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26/10/2023 | LUXEMBOURG | N°119/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 26 octobre 2023, 119/23


N° 119 / 2023 pénal du 26 octobre 2023 Not. 31132/17/CD Numéro CAS-2023-00012 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à Luxembourg, demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 20 décembre 2022 sous le numéro 377/22 V. par la Cour d’appel

du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correction...

N° 119 / 2023 pénal du 26 octobre 2023 Not. 31132/17/CD Numéro CAS-2023-00012 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à Luxembourg, demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 20 décembre 2022 sous le numéro 377/22 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 18 janvier 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 20 février 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef d’infractions aux articles 135-4, 135-11, 135-12 et 135-17 du Code pénal à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire partiel. La Cour d’appel a, par réformation, acquitté le demandeur en cassation de l’infraction à l’article 135-11 du Code pénal pour certains faits libellés à son encontre, a réduit la peine d’emprisonnement et a, pour le surplus, confirmé le jugement entrepris.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation du principe de la légalité des peines garanti notamment par l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales En ce que L’arrêt attaqué a déclaré que les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal ne sont pas contraires au principe de la légalité des infractions et des peines, Aux motifs que nuancée. La définition légale d’une infraction pénale doit certes respecter des conditions qualitatives. Elle doit notamment être suffisamment prévisible, donc le justiciable doit pouvoir savoir quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale. Cette exigence de prévisibilité n’oblige cependant pas à adopter des libellés d’incrimination d’une clarté écartant tout doute d’interprétation et tout usage de formules plus ou moins vagues. L’exigence d’une clarté parfaite engendrerait en effet le risque d’une rigidité excessive et d’une impossibilité de s’adapter aux changement de situation. L’article 7 ne s’oppose pas à la clarification graduelle des incriminations par l’interprétation judicaire, à condition que le résultat de cette interprétation soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible.

Concernant les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, les principes sus-énoncés, établis par la Cour de Strasbourg sont respectés.

Plus précisément en ce qui concerne l’article 135-4 du Code pénal, il y a lieu de constater que le législateur s’est tout d’abord inspiré de l’article 324ter du Code pénal incriminant la participation à une organisation criminelle. Concernant l’interprétation de ce texte, il y a lieu de se référer à la doctrine et à la jurisprudence qui ont précisé les éléments constitutifs de cette infraction. De plus, la spécificité de l’article 135-4 du Code pénal réside dans le fait que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste. La notion de groupe terroriste est définie par l’article 135-3 du Code pénal et les actes 2 de terrorisme en vue desquels le groupe terroriste est constitué, sont également définis avec précision à l’article 135-1 du Code pénal.

En ce qui concerne plus particulièrement l’acte de provocation au terrorisme prévue à l’article 135-11 du Code pénal, il y a lieu de constater que les termes utilisés par le législateurs sont suffisamment clairs et précis pour permettre à tout justiciable de cerner les éléments constitutifs de cette infraction c’est-à-dire la diffusion de tout type de message au grand public, y compris ceux envoyés par l’intermédiaire des réseaux de communication électronique, donc tout message de quelque nature que ce soit, librement accessible à chacun, sinon un message accessible à un groupe restreint en présence de plusieurs personnes. Le but recherché par la diffusion du message est également indiqué avec précision suffisante, à savoir encourager une ou plusieurs personnes à commettre les infractions dites terroristes qui sont visées par le chapitre III-1- " Du terrorisme " du Code pénal.

De même l’infraction de l’acte de recrutement au terrorisme telle que prévue à l’article 135-12 du Code pénal est également définie dans des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout arbitraire, termes qui permettent à tout justiciable de mesurer exactement la nature et le type des agissements qui sont sanctionnés par la loi pénale. En effet l’auteur de cette infraction doit commettre ou tenter de commettre, un ou des actes positifs, afin d’amener une tierce personne à commettre ou de participer à la commission d’une des infractions dites terroristes qui sont limitativement énumérées au chapitre III.1 du Code pénal.

Les prévenus pouvaient ainsi prévoir que le fait de ne pas respecter les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, constituait un comportement qualifié d’infraction, grâce aux prescriptions claires et précises fixées par la loi. » Alors que le principe de la légalité des infractions et des peines est consacré par l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Que ce principe a pour corollaire que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi Que les erreurs de fait ou de droit commises par une juridiction sont soumises à la Convention si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (Streletz, Kessler et Krenz c.

Allemagne [GC], 2001, § 49 ; Vasiliauskas c. Lituanie [GC], 2015, § 160), et si l’appréciation à laquelle se sont livrées les juridictions nationales est manifestement arbitraire (Kononov c. Lettonie [GC], 2010, § 189), Qu’en retenant pour caractériser l’infraction visée à l’article 135-4 du Code pénal que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste sans définir ni même préciser la notion de participation active, la Cour d’appel a violé le principe de la légalité des infractions et des peines, 3 Que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe de la légalité des infractions et des peines prévu à l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») en le retenant dans les liens de l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal sans avoir défini ou précisé la notion de participation active à une organisation criminelle constituant un groupe terroriste.

En retenant « Quant à la légalité des infractions et des peines La défense estime que les articles 135-4, 134-11 et 135-12 du Code pénal sont contraires au principe de la légalité des infractions et des peines.

L’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au principe de la légalité des infractions et des peines dispose que :

moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

1. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ».

Ce texte est interprété comme suit par la Cour européenne des droits de l’homme :

délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) (Kokkinakis c. Grèce, 25 mai 1993, § 52, série A no 260-A, et Kononov c. Lettonie [GC], no 36376/04, § 185, CEDH 2010).

La notion de "droit" ("law") implique des conditions qualitatives, entre autres une accessibilité et une prévisibilité suffisantes (voir, notamment, Cantoni c. France, 15 novembre 1996, § 29, Recueil 1996-V, et E.K. c. Turquie, no 28496/95, § 51, 7 février 2002). Ces conditions qualitatives doivent être remplies tant pour la définition de l’infraction que pour la peine encourue. Le justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale et quelle peine peut être prononcée de ce chef (M. c. Allemagne, no 19359/04, § 119, CEDH 2009, et Maktouf et Damjanović c. Bosnie-Herzégovine [GC], nos 2312/08 et 34179/08, § 66, CEDH 2013 (extraits)). Cela étant, la prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé.

La Cour reconnaît dans sa jurisprudence que, aussi clair que le libellé d’une disposition légale puisse être, dans quelque système juridique que ce soit, y compris le droit pénal, il existe immanquablement un élément d’interprétation judiciaire. Il 4 faudra toujours élucider les points douteux et s’adapter aux changements de situation. En outre, la certitude, bien que hautement souhaitable, s’accompagne parfois d’une rigidité excessive ; or le droit doit savoir s’adapter aux changements de situation. Aussi beaucoup de lois se servent-elles, par la force des choses, de formules plus ou moins vagues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (voir, mutatis mutandis, Michaud c. France, no 12323/11, § 96, CEDH 2012). La fonction de décision confiée aux juridictions sert précisément à dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à l’interprétation des normes (voir Soros c.

France, no 50425/06, § 52, 6 octobre 2011, et Del Rio Prada, précité, § 93). On ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, "à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible" (Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II) ».

La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est donc particulièrement nuancée. La définition légale d’une infraction pénale doit certes respecter des conditions qualitatives. Elle doit notamment être suffisamment prévisible, donc le justiciable doit pouvoir savoir quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale. Cette exigence de prévisibilité n’oblige cependant pas à adopter des libellés d’incrimination d’une clarté écartant tout doute d’interprétation et tout usage de formules plus ou moins vagues. L’exigence d’une clarté parfaite engendrerait en effet le risque d’une rigidité excessive et d’une impossibilité de s’adapter aux changements de situation. L’article 7 ne s’oppose pas à la clarification graduelle des incriminations par l’interprétation judiciaire, à condition que le résultat de cette interprétation soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible.

Concernant les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, les principes sus-énoncés, établis par la Cour de Strasbourg, sont respectés.

Plus précisément en ce qui concerne l’article 135-4 du Code pénal, il y a lieu de constater que le législateur s’est tout d’abord inspiré de l’article 324ter du Code pénal incriminant la participation à une organisation criminelle. Concernant l’interprétation de ce texte il y a lieu de se référer à la doctrine et à la jurisprudence qui ont précisé les éléments constitutifs de cette infraction. De plus, la spécificité de l’article 135-4 du Code pénal réside dans le fait que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste. La notion de groupe terroriste est définie par l’article 135-3 du Code pénal et les actes de terrorisme en vue desquels le groupe terroriste est constitué, sont également définis avec précision à l’article 135-1 du Code pénal.

(…) Les prévenus pouvaient ainsi prévoir que le fait de ne pas respecter les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, constituait un comportement qualifié d’infraction, grâce aux prescriptions claires et précises fixées par la loi. », les juges d’appel ont effectué l’exacte analyse de l’article 135-4 du Code pénal par rapport au principe de la légalité des délits et des peines et n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 135-4 du Code pénal En ce que l’arrêt attaqué a conclu que l’article 135-4 du Code pénal dans sa version introduite par la loi du loi du 3 mars 2020 modifiant 1°le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 trouvait à s’appliquer en l’espèce, Aux motifs que Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal a relevé qu’un changement législatif est intervenu par la loi du 3 mars 2020 modifiant 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette loi ayant uniquement ajouté les termes [y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste], contrairement à ce que le tribunal a dit, ne figurait pas dans le texte initial de l’article 135-4 du Code pénal.

La Cour d’appel rejoint toutefois le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020" », Alors que La loi du 3 mars 2020 susvisée a ajouté un élément constitutif supplémentaire dans l’incrimination de la participation active à un groupe terroriste à savoir que le prévenu sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, Que le commentaire de la nouvelle version de l’article 135-4 du Code pénal contenu dans le projet de loi modifiant le Code pénal aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 du 13 septembre 2018 énonce en page 4 6 savoir que sa participation contribue ainsi aux activités criminelles du groupe terroriste », La Cour d’appel a eu tort en qualifiant cet élément constitutif supplémentaire de participation active à un groupe terroriste visé par l’article 135-4 de simple , Que ce faisant et sans rechercher d’une part si le prévenu en cause savait que sa participation contribuait aux activités criminelles du groupe terroriste et d’autre part sans rechercher quelles activités criminelles découlaient de sa participation, la Cour d’appel a violé la disposition susvisée, Que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 135-4 du Code pénal, tel que modifié par la loi du 3 mars 2020, en n’ayant pas retenu que cette loi a ajouté un élément constitutif à l’incrimination de la participation active à un groupe terroriste, mais en ayant qualifié cet ajout de simple précision.

L’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal, dans sa version originale, disposait « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. ».

Suite à la modification apportée par la loi du 3 mars 2020, l’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal dispose « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. ».

Les juges d’appel ont retenu « Quant à la loi applicable Concernant l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal a relevé qu’un changement législatif est intervenu par la loi du 3 mars 2020 modifiant 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 7 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette loi ayant uniquement ajouté les termes il en suit que le bout de phrase , contrairement à ce que le tribunal a dit, ne figurait pas dans le texte initial de l’article 135-4 du Code pénal.

La Cour d’appel rejoint toutefois le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020.

Concernant les infractions à l’article 135-11 du Code pénal, c’est à juste titre que la juridiction de première instance a relevé tout d’abord que cet article a également connu une modification législative pendant la période infractionnelle actuellement reprochée aux prévenus, par la loi du 18 décembre 2015 modifiant le Code pénal et le Code d'instruction criminelle aux fins de mettre en œuvre certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies.

La Cour rejoint encore le tribunal en ce qu’il a dit, pour les faits commis antérieurement au 28 décembre 2015, qu’il y a lieu d’appliquer l’article 135-11 du Code pénal tel qu’il a été introduit initialement, étant donné qu’en supprimant la condition , le législateur a introduit une loi plus sévère. C’est encore à juste titre que le tribunal a appliqué la nouvelle mouture de l’article 135-11 du Code pénal tel qu’actuellement en vigueur aux faits commis à partir du 28 décembre 2015 tout en retranchant de la formulation du ministère public, la condition citée ci-avant.

Par adoption de ses motifs, il convient de partant confirmer le jugement à cet égard. ».

L’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal, tel qu’issu de la réforme législative de 2020, alourdit la charge de la preuve à rapporter par le Ministère public, en exigeant la preuve de la connaissance, par le prévenu, que sa participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste. Cet article était applicable, non pas pour les motifs indiqués par les juges du fond, mais en tant que disposition pénale plus douce par rapport au texte antérieur.

Par ce motif de pur droit, substitué à celui, erroné, de la Cour d’appel, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré dans sa première branche de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 135-4 du Code pénal et, dans sa deuxième branche, du défaut de base légale des dispositions précitées En ce que l’arrêt attaqué a retenu Monsieur PERSONNE1.) dans les liens de la prévention prévue à l’article 135-4 point 1 du Code pénal qui dispose :

(1) Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice, Aux motifs que C’est par une juste application des principes dégagés par les articles 135-1 et 135-2 du Code pénal que la juridiction de première instance a valablement conclu que le groupe constitue une organisation terroriste, et que la participation active afférente est réprimé par l’article 135-4 du Code pénal, suivant les conditions y libellées.

