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26/10/2023 | LUXEMBOURG | N°118/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 26 octobre 2023, 118/23


N° 118 / 2023 pénal du 26.10.2023 Not. 31132/17/CD Numéro CAS-2023-00013 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), née le DATE1.) à ADRESSE1.) (F), demeurant à L-ADRESSE2.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 20 décembre 2022 sous le numéro 377/22 V. par la Cour d’app

el du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correct...

N° 118 / 2023 pénal du 26.10.2023 Not. 31132/17/CD Numéro CAS-2023-00013 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), née le DATE1.) à ADRESSE1.) (F), demeurant à L-ADRESSE2.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 20 décembre 2022 sous le numéro 377/22 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, au nom d’PERSONNE1.), suivant déclaration du 18 janvier 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 20 février 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné la demanderesse en cassation du chef d’infractions aux articles 135-4, 135-11 et 135-17 du Code pénal à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire partiel. La Cour d’appel a, par réformation, acquitté la demanderesse en cassation de l’infraction à l’article 135-11 du Code pénal pour certains faits libellés à son encontre, a réduit la peine d’emprisonnement et a, pour le surplus, confirmé le jugement entrepris.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation du principe de la légalité des peines garanti notamment par l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, En ce que L’arrêt attaqué a déclaré que les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal ne sont pas contraire au principe de la légalité des infractions et des peines, Aux motifs que La jurisprudence de Strasbourg est donc particulièrement nuancée. La définition légale d’une infraction pénale doit certes respecter des conditions qualitatives. Elle doit notamment être suffisamment prévisible, donc le justiciable doit pouvoir savoir quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale. Cette exigence de prévisibilité n’oblige cependant pas à adopter des libellés d’incrimination d’une clarté écartant tout doute d’interprétation et tout usage de formules plus ou moins vagues. L’exigence d’une clarté parfaite engendrerait en effet le risque d’une rigidité excessive et d’une impossibilité de s’adapter aux changement de situation. L’article 7 ne s’oppose pas à la clarification graduelle des incriminations par l’interprétation judicaire, à condition que le résultat de cette interprétation soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible.

Concernant les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, les principes sus-énoncés, établis par la Cour de Strasbourg sont respectés.

Plus précisément en ce qui concerne l’article 135-4 du Code pénal, il y a lieu de constater que le législateur s’est tout d’abord inspiré de l’article 324ter du Code pénal incriminant la participation à une organisation criminelle. Concernant l’interprétation de ce texte, il y a lieu de se référer à la doctrine et à la jurisprudence qui ont précisé les éléments constitutifs de cette infraction. De plus, la spécificité de l’article 135-4 du Code pénal réside dans le fait que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste. La notion de groupe terroriste est définie par l’article 135-3 du Code pénal et les actes de terrorisme en vue desquels le groupe terroriste est constitué, sont également définis avec précision à l’article 135-1 du Code pénal.

En ce qui concerne plus particulièrement l’acte de provocation au terrorisme prévue à l’article 135-11 du Code pénal, il y a lieu de constater que les termes utilisés 2 par le législateur sont suffisamment clairs et précis pour permettre à tout justiciable de cerner les éléments constitutifs de cette infraction c’est-à-dire la diffusion de tout type de message au grand public, y compris ceux envoyés par l’intermédiaire des réseaux de communication électronique, donc tout message de quelque nature que ce soit, librement accessible à chacun, sinon un message accessible à un groupe restreint en présence de plusieurs personnes. Le but recherché par la diffusion du message est également indiqué avec précision suffisante, à savoir encourager une ou plusieurs personnes à commettre les infractions dites terroristes qui sont visées par le chapitre III-1- "Du terrorisme" du Code pénal.

De même l’infraction de l’acte de recrutement au terrorisme telle que prévue à l’article 135-12 du Code pénal est également définie dans des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout arbitraire, termes qui permettent à tout justiciable de mesurer exactement la nature et le type des agissements qui sont sanctionnés par la loi pénale. En effet l’auteur de cette infraction doit commettre ou tenter de commettre, un ou des actes positifs, afin d’amener une tierce personne à commettre ou de participer à la commission d’une des infractions dites terroristes qui sont limitativement énumérées au chapitre III.1 du Code pénal.

Les prévenus pouvaient ainsi prévoir que le fait de ne pas respecter les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, constituait un comportement qualifié d’infraction, grâce aux prescriptions claires et précises fixées par la loi. » Alors que le principe de la légalité des infractions et des peines est consacré par l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Que ce principe a pour corollaire que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi Que les erreurs de fait ou de droit commises par une juridiction sont soumises à la Convention si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (Streletz, Kessler et Krenz c.

Allemagne [GC], 2001, § 49 ; Vasiliauskas c. Lituanie [GC], 2015, § 160), et si l’appréciation à laquelle se sont livrées les juridictions nationales est manifestement arbitraire (Kononov c. Lettonie [GC], 2010, § 189), Qu’en retenant pour caractériser l’infraction visée à l’article 135-4 du Code pénal que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste sans définir ni même préciser la notion de participation active, la Cour d’appel a violé le principe de la légalité des infractions et des peines, Que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe de la légalité des infractions et des peines prévu à l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») en la retenant dans les liens de l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal sans avoir défini ou précisé la notion de participation active à une organisation criminelle constituant un groupe terroriste.

En retenant « Quant à la légalité des infractions et des peines La défense estime que les articles 135-4, 134-11 et 135-12 du Code pénal sont contraires au principe de la légalité des infractions et des peines.

L’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au principe de la légalité des infractions et des peines dispose que :

moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

1. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ».

Ce texte est interprété comme suit par la Cour européenne des droits de l’homme :

délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) (Kokkinakis c. Grèce, 25 mai 1993, § 52, série A no 260-A, et Kononov c. Lettonie [GC], no 36376/04, § 185, CEDH 2010).

La notion de "droit" ("law") implique des conditions qualitatives, entre autres une accessibilité et une prévisibilité suffisantes (voir, notamment, Cantoni c. France, 15 novembre 1996, § 29, Recueil 1996-V, et E.K. c. Turquie, no 28496/95, § 51, 7 février 2002). Ces conditions qualitatives doivent être remplies tant pour la définition de l’infraction que pour la peine encourue. Le justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale et quelle peine peut être prononcée de ce chef (M. c. Allemagne, no 19359/04, § 119, CEDH 2009, et Maktouf et Damjanović c. Bosnie-Herzégovine [GC], nos 2312/08 et 34179/08, § 66, CEDH 2013 (extraits)). Cela étant, la prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé.

