon la procédure applicable en matière civile, à savoir la procédure écrite, au motif que l’intention du législateur, sous-jacente à la modification de l’article 114 du Nouveau code de procédure civile par une loi du 15 juillet 2021, aurait été de soumettre l’appel des jugements de la justice de paix aux règles et formalités de la procédure orale devant le tribunal d’arrondissement, sans laisser le choix à l’appelant entre la procédure écrite et la procédure orale.

Selon le demandeur en cassation, le renvoi fait à l’article 114 du Nouveau code de procédure civile aux articles 547 et suivants du même code, comporteraient partant un renvoi également à l’alinéa 2 de l’article 547 et à l’article 548 du même code, de sorte que l’article 114 laisserait « incontestablement une alternative à l’appelant, à savoir, celle d’introduire l’acte d’appel contre le jugement rendu par les juges de paix en toutes matières, donc civile et/ou commerciale, soit selon la procédure orale, soit selon la procédure écrite, à charge dans ce dernier cas pour l’appelant de supporter les frais supplémentaires occasionnés par ce choix. »2 En l’espèce, les juges d’appel ont considéré « que l’intention du législateur, clairement exprimée dans l’arrêté grand-ducal de dépôt [du projet de loi], était de prévoir que les appels des jugements de la justice de paix soient soumis aux règles et formalités de la procédure orale devant le tribunal d’arrondissement. Contrairement à ce que soutient PERSONNE1.), le législateur n’a pas entendu laisser le choix à l’appelant entre la procédure orale et la procédure écrite.

Le renvoi, certes malheureux, aux articles 547 et suivants du nouveau code de procédure civile, et donc également à l’alinéa 2 de l’article 547 du nouveau code de procédure civile, a été nécessaire pour indiquer que l’appel doit se faire dans les formes de l’article 548 du nouveau code de procédure civile qui se réfère, pour ce qui concerne les mentions prévues sous peine de nullité, aux articles 153 et 154 du nouveau code de procédure civile et pour éviter que l’amendement soit compris en ce sens que ces dispositions ne devraient plus être respectées tel que l’a soulevé le Conseil d’Etat dans son avis complémentaire.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, il convient donc de retenir qu’aux termes du nouvel article 114 du nouveau code de procédure civile, l’appelant ne peut pas opter d’introduire l’appel selon la procédure applicable en matière civile, à savoir la procédure écrite. En effet, le législateur a, en modifiant l’article 114 du nouveau code de procédure civile, eu l’intention de rendre seule la procédure orale applicable à l’appel des jugements de la justice de paix en toutes matières.

2 Mémoire en cassation, page 4, alinéa 5.

Il s’ensuit que l’acte d’appel, interjeté selon la procédure applicable en matière civile et conformément aux articles 191 et suivants du nouveau code procédure civile, est à déclarer nul et l’appel irrecevable. »3 En statuant comme ils l’ont fait, les juges d’appel se sont fondés sur la volonté du législateur telle qu’exprimée dans les documents parlementaires relatifs au projet de loi qui a abouti à la loi modificative du 15 juillet 2021, plutôt que de se livrer à une interprétation de la loi suivant sa teneur formelle, en l’espèce, de l’article 114 du Nouveau code de procédure civile qui, par un renvoi général fait aux articles 547 et suivants du Nouveau Code de procédure civile, comporte un renvoi non seulement aux dispositions des articles 153 et 154 du même code visés à l’article 548 tel que retenu par les juges d’appel, mais également un renvoi aux dispositions des articles 547 et 548 suivant lesquelles le demandeur a le choix d’introduire son action soit selon la procédure orale applicable en matière commerciale, soit selon la procédure écrite applicable en matière civile.

Dans un arrêt très récent du 16 novembre 20234, Votre Cour a décidé ce qui suit :

« Vu les articles 114 et 547 du Nouveau Code de procédure civile.

L’article 114 du Nouveau Code de procédure civile dispose « Les appels des jugements des juges de paix rendus en toutes matières seront portés devant le tribunal d’arrondissement. Ces appels seront introduits, instruits et jugés conformément aux articles 547 et suivants ».

L’article 547 du Nouveau Code de procédure civile dispose « La procédure devant les tribunaux d’arrondissement siégeant en matière commerciale se fait sans ministère d’avocat à la Cour.