C’est encore à bon droit que le tribunal a non seulement tenu compte des multiples faits libellés par le ministère public dans son réquisitoire de renvoi, mais également de l’ensemble des éléments du dossier répressif qui a été soumis au débat contradictoire dont également les déclarations des prévenus à l’audience, pour analyser si les éléments constitutifs de l’infraction de participation à une organisation terroriste se trouvent rapportés dans le chef des deux prévenus.

Concernant les éléments de l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal se réfère à l’article 324ter du même code réprimant l’organisation criminelle. En effet, tel qu’il résulte des travaux parlementaires relatifs au projet de loi ayant introduit les infractions en relation avec le terrorisme, le libellé de cette incrimination reproduit textuellement le libellé de l’article 324ter du Code pénal, dont il reprend également les principes d’interprétation (doc. Parl.

4954, commentaire des articles p.10).

C’est encore à bon droit et par une motivation exhaustive que la Cour d’appel adopte que le tribunal, après avoir correctement exposé les éléments constitutifs de l’infraction de participation active à une organisation criminelle, a retenu que 9 PERSONNE1.), par son activité, a adhéré en connaissance de cause du caractère terroriste de l’Etat islamique à celui-ci.

En effet, l’enquête a permis d’établir que le prévenu détenait une documentation fouillée émanant de ce groupe terroriste dont leurs magazines Rumiyah et Dar al-islam, ainsi que du matériel video et audio. Il est encore établi que le prévenu a continué cette propagande du groupe terroriste à ses connaissances, via les réseaux sociaux.

Il faut constater que même si le prévenu est revenu par la suite sur ses déclarations ; PERSONNE1.) a exposé à la police, dans un premier temps, avoir prêté allégeance au groupe terroriste à une certaine date, de sorte que c’est à juste titre que le tribunal a tenu compte de ces déclarations du prévenu qui sont corroborées par les autres éléments du dossier répressif.

PERSONNE1.) a en effet été en contact avec des personnes qui ont rejoint le groupe terroriste à savoir PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.) avec lequel PERSONNE1.) était encore en contact le 7 janvier 2015, jour de l’anniversaire du prévenu. De plus, PERSONNE1.) a encore déclaré devant les juges de première instance que le (page 10 de l’extrait de plumitif de l’audience de première instance du 27 octobre 2021).

L’exploitation des nombreux messages que le prévenu PERSONNE1.) a rédigés, a permis d’établir que dans ces communications, le prévenu se réfère aux dogmes et paroles de l’ pour appuyer son opinion au sujet de l’islam. Il considère de même que l’ est le seul groupe qui prône le véritable islam et qu’il n’accepte pas que d’autres adhèrent à des groupes qui sont en conflit avec l’, tel que GROUPE2.).

Le prévenu était de même bien conscient qu’il risque d’entrer en conflit avec la loi, alors qu’il a changé régulièrement de compte , étant précisé que l’application qu’il a également utilisée comme moyen de communication, est difficilement contrôlable par les autorités.

En diffusant les publication de l’, PERSONNE1.) a aidé ce groupe terroriste à assurer la communication externe de leurs idées tout en sachant que ce groupe terroriste utilise délibérément dans ses communications des textes ne prônant pas directement la violence, afin de ne pas être identifié et bloqué sur les réseaux sociaux.

De même la Cour d’appel ne peut que rejoindre le tribunal qui n’a accordé aucun crédit à l’affirmation de PERSONNE1.) qu’il se serait uniquement intéressé à la croyance et en particulier aux annulatifs de l’islam, alors que cette affirmation se trouve contredite par les nombreux extraits de textes religieux qu’il a publiés et qui tournent essentiellement autour de la mort, des mécréants qu’il faut tuer, du combat et de la violence.

10 La Cour d’appel renvoie encore aux déclarations, devant la police, de deux oncles de PERSONNE1.) à savoir PERSONNE5.) et PERSONNE6.) qui ont pu fournir des précisions sur les idées défendues par PERSONNE1.), PERSONNE5.) ayant d’ailleurs rendu attentif le prévenu déjà en 2015, après l’introduction des lois anti-terroristes, que son activité sur les réseaux sociaux pouvait lui causer des problèmes avec les autorités.

C’est partant à juste titre et par une motivation que la cour d’appel fait sienne que le tribunal a retenu que par son activité sur les réseaux sociaux telle que documentée par l’instruction judiciaire, le prévenu par son travail de propagande a, en connaissance de cause, favorisé l’action du groupe terroriste .

Le tribunal est partant à confirmer en ce qu’il a retenu PERSONNE1.) dans les liens de l’infractions à l’article 135-4, point 1 du Code pénal, Alors que première branche, La Cour d’appel a violé l’article 135-4 du Code pénal en manquant de définir la notion de participation active et de la caractériser dans le chef du prévenu, Que l’infraction visée à l’article 135-4 du Code pénal comporte dans ses éléments constitutifs la participation active à un groupe terroriste, Que la Cour d’appel a omis de définir la notion de participation active énoncée à l’article 135-4 point 1 du Code pénal et a ainsi omis de rechercher en quoi la participation de Monsieur PERSONNE1.) groupe terroriste a été active, Que pèse sur les juges du fond l’obligation de constater formellement dans leur décision la réunion des conditions d’application de la règle de droit, Que la recherche effectuée par la Cour d’appel des éléments qui justifient l’application de l’article 135-4 point 1 du Code pénal est manifestement insuffisante, Que le fait comme le retient l’arrêt attaqué de détenir du matériel de propagande, de le continuer à plusieurs personnes et d’adopter des positions favorables à l’Etat islamique ne saurait être assimilé, en l’absence d’autres éléments, à une participation active à l’organisation terroriste, et que seconde branche à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque de base légale au regard des mêmes dispositions susvisées en ce que la Cour d’appel a omis d’énoncer puis de préciser si les conditions de la participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4 du Code pénal étaient réunies, Et que troisième branche, 11 La Cour d’appel a encore violé l’article 135-4 du Code pénal dont l’infraction visée comporte dans ses éléments constitutifs l’élément moral suivant lequel le prévenu doit savoir que sa participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, Que ce texte impose aux juges le devoir de rechercher dans les circonstances d’espèce les actions participatives précises du prévenu et de décrire les activités criminelles du groupe terroriste auxquelles ces actions participatives ont pu contribuer, ce que la Cour d’appel a manqué de faire en l’espèce, at alors que quatrième branche à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque de base légale au regard des mêmes dispositions en ce que la Cour d’appel a omis de rechercher l’élément moral d’une telle participation active, de sorte que les constatations de la Cour d’appel sont insuffisantes pour vérifier la légalité de sa décision si bien que l’arrêt attaqué manque de base légale. ».

Réponse de la Cour Sur le troisième moyen de cassation, pris en ses quatre branches Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 135-4 du Code pénal en manquant de définir la notion de participation active et de la caractériser dans son chef. Il leur fait de même grief de s’être abstenus de rechercher ses actions participatives précises, de décrire les activités criminelles du groupe terroriste auxquelles ces participations ont pu contribuer et d’avoir omis de rechercher dans son chef l’élément moral d’une telle participation active.

En ce qui concerne l’infraction prévue à l’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal, les juges de première instance ont retenu « 1. Participation à un groupe terroriste L’article 135-2 du Code pénal dispose que :

(1) Constitue un groupe terroriste, l’association structurée d’au moins deux personnes, établie dans le temps, en vue de commettre de façon concertée un ou plusieurs des actes de terrorisme visés à l’alinéa (2) du présent article.

(2) Sont visées à l’alinéa (1) du présent article les infractions prévues :

- aux articles 112-1, 135-1, 135-2, 135-5, 135-6, 135-9, 135-11 à 135-16 et 442-1 ;

- aux articles 31 et 31-1 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne ;

- à l’article 2 de la loi modifiée du 11 avril 1985 portant approbation de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, ouverte à la signature à Vienne et à New York en date du 3 mars 1980 ;

- à l’article 65-1 de la loi modifiée du 14 avril 1992 instituant un code disciplinaire et pénal pour la marine.

12 Pour sa part l’article 135-1 du Code pénal prévoit que :

acte de terrorisme tout crime et délit punissable d’un emprisonnement d’un maximum d’au moins trois ans ou d’une peine plus grave qui, par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international et a été commis intentionnellement dans le but de :

- gravement intimider une population, - contraindre indûment des pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou - gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international. » Contrairement à la législation en la matière en France et en Belgique, le législateur luxembourgeois a dans sa rédaction de l’article 135-1 du Code pénal choisi de ne pas indiquer de façon exhaustive quelles infractions de droit commun peuvent être qualifiées d’infraction de terrorisme lorsqu’elles ont été commises dans ce but, se limitant à dire que toute infraction dont la peine est punie d’un minimum d’au moins trois ans peut constituer une telle infraction pourvu qu’elle soit animée par un motif à caractère terroriste.

Pour revêtir de la qualification de terrorisme, les infractions de droit commun en question, doivent répondre à un mobile spécifique, l’agent doit rechercher spécifiquement à intimider une population, sinon à contraindre les pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, sinon à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international.

A cela s’ajoute encore que les faits commis par l’auteur doivent être susceptibles de porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international.

Contrairement au droit commun, seul le mobile de l’agent est déterminant dans la qualification des infractions de terrorisme et il convient aux juridictions de déterminer si l’auteur était animé ou non par un tel motif.

En effet, l’intention criminelle, considérée comme une volonté abstraite, ne suffit plus alors à constituer l’infraction, celle-ci n’existe qu’en raison du mobile qui l’a inspirée. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 241, 20ème édition).

Il est indiscutable que le groupe GROUPE3.) a revendiqué de multiples actes susceptibles de tomber sous le coup des dispositions de l’article 135-1 du Code pénal et l’organisation en question figure sur la liste des groupes terroristes des Nations Unies et de l’Union Européenne.

Il ne fait dès lors pas l’ombre d’un doute que le groupe en question constitue une organisation terroriste au sens de l’article 135-2 du Code pénal.

En ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, l’article 135-4 dispose que : 13 Le Tribunal constate que le Ministère Public a libellé une multitude de faits qu’il estime l’appartenance des prévenus à l’organisation en question, cependant la juridiction de céans ne saurait être cantonnée à analyser cette liste qui n’est d’ailleurs pas exhaustive. Le Tribunal entend ainsi se saisir de l’ensemble des éléments de faits figurant au dossier répressif ainsi que des déclarations de PERSONNE1.) et d’PERSONNE7.) faites à l’audience afin de déterminer si les deux prévenus ont fait partie du groupe GROUPE3.).

La défense a fait valoir que les prévenus n’avaient commis aucun acte préparatoire à la commission d’un attentat, qu’aucune arme ou des explosifs n’avaient été retrouvés lors de la perquisition de leur domicile et que ces derniers n’avaient ni commis ni participé à une infraction de droit commun susceptible de tomber sous le coup de l’article 135-1 du Code pénal, de sorte que ses mandants seraient à acquitter du chef de cette infraction.

A ce titre, il convient de rappeler que si un acte est toujours requis pour qu’il y ait infraction - il n’est pas nécessaire que cet acte ait laissé des traces matérielles ou provoqué une conséquence nuisible. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 207, 20ème édition).

Il a encore lieu de citer un arrêt de la Cour de cassation française qui a retenu que (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 18-81.096, Inédit) Il convient dès lors de rejeter l’argument des prévenus.

Il ressort des travaux parlementaires que l’article 135-4 Code pénal incrimine la participation aux activités terroristes, en reproduisant l’article 324ter du même Code concernant l’organisation criminelle, sauf à prévoir une sanction plus sévère. (Travaux parlementaires, rapport de la Commission juridique du 2 juillet 2003).

Il convient dès lors en l’espèce d’appliquer un raisonnement par analogie en ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, en analysant la prévention en question à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence en matière de participation à une organisation criminelle.

La loi du 11 août 1998 a introduit, à côté de l’association de malfaiteurs, prévue par les articles 322 à 324 du Code pénal, une nouvelle infraction, à savoir la participation à une organisation criminelle, régie par les articles 324bis et 324ter du Code pénal.

L’organisation criminelle prévue aux articles 324bis et 324ter du Code pénal se distingue de l’association de malfaiteurs, notamment par :

- une plus grande importance, - une plus grande structuration, - un caractère plus permanent, - des ramifications nationales et internationales, - une hiérarchie plus stricte, dans laquelle les profits reviennent principalement aux dirigeants, tandis que les simples participants sont la plupart du temps salariés pour les services qu’ils rendent, - la caractéristique de se fondre beaucoup mieux dans la société et de travailler de manière beaucoup moins visible, 14 - une plus grande systématique dans leurs activités.