La Cour reconnaît dans sa jurisprudence que, aussi clair que le libellé d’une disposition légale puisse être, dans quelque système juridique que ce soit, y compris le droit pénal, il existe immanquablement un élément d’interprétation judiciaire. Il faudra toujours élucider les points douteux et s’adapter aux changements de situation. En outre, la certitude, bien que hautement souhaitable, s’accompagne 4 parfois d’une rigidité excessive ; or le droit doit savoir s’adapter aux changements de situation. Aussi beaucoup de lois se servent-elles, par la force des choses, de formules plus ou moins vagues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (voir, mutatis mutandis, Michaud c. France, no 12323/11, § 96, CEDH 2012). La fonction de décision confiée aux juridictions sert précisément à dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à l’interprétation des normes (voir Soros c.

France, no 50425/06, § 52, 6 octobre 2011, et Del Rio Prada, précité, § 93). On ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, "à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible" (Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II) ».

La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est donc particulièrement nuancée. La définition légale d’une infraction pénale doit certes respecter des conditions qualitatives. Elle doit notamment être suffisamment prévisible, donc le justiciable doit pouvoir savoir quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale. Cette exigence de prévisibilité n’oblige cependant pas à adopter des libellés d’incrimination d’une clarté écartant tout doute d’interprétation et tout usage de formules plus ou moins vagues. L’exigence d’une clarté parfaite engendrerait en effet le risque d’une rigidité excessive et d’une impossibilité de s’adapter aux changements de situation. L’article 7 ne s’oppose pas à la clarification graduelle des incriminations par l’interprétation judiciaire, à condition que le résultat de cette interprétation soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible.

Concernant les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, les principes sus-énoncés, établis par la Cour de Strasbourg, sont respectés.

Plus précisément en ce qui concerne l’article 135-4 du Code pénal, il y a lieu de constater que le législateur s’est tout d’abord inspiré de l’article 324ter du Code pénal incriminant la participation à une organisation criminelle. Concernant l’interprétation de ce texte il y a lieu de se référer à la doctrine et à la jurisprudence qui ont précisé les éléments constitutifs de cette infraction. De plus, la spécificité de l’article 135-4 du Code pénal réside dans le fait que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste. La notion de groupe terroriste est définie par l’article 135-3 du Code pénal et les actes de terrorisme en vue desquels le groupe terroriste est constitué, sont également définis avec précision à l’article 135-1 du Code pénal.

(…) Les prévenus pouvaient ainsi prévoir que le fait de ne pas respecter les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, constituait un comportement qualifié d’infraction, grâce aux prescriptions claires et précises fixées par la loi. », les juges d’appel ont effectué l’exacte analyse de l’article 135-4 du Code pénal par rapport au principe de la légalité des délits et des peines et n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

5 Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 135-4 du Code pénal En ce que l’arrêt attaqué a conclu que l’article 135-4 du Code pénal dans sa version introduite par la loi du loi du 3 mars 2020 modifiant 1°le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 trouvait à s’appliquer en l’espèce, Aux motifs que l’arrêt attaqué a retenu que concernant l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal a relevé qu’un changement législatif est intervenu par la loi du 3 mars 2020 modifiant 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette loi ayant uniquement ajouté les termes « y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste », contrairement à ce que le tribunal a dit, ne figurait pas dans le texte initial de l’article 135-4 du Code pénal.

La Cour d’appel rejoint toutefois le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020 », Alors que La loi du 3 mars 2020 susvisée a ajouté un élément constitutif supplémentaire dans l’incrimination de la participation active à un groupe terroriste à savoir que le prévenu doit savoir que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, Que le commentaire de la nouvelle version de l’article 135-4 contenu dans le projet de loi modifiant le Code pénal aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 du 13 septembre 2018 énonce en page 4 que la personne en cause doit néanmoins savoir que sa participation contribue ainsi aux activités criminelles du groupe terroriste », Que la Cour d’appel a eu tort en qualifiant cet élément constitutif supplémentaire de participation active à un groupe terroriste visé par l’article 135-

4 de simple précision au texte légal », Que ce faisant et sans rechercher d’une part si la prévenue en cause savait que sa participation contribuait aux activités criminelles du groupe terroriste et, d’autre part, sans rechercher quelles activités criminelles découlaient de sa participation, la Cour d’appel a violé la disposition susvisée, Que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 135-4 du Code pénal, tel que modifié par la loi du 3 mars 2020, en n’ayant pas retenu que cette loi a ajouté un élément constitutif à l’incrimination de la participation active à un groupe terroriste, mais en ayant qualifié cet ajout de simple précision.

L’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal, dans sa version originale, disposait « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. ».

Suite à la modification apportée par la loi du 3 mars 2020, l’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal dispose « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. ».

Les juges d’appel ont retenu « Quant à la loi applicable Concernant l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal a relevé qu’un changement législatif est intervenu par la loi du 3 mars 2020 modifiant 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette loi 7 ayant uniquement ajouté les termes il en suit que le bout de phrase , contrairement à ce que le tribunal a dit, ne figurait pas dans le texte initial de l’article 135-4 du Code pénal.

La Cour d’appel rejoint toutefois le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020.

Concernant les infractions à l’article 135-11 du Code pénal, c’est à juste titre que la juridiction de première instance a relevé tout d’abord que cet article a également connu une modification législative pendant la période infractionnelle actuellement reprochée aux prévenus, par la loi du 18 décembre 2015 modifiant le Code pénal et le Code d'instruction criminelle aux fins de mettre en œuvre certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies.

La Cour rejoint encore le tribunal en ce qu’il a dit, pour les faits commis antérieurement au 28 décembre 2015, qu’il y a lieu d’appliquer l’article 135-11 du Code pénal tel qu’il a été introduit initialement, étant donné qu’en supprimant la condition « crée un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises. », le législateur a introduit une loi plus sévère. C’est encore à juste titre que le tribunal a appliqué la nouvelle mouture de l’article 135-11 du Code pénal tel qu’actuellement en vigueur aux faits commis à partir du 28 décembre 2015 tout en retranchant de la formulation du ministère public, la condition citée ci-avant.