Néanmoins, le demandeur peut, même en matière commerciale, introduire la demande selon la procédure applicable en matière civile, auquel cas il doit en toute hypothèse supporter les frais supplémentaires occasionnés par ce choix ».

En décidant 3 Jugement entrepris, page 9.

4 Cass. 16 novembre 2023, n° 121/2023, numéro CAS-2023-00010 du registre.

« Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient de retenir qu’aux termes du nouvel article 114 du nouveau code de procédure civile, l’appelant ne peut pas opter d’introduire l’appel selon la procédure applicable en matière civile, à la procédure écrite. En effet, le législateur a, en modifiant l’article 114 du nouveau code de procédure civile, eu l’intention de rendre seule la procédure orale applicable à l’appel des jugements de la justice de paix en toutes matières.

Il s’ensuit que l’acte d’appel, interjeté selon la procédure applicable en matière civile et conformément aux articles 191 et suivants du nouveau code de procédure civile, est à déclarer nul et l’appel irrecevable. », les juges d’appel ont fait une fausse application des dispositions légales susvisées.

Il s’ensuit que la décision encourt la cassation. » Par cet arrêt, Votre Cour a cassé un jugement du tribunal d’arrondissement qui, pour exactement les mêmes motifs que ceux reproduits dans le jugement attaqué, avait déclaré irrecevable l’appel dirigé contre un jugement d’un juge de paix.

Votre Cour n’a donc pas partagé l’analyse des juges d’appel qu’il convenait de privilégier la volonté du législateur telle qu’elle résulte des documents parlementaires par-dessus la teneur formelle du texte de loi.

En statuant comme elle l’a fait, Votre Cour a suivi la maxime qui veut que « Quand une loi est claire, il ne faut point éluder la lettre sous prétexte d’en pénétrer l’esprit. » L’auteur Pierre PESCATORE rappelle que cette maxime « a pour objet de consacrer la prééminence du texte formulé de la loi sur les intentions du législateur »5. Il estime qu’il y a lieu d’« écarter la notion de volonté du législateur dans la mesure où celle-ci n’a pas trouvé son expression formelle dans la loi ». La théorie d’interprétation de la loi que l’auteur préconise et qu’il dénomme « théorie de l’autonomie des textes » « se fonde sur la volonté formulée du législateur, c’est-à-dire sur le texte formel de la loi ». Il estime que « ce qui compte est exclusivement la volonté formulée du législateur, exprimée dans la forme de la loi, selon les exigences de la procédure législative, et manifestée par la publication au journal officiel. Toutes les autres intentions du législateur – précisément celles-là qu’on appelle la « volonté du législateur » par opposition au texte de la loi – c’est-à-dire, les pensées et les arrière-pensées qui n’ont pas trouvé leur expression dans la loi, sont dénuées de valeur juridique. (…) Le véritable guide de l’interprète, c’est la volonté formulée par le législateur, à l’exclusion des antécédents de cette volonté. »6 5 PERSONNE4.), Introduction à la science du Droit, éd. 1978, n° 224, p. 327.

6 Idem, n° 231, p. 335.

En l’espèce, il résulte d’une interprétation formelle de l’article 114 du Nouveau Code de procédure civile, en ce qu’il dispose que les appels des jugements des juges de paix rendus en toutes matières seront introduits, instruits et jugés conformément aux articles 547 et suivants du même code, que l’appel contre les jugements des juges de paix, peut, en toute matière, en application de l’article 547 du Nouveau Code de procédure civile, se faire soit selon la procédure applicable en matière commerciale, soit selon la procédure applicable en matière civile.

En interprétant la loi par référence à l’intention du législateur telle qu’exprimée dans des documents parlementaires préalables à l’adoption de la loi, sans respecter l’intention formulée du législateur dans la disposition légale en cause aux termes de laquelle, l’appelant contre un jugement de la justice de paix a le choix d’introduire son appel soit selon la procédure orale applicable en matière commerciale, soit selon la procédure écrite applicable en matière civile, et rejetant ainsi comme irrecevable l’appel interjeté par le demandeur en cassation suivant la procédure applicable en matière civile, les juges d’appel ont violé la loi.

Il en suit que les moyens sont fondés et que, dans la droite ligne de Votre arrêt du 16 novembre 2023, le jugement entrepris encourt la cassation.

Conclusion Le pourvoi est recevable et fondé.

Le jugement entrepris encourt la cassation.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20/24
Date de la décision : 02/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-02-02;20.24 ?

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