L’organisation criminelle constitue en quelque sorte une association de malfaiteurs aggravée. S’il peut être admis que toute organisation criminelle constitue donc une association de malfaiteurs, l’inverse n’est cependant pas nécessairement le cas. Une association de malfaiteurs peut être mise sur pied pour commettre une infraction unique, tandis que l’organisation criminelle requiert une certaine stabilité.

L’association de malfaiteurs suppose la réunion des trois éléments suivants :

1) l’existence d’une association réelle entre plusieurs personnes, 2) la formation de cette association en vue de commettre des infractions et de porter ainsi atteinte aux personnes et aux propriétés et 3) une structure organique qui donne corps à l’entente existant entre les membres et qui démontre la volonté de collaborer efficacement à la poursuite du but assigné.

Pour éviter l’étroitesse d’une énumération trop précise, le législateur refuse d’indiquer les caractéristiques générales de l’organisation des bandes. Il abandonne l’appréciation des circonstances éminemment variables à la et se borne à exiger une association réelle et organisée, c’est-à-dire l’existence de liens entre les membres.

Dans la mesure où il est d’ores et déjà établi que GROUPE3.) est un groupe terroriste avec une structure organique et comprenant des milliers de membres, il convient donc en l’espèce de déterminer uniquement si les agissements de PERSONNE1.) et d’PERSONNE7.) démontrent de l’organisation en question.

Selon les critères dégagés en matière d’organisation criminelle et d’association de malfaiteurs, pour être punissable, la participation à l’association doit être consciente et voulue, conformément aux principes généraux de droit pénal.

Cette connaissance et cette volonté doivent porter sur l’association elle-même, sur son existence et, principalement, sur son but.

A noter que chaque participant à l’entente ne peut être déclaré coupable que s’il s’est agrégé au groupement délictueux en connaissance de cause et avec la volonté d’apporter aux autres délinquants une aide efficace dans la poursuite du but qu’ils se sont assigné. S’il n’est pas nécessaire que chaque participant soit au courant de toutes les activités délictueuses, son adhésion doit cependant avoir lieu en connaissance de cause du caractère en général infractionnel du groupement pour ainsi en favoriser l’action (Jurisclasseur pénal, art.450-1 à 450-3, n°45).

Tel n’est pas le cas si une personne se contente de vouloir venir en aide à un participant de l’association de malfaiteurs, en ne sachant pas que cette personne en fait partie.

L’assistance fournie à un participant isolé ou même à plusieurs agissant individuellement, lui est étrangère (RIGAUX & TROUSSE, Les crimes et les délits, tome V, p.18).

(…) Quant à PERSONNE1.) Le mandataire du prévenu PERSONNE1.) a fait valoir à l’audience que le prévenu n’avait pas les capacités intellectuelles, respectivement la maturité pour pouvoir en connaissance de cause adhérer au groupe GROUPE3.). Il s’est à ce titre appuyé sur les conclusions de l’expert -psychologue Robert SCHILTZ, qui a retenu 15 que le quotient intellectuel du prévenu se situerait en-dessous de la moyenne pour n’atteindre qu’un QI de 83 (la moyenne étant supérieure à 85).

Il convient de rappeler que l’expertise psychologique ne constitue pas en elle-

même un mode de preuve, même si cette expertise participe à l’administration de celle-ci.

Le Tribunal relève que lors de son passage au CHNP, le prévenu avait obtenu un score de 97 et l’expert-psychiatre REYNAUD l’a confirmé dans son rapport que l’intelligence du prévenu se trouve dans la moyenne. A la barre, le prévenu n’avait d’ailleurs aucun problème de s’exprimer.

Le Tribunal retient dès lors que le prévenu avait les capacités intellectuelles pour pouvoir adhérer librement à un groupe terroriste.

D’ailleurs, l’expert REYNAUD avait souligné dans son rapport que si de par sa personnalité, le prévenu est facilement influençable, il est néanmoins lucide et a la capacité de mesurer les conséquences de ses actes.

Le Tribunal relève d’emblée que l’intérêt du prévenu pour la cause de l’organisation dite GROUPE3.) est attestée par la documentation issue de la perquisition et l’exploitation de ses outils informatiques, notamment les documents contenus dans son ordinateur et la tablette et dont il n’a pas contesté la teneur.

En effet, les supports informatiques saisis contenaient une pléthore de documents issus des agences de propagande du groupe terroriste en question et notamment de nombreux magazines de Rumiyah et de Dar al-Islam.

Il ressort encore du dossier répressif que très tôt, le prévenu a manifesté son intérêt pour la mouvance djihadiste. Aux alentours de 2008 et 2009, il avait de ses propres aveux prêté allégeance à GROUPE2.), des drapeaux de cette organisation ayant d’ailleurs été retrouvés lors de la perquisition de son domicile. Il a ensuite admis avoir par la suite porté allégeance à l’organisation GROUPE3.).

Vers la fin de son audition policière, lorsqu’il est confronté à une discussion qu’il a eue avec PERSONNE8.) lors de laquelle il lui a dit car ce dernier soutenait ouvertement dawla sur les réseaux sociaux, il a encore déclaré que cela remontait à une époque .

Lors de ses interrogatoires successifs, le prévenu s’est rétracté et a affirmé ne jamais avoir prêté allégeance à l’organisation terroriste en question n’y avoir participé d’une quelconque manière. Il a également nuancé ses propos par rapport à ses opinions concernant GROUPE3.) au fil de ses auditions.

Il convient de rappeler qu’en vertu de la libre appréciation des preuves appliquée en matière pénale, les juges apprécient souverainement la sincérité d’un aveu fait par un prévenu au cours de l’instruction préparatoire, même quand cet aveu a été ultérieurement rétracté par son auteur, contrairement au droit civil, le principe de l’intime conviction laissant le juge libre d’apprécier la valeur de la rétractation comme la portée de l’aveu lui-même (MERLE et VITU, Traité de Droit Criminel, T II n° 976).

Au vu du revirement quant aux déclarations faites par PERSONNE1.) en relation avec son allégeance à GROUPE3.), le Tribunal entend s’en tenir aux déclarations faites par le prévenu lors de son audition de police alors qu’il n’avait aucune raison de s’incriminer lui-même, étant donné que d’une part aucune preuve d’une allégeance explicite du prévenu ne figurait au dossier répressif et d’autre part des éléments du dossier répressif viennent corroborer son aveu.

Surtout, la prise de contact du prévenu avec des personnes qui ont fini par rejoindre les rangs de GROUPE3.) en Syrie ou qui étaient proches de cette organisation et la persistance de ceux-ci témoignent déjà de l’intérêt du prévenu 16 pour faire partie du groupe ou du moins de s’y associer d’une quelconque façon.

Parmi ces contacts, on citera , le djihadiste français le plus connu, présumé mort suite à une frappe de drones.

Il est également incontestable que le prévenu était proche des deux djihadistes luxembourgeois, PERSONNE3.) et PERSONNE4.). Le premier qui serait vraisemblablement tombé au combat, avait des contacts avec le prévenu au moins depuis 2013.

PERSONNE3.) avait d’ailleurs contacté PERSONNE1.) afin qu’il le rejoigne pour combattre en Syrie, chose qu’il n’aurait certainement pas proposée à une personne ne partageant pas au moins en grande partie l’idéologie de GROUPE3.) et à laquelle il faisait confiance. Le prévenu lui a encore dit qu’il était , n’excluant dès lors nullement cette idée.

Le message qu’il a publié en date du 14 février 2017 sur sa page CVCA où il s’adresse aux personnes qui le suivent en les termes suivants : en dit long sur son état d’esprit à l’époque.

Le prévenu avait d’ailleurs beaucoup de mal à cacher ses pensées réelles lors de son audition de police alors qu’il a déclaré initialement .

L’explication fournie après coup du prévenu selon laquelle, il ne se serait intéressé qu’à la croyance et surtout aux annulatifs de l’islam n’emporte pas la conviction du Tribunal.

Tout comme le fait que le prévenu n’aurait fait que citer ou aurait copié-collé des passages de livres disponibles en vente libre, tel qu’il s’est forcé de le répéter comme un moulin à vent tout au long de l’instruction.

A l’audience, son mandataire a plaidé que le prévenu était maladroit et que c’est par mégarde qu’il s’est exprimé à travers d’une rhétorique teintée de paraboles, d’hyperboles, et autres figures de style. Il explique que son client s’est intéressé au sujet des annulatifs de la foi dans une ignorance totale des subtilités des sciences théologiques et sans aucune réelle aptitude intellectuelle à le faire. Il en déduit que l’intention criminelle de son mandant fait défaut en l’espèce et sollicite son acquittement.

Il ressort cependant de l’intégralité du dossier répressif que le prévenu ne s’est intéressé qu’à l’idéologie de GROUPE3.), et qu’il n’a admis aucune autre source ou débattu une autre idéologie comme pouvant être une voie alternative dans 17 sa quête du dogme de l’islam, tel qu’il l’affirme. Il s’est également montré très vigoureux pour condamner toute personne rejoignant le front GROUPE4.), organisation en conflit ouvert avec GROUPE3.).

PERSONNE1.) a en outre utilisé de nombreux alias et comptes sur les réseaux sociaux et a beaucoup communiqué via l’application Telegram, connue pour être difficile à surveiller par les services de renseignement parce que les messages sont cryptés. Cette recherche de discrétion est fort compréhensible, au vu du contenu que le prévenu échangeait avec ses interlocuteurs. Il s’agit-là d’un élément supplémentaire montrant que le prévenu avait conscience de commettre quelque chose d’illicite.

A cela s’ajoute que le prévenu détenait de nombreuses vidéos de GROUPE3.) qui étaient sans aucune relation avec la religion, dont notamment celle du pilote jordanien brûlé vif (Healing the Believers’ Chests.) Le prévenu a également reconnu lors de son interrogatoire de deuxième comparution qu’en 2015/2016, il était d’accord avec certaines choses défendues par GROUPE3.) et qu’il avait été attiré par la propagande du groupe, notamment en ce qui concerne la vie dans les territoires occupés par celui-ci.

Si le prévenu a encore tenté de minimiser les faits, en dépeignant la vie dans les territoires occupés par GROUPE3.) comme idyllique et que ce ne serait qu’après les bombardements qu’il se serait posé des questions, toujours est-il qu’il a admis avoir eu connaissance du sort réservé par cette organisation aux mécréants qui ne se repentaient pas, à savoir qu’ils étaient exécutés.

S’il fallait encore illustrer le fait que les déclarations du prévenu ne sont qu’un tissu de mensonge, le Tribunal revoit à l’épisode Syrien de 2012 du prévenu, PERSONNE1.) ayant affirmé s’être rendu au pays du levant à cette époque pour étudier la religion, tout en précisant qu’il n’y avait pas de bombardements. Or, à cette date la guerre civile en Syrie battait déjà son plein.

A cela s’ajoute que les experts SCHILTZ et REYNAUD ont décrit le prévenu comme une personne en quête de reconnaissance et qui voulait redorer l’estime de soi. Si les raisons de la radicalisation du prévenu resteront un mystère, il ne peut pas être exclu que ce dernier au parcours chaotique et en échec sur le plan tant scolaire que professionnel se soit laissé entraîner dans la mouvance djihadiste afin de donner un sens à sa vie qu’il avait jusque-là ratée.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, le Tribunal retient que le prévenu a en connaissance de cause du caractère terroriste du groupe GROUPE3.) adhéré à celui-ci.

De par ses agissements, à savoir la distribution via des réseaux sociaux du matériel de propagande de GROUPE3.), ses tentatives de convaincre des personnes de rejoindre le groupe en question ainsi que l’apologie des faits commis par celui-

ci, il en a favorisé l’action.

Il en découle que l’infraction à l’article 135-4 (1) du Code pénal est établie tant en faits qu’en droit.

Le prévenu PERSONNE1.) est partant à retenir dans les liens de de la prévention mise à sa charge sub I. A., sauf à en limiter le libellé à ses éléments constitutifs, à savoir d’avoir activement fait partie du groupe terroriste GROUPE3.) en sachant que cette participation contribue aux activités criminelles du groupe en question. ».

Les juges d’appel se sont basés sur les développements qui précèdent pour retenir « Quant à l’infraction de participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4, point 1 du Code pénal C’est par une juste application des principes dégagés par les articles 135-1 et 135-2 du Code pénal que la juridiction de première instance a valablement conclu que le groupe constitue une organisation terroriste, et que la participation active afférente est réprimée par l’article 135-4 du Code pénal, suivant les conditions y libellées.

C’est encore à bon droit que le tribunal a non seulement tenu compte des multiples faits libellés par le ministère public dans son réquisitoire de renvoi, mais également de l’ensemble des éléments du dossier répressif qui a été soumis au débat contradictoire dont également les déclarations des prévenus à l’audience, pour analyser si les éléments constitutifs de l’infraction de participation à une organisation terroriste se trouvent rapportés dans le chef des deux prévenus.