Par adoption de ses motifs, il convient de partant confirmer le jugement à cet égard. ».

L’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal, tel qu’issu de la réforme législative de 2020, alourdit la charge de la preuve à rapporter par le Ministère public, en exigeant la preuve de la connaissance, par le prévenu, que sa participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste. Cet article était applicable, non pas pour les motifs indiqués par les juges du fond, mais en tant que disposition pénale plus douce par rapport au texte antérieur.

Par ce motif de pur droit, substitué à celui, erroné, de la Cour d’appel, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré dans sa première branche de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 135-4 du Code pénal et, dans sa deuxième branche du défaut de base légale des dispositions précitées En ce que l’arrêt attaqué a retenu Madame PERSONNE1.) dans les liens de la prévention prévue à l’article 135-4 point 1 du Code pénal qui dispose :

(1) Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice, Aux motifs que La Cour approuve encore les juges de première instance, par adoption de leurs motifs, en ce qu’ils ont retenu également PERSONNE1.) dans les liens de l’infraction à l’article 135-4, point 1 du Code pénal. En effet ses contestations relatives à l’appartenance à l’"Etat islamique" sont vaines, étant donné que l’enquête a permis d’établir qu’elle détenait du matériel de propagande de ce groupe terroriste et qu’elle l’a continué à d’autres personnes avec lesquelles elle était en contact via les réseaux sociaux. Elle a reconnu d’ailleurs devant la juridiction de première instance, qu’elle était favorable à l’" Etat islamique" et donc également aux idées défendues par ce groupe terroriste après sa conversion à l’islam à un moment de sa vie de musulmane, alors qu’elle ne l’était plus après 2017.

Le jugement est partant à confirmer en ce qu’il a retenu que la prévenue, en connaissance de cause du caractère terroriste de l’" Etat islamique", a adhéré à celui-ci en fournissant une aide qui a contribué aux objectifs que ce groupe terroriste s’est fixé. » Alors que première branche, La Cour d’appel a violé l’article 135-4 du Code pénal en manquant de définir la notion de participation active et de la caractériser dans le chef de la prévenue, Que l’infraction visée à l’article 135-4 du Code pénal comporte dans ses éléments constitutifs la participation active à un groupe terroriste, 9 Que la Cour d’appel a omis de définir la notion de participation active énoncée à l’article 135-4 point 1 du Code pénal et a ainsi omis de rechercher en quoi la participation de Madame PERSONNE1.) groupe terroriste a été active, Que pèse sur les juges du fond l’obligation de constater formellement dans leur décision la réunion des conditions d’application de la règle de droit, Que la recherche effectuée par la Cour d’appel des éléments qui justifient l’application de l’article 135-4 point 1 du Code pénal est manifestement insuffisante, Que le fait comme le retient l’arrêt attaqué de détenir du matériel de propagande, de le continuer à plusieurs personnes et d’adopter des positions favorables à l’Etat islamique ne saurait être assimilé, en l’absence d’autres éléments, à une participation active à l’organisation terroriste, et que seconde branche à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque de base légale au regard des mêmes dispositions susvisées en ce que la Cour d’appel a omis d’énoncer puis de préciser si les conditions de la participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4 du Code pénal étaient réunies, Et que troisième branche, La Cour d’appel a encore violé l’article 135-4 du Code pénal dont l’infraction visée comporte dans ses éléments constitutifs l’élément moral suivant lequel le prévenu doit savoir que sa participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, Que ce texte impose aux juges le devoir de rechercher dans les circonstances d’espèce les actions participatives précises du prévenu et de décrire les activités criminelles du groupe terroriste auxquelles ces actions participatives ont pu contribuer, ce que la Cour d’appel a manqué de faire en l’espèce, et alors que quatrième branche à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque de base légale au regard des mêmes dispositions en ce que la Cour d’appel a omis de rechercher l’élément moral d’une telle participation active, de sorte que les constatations de la Cour d’appel sont insuffisantes pour vérifier la légalité de sa décision si bien que l’arrêt attaqué manque de base légale. ».

Réponse de la Cour Sur le troisième moyen de cassation, pris en ses quatre branches La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 135-4 du Code pénal en manquant de définir la notion de participation active et de la caractériser dans son chef. Elle leur fait de même grief de s’être abstenus de rechercher ses actions participatives précises, de décrire les activités criminelles dugroupe terroriste auxquelles ces participations ont pu contribuer et d’avoir omis de rechercher dans son chef l’élément moral d’une telle participation active.

En ce qui concerne l’infraction prévue à l’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal, les juges de première instance ont retenu « 1. Participation à un groupe terroriste L’article 135-2 du Code pénal dispose que :

(1) Constitue un groupe terroriste, l’association structurée d’au moins deux personnes, établie dans le temps, en vue de commettre de façon concertée un ou plusieurs des actes de terrorisme visés à l’alinéa (2) du présent article.

(2) Sont visées à l’alinéa (1) du présent article les infractions prévues :

- aux articles 112-1, 135-1, 135-2, 135-5, 135-6, 135-9, 135-11 à 135-16 et 442-1 ;

- aux articles 31 et 31-1 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne ;

- à l’article 2 de la loi modifiée du 11 avril 1985 portant approbation de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, ouverte à la signature à Vienne et à New York en date du 3 mars 1980 ;

- à l’article 65-1 de la loi modifiée du 14 avril 1992 instituant un code disciplinaire et pénal pour la marine.

Pour sa part l’article 135-1 du Code pénal prévoit que :

acte de terrorisme tout crime et délit punissable d’un emprisonnement d’un maximum d’au moins trois ans ou d’une peine plus grave qui, par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international et a été commis intentionnellement dans le but de :

- gravement intimider une population, - contraindre indûment des pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou - gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international. » Contrairement à la législation en la matière en France et en Belgique, le législateur luxembourgeois a dans sa rédaction de l’article 135-1 du Code pénal choisi de ne pas indiquer de façon exhaustive quelles infractions de droit commun peuvent être qualifiées d’infraction de terrorisme lorsqu’elles ont été commises dans ce but, se limitant à dire que toute infraction dont la peine est punie d’un minimum d’au moins trois ans peut constituer une telle infraction pourvu qu’elle soit animée par un motif à caractère terroriste.

Pour revêtir de la qualification de terrorisme, les infractions de droit commun en question, doivent répondre à un mobile spécifique, l’agent doit rechercher spécifiquement à intimider une population, sinon à contraindre les pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, sinon à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international.

11 A cela s’ajoute encore que les faits commis par l’auteur doivent être susceptibles de porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international.

Contrairement au droit commun, seul le mobile de l’agent est déterminant dans la qualification des infractions de terrorisme et il convient aux juridictions de déterminer si l’auteur était animé ou non par un tel motif.

En effet, l’intention criminelle, considérée comme une volonté abstraite, ne suffit plus alors à constituer l’infraction, celle-ci n’existe qu’en raison du mobile qui l’a inspirée. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 241, 20ème édition).

Il est indiscutable que le groupe GROUPE1.) a revendiqué de multiples actes susceptibles de tomber sous le coup des dispositions de l’article 135-1 du Code pénal et l’organisation en question figure sur la liste des groupes terroristes des Nations Unies et de l’Union Européenne.

Il ne fait dès lors pas l’ombre d’un doute que le groupe en question constitue une organisation terroriste au sens de l’article 135-2 du Code pénal.

En ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, l’article 135-4 dispose que : Le Tribunal constate que le Ministère Public a libellé une multitude de faits qu’il estime l’appartenance des prévenus à l’organisation en question, cependant la juridiction de céans ne saurait être cantonnée à analyser cette liste qui n’est d’ailleurs pas exhaustive. Le Tribunal entend ainsi se saisir de l’ensemble des éléments de faits figurant au dossier répressif ainsi que des déclarations de PERSONNE2.) et d’PERSONNE1.) faites à l’audience afin de déterminer si les deux prévenus ont fait partie du groupe GROUPE1.).

La défense a fait valoir que les prévenus n’avaient commis aucun acte préparatoire à la commission d’un attentat, qu’aucune arme ou des explosifs n’avaient été retrouvés lors de la perquisition de leur domicile et que ces derniers n’avaient ni commis ni participé à une infraction de droit commun susceptible de tomber sous le coup de l’article 135-1 du Code pénal, de sorte que ses mandants seraient à acquitter du chef de cette infraction.

A ce titre, il convient de rappeler que si un acte est toujours requis pour qu’il y ait infraction - il n’est pas nécessaire que cet acte ait laissé des traces matérielles ou provoqué une conséquence nuisible. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 207, 20ème édition).

Il a encore lieu de citer un arrêt de la Cour de cassation française qui a retenu que (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 18-81.096, Inédit) Il convient dès lors de rejeter l’argument des prévenus.

12 Il ressort des travaux parlementaires que l’article 135-4 Code pénal incrimine la participation aux activités terroristes, en reproduisant l’article 324ter du même Code concernant l’organisation criminelle, sauf à prévoir une sanction plus sévère. (Travaux parlementaires, rapport de la Commission juridique du 2 juillet 2003).

Il convient dès lors en l’espèce d’appliquer un raisonnement par analogie en ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, en analysant la prévention en question à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence en matière de participation à une organisation criminelle.

La loi du 11 août 1998 a introduit, à côté de l’association de malfaiteurs, prévue par les articles 322 à 324 du Code pénal, une nouvelle infraction, à savoir la participation à une organisation criminelle, régie par les articles 324bis et 324ter du Code pénal.

L’organisation criminelle prévue aux articles 324bis et 324ter du Code pénal se distingue de l’association de malfaiteurs, notamment par :

- une plus grande importance, - une plus grande structuration, - un caractère plus permanent, - des ramifications nationales et internationales, -une hiérarchie plus stricte, dans laquelle les profits reviennent principalement aux dirigeants, tandis que les simples participants sont la plupart du temps salariés pour les services qu’ils rendent, - la caractéristique de se fondre beaucoup mieux dans la société et de travailler de manière beaucoup moins visible, - une plus grande systématique dans leurs activités.

L’organisation criminelle constitue en quelque sorte une association de malfaiteurs aggravée. S’il peut être admis que toute organisation criminelle constitue donc une association de malfaiteurs, l’inverse n’est cependant pas nécessairement le cas. Une association de malfaiteurs peut être mise sur pied pour commettre une infraction unique, tandis que l’organisation criminelle requiert une certaine stabilité.

L’association de malfaiteurs suppose la réunion des trois éléments suivants :

1) l’existence d’une association réelle entre plusieurs personnes, 2) la formation de cette association en vue de commettre des infractions et de porter ainsi atteinte aux personnes et aux propriétés et 3) une structure organique qui donne corps à l’entente existant entre les membres et qui démontre la volonté de collaborer efficacement à la poursuite du but assigné.

Pour éviter l’étroitesse d’une énumération trop précise, le législateur refuse d’indiquer les caractéristiques générales de l’organisation des bandes. Il abandonne l’appréciation des circonstances éminemment variables à la et se borne à exiger une association réelle et organisée, c’est-à-dire l’existence de liens entre les membres.

Dans la mesure où il est d’ores et déjà établi que GROUPE1.) est un groupe terroriste avec une structure organique et comprenant des milliers de membres, il convient donc en l’espèce de déterminer uniquement si les agissements de PERSONNE2.) et d’PERSONNE1.) démontrent de l’organisation en question.

Selon les critères dégagés en matière d’organisation criminelle et d’association de malfaiteurs, pour être punissable, la participation à l’association 13 doit être consciente et voulue, conformément aux principes généraux de droit pénal.

Cette connaissance et cette volonté doivent porter sur l’association elle-même, sur son existence et, principalement, sur son but.

A noter que chaque participant à l’entente ne peut être déclaré coupable que s’il s’est agrégé au groupement délictueux en connaissance de cause et avec la volonté d’apporter aux autres délinquants une aide efficace dans la poursuite du but qu’ils se sont assigné. S’il n’est pas nécessaire que chaque participant soit au courant de toutes les activités délictueuses, son adhésion doit cependant avoir lieu en connaissance de cause du caractère en général infractionnel du groupement pour ainsi en favoriser l’action (Jurisclasseur pénal, art.450-1 à 450-3, n°45).

Tel n’est pas le cas si une personne se contente de vouloir venir en aide à un participant de l’association de malfaiteurs, en ne sachant pas que cette personne en fait partie.