Concernant les éléments constitutifs de l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal se réfère à l’article 324ter du même code réprimant l’organisation criminelle. En effet, tel qu’il résulte des travaux parlementaires relatifs au projet de loi ayant introduit les infractions en relation avec le terrorisme, le libellé de cette incrimination reproduit textuellement le libellé de l’article 324ter du Code pénal, dont il reprend également les principes d’interprétation (doc. parl. 4954, commentaire des articles p.10). » et « C’est encore à bon droit et par une motivation exhaustive que la Cour d’appel adopte que le tribunal, après avoir correctement exposé les éléments constitutifs de l’infraction de participation active à une organisation criminelle, a retenu que PERSONNE1.), par son activité, a adhéré en connaissance de cause du caractère terroriste de l’ à celui-ci.

En effet, l’enquête a permis d’établir que le prévenu détenait une documentation fouillée émanant de ce groupe terroriste dont leurs magazines Rumiyah et Dar al-Islam, ainsi que du matériel vidéo et audio. Il est encore établi que le prévenu a continué cette propagande du groupe terroriste à ses connaissances, via les réseaux sociaux.

Il faut constater que même si le prévenu est revenu par la suite sur ses déclarations, PERSONNE1.) a exposé à la police, dans un premier temps, avoir prêté allégeance au groupe terroriste à une certaine date, de sorte que c’est à juste titre que le tribunal a tenu compte de ces déclarations du prévenu qui sont corroborées par les autres éléments du dossier répressif. PERSONNE1.) a en effet été en contact avec des personnes qui ont rejoint le groupe terroriste , à savoir PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.) avec lequel PERSONNE1.) était encore en contact le 7 janvier 2015, jour de l’anniversaire du prévenu. De plus, PERSONNE1.) a encore déclaré devant les juges de première instance que avec eux, sinon ils ne m’auraient plus parlés » (page 10 de l’extrait de plumitif de l’audience de première instance du 27 octobre 2021).

19 L’exploitation des nombreux messages que le prévenu PERSONNE1.) a rédigés, a permis d’établir que dans ces communications, le prévenu se réfère aux dogmes et paroles de l’ pour appuyer son opinion au sujet de l’islam. Il considère de même que l’ est le seul groupe qui prône le véritable islam et il n’accepte pas que d’autres adhèrent à des groupes qui sont en conflit avec l’, tel que GROUPE2.).

Le prévenu était de même bien conscient qu’il risque d’entrer en conflit avec la loi, alors qu’il a changé régulièrement de compte « Facebook », étant précisé que l’application qu’il a également utilisée comme moyen de communication, est difficilement contrôlable par les autorités.

En diffusant les publications de l’, PERSONNE1.) a aidé ce groupe terroriste à assurer la communication externe de leurs idées, tout en sachant que ce groupe terroriste utilise délibérément dans ses communications des textes ne prônant pas directement la violence, afin de ne pas être identifié et bloqué sur les réseaux sociaux.

De même, la Cour d’appel ne peut que rejoindre le tribunal qui n’a accordé aucun crédit à l’affirmation de PERSONNE1.) qu’il se serait uniquement intéressé à la croyance et en particulier aux annulatifs de l’islam, alors que cette affirmation se trouve contredite par les nombreux extraits de textes religieux qu’il a publiés et qui tournent essentiellement autour de la mort, des mécréants qu’il faut tuer, du combat et de la violence.

La Cour d’appel renvoie encore aux déclarations, devant la police, de deux oncles de PERSONNE1.), à savoir PERSONNE5.) et PERSONNE6.) qui ont pu fournir des précisions sur les idées défendues par PERSONNE1.), PERSONNE5.) ayant d’ailleurs rendu attentif le prévenu déjà en 2015, après l’introduction des loi anti-terroristes, que son activité sur les réseaux sociaux pouvait lui causer des problèmes avec les autorités.

C’est partant à juste titre et par une motivation que la Cour d’appel fait sienne que le tribunal a retenu que par son activité sur les réseaux sociaux telle que documentée par l’instruction judiciaire, le prévenu par son travail de propagande a, en connaissance de cause, favorisé l’action du groupe terroriste .

Le tribunal est partant à confirmer en ce qu’il a retenu PERSONNE1.) dans les liens de l’infraction à l’article 135-4, point 1 du Code pénal. ».

Ils ont ainsi caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal, tenant à l’élément matériel de la participation active du demandeur en cassation à un groupe terroriste et à l’élément moral.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 135-11 (2) du Code pénal En ce que 20 La Cour d’appel a lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11 point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes. Par adoption de ses motifs, le jugement dont appel est à confirmer sur ce point », Alors que l’article 135-11 point 2 du Code pénal énonce que diffuser le message visé au paragraphe 1er en présence de plusieurs individus dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter », Que, d’une part, ce texte vise expressément la situation où plusieurs individus sont destinataires du message, Que, d’autre part, cette interprétation résulte clairement de l’esprit de la loi du 18 décembre 2015 modifiant le Code pénal et le Code d'instruction criminelle aux fins de mettre en œuvre certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a introduit cette nouvelle disposition, Que le commentaire de l’article en question contenu dans le projet de loi susvisé énonce islamique" ont montré que la provocation au terrorisme se fait de nos jours plutôt dans des cercles plus restreints qui ne sont pas directement et librement accessibles au public, mais où les personnes qui souhaitent y avoir accès doivent avoir rempli une ou plusieurs conditions, comme par exemple suivre une procédure d’admission ou procéder à un enregistrement en fournissant certaines informations. Le paragraphe 2 proposé vise donc à englober principalement les réunions d’associations et d’autres clubs plus ou moins formels dans des locaux où l’admission est seulement possible aux personnes qui sont membres de ces associations ou de ces clubs, de même que les cercles constitués dans le monde virtuel des télécommunications par des moyens comme des forums de discussions sur Internet, les réseaux sociaux sur Internet, de même que des forums et réseaux sociaux qui fonctionnent par des applications de téléphonie mobile », Qu’il en ressort que le destinataire du message ne saurait être une seule personne, Que la Cour d’appel a donc violé le texte susvisé, ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 135-11, paragraphe 2, du Code pénal en retenant à tort que l’infraction était constituée même si le destinataire du message était une seule personne.

En retenant « le message, lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11, point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes », les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation du principe de l’égalité des armes tel que garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce que l’arrêt attaqué a condamné Monsieur PERSONNE1.) des infractions aux articles 135-4 135-11 et 135-12 du Code pénal, aux motifs que sa culpabilité résulte de l’examen de certaines conversations contenues dans les rapports de police dressés dans le cadre de l’instruction, alors que lesdits examens n’ont porté que sur des extraits de conversations retirés de leur contexte, qu’il aurait fallu pour que toute la lumière soit faite sur la nature et la portée exactes des propos de Monsieur PERSONNE1.), rapportés dans les rapports de police, que ceux-ci contiennent l’intégralité des conversations échangées, Qu’un tel procédé a manifestement violé le principe d’égalité des armes garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales alors que le prévenu a été jugé sur base d’éléments à charge manifestement tronqués, Que l’arrêt encourt la cassation. ».

22 Réponse de la Cour Sous le couvert du grief de la violation des textes visés au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, des faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux du Ministère public étant liquidés à 20 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du président Thierry HOSCHEIT, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du procureur général d’Etat adjoint Christiane BISENIUS et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans le cadre du pourvoi en cassation de PERSONNE1.) en présence du Ministère public (No CAS-2023-00012 du registre)

__________________________________________________

Par déclaration faite le 18 janvier 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, a formé pour compte et au nom de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt N° 377/22 V. rendu le 20 décembre 2022 par la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 20 février 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi a été déclaré dans les formes et délais de la loi. De même le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans les formes et délais y imposés.1 Faits et rétroactes :

PERSONNE1.) a été poursuivi du chef des infractions aux articles 135-4 (1), 135-

4 (2), 135-11, 135-12 et 457-1 (3) du Code pénal, Par jugement n°2803/2021 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, douzième chambre, siégeant en matière correctionnelle rendu en date du 16 décembre 2021, PERSONNE1.) a été convaincu  en application de l’article 135-4 (1) du Code pénal, d’avoir volontairement et sciemment fait activement partie d’un groupe terroriste, 1 Le délai d’un mois à partir de la déclaration de cassation pour déposer un mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation a expiré en date du samedi 18 février 2023 de sorte qu’il a été reporté au premier jour ouvrable qui suit, soit le lundi 20 février 2023 en application des articles 135-11 et 135-17 du Code pénal, d’avoir commis un acte de provocation au terrorisme,  en application de l’article 135-12 du Code pénal, d’avoir commis un acte de recrutement au terrorisme, PERSONNE1.) a été condamné à une peine d’emprisonnement de 42 mois assortie d’un sursis probatoire de 18 mois.

Tant PERSONNE1.) que le ministère public ont interjeté appel contre ce jugement.

Par arrêt N° 377/22 V. rendu le 20 décembre 2022, la Cour d’appel du Grand-

Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle a  acquitté PERSONNE1.) de l’infraction non établie à sa charge  confirmé le jugement pour le surplus,  ramené la peine d’emprisonnement à une durée de 30 mois assortie d’un sursis probatoire de 15 mois.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation :

« Premier moyen de cassation tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation du principe de la légalité des peines garanti notamment par l’article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Le demandeur en cassation reproche à l’arrêt attaqué d’avoir « déclaré que les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal ne sont pas contraires au principe de la légalité des infractions et des peines » garanti par l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH).

Sur ce point, la Cour d’appel a retenu :

« Quant à la légalité des infractions et des peines La défense estime que les articles 135-4, 134-11 et 135-12 du Code pénal sont contraires au principe de la légalité des infractions et des peines.

25 L’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au principe de la légalité des infractions et des peines dispose que :

« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

1.

Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ».

Ce texte est interprété comme suit par la Cour européenne des droits de l’homme:

« L’article 7 consacre, de manière générale, le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) (Kokkinakis c.

Grèce, 25 mai 1993, § 52, série A no 260-A, et Kononov c. Lettonie [GC], no 36376/04, § 185, CEDH 2010).

La notion de « droit » (« law ») implique des conditions qualitatives, entre autres une accessibilité et une prévisibilité suffisantes (voir, notamment, Cantoni c. France, 15 novembre 1996, § 29, Recueil 1996-V, et E.K. c.

Turquie, no 28496/95, § 51, 7 février 2002). Ces conditions qualitatives doivent être remplies tant pour la définition de l’infraction que pour la peine encourue. Le justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale et quelle peine peut être prononcée de ce chef (M. c. Allemagne, no 19359/04, § 119, CEDH 2009, et Maktouf et Damjanović c. Bosnie-Herzégovine [GC], nos 2312/08 et 34179/08, § 66, CEDH 2013 (extraits)). Cela étant, la prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé.

La Cour reconnaît dans sa jurisprudence que, aussi clair que le libellé d’une disposition légale puisse être, dans quelque système juridique que ce soit, y compris le droit pénal, il existe immanquablement un élément d’interprétation judiciaire. Il faudra toujours élucider les points douteux et s’adapter aux changements de situation. En outre, la certitude, bien que hautement souhaitable, s’accompagne parfois d’une rigidité excessive ; or le droit doit savoir s’adapter aux changements de situation. Aussi beaucoup 26 de lois se servent-elles, par la force des choses, de formules plus ou moins vagues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (voir, mutatis mutandis, Michaud c. France, no 12323/11, § 96, CEDH 2012). La fonction de décision confiée aux juridictions sert précisément à dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à l’interprétation des normes (voir Soros c. France, no 50425/06, § 52, 6 octobre 2011, et Del Rio Prada, précité, § 93). On ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, « à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible » (Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II) ».

La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est donc particulièrement nuancée. La définition légale d’une infraction pénale doit certes respecter des conditions qualitatives. Elle doit notamment être suffisamment prévisible, donc le justiciable doit pouvoir savoir quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale. Cette exigence de prévisibilité n’oblige cependant pas à adopter des libellés d’incrimination d’une clarté écartant tout doute d’interprétation et tout usage de formules plus ou moins vagues.

L’exigence d’une clarté parfaite engendrerait en effet le risque d’une rigidité excessive et d’une impossibilité de s’adapter aux changements de situation. L’article 7 ne s’oppose pas à la clarification graduelle des incriminations par l’interprétation judiciaire, à condition que le résultat de cette interprétation soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible.

Concernant les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, les principes sus-énoncés, établis par la Cour de Strasbourg, sont respectés.

Plus précisément en ce qui concerne l’article 135-4 du Code pénal, il y a lieu de constater que le législateur s’est tout d’abord inspiré de l’article 324ter du Code pénal incriminant la participation à une organisation criminelle. Concernant l’interprétation de ce texte il y a lieu de se référer à la doctrine et à la jurisprudence qui ont précisé les éléments constitutifs de cette infraction. De plus, la spécificité de l’article 135-4 du Code pénal réside dans le fait que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste.2 La notion de groupe terroriste est définie par l’article 135-3 du Code pénal et les actes de terrorisme en vue desquels le groupe terroriste est constitué, sont également définis avec précision à l’article 135-1 du Code pénal.