L’assistance fournie à un participant isolé ou même à plusieurs agissant individuellement, lui est étrangère (RIGAUX & TROUSSE, Les crimes et les délits, tome V, p.18).

(…) Quant à PERSONNE1.) Tout comme pour PERSONNE2.), il y a de prime abord lieu d’insister sur le manque de coopération de la prévenue qui n’a souvent fait que tergiverser et, confrontée avec les preuves objectives dégagées par l’instruction et à des questions précises, est restée évasive ne répondant pas aux questions posées pour finalement n’admettre que mollement, du bout des lèvres son implication dans la présente affaire.

Elle a encore, au cours des interrogatoires successifs et de son audition à la barre, tenté de relativiser ses opinions qu’elle avait jadis tenues à l’égard de l’GROUPE1.).

Ainsi, la prévenue avait déclaré auprès de la police qu’elle avait été sur le point de prêter allégeance à GROUPE1.) et qu’elle s’était fait endoctriner, mais que PERSONNE2.) l’avait en quelque sorte sauvée de l’emprise de cette organisation.

La raison l’ayant poussée à épouser interpelle cependant déjà, alors qu’PERSONNE1.) a admis s’être mariée à PERSONNE2.) non pas par amour, mais parce qu’elle était en quête de vérité , précisant des groupes comme GROUPE2.).

Tout comme son mari, la prévenue s’est défendue de toute intention de vouloir faire partie du groupe GROUPE1.), et elle se serait égarée dans sa recherche de vérité et de dogme de la foi. Elle n’aurait eu aucune intention malveillante et ne se serait intéressée qu’aux annulatifs de la foi.

Pourtant, tout comme son mari, elle ne maîtrise pas l’arabe. Elle a également déclaré que sa seule formation sur l’islam qu’elle a eue consisterait dans le fait qu’elle a lu une version traduite en français du coran. A côté, elle a déclaré lire encore régulièrement le magazine Rumiyah pour .

Le Tribunal arrive donc au même constat que pour PERSONNE2.), à savoir que bien que les prévenus déclarent avoir passé leur temps à étudier la religion à la recherche des annulatifs de l’islam, ils n’ont en réalité rien fait d’autre que consulter et télécharger du matériel de propagande de GROUPE1.).

14 L’idéologie de cette organisation est d’ailleurs bien ancrée chez la prévenue qui devant les policiers a encore déclaré que ; seuls les sunnites sont les vrais musulmans selon elle. Plus d’une année plus tard devant le Juge d’instruction, elle ose encore déclarer être contre la démocratie parce que les lois seraient injustes et que sa famille en aurait beaucoup souffert.

Il n’est également pas contesté que la tablette de la prévenue contenait du matériel de propagande de GROUPE1.) tout comme les supports informatiques de son mari, bien que dans une moindre mesure que ceux de ce dernier.

La prévenue est encore en aveu d’avoir distribué de la propagande du groupe terroriste en question.

L’adhésion au groupe terroriste GROUPE1.) d’PERSONNE1.) est encore illustrée par le fait qu’elle s’est offusquée au sujet de la nouvelle épouse de PERSONNE3.) qui avait prêté allégeance au front GROUPE3.), non pas parce qu’elle avait rejoint un groupe terroriste, mais parce qu’elle avait rejoint le mauvais groupe terroriste. Une discussion similaire avec une dénommée figure encore au dossier répressif.

La prévenue a donc en connaissance de cause du caractère terroriste de l’organisation GROUPE1.) adhéré à celle-ci et fourni une aide qui a contribué à ses objectifs.

Il en découle que l’infraction à l’article 135-4 (1) du Code pénal est établie tant en faits qu’en droit.

La prévenue est partant à retenir dans les liens de la prévention mise à sa charge sub I.A., sauf à en limiter le libellé à ses éléments constitutifs, à savoir d’avoir activement fait partie du groupe terroriste GROUPE1.) en sachant que cette participation contribue aux activités criminelles du groupe en question. ».

Les juges d’appel se sont basés sur les développements qui précèdent pour retenir « Quant à l’infraction de participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4, point 1 du Code pénal C’est par une juste application des principes dégagés par les articles 135-1 et 135-2 du Code pénal que la juridiction de première instance a valablement conclu que le groupe constitue une organisation terroriste, et que la participation active afférente est réprimée par l’article 135-4 du Code pénal, suivant les conditions y libellées.

C’est encore à bon droit que le tribunal a non seulement tenu compte des multiples faits libellés par le ministère public dans son réquisitoire de renvoi, mais également de l’ensemble des éléments du dossier répressif qui a été soumis au débat contradictoire dont également les déclarations des prévenus à l’audience, pour analyser si les éléments constitutifs de l’infraction de participation à une organisation terroriste se trouvent rapportés dans le chef des deux prévenus.

Concernant les éléments constitutifs de l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal se réfère à l’article 324ter du même code réprimant l’organisation criminelle. En effet, tel qu’il résulte des travaux parlementaires relatifs au projet de loi ayant introduit les infractions en relation avec le terrorisme, le libellé de cette incrimination reproduit textuellement le libellé de l’article 324ter du Code pénal, dont il reprend également les principes d’interprétation (doc. parl. 4954, commentaire des articles p.10). » 15 et « La Cour approuve encore les juges de première instance, par adoption de leurs motifs, en ce qu’ils ont retenu également PERSONNE1.) dans les liens de l’infraction à l’article 135-4, point 1 du Code pénal. En effet, ses contestations relatives à l’appartenance à l’ sont vaines, étant donné que l’enquête a permis d’établir qu’elle détenait du matériel de propagande de ce groupe terroriste et qu’elle l’a continué à d’autres personnes avec lesquelles elle était en contact via les réseaux sociaux. Elle a reconnu d’ailleurs devant la juridiction de première instance, qu’elle était favorable à l’ et donc également aux idées défendues par ce groupe terroriste après sa conversion à l’islam à un moment de sa vie de musulmane, alors qu’elle ne l’était plus après août 2017.

Le jugement est partant à confirmer en ce qu’il a retenu que la prévenue, en connaissance de cause du caractère terroriste de l’, a adhéré à celui-ci en fournissant une aide qui a contribué aux objectifs que ce groupe terroriste s’est fixé. ».