En ce qui concerne plus particulièrement l’acte de provocation au terrorisme prévue à l’article 135-11 du Code pénal, il y a lieu de constater que les termes utilisés par le législateur sont suffisamment clairs et précis 2 Souligné par le soussignépour permettre à tout justiciable de cerner les éléments constitutifs de cette infraction c’est-à-dire la diffusion de tout type de message au grand public, y compris ceux envoyés par l’intermédiaire des réseaux de communication électronique, donc tout message de quelque nature que ce soit, librement accessible à chacun, sinon un message accessible à un groupe restreint en présence de plusieurs personnes. Le but recherché par la diffusion du message est également indiqué avec précision suffisante, à savoir encourager une ou plusieurs personnes à commettre les infractions dites terroristes qui sont visées par le chapitre III-1- « Du terrorisme » du Code pénal.

De même l’infraction de l’acte de recrutement au terrorisme telle que prévue à l’article 135-12 du Code pénal est également définie dans des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout arbitraire, termes qui permettent à tout justiciable de mesures exactement la nature et le type des agissements qui sont sanctionnés par la loi pénale. En effet, l’auteur de cette infraction doit commettre ou tenter de commettre, un ou des actes positifs, afin d’amener une tierce personne à commettre ou de participer à la commission d’une des infractions dites terroristes qui sont limitativement énumérées au chapitre III.1 du Code pénal.

Les prévenus pouvaient ainsi prévoir que le fait de ne pas respecter les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, constituait un comportement qualifié d’infraction, grâce aux prescriptions claires et précises fixées par la loi. »3.

En ce faisant, les juges d’appel ont effectué une analyse correcte des articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal par rapport au principe de la légalité des peines prévu à l’article 7 de la CEDH.

Il s’ensuit que le premier moyen de cassation n’est pas fondé.

Quant au deuxième moyen de cassation :

« Deuxième moyen de cassation tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 135-4 du code pénal ».

Le demandeur en cassation soutient que « La loi du 3 mars 2020 susvisée a ajouté un élément constitutif supplémentaire dans l’incrimination de la participation active à un groupe terroriste à savoir que le prévenu doit savoir que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste » pour en 3 Arrêt attaqué p. 61-63déduire que « la Cour d’appel a eu tort en qualifiant cet élément constitutif supplémentaire de participation active à un groupe terroriste visé par l’article 135-4 de simple « précision au texte légal »4.

L’article 135-4 du Code pénal en son point (1) dans sa version initiale prévoyait que : « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. »5.

Suite à la modification législative opérée par la loi du 3 mars 2020, l’article en question se lit comme suit : « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste6, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. »7.

En ce qui concerne ce point, les juges de première instance ont décidé ce qui suit :

« Une incrimination qui définit de manière plus large une infraction constitue une loi pénale plus sévère, qui ne saurait par conséquent avoir d’effet rétroactif.

Dans la mesure où l’article 135-4 (1) du Code pénal dans son ancienne rédaction n’exclut manifestement pas le fait de faire partie d’une organisation terroriste « y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités », la nouvelle version de cette disposition ne fait qu’ajouter des précisions, mais ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, il convient donc d’appliquer l’article 135-4 (1) dans sa nouvelle rédaction. »8.

4 Mémoire en cassation p.4-5 5 Loi du 12 août 2003 portant 1) répression du terrorisme et de son financement 2) approbation de la Convention internationale pour la répression du terrorisme, ouverte à la signature à New York en date du 10 janvier 2000 ; Mémorial A-

N° 137 du 15 septembre 2003 6 Ajouté par la loi du 3 mars 2020 7 Loi du 3 mars 2020 modifiant : 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil ; Mémorial A - N° 117 du 9 mars 2020 8 Arrêt entrepris p.17 La Cour d’appel a retenu ce qui suit :

« Quant à la loi applicable Concernant l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal a relevé qu’un changement législatif est intervenu par la loi du 3 mars 2020 modifiant 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette loi ayant uniquement ajouté les termes «y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, » il en suit que le bout de phrase « en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, », contrairement à ce que le tribunal a dit, ne figurait pas dans le texte initial de l’article 135-4 du Code pénal.

La Cour d’appel rejoint toutefois le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020. »9.

Selon son exposé des motifs, le projet de loi N° 7356 ayant mené à la loi du 3 mars 2020 a « comme objet de transposer en droits luxembourgeois la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/ JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil, ci-après désignée « la directive 2017/541 »10 Après avoir fait référence aux attentats de Paris en janvier et novembre 2015, de Nice en date du 14 juillet 2016, de Bruxelles en date du 22 mars 2016, de Berlin en date du 19 décembre 2016, de Stockholm en date du 7 avril 2017, de Londres en date du 3 juin 2017 et de Barcelone en date du 17 août 2017, qui montrent que la lutte contre le terrorisme est loin d’être terminée et qu’il faut continuer à développer et à adapter la législation répressive luxembourgeoise, le projet a analysé les nouvelles formes de menaces terroristes en mentionnant expressément le groupe terroriste « Etat Islamique » pour continuer dans les termes suivants :

9 Arrêt entrepris p. 60 et 61 10 Projet de loi N° 7356 p.3« Compte tenu de l’évolution des menaces terroristes, le directive 2017/541 a pour objet de rapprocher les définitions d’infraction terroristes, d’infractions liées à un groupe terroriste et d’infractions liées à des activités terroristes prévues dans les législations des Etats membres, de façon à couvrir de manière plus complète les comportements liés, en particulier, aux combattants terroristes étrangers et au financement du terrorisme. »11.

Toujours selon l’exposé des motifs, « En résumé, le projet de loi sous examen propose :

1) de préciser12 l’incrimination de la participation à un groupe terroriste (art 135-4 du Code pénal)… »13.

De même, selon le commentaire des articles :

« Ad article 1er du projet de loi :

Cet article concerne l’article 4 de la directive 2017/541 et propose de modifier l’article 135-4, paragraphe 1er, du Code pénal afin de préciser l’incrimination14 en y ajoutant des comportements supplémentaires, à savoir le fait pour une personne de fournir des informations ou des moyens matériels ou par toute autre forme de financement des activités du groupe terroriste. »15.

Le projet de loi ayant mené à la loi du 3 mars 2020 insiste donc au moins à deux reprises qu’il entend seulement apporter une précision à l’incrimination prévue à l’article 135-4, paragraphe 1er, du Code pénal.

C’est donc à bon droit que la Cour d’appel a décidé de rejoindre « le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020. »16 Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation n’est pas fondé.

11 Projet de loi N° 7356 p.3 12 Souligné par le soussigné 13 Projet de loi N° 7356 p.3 14 Souligné par le soussigné 15 Projet de loi N° 7356 p.5 16 Arrêt entrepris p. 60 et 61Quant au troisième moyen de cassation :

« Troisième moyen de cassation tiré dans sa première branche de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 135-4 du code pénal et, dans sa deuxième branche du défaut de base légale des dispositions précitées ».

Selon son énoncé, le troisième moyen de cassation serait divisé en deux branches.

Selon son développement, le troisième moyen de cassation semble être divisé en quatre branches, la deuxième branche étant subsidiaire par rapport à la première branche et la quatrième branche étant subsidiaire par rapport à la troisième branche.

A bien comprendre le raisonnement effectué par le demandeur en cassation sous le troisième moyen de cassation, il soulève sous la première branche la violation de l’article 135-4 du Code pénal par la Cour d’appel qui aurait manqué de définir la notion de participation active dans son chef et sous la seconde branche à titre subsidiaire, un manque de base légale en ce que la Cour d’appel aurait manqué d’énoncer puis de préciser si les conditions de la participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4 du Code pénal étaient réunies dans son chef.

Le demandeur en cassation reproche sous la troisième branche à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 135-4 du Code pénal dont l’infraction visée comporte dans ses éléments constitutifs l’élément moral suivant lequel le prévenu doit savoir que sa participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste et sous la quatrième branche à titre subsidiaire, un manque de base légale en ce que la Cour d’appel aurait manqué de rechercher l’élément moral d’une telle participation active.

Le soussigné se rapporte à sagesse de votre Cour ce qui concerne la recevabilité de ce moyen de cassation au vu de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Selon le demandeur en cassation, « ce texte impose aux juges le devoir de rechercher dans les circonstances d’espèce les actions participatives précises du prévenu et de décrire les activités criminelles du groupe terroriste auxquelles ces actions participatives ont pu contribuer, ce que la Cour d’appel a manqué de faire en l’espèce, »17.

Les différentes branches du troisième moyen de cassation seront analysées ensemble.

17 Mémoire en cassation p. 8Les juges de première instance, après avoir analysé dans une première phase les origines et les objectifs du groupe Etat islamique ainsi que le contexte historique de l’affaire,18 ont longuement analysé les éléments du dossier répressif.19 Quant au fond, et plus spécialement en ce qui concerne la matérialité des faits, les juges de première instance ont constaté :

« De prime abord, le Tribunal constate que les deux prévenus n’ont tant lors de l’instruction qu’à la barre pas contesté être les auteurs des messages et publications leur reprochés dans la citation à prévenus. Il est également constant en cause qu’ils ont diffusé la documentation de l’Etat Islamique tel que reprise dans l’ordonnance de renvoi. »20.

En ce qui concerne l’infraction prévue à l’article 135-4 (1) du Code pénal, les juges de première instance ont retenu les principes suivants :

« 1. Participation à un groupe terroriste L’article 135-2 du Code pénal dispose que :

(1) Constitue un groupe terroriste, l’association structurée d’au moins deux personnes, établie dans le temps, en vue de commettre de façon concertée un ou plusieurs des actes de terrorisme visés à l’alinéa (2) du présent article.

(2) Sont visées à l’alinéa (1) du présent article les infractions prévues:

-

aux articles 112-1, 135-1, 135-2, 135-5, 135-6, 135-9, 135-

11 à 135-16 et 442-1;

-

aux articles 31 et 31-1 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne;

-

à l’article 2 de la loi modifiée du 11 avril 1985 portant approbation de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, ouverte à la signature à Vienne et à New York en date du 3 mars 1980;

-

à l’article 65-1 de la loi modifiée du 14 avril 1992 instituant un code disciplinaire et pénal pour la marine.

Pour sa part l’article 135-1 du Code pénal prévoit que : « Constitue un acte de terrorisme tout crime et délit punissable d’un emprisonnement d’un 18 Voir arrêt entrepris p 2-4, 19 Voir arrêt entrepris p. 4-15 20 Voir arrêt entrepris p. 18maximum d’au moins trois ans ou d’une peine plus grave qui, par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international et a été commis intentionnellement dans le but de :

- gravement intimider une population, - contraindre indûment des pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou - gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international. » Contrairement à la législation en la matière en France et en Belgique, le législateur luxembourgeois a dans sa rédaction de l’article 135-1 du Code pénal choisi de ne pas indiquer de façon exhaustive quelles infractions de droit commun peuvent être qualifiées d’infraction de terrorisme lorsqu’elles ont été commises dans ce but, se limitant à dire que toute infraction dont la peine est punie d’un minimum d’au moins trois ans peut constituer une telle infraction pourvu qu’elle soit animée par un motif à caractère terroriste.

Pour revêtir de la qualification de terrorisme, les infractions de droit commun en question, doivent répondre à un mobile spécifique, l’agent doit rechercher spécifiquement à intimider une population, sinon à contraindre les pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, sinon à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international.

A cela s’ajoute encore que les faits commis par l’auteur doivent être susceptibles de porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international.

Contrairement au droit commun, seul le mobile de l’agent est déterminant dans la qualification des infractions de terrorisme et il convient aux juridictions de déterminer si l’auteur était animé ou non par un tel motif.

En effet, l’intention criminelle, considérée comme une volonté abstraite, ne suffit plus alors à constituer l’infraction, celle-ci n’existe qu’en raison du mobile qui l’a inspirée. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 241, 20ème édition).

Il est indiscutable que le groupe GROUPE3.) a revendiqué de multiples actes susceptibles de tomber sous le coup des dispositions de l’article 135-

34 1 du Code pénal et l’organisation en question figure sur la liste des groupes terroristes des Nations Unies et de l’Union Européenne.

Il ne fait dès lors pas l’ombre d’un doute que le groupe en question constitue une organisation terroriste au sens de l’article 135-2 du Code pénal.

En ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, l’article 135-4 dispose que : « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. » Le Tribunal constate que le Ministère Public a libellé une multitude de faits qu’il estime « documenter » l’appartenance des prévenus à l’organisation en question, cependant la juridiction de céans ne saurait être cantonnée à analyser cette liste qui n’est d’ailleurs pas exhaustive. Le Tribunal entend ainsi se saisir de l’ensemble des éléments de faits figurant au dossier répressif ainsi que des déclarations de PERSONNE1.) et d’PERSONNE7.) faites à l’audience afin de déterminer si les deux prévenus ont fait partie du groupe GROUPE3.).