Ils ont ainsi caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article 135-4, paragraphe 1, du Code pénal tenant à l’élément matériel de la participation active de la demanderesse en cassation à un groupe terroriste et à l’élément moral.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 135-11 (2) du Code pénal En ce que La Cour d’appel a rejoint le tribunal en ce qu’il a retenu que le message, lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11 point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes. Par adoption de ses motifs, le jugement dont appel est à confirmer sur ce point », Alors que l’article 135-11 point 2 du Code pénal énonce que (2) Constitue également un acte de provocation au terrorisme le fait de diffuser le message visé au paragraphe 1er en présence de plusieurs individus dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter », Que, d’une part, ce texte vise expressément la situation où plusieurs individus sont destinataires du message, Que, d’autre part, cette interprétation résulte clairement de l’esprit de la loi du 18 décembre 2015 modifiant le Code pénal et le Code d'instruction criminelle aux fins de mettre en œuvre certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a introduit cette nouvelle disposition, Que le commentaire de l’article en question contenu dans le projet de loi susvisé énonce Or, les événements récents en relation avec le groupe terroriste dit "Etat islamique" ont montré que la provocation au terrorisme se fait de nos jours plutôt dans des cercles plus restreints qui ne sont pas directement et librement accessibles au public, mais où les personnes qui souhaitent y avoir accès doivent avoir rempli une ou plusieurs conditions, comme par exemple suivre une procédure d’admission ou procéder à un enregistrement en fournissant certaines informations. Le paragraphe 2 proposé vise donc à englober principalement les réunions d’associations et d’autres clubs plus ou moins formels dans des locaux où l’admission est seulement possible aux personnes qui sont membres de ces associations ou de ces clubs, de même que les cercles constitués dans le monde virtuel des télécommunications par des moyens comme des forums de discussions sur Internet, les réseaux sociaux sur Internet, de même que des forums et réseaux sociaux qui fonctionnent par des applications de téléphonie mobile », Qu’il en ressort que le destinataire du message/ de l’acte de provocation ne saurait être une seule personne, Que la Cour d’appel a donc violé le texte susvisé. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 135-11, paragraphe 2, du Code pénal en retenant à tort que l’infraction était constituée même si le destinataire du message était une seule personne.

En retenant « le message, lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11, point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes », les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

17 Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 135-11 (2) du Code pénal En ce que la Cour d’appel a condamné Madame PERSONNE1.) du chef de provocation sur base de l’article 135-11 (2) du Code pénal, Aux motifs que Concernant le faits libellés par le ministère public sub points 2,3,4,6,7, 8 et 9, il y a lieu de constater que ces messages ont été diffusés sur la page publique Facebook utilisée par PERSONNE1.), de sorte que la condition de publicité est remplie pour ces messages. Par ces messages, la prévenue tente de convaincre son interlocuteur PERSONNE4.) à adhérer aux dogmes prônés par l’, de sorte qu’il faut en déduire que ce faisant elle a incité son interlocuteur à commettre une infraction dite terroriste, à savoir adhérer au groupe terroriste ), Alors que Première branche, la Cour d’appel a manqué de préciser en quoi le comportement de la prévenue à inciter son interlocuteur à commettre une infraction terroriste consistant dans le fait d’adhérer à l’Etat islamique est incriminable, Qu’en effet le fait d’adhérer à une telle organisation n’est pas visé par les infractions dites terroristes énumérées au chapitre III.1 du Code pénal, Deuxième branche, la Cour d’appel a commis une contradiction dans ses motifs car elle a acquitté le prévenu Monsieur PERSONNE2.) concernant l’infraction visée à l’article 135-11(2) du Code pénal alors que les circonstances de fait étaient parfaitement identiques à celles ayant prévalu concernant Madame PERSONNE1.), Qu’en effet la Cour d’appel a retenu que concernant les faits libellés par le ministère public sub points 10,11,14,15,16, 17 et 21, il y a lieu de relever que ces documents et conversations ont été diffusés dans un groupe de conversation privé sur l’application "Telegram" dont PERSONNE2.) était l’administrateur. Il ne résulte cependant pas du dossier répressif que lors de la diffusion de ces "messages" par le prévenu, d’autres individus étaient présents, alors qu’il s’agit d’échanges de messages entre PERSONNE2.) et une seule autre personne de ce groupe, les autres membres du groupe n’étant pas intervenu dans cet échange Il en suite que l’un des éléments constitutifs de l’infraction n’est pas établi », Qu’il ne résultait pas non plus du dossier répressif que Madame PERSONNE1.) a envoyé le message au dénommé PERSONNE4.) alors que d’autres individus étaient présents et que les autres membres de ce groupe ne sont pas intervenus dans cet échange, Ce faisant la Cour d’appel s’est contredit dans ses propres motifs, Que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen L’article 135-11 du Code pénal incrimine au titre de la provocation au terrorisme certaines formes de communication qui sont faites « avec l’intention d’inciter, directement ou indirectement, à la commission d’une des infractions visées au [chapitre III-1] ».

En ce que les juges d’appel n’ont pas condamné la demanderesse en cassation après s’être limités à relever un « comportement de la prévenue [de nature] à inciter son interlocuteur à commettre une infraction terroriste consistant dans le fait d’adhérer à l’Etat islamique », mais qu’ils ont confirmé « la juridiction de première instance [qui] a retenu la prévenue dans les liens de cette infraction [l’article 135-11 du Code pénal] », les juges de première instance ayant constaté « que les faits libellés sous les points 1 à 4 et 6 à 9 à sa charge [de la demanderesse en cassation] par le Ministère Public, sont constitués par le fait de défendre l’idéologie de GROUPE1.) et de la présenter sous un aspect favorable, de justifier les attentats commis par cette organisation et notamment ceux de Paris du 13 novembre 2015, de justifier le fait de tuer les mécréants ou d’immigrer dans les territoires sous contrôle de GROUPE1.).

Il est incontestable que ces faits sont de nature à convaincre des personnes de rejoindre les rangs du groupe terroriste en question ou de les pousser à tuer des gens, de sorte qu’ils sont constitutifs d’infractions aux articles 135-1 et 135-4 du Code pénal », le moyen, pris en sa première branche, procède d’une lecture erronée de l’arrêt entrepris.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 135-11, paragraphe 2, du Code pénal par contradiction de motifs.

La contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, trouve son fondement dans l’article 89 de la Constitution, dans la version en vigueur avant le 1er juillet 2023.