La défense a fait valoir que les prévenus n’avaient commis aucun acte préparatoire à la commission d’un attentat, qu’aucune arme ou des explosifs n’avaient été retrouvés lors de la perquisition de leur domicile et que ces derniers n’avaient ni commis ni participé à une infraction de droit commun susceptible de tomber sous le coup de l’article 135-1 du Code pénal, de sorte que ses mandants seraient à acquitter du chef de cette infraction.

A ce titre, il convient de rappeler que si un acte est toujours requis pour qu’il y ait infraction - il n’est pas nécessaire que cet acte ait laissé des traces matérielles ou provoqué une conséquence nuisible. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 207, 20ème édition).

Il a encore lieu de citer un arrêt de la Cour de cassation française qui a retenu que « [la Cour d’appel] n’avait pas, pour caractériser l’infraction d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, l’obligation de démontrer la participation du prévenu à la préparation ou à la réalisation de certaines infractions spécifiques dès lors que le délit d’association de malfaiteurs constitue une infraction indépendante des crimes ou délits qu’elle a pour objet de préparer ou de commettre (Cour de 35 cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 18-81.096, Inédit) Il convient dès lors de rejeter l’argument des prévenus.

Il ressort des travaux parlementaires que l’article 135-4 Code pénal incrimine la participation aux activités terroristes, en reproduisant l’article 324ter du même Code concernant l’organisation criminelle, sauf à prévoir une sanction plus sévère. (Travaux parlementaires, rapport de la Commission juridique du 2 juillet 2003).

Il convient dès lors en l’espèce d’appliquer un raisonnement par analogie en ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, en analysant la prévention en question à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence en matière de participation à une organisation criminelle.

La loi du 11 août 1998 a introduit, à côté de l’association de malfaiteurs, prévue par les articles 322 à 324 du Code pénal, une nouvelle infraction, à savoir la participation à une organisation criminelle, régie par les articles 324bis et 324ter du Code pénal.

L’organisation criminelle prévue aux articles 324bis et 324ter du Code pénal se distingue de l’association de malfaiteurs, notamment par :

- une plus grande importance, - une plus grande structuration, - un caractère plus permanent, - des ramifications nationales et internationales, - une hiérarchie plus stricte, dans laquelle les profits reviennent principalement aux dirigeants, tandis que les simples participants sont la plupart du temps salariés pour les services qu’ils rendent, - la caractéristique de se fondre beaucoup mieux dans la société et de travailler de manière beaucoup moins visible, - une plus grande systématique dans leurs activités.

L’organisation criminelle constitue en quelque sorte une association de malfaiteurs aggravée. S’il peut être admis que toute organisation criminelle constitue donc une association de malfaiteurs, l’inverse n’est cependant pas nécessairement le cas. Une association de malfaiteurs peut être mise sur pied pour commettre une infraction unique, tandis que l’organisation criminelle requiert une certaine stabilité.

L’association de malfaiteurs suppose la réunion des trois éléments suivants :

1) l’existence d’une association réelle entre plusieurs personnes, 2) la formation de cette association en vue de commettre des infractions et de porter ainsi atteinte aux personnes et aux propriétés et 36 3) une structure organique qui donne corps à l’entente existant entre les membres et qui démontre la volonté de collaborer efficacement à la poursuite du but assigné.

Pour éviter l’étroitesse d’une énumération trop précise, le législateur refuse d’indiquer les caractéristiques générales de l’organisation des bandes. Il abandonne l’appréciation des circonstances éminemment variables à la « conscience éclairée des juges » et se borne à exiger une association réelle et organisée, c’est-à-dire l’existence de liens entre les membres.

Dans la mesure où il est d’ores et déjà établi que GROUPE3.) est un groupe terroriste avec une structure organique et comprenant des milliers de membres, il convient donc en l’espèce de déterminer uniquement si les agissements de PERSONNE1.) et d’PERSONNE7.) démontrent « la volonté de collaborer efficacement à la poursuite du but » de l’organisation en question.

Selon les critères dégagés en matière d’organisation criminelle et d’association de malfaiteurs, pour être punissable, la participation à l’association doit être consciente et voulue, conformément aux principes généraux de droit pénal. Cette connaissance et cette volonté doivent porter sur l’association elle-même, sur son existence et, principalement, sur son but.

A noter que chaque participant à l’entente ne peut être déclaré coupable que s’il s’est agrégé au groupement délictueux en connaissance de cause et avec la volonté d’apporter aux autres délinquants une aide efficace dans la poursuite du but qu’ils se sont assigné. S’il n’est pas nécessaire que chaque participant soit au courant de toutes les activités délictueuses, son adhésion doit cependant avoir lieu en connaissance de cause du caractère en général infractionnel du groupement pour ainsi en favoriser l’action (Jurisclasseur pénal, art.450-1 à 450-3, n°45).

Tel n’est pas le cas si une personne se contente de vouloir venir en aide à un participant de l’association de malfaiteurs, en ne sachant pas que cette personne en fait partie. L’assistance fournie à un participant isolé ou même à plusieurs agissant individuellement, lui est étrangère (RIGAUX & TROUSSE, Les crimes et les délits, tome V, p.18). »21.

Les juges de première instance ont ensuite appliqué ces principes à l’actuel demandeur en cassation dans les termes suivants :

« Quant à PERSONNE1.) 21 Arrêt entrepris p. 23-25Le mandataire du prévenu PERSONNE1.) a fait valoir à l’audience que le prévenu n’avait pas les capacités intellectuelles, respectivement la maturité pour pouvoir en connaissance de cause adhérer au groupe GROUPE3.). Il s’est à ce titre appuyé sur les conclusions de l’expert -psychologue Robert SCHILTZ, qui a retenu que le quotient intellectuel du prévenu se situerait en-dessous de la moyenne pour n’atteindre qu’un QI de 83 (la moyenne étant supérieure à 85).

Il convient de rappeler que l’expertise psychologique ne constitue pas en elle-même un mode de preuve, même si cette expertise participe à l’administration de celle-ci.

Le Tribunal relève que lors de son passage au CHNP, le prévenu avait obtenu un score de 97 et l’expert-psychiatre REYNAUD l’a confirmé dans son rapport que l’intelligence du prévenu se trouve dans la moyenne. A la barre, le prévenu n’avait d’ailleurs aucun problème de s’exprimer.

Le Tribunal retient dès lors que le prévenu avait les capacités intellectuelles pour pouvoir adhérer librement à un groupe terroriste.

D’ailleurs, l’expert REYNAUD avait souligné dans son rapport que si de par sa personnalité, le prévenu est facilement influençable, il est néanmoins lucide et a la capacité de mesurer les conséquences de ses actes.

Le Tribunal relève d’emblée que l’intérêt du prévenu pour la cause de l’organisation dite GROUPE3.) est attestée par la documentation issue de la perquisition et l’exploitation de ses outils informatiques, notamment les documents contenus dans son ordinateur et la tablette et dont il n’a pas contesté la teneur.

En effet, les supports informatiques saisis contenaient une pléthore de documents issus des agences de propagande du groupe terroriste en question et notamment de nombreux magazines de Rumiyah et de Dar al-

Islam.

Il ressort encore du dossier répressif que très tôt, le prévenu a manifesté son intérêt pour la mouvance djihadiste. Aux alentours de 2008 et 2009, il avait de ses propres aveux prêté allégeance à GROUPE2.), des drapeaux de cette organisation ayant d’ailleurs été retrouvés lors de la perquisition de son domicile. Il a ensuite admis avoir par la suite porté allégeance à l’organisation GROUPE3.).

Vers la fin de son audition policière, lorsqu’il est confronté à une discussion qu’il a eue avec PERSONNE8.) lors de laquelle il lui a dit « tu vas sauter » car ce dernier soutenait ouvertement dawla sur les réseaux sociaux, il a 38 encore déclaré que cela remontait à une époque « où on était pour GROUPE1.) ».

Lors de ses interrogatoires successifs, le prévenu s’est rétracté et a affirmé ne jamais avoir prêté allégeance à l’organisation terroriste en question n’y avoir participé d’une quelconque manière. Il a également nuancé ses propos par rapport à ses opinions concernant GROUPE3.) au fil de ses auditions.

Il convient de rappeler qu’en vertu de la libre appréciation des preuves appliquée en matière pénale, les juges apprécient souverainement la sincérité d’un aveu fait par un prévenu au cours de l’instruction préparatoire, même quand cet aveu a été ultérieurement rétracté par son auteur, contrairement au droit civil, le principe de l’intime conviction laissant le juge libre d’apprécier la valeur de la rétractation comme la portée de l’aveu lui-même (MERLE et VITU, Traité de Droit Criminel, T II n° 976).

Au vu du revirement quant aux déclarations faites par PERSONNE1.) en relation avec son allégeance à GROUPE3.), le Tribunal entend s’en tenir aux déclarations faites par le prévenu lors de son audition de police alors qu’il n’avait aucune raison de s’incriminer lui-même, étant donné que d’une part aucune preuve d’une allégeance explicite du prévenu ne figurait au dossier répressif et d’autre part des éléments du dossier répressif viennent corroborer son aveu.

Surtout, la prise de contact du prévenu avec des personnes qui ont fini par rejoindre les rangs de GROUPE3.) en Syrie ou qui étaient proches de cette organisation et la persistance de ceux-ci témoignent déjà de l’intérêt du prévenu pour faire partie du groupe ou du moins de s’y associer d’une quelconque façon. Parmi ces contacts, on citera « PERSONNE2.) », le djihadiste français le plus connu, présumé mort suite à une frappe de drones.

Il est également incontestable que le prévenu était proche des deux djihadistes luxembourgeois, PERSONNE3.) et PERSONNE4.). Le premier qui serait vraisemblablement tombé au combat, avait des contacts avec le prévenu au moins depuis 2013.

PERSONNE3.) avait d’ailleurs contacté PERSONNE1.) afin qu’il le rejoigne pour combattre en Syrie, chose qu’il n’aurait certainement pas proposée à une personne ne partageant pas au moins en grande partie l’idéologie de GROUPE3.) et à laquelle il faisait confiance. Le prévenu lui a encore dit qu’il était « trop malade pour le rejoindre », n’excluant dès lors nullement cette idée.

39 Le message qu’il a publié en date du 14 février 2017 sur sa page CVCA où il s’adresse aux personnes qui le suivent en les termes suivants : « message spécial pour ceux qui sont pour la dawla faites attentions au ignorants mouton sur le net qui font croire qu’ils ont compris le tawhid connaisse l’histoire …etc ils vous charme en disant oui bien-sûr je suis pour la dawla j’ai la science j’ai l’Arabe je connais je peux t’apprendre je donne des cours fi sabilillah … mais ensuite vous racontes des mensonges des ambiguïtés telle que chaykh uthaymin ibn baz sont des savants musulmans bien leur situation étaient ambigu … etc ils se sont même pas donner la peine de lire les magazines de la dawla qu’ils prétendent soutenir et suivre leur minhaj26 alors que dawla ont fait clairement leur takfir27 et dise d’eux c’est des vendus !!! et pour terminer ces savants la sont des tawaghits qui se font adorer et encore ça même dawla l’ont dit mais comme d’hab ces moutons dise soutenir mais sont même pas foutu de lire leur magasines ! inutile de montrer tout leur kufr vous avez juste a tapez leur noms sur google et voir tout leurs kufr qu’ils ont fait clair net devant tout le monde entier » en dit long sur son état d’esprit à l’époque.

Le prévenu avait d’ailleurs beaucoup de mal à cacher ses pensées réelles lors de son audition de police alors qu’il a déclaré initialement « je peux vous dire que les gens qui tuent d’autres personnes, comme par exemple lors des attentats de Paris ou à Bruxelles, ce sont des terroristes, car dans ce cas-là, je risque d’être abattu. », mais après relecture de sa déposition, il a supprimé le dernier morceau de phrase pour le remplacer par « qui tuent des femmes, des enfants et des vieux inclus des musulmans qui peuvent s’y trouver ».

L’explication fournie après coup du prévenu selon laquelle, il ne se serait intéressé qu’à la croyance et surtout aux annulatifs de l’islam n’emporte pas la conviction du Tribunal.

Tout comme le fait que le prévenu n’aurait fait que citer ou aurait copié-

collé des passages de livres disponibles en vente libre, tel qu’il s’est forcé de le répéter comme un moulin à vent tout au long de l’instruction.

A l’audience, son mandataire a plaidé que le prévenu était maladroit et que c’est par mégarde qu’il s’est exprimé à travers d’une rhétorique teintée de paraboles, d’hyperboles, et autres figures de style. Il explique que son client s’est intéressé au sujet des annulatifs de la foi dans une ignorance totale des subtilités des sciences théologiques et sans aucune réelle aptitude intellectuelle à le faire. Il en déduit que l’intention criminelle de son mandant fait défaut en l’espèce et sollicite son acquittement.

Il ressort cependant de l’intégralité du dossier répressif que le prévenu ne s’est intéressé qu’à l’idéologie de GROUPE3.), et qu’il n’a admis aucune autre source ou débattu une autre idéologie comme pouvant être une voie 40 alternative dans sa quête du dogme de l’islam, tel qu’il l’affirme. Il s’est également montré très vigoureux pour condamner toute personne rejoignant le front GROUPE4.), organisation en conflit ouvert avec GROUPE3.).

PERSONNE1.) a en outre utilisé de nombreux alias et comptes sur les réseaux sociaux et a beaucoup communiqué via l’application Telegram, connue pour être difficile à surveiller par les services de renseignement parce que les messages sont cryptés. Cette recherche de discrétion est fort compréhensible, au vu du contenu que le prévenu échangeait avec ses interlocuteurs. Il s’agit-là d’un élément supplémentaire montrant que le prévenu avait conscience de commettre quelque chose d’illicite.

A cela s’ajoute que le prévenu détenait de nombreuses vidéos de GROUPE3.) qui étaient sans aucune relation avec la religion, dont notamment celle du pilote jordanien brûlé vif (Healing the Believers’ Chests.) Le prévenu a également reconnu lors de son interrogatoire de deuxième comparution qu’en 2015/2016, il était d’accord avec certaines choses défendues par GROUPE3.) et qu’il avait été attiré par la propagande du groupe, notamment en ce qui concerne la vie dans les territoires occupés par celui-ci.

Si le prévenu a encore tenté de minimiser les faits, en dépeignant la vie dans les territoires occupés par GROUPE3.) comme idyllique et que ce ne serait qu’après les bombardements qu’il se serait posé des questions, toujours est-

il qu’il a admis avoir eu connaissance du sort réservé par cette organisation aux mécréants qui ne se repentaient pas, à savoir qu’ils étaient exécutés.

S’il fallait encore illustrer le fait que les déclarations du prévenu ne sont qu’un tissu de mensonge, le Tribunal revoit à l’épisode Syrien de 2012 du prévenu, PERSONNE1.) ayant affirmé s’être rendu au pays du levant à cette époque pour étudier la religion, tout en précisant qu’il n’y avait pas de bombardements. Or, à cette date la guerre civile en Syrie battait déjà son plein.

A cela s’ajoute que les experts SCHILTZ et REYNAUD ont décrit le prévenu comme une personne en quête de reconnaissance et qui voulait redorer l’estime de soi. Si les raisons de la radicalisation du prévenu resteront un mystère, il ne peut pas être exclu que ce dernier au parcours chaotique et en échec sur le plan tant scolaire que professionnel se soit laissé entraîner dans la mouvance djihadiste afin de donner un sens à sa vie qu’il avait jusque-là ratée.

41 Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, le Tribunal retient que le prévenu a en connaissance de cause du caractère terroriste du groupe GROUPE3.) adhéré à celui-ci.

De par ses agissements, à savoir la distribution via des réseaux sociaux du matériel de propagande de GROUPE3.), ses tentatives de convaincre des personnes de rejoindre le groupe en question ainsi que l’apologie des faits commis par celui-ci, il en a favorisé l’action.

Il en découle que l’infraction à l’article 135-4 (1) du Code pénal est établie tant en faits qu’en droit.

Le prévenu PERSONNE1.) est partant à retenir dans les liens de de la prévention mise à sa charge sub I. A., sauf à en limiter le libellé à ses éléments constitutifs, à savoir d’avoir activement fait partie du groupe terroriste GROUPE3.) en sachant que cette participation contribue aux activités criminelles du groupe en question. »22 La Cour d’appel a d’abord effectué le raisonnement suivant :

« Quant à l’infraction de participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4, point 1 du Code pénal C’est par une juste application des principes dégagés par les articles 135-

1 et 135-2 du Code pénal que la juridiction de première instance a valablement conclu que le groupe « Etat islamique » constitue une organisation terroriste, et que la participation active afférente est réprimée par l’article 135-4 du Code pénal, suivant les conditions y libellées.

C’est encore à bon droit que le tribunal a non seulement tenu compte des multiples faits libellés par le ministère public dans son réquisitoire de renvoi, mais également de l’ensemble des éléments du dossier répressif qui a été soumis au débat contradictoire dont également les déclarations des prévenus à l’audience, pour analyser si les éléments constitutifs de l’infraction de participation à une organisation terroriste se trouvent rapportés dans le chef des deux prévenus.

Concernant les éléments constitutifs de l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal se réfère à l’article 324ter du même code réprimant l’organisation criminelle. En effet, tel qu’il résulte des travaux parlementaires relatifs au projet de loi ayant introduit les infractions en relation avec le terrorisme, le libellé de cette incrimination reproduit textuellement le libellé de l’article 324ter du Code pénal, dont il 22 Arrêt entrepris p. 25-27reprend également les principes d’interprétation (doc. parl. 4954, commentaire des articles p.10). »23 ;

pour ensuite retenir l’actuel demandeur en cassation dans les liens de l’infraction prévue à l’article 135-4 (1) du Code pénal dans les termes suivants :

« C’est encore à bon droit et par une motivation exhaustive que la Cour d’appel adopte que le tribunal, après avoir correctement exposé les éléments constitutifs de l’infraction de participation active à une organisation criminelle, a retenu que PERSONNE1.), par son activité, a adhéré en connaissance de cause du caractère terroriste de l’« Etat islamique » à celui-ci.

En effet, l’enquête a permis d’établir que le prévenu détenait une documentation fouillée émanant de ce groupe terroriste dont leurs magazines Rumiyah et Dar al-Islam, ainsi que du matériel vidéo et audio.

Il est encore établi que le prévenu a continué cette propagande du groupe terroriste « Etat islamique » à ses connaissances, via les réseaux sociaux.

Il faut constater que même si le prévenu est revenu par la suite sur ses déclarations, PERSONNE1.) a exposé à la police, dans un premier temps, avoir prêté allégeance au groupe terroriste « Etat islamique » à une certaine date, de sorte que c’est à juste titre que le tribunal a tenu compte de ces déclarations du prévenu qui sont corroborées par les autres éléments du dossier répressif. PERSONNE1.) a en effet été en contact avec des personnes qui ont rejoint le groupe terroriste « Etat islamique », à savoir PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.) avec lequel PERSONNE1.) était encore en contact le 7 janvier 2015, jour de l’anniversaire du prévenu. De plus, PERSONNE1.) a encore déclaré devant les juges de première instance que « le groupe DAESH m’a convaincu et je suis rentré en contact que pour avoir des informations, j’ai insisté à parler avec eux pour en parler, je voulais juste des réfutations, je n’ai pas dit directement que je ne suis pas d’accord avec eux, sinon ils ne m’auraient plus parlés » (page 10 de l’extrait de plumitif de l’audience de première instance du 27 octobre 2021).

L’exploitation des nombreux messages que le prévenu PERSONNE1.) a rédigés, a permis d’établir que dans ces communications, le prévenu se réfère aux dogmes et paroles de l’« Etat islamique » pour appuyer son opinion au sujet de l’islam. Il considère de même que l’« Etat islamique » est le seul groupe qui prône le véritable islam et il n’accepte pas que d’autres adhèrent à des groupes qui sont en conflit avec l’« Etat islamique », tel que GROUPE2.).

23 Arrêt entrepris p. 65Le prévenu était de même bien conscient qu’il risque d’entrer en conflit avec la loi, alors qu’il a changé régulièrement de compte « Facebook », étant précisé que l’application « Telegram » qu’il a également utilisée comme moyen de communication, est difficilement contrôlable par les autorités.

En diffusant les publications de l’« Etat islamique », PERSONNE1.) a aidé ce groupe terroriste à assurer la communication externe de leurs idées, tout en sachant que ce groupe terroriste utilise délibérément dans ses communications des textes ne prônant pas directement la violence, afin de ne pas être identifié et bloqué sur les réseaux sociaux.

De même, la Cour d’appel ne peut que rejoindre le tribunal qui n’a accordé aucun crédit à l’affirmation de PERSONNE1.) qu’il se serait uniquement intéressé à la croyance et en particulier aux annulatifs de l’islam, alors que cette affirmation se trouve contredite par les nombreux extraits de textes religieux qu’il a publiés et qui tournent essentiellement autour de la mort, des mécréants qu’il faut tuer, du combat et de la violence.

La Cour d’appel renvoie encore aux déclarations, devant la police, de deux oncles de PERSONNE1.), à savoir PERSONNE5.) et PERSONNE6.) qui ont pu fournir des précisions sur les idées défendues par PERSONNE1.), PERSONNE5.) ayant d’ailleurs rendu attentif le prévenu déjà en 2015, après l’introduction des lois anti-terroristes, que son activité sur les réseaux sociaux pouvait lui causer des problèmes avec les autorités.

C’est partant à juste titre et par une motivation que la Cour d’appel fait sienne que le tribunal a retenu que par son activité sur les réseaux sociaux telle que documentée par l’instruction judiciaire, le prévenu par son travail de propagande a, en connaissance de cause, favorisé l’action du groupe terroriste « Etat islamique ».

Le tribunal est partant à confirmer en ce qu’il a retenu PERSONNE1.) dans les liens de l’infraction à l’article 135-4, point 1 du Code pénal. »24.

Tel qu’il résulte de ce qui précède, la Cour d’appel, s’est référée d’abord au raisonnement effectué par le juges de première instance tout en ajoutant des considérations sur base d’un raisonnement propre.

En ce faisant, la Cour d’appel a suffisamment caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article 135-4 (1) du Code pénal et notamment celui de la participation active à un groupe terroriste et de l’élément moral de cette participation active.

Tel que relevé ci-dessus, les juges de première instance, confirmé en cela par la Cour d’appel, ont effectué un raisonnement par analogie avec l’organisation 24 Arrêt entrepris p. 65-66criminelle respectivement avec la participation active à une organisation criminelle régies par les articles 324bis et 324ter du Code pénal tels qu’introduits par la loi du 11 août 1998 portant introduction de l'incrimination des organisations criminelles et de l'infraction de blanchiment au Code pénal.25 Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, respectivement du grief tiré du manque de base légale, le moyen de cassation ne tend qu’à remettre en discussion des faits et des éléments de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond26.

Il s’ensuit que le troisième moyen de cassation ne saurait être accueilli.

Quant au quatrième moyen de cassation :

« Quatrième moyen de cassation tiré de la violation de l’article 135-11 (2) du code pénal En ce que La Cour d’appel a « rejoint le tribunal en ce qu’il a retenu que le message, lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11 point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes. Par adoption de ses motifs, le jugement dont appel est à confirmer sur ce point », Alors que l’article 135-11 point 2 du Code pénal énonce que « (2) Constitue également un acte de provocation au terrorisme le fait de diffuser le message visé au paragraphe 1er en présence de plusieurs individus dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter ».

Selon le demandeur en cassation, ce texte viserait expressément la situation où plusieurs individus seraient destinataires du message et que ce serait à tort que la Cour d’appel a décidé que le destinataire du message saurait être une seule personne.

Le demandeur en cassation se base sur le commentaire de cet article contenu dans le projet de loi N° 6761 ayant mené à la loi du 18 décembre 2015 modifiant le Code pénal et le Code d’instruction criminelle aux fins de mettre en œuvre 25 Mémorial A – N° 73 du 10 septembre 1998 26 Voir, à titre d’exemple, Cour de cassation, 4 novembre 2010, n° 34/2010 pénal ; 12 janvier 2012, n° 5/2012 pénal.certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies :27 « Or, les événements récents en relation avec le groupe terroriste dit „Etat islamique“ ont montré que la provocation au terrorisme se fait de nos jours plutôt dans des cercles plus restreints qui ne sont pas directement et librement accessibles au public, mais où les personnes qui souhaitent y avoir accès doivent avoir rempli une ou plusieurs conditions, comme par exemple suivre une procédure d’admission ou procéder à un enregistrement en fournissant certaines informations. Le paragraphe 2 proposé vise donc à englober principalement les réunions d’associations et d’autres clubs plus ou moins formels dans des locaux où l’admission est seulement possible aux personnes qui sont membres de ces associations ou de ces clubs, de même que les cercles constitués dans le monde virtuel des télécommunications par des moyens comme des forums de discussions sur Internet, les réseaux sociaux sur Internet, de même que des forums et réseaux sociaux qui fonctionnent par des applications de téléphonie mobile »,28.

De l’avis du soussigné, cet extrait ne prouve nullement la fausseté du raisonnement effectué par les juges d’appel.

Le projet de loi N° 6761 a notamment eu pour but de supprimer la condition que l’acte de provocation au terrorisme doit créer un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises.