La disposition visée au moyen est étrangère au grief invoqué.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, est irrecevable.

19 Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation du principe de l’égalité des armes tel que garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que l’arrêt attaqué a condamné Madame PERSONNE1.) des infractions aux articles 135-4 et 135-11 du Code pénal, aux motifs que sa culpabilité résulte de l’examen de certaines conversations contenues dans les rapports de police dressés dans le cadre de l’instruction, alors que lesdits examens n’ont porté que sur des extraits de conversations retiré de leur contexte, qu’il aurait fallu pour que toute la lumière soit faite sur la nature et la portée exactes des propos de Madame PERSONNE1.), rapportés dans les rapports de police, que ceux-ci contiennent l’intégralité des conversations échangées, Qu’un tel procédé a manifestement violé le principe d’égalité des armes garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales alors que la prévenue a été jugée sur base d’éléments à charge manifestement tronqués, Que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief de la violation des textes visés au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, des faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

20 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux du Ministère public étant liquidés à 20 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-six octobre deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du président Thierry HOSCHEIT, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du procureur général d’Etat adjoint Christiane BISENIUS et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans le cadre du pourvoi en cassation d’PERSONNE1.) en présence du Ministère public (No CAS-2023-00013 du registre)

__________________________________________________

Par déclaration faite le 18 janvier 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Geoffrey PARIS, avocat à la Cour, a formé pour compte et au nom d’PERSONNE1.) (ci-après PERSONNE1.)) un recours en cassation contre un arrêt N° 377/22 V. rendu le 20 décembre 2022 par la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 20 février 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi a été déclaré dans les formes et délais de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans les formes et délais y imposés.1 Faits et rétroactes :

PERSONNE1.) a été poursuivie du chef des infractions aux articles 135-4 (1), 135-4 (2), 135-11, et 457-1 (3) du Code pénal.

Par jugement N° 2803/2021 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, douzième chambre, siégeant en matière correctionnelle, rendu en date du 16 décembre 2021, PERSONNE1.) a été convaincue  en application de l’article 135-4 (1) du Code pénal, d’avoir volontairement et sciemment fait activement partie d’un groupe terroriste, 1 Le délai d’un mois à partir de la déclaration de cassation pour déposer un mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation a expiré en date du samedi 18 février 2023 de sorte qu’il a été reporté au premier jour ouvrable qui suit, soit le lundi 20 février 2023 en application de l’article 135-11 et 135-17 d’avoir commis un acte de provocation au terrorisme, PERSONNE1.) a été condamnée à une peine d’emprisonnement de 24 mois assortie d’un sursis probatoire de 12 mois.

Tant PERSONNE1.) que le ministère public ont interjeté appel contre ce jugement.

Par arrêt n°377/22 V. rendu le 20 décembre 2022, la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle a  acquitté PERSONNE1.) de l’infraction non établie à sa charge  confirmé le jugement pour le surplus,  ramené la peine d’emprisonnement à une durée de 18 mois dont 9 mois assorti du sursis probatoire.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation :

« Premier moyen de cassation tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation du principe de la légalité des peines garanti notamment par l’article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

La demanderesse en cassation reproche à l’arrêt attaqué d’avoir « déclaré que les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal ne sont pas contraires au principe de la légalité des infractions et des peines » garanti par l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH).

Sur ce point, la Cour d’appel a retenu :

« Quant à la légalité des infractions et des peines La défense estime que les articles 135-4, 134-11 et 135-12 du Code pénal sont contraires au principe de la légalité des infractions et des peines.

L’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au principe de la légalité des infractions et des peines dispose que :

23 « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

1.

Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ».

Ce texte est interprété comme suit par la Cour européenne des droits de l’homme:

« L’article 7 consacre, de manière générale, le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) (Kokkinakis c.

Grèce, 25 mai 1993, § 52, série A no 260-A, et Kononov c. Lettonie [GC], no 36376/04, § 185, CEDH 2010).

La notion de « droit » (« law ») implique des conditions qualitatives, entre autres une accessibilité et une prévisibilité suffisantes (voir, notamment, Cantoni c. France, 15 novembre 1996, § 29, Recueil 1996-V, et E.K. c.

Turquie, no 28496/95, § 51, 7 février 2002). Ces conditions qualitatives doivent être remplies tant pour la définition de l’infraction que pour la peine encourue. Le justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale et quelle peine peut être prononcée de ce chef (M. c. Allemagne, no 19359/04, § 119, CEDH 2009, et Maktouf et Damjanović c. Bosnie-Herzégovine [GC], nos 2312/08 et 34179/08, § 66, CEDH 2013 (extraits)). Cela étant, la prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé.

La Cour reconnaît dans sa jurisprudence que, aussi clair que le libellé d’une disposition légale puisse être, dans quelque système juridique que ce soit, y compris le droit pénal, il existe immanquablement un élément d’interprétation judiciaire. Il faudra toujours élucider les points douteux et s’adapter aux changements de situation. En outre, la certitude, bien que hautement souhaitable, s’accompagne parfois d’une rigidité excessive ; or le droit doit savoir s’adapter aux changements de situation. Aussi beaucoup de lois se servent-elles, par la force des choses, de formules plus ou moins vagues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (voir, mutatis mutandis, Michaud c. France, no 12323/11, § 96, CEDH 2012). La fonction de décision confiée aux juridictions sert précisément à dissiper les 24 doutes qui pourraient subsister quant à l’interprétation des normes (voir Soros c. France, no 50425/06, § 52, 6 octobre 2011, et Del Rio Prada, précité, § 93). On ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, « à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible » (Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II) ».

La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est donc particulièrement nuancée. La définition légale d’une infraction pénale doit certes respecter des conditions qualitatives. Elle doit notamment être suffisamment prévisible, donc le justiciable doit pouvoir savoir quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale. Cette exigence de prévisibilité n’oblige cependant pas à adopter des libellés d’incrimination d’une clarté écartant tout doute d’interprétation et tout usage de formules plus ou moins vagues.

L’exigence d’une clarté parfaite engendrerait en effet le risque d’une rigidité excessive et d’une impossibilité de s’adapter aux changements de situation. L’article 7 ne s’oppose pas à la clarification graduelle des incriminations par l’interprétation judiciaire, à condition que le résultat de cette interprétation soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible.