Selon le commentaire des articles de ce projet de loi N° 6761: « En pratique, le Parquet devrait donc rechercher un ou plusieurs destinataires29 de l’acte de provocation au terrorisme et prouver que l’acte de provocation a créé dans l’esprit de cette ou de ces personnes30 un genre de résolution de commettre une infraction terroriste. Etant donné que cela est quasiment impossible à prouver, il est par conséquent proposé de supprimer cette condition légale. »31.

Il en résulte qu’aux yeux du législateur, la provocation au terrorisme peut être dirigée à l’égard d’une seule personne pour être punissable.

De même, selon le rapport de la Commission juridique du 9 décembre 2015 concernant le projet de loi 6761 :

27 Mémorial A-N° 250 du 24 décembre 2015 28 Cf. page 5 du projet de loi n°6761 du 7 janvier 2015 portant mise en œuvre de certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies et portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale 29 Souligné par le soussigné 30 Souligné par le soussigné 31 Projet de loi N° 6761 p.5 « Le paragraphe 2 nouveau vise à incriminer l’acte de provocation au terrorisme commis en présence de plusieurs individus « […] dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter ».

Il convient d’en tenir compte sur le plan pénal, comme le degré d’inhibition est moindre dans un cadre non public.

Le champ d’application ratio personae de l’infraction de la provocation terroriste est étendu.

Il convient de préciser que sont visées tant les réunions dites „physiques“ que les cercles de personnes constitués dans le monde virtuel des télécommunications, à savoir les forums de discussions et les réseaux sociaux.

Il importe de noter que n’est pas visé, dans le cas de figure sous examen, un groupe terroriste, association structurée et ayant une vocation opérationnelle, qui est constituée dès la réunion de deux personnes (cf.

article 135-3 du Code pénal), mais un contexte bien particulier, à savoir celui de la provocation au terrorisme. Il s’agit d’un stade préliminaire à la commission de l’acte terroriste. Dans pareil cas de figure, une seule personne suffit32, et quel que soit le lieu, pour commettre un fait tombant sous le coup de la prohibition pénale de la provocation au terrorisme. »33.

Les juges de première instance ont dès lors retenu à bon droit :

« Concernant l’ensemble des autres faits reprochés tant à PERSONNE1.) et à PERSONNE7.), ceux-ci tombent sous l’égide de l’article 135-11 du Code pénal tel que modifié par la loi du 18 décembre 2015.

Dans sa version actuelle l’article en question se lit comme suit :

(1) Constitue un acte de provocation au terrorisme la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du public d’un message, y compris par le biais de réseaux de communications électroniques, avec l’intention d’inciter, directement ou indirectement, à la commission d’une des infractions visées au présent chapitre.

32 Souligné par le soussigné 33 Projet de loi 67616, Rapport de la Commission juridique du 9 décembre 2015, p.5(2) Constitue également un acte de provocation au terrorisme le fait de diffuser le message visé au paragraphe 1er en présence de plusieurs individus dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter.

Le Tribunal relève d’emblée, qu’il n’existe aucun élément tangible au dossier répressif, que suite aux agissements des prévenus des tiers auraient commis des attentats ou auraient rejoint GROUPE3.).

Il convient cependant de préciser que suivant l’article 135-17 du Code pénal introduit par la loi du 18 décembre 2015 : « Toute personne qui commet ou qui tente de commettre une des infractions prévues aux articles 135-11 à 135-16 est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si aucune de ces infractions à la réalisation desquelles l’acte incriminé tendait n’a été commise. » D’après les auteurs du texte de loi, le nouveau paragraphe 2 [de l’article 135-11] « vise les réunions d’associations et d’autres clubs plus ou moins formels dans des locaux où l’admission est seulement possible aux personnes qui sont membres de ces associations ou de ces clubs, de même que les cercles constitués dans le monde virtuel des télécommunications par des moyens comme des forums de discussions sur Internet, les réseaux sociaux sur Internet, ou des forums et réseaux sociaux qui fonctionnent par des applications de téléphonie mobile. » (Travaux parlementaires, examen des articles par le Conseil d’Etat, dossier n°6761) Le paragraphe 2 nouveau vise à incriminer l’acte de provocation au terrorisme commis en présence de plusieurs individus „[…] dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter“. Il convient d’en tenir compte sur le plan pénal, comme le degré d’inhibition est moindre dans un cadre non public. Le champ d’application ratio personae de l’infraction de la provocation terroriste est étendu. Il convient de préciser que sont visées tant les réunions dites „physiques“ que les cercles de personnes constitués dans le monde virtuel des télécommunications, à savoir les forums de discussions et les réseaux sociaux. Il importe de noter que n’est pas visé, dans le cas de figure sous examen, un groupe terroriste, association structurée et ayant une vocation opérationnelle, qui est constituée dès la réunion de deux personnes (cf. article 135-3 du Code pénal), mais un 48 contexte bien particulier, à savoir celui de la provocation au terrorisme. Il s’agit d’un stade préliminaire à la commission de l’acte terroriste. Dans pareil cas de figure, une seule personne suffit, et quel que soit le lieu, pour commettre un fait tombant sous le coup de la prohibition pénale de la provocation au terrorisme. (Travaux parlementaires, dossier n°6761).

Il convient encore de rappeler que le législateur avait initialement déjà visé avec l’article 135-11 nouveau « la diffusion de messages par courrier électronique ou par d’autres moyens, comme l’échange de matériel dans des chat rooms ou dans le cadre de groupes d’information ou de forums de discussion. » Si le morceau de phrase « dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter, » s’inspire du libellé de l’article 444, alinéa 3 du Code pénal et qu’il y est encore fait référence dans les travaux parlementaires, celle-ci ne saurait cependant impliquer la présence d’au moins deux personnes à côté du prévenu dans le réseau virtuel en ce qui concerne la prévention à l’article 135-11 du code pénal dans sa version actuelle.

En effet, la condition de témoin prévue par cet article est due aux infractions auxquelles il s’applique à savoir la calomnie ou la diffamation. Or, les articles 135-11 à 135-13 dans leur version de la loi du 18 décembre 2015, n’ont pas pour vocation de protéger l’honneur d’une personne, c’est le risque de voir quelqu’un rejoindre des terroristes qui est puni, tel que l’a souligné le Procureur Général d’Etat Robert BIEVER à l’époque dans son avis du 3 avril 2015.

Il convient de rappeler que la loi en question a été adoptée afin d’adapter la législation luxembourgeoise aux obligations qui résultent pour les Etats membres des Nations Unies de la Résolution 2178 adoptée par le Conseil de Sécurité des nations Unies afin de répondre au problème posé à l’époque par le phénomène nouveau dit « des combattants terroristes étrangers », émanant précisément du groupe terroriste dit « Etat islamique ».

L’intention du législateur était de rendre la législation plus efficace et de l’adapter à ce modus operandi nouveau consistant à largement et activement recruter parmi les populations des pays occidentaux afin d’inciter ses personnes à se rendre sur le théâtre de ses opérations pour y participer aux activités terroristes et de les renvoyer ensuite dans leurs pays occidentaux d’origine pour y commettre également des activités terroristes.

Il ressort de l’exposé des motifs concernant la proposition de supprimer la condition que l’acte de provocation au terrorisme doit créer un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises que : « En 49 pratique, le Parquet devrait donc rechercher un ou plusieurs destinataires de l’acte de provocation au terrorisme et prouver que l’acte de provocation a créé dans l’esprit de cette ou de ces personnes un genre de résolution de commettre une infraction terroriste. Etant donné que cela est quasiment impossible à prouver, il est par conséquent proposé de supprimer cette condition légale. », qu’aux yeux du législateur, la provocation au terrorisme peut être dirigée à l’égard d’une seule personne pour être punissable.

En l’espèce, certains des faits commis par les prévenus consistaient en des publications effectuées sur leur pages Facebook (CVCA, Talaboulim et la Science avant la parole et l’acte), répondent nécessairement à la condition d’un message adressé au public telle que prévue par l’article 135-1 (1) précité.

Concernant les messages envoyés soit dans des groupes de discussion soit dans une conversation avec une personne unique par le biais d’applications de messageries instantanées, ceux-ci tombent nécessairement sous le coup du paragraphe (2) de l’article en question, pour constituer un lieu virtuel constitué par des moyens virtuels, alors qu’il s’agit en l’occurrence de forum de discussion entre deux voire plusieurs personnes tel qu’envisagé par le législateur.

Ainsi, l’ensemble des faits mis à charge des deux prévenus tombent sous le coup de l’un des deux paragraphes de l’article 135-11 tel que modifié par la loi du 18 décembre 2015, et étant donné qu’hormis du mode de communication des messages susceptibles de constituer une provocation au terrorisme les infractions sont identiques, le Tribunal peut analyser les autres éléments constitutifs de façon conjointe à l’égard des deux prévenus. »34.

C’est à bon droit que la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance sur ce point dans les termes suivants :

« En ce qui concerne le libellé de l’article 135-11 du Code pénal dans sa version actuelle, la Cour d’appel renvoie au jugement entrepris.

Pour ce qui est des éléments constitutifs de cette infraction, il faut rappeler qu’il faut :

1) un élément matériel d’un message sur un support quelconque qui est communiqué par toute moyen tel qu’affichage, publication ou communication orale, 2) un élément matériel de publicité :

34 Arrêt entrepris p. 32-33- en ce qui concerne l’article 135-11, point 1 du Code pénal, il faut que ce message soit public c’est-à-dire perceptible par plusieurs personnes dans un endroit librement accessible;

- en ce qui concerne l’article 135-11, point 2 du Code pénal, le message peut être diffusé dans un lieu, réel ou virtuel, qui est accessible seulement à un nombre restreint de personnes autorisées à y accéder, le message pouvant être adressé à une seul ou plusieurs personnes. Le texte légal précise encore que la diffusion dans ce cas doit se faire en présence de plusieurs individus.

3) un élément moral, à savoir l’intention d’inciter une tierce personne à commettre une infraction dite terroriste. Le législateur n’ayant pas autrement spécifié l’élément moral, il y a lieu de retenir que le dol général est suffisamment caractérisé, si l’auteur a la conscience et la volonté de commettre le fait pénalement répréhensible de provoquer une tierce personne à commettre une infraction dite terroriste.

La Cour d’appel rejoint le tribunal en ce qu’il a retenu que le message, lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11, point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes. Par adoption de ses motifs, le jugement dont appel est donc à confirmer sur ce point. »35 Il s’ensuit que le quatrième moyen de cassation n’est pas fondé.

Quant au cinquième moyen de cassation :

« Cinquième moyen de cassation tiré de la violation du principe de l’égalité des armes tel que garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne et l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » en ce que l’arrêt attaqué a condamné Monsieur PERSONNE1.) des infractions aux articles 135-4 135-11 et 135-12 du Code pénal, aux motifs que sa culpabilité résulte de l’examen de certaines conversations contenues dans les rapports de police dressés dans le cadre de l’instruction, 35 Arrêt entrepris p. 68alors que lesdits examens n’ont porté que sur des extraits de conversations retiré de leur contexte,… » Selon le demandeur en cassation « il aurait fallu pour que toute la lumière soit faite sur la nature et la portée exactes des propos de Monsieur PERSONNE1.), rapportés dans les rapports de police, que ceux-ci contiennent l’intégralité des conversations échangées. »36 Les rapports de police ne contenant pas l’intégralité des conversations échangées, il y aurait eu violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne alors que l’actuelle demanderesse en cassation aurait été jugée sur base d’éléments à charge manifestement tronqués.

Sur le moyen en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 47 de la Charte Le moyen est tiré notamment de la violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Celle-ci dispose dans son article 51, paragraphe 1, première phrase, que « [l]es dispositions de la présente Charte s’adressent […] aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ».

Il résulte de l’arrêt attaqué que le litige vise une situation purement nationale, dès lors qu’aucune disposition relevant du droit de l’Union européenne n’est en cause. Il s’ensuit que l’article 47 de la Charte précitée est étranger au grief formulé par la demanderesse en cassation, partant irrecevable37.

Il s’ensuit que le sixième moyen, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, n’est pas fondé.

Sur le moyen en ce qu’il est tiré de la l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

A titre principal Le demandeur en cassation omet d’indiquer quelles seraient les conversations qui manquent apparemment au dossier.

36 Mémoire p.9 37 Voir notamment Cour de cassation, 27 octobre 2022, n° 126/2022 pénal, numéro CAS-2021-00129 du registre (réponse au premier moyen), Cour de cassation, 23 mars 2023, n° 35/2023 pénal, numéro CAS-2022-00005 du registre,Il s’ensuit que sous ce rapport, le sixième moyen de cassation, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est irrecevable.

A titre subsidiaire Sous le couvert du grief de la violation du texte visé au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, des faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le sixième moyen de cassation, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable.

Le pourvoi est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Serge WAGNER 53


Synthèse
Numéro d'arrêt : 119/23
Date de la décision : 26/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-10-26;119.23 ?

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