Concernant les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, les principes sus-énoncés, établis par la Cour de Strasbourg, sont respectés.

Plus précisément en ce qui concerne l’article 135-4 du Code pénal, il y a lieu de constater que le législateur s’est tout d’abord inspiré de l’article 324ter du Code pénal incriminant la participation à une organisation criminelle. Concernant l’interprétation de ce texte il y a lieu de se référer à la doctrine et à la jurisprudence qui ont précisé les éléments constitutifs de cette infraction. De plus, la spécificité de l’article 135-4 du Code pénal réside dans le fait que l’auteur doit avoir fait activement partie d’une organisation criminelle constituant un groupe terroriste.2 La notion de groupe terroriste est définie par l’article 135-3 du Code pénal et les actes de terrorisme en vue desquels le groupe terroriste est constitué, sont également définis avec précision à l’article 135-1 du Code pénal.

En ce qui concerne plus particulièrement l’acte de provocation au terrorisme prévue à l’article 135-11 du Code pénal, il y a lieu de constater que les termes utilisés par le législateur sont suffisamment clairs et précis pour permettre à tout justiciable de cerner les éléments constitutifs de cette infraction c’est-à-dire la diffusion de tout type de message au grand public, y compris ceux envoyés par l’intermédiaire des réseaux de communication électronique, donc tout message de quelque nature que ce soit, librement 2 Souligné par le soussignéaccessible à chacun, sinon un message accessible à un groupe restreint en présence de plusieurs personnes. Le but recherché par la diffusion du message est également indiqué avec précision suffisante, à savoir encourager une ou plusieurs personnes à commettre les infractions dites terroristes qui sont visées par le chapitre III-1- « Du terrorisme » du Code pénal.

De même l’infraction de l’acte de recrutement au terrorisme telle que prévue à l’article 135-12 du Code pénal est également définie dans des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout arbitraire, termes qui permettent à tout justiciable de mesures exactement la nature et le type des agissements qui sont sanctionnés par la loi pénale. En effet, l’auteur de cette infraction doit commettre ou tenter de commettre, un ou des actes positifs, afin d’amener une tierce personne à commettre ou de participer à la commission d’une des infractions dites terroristes qui sont limitativement énumérées au chapitre III.1 du Code pénal.

Les prévenus pouvaient ainsi prévoir que le fait de ne pas respecter les articles 135-4, 135-11 et 135-12 du Code pénal, constituait un comportement qualifié d’infraction, grâce aux prescriptions claires et précises fixées par la loi. »3.

En ce faisant, les juges d’appel ont effectué une analyse correcte des articles 135-

4, 135-11 et 135-12 du Code pénal par rapport au principe de la légalité des peines prévu à l’article 7 de la CEDH.

Il s’ensuit que le premier moyen de cassation n’est pas fondé.

Quant au deuxième moyen de cassation :

« Deuxième moyen de cassation tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 135-4 du code pénal ».

La demanderesse en cassation soutient que « La loi du 3 mars 2020 susvisée a ajouté un élément constitutif supplémentaire dans l’incrimination de la participation active à un groupe terroriste à savoir que le prévenu doit savoir que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste » pour en déduire que « la Cour d’appel a eu tort en qualifiant cet élément constitutif supplémentaire de participation active à un groupe terroriste visé par l’article 135-4 de simple « précision au texte légal »4.

3 Arrêt attaqué p. 61-63 4 Mémoire en cassation p.4L’article 135-4 du Code pénal en son point (1) dans sa version initiale prévoyait que : « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. »5.

Suite à la modification législative opérée par la loi du 3 mars 2020, l’article en question se lit comme suit : « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste6, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. »7.

En ce qui concerne ce point, les juges de première instance ont décidé ce qui suit :

« Une incrimination qui définit de manière plus large une infraction constitue une loi pénale plus sévère, qui ne saurait par conséquent avoir d’effet rétroactif.

Dans la mesure où l’article 135-4 (1) du Code pénal dans son ancienne rédaction n’exclut manifestement pas le fait de faire partie d’une organisation terroriste « y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités », la nouvelle version de cette disposition ne fait qu’ajouter des précisions, mais ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, il convient donc d’appliquer l’article 135-4 (1) dans sa nouvelle rédaction. »8 La Cour d’appel a retenu ce qui suit :

« Quant à la loi applicable Concernant l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal a relevé qu’un changement législatif est intervenu par la loi 5 Loi du 12 août 2003 portant 1) répression du terrorisme et de son financement 2) approbation de la Convention internationale pour la répression du terrorisme, ouverte à la signature à New York en date du 10 janvier 2000 ; Mémorial A-

N° 137 du 15 septembre 2003 6 Ajouté par la loi du 3 mars 2020 7 Loi du 3 mars 2020 modifiant : 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil ; Mémorial A - N° 117 du 9 mars 2020 8 Arrêt entrepris p.17du 3 mars 2020 modifiant 1° le Code pénal ; 2° le Code de procédure pénale, aux fins de transposition de la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette loi ayant uniquement ajouté les termes «y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, » il en suit que le bout de phrase « en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, », contrairement à ce que le tribunal a dit, ne figurait pas dans le texte initial de l’article 135-4 du Code pénal.

La Cour d’appel rejoint toutefois le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020. »9.

Selon son exposé des motifs, le projet de loi N° 7356 ayant mené à la loi du 3 mars 2020 a « comme objet de transposer en droits luxembourgeois la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/ JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil, ci-après désignée « la directive 2017/541 »10 Après avoir fait référence aux attentats de Paris en janvier et novembre 2015, de Nice en date du 14 juillet 2016, de Bruxelles en date du 22 mars 2016, de Berlin en date du 19 décembre 2016, de Stockholm en date du 7 avril 2017, de Londres en date du 3 juin 2017 et de Barcelone en date du 17 août 2017, qui montrent que la lutte contre le terrorisme est loin d’être terminée et qu’il faut continuer à développer et à adapter la législation répressive luxembourgeoise, le projet a analysé les nouvelles formes de menaces terroristes en mentionnant expressément le groupe terroriste « Etat Islamique » pour continuer dans les termes suivants :

« Compte tenu de l’évolution des menaces terroristes, le directive 2017/541 a pour objet de rapprocher les définitions d’infraction terroristes, d’infractions liées à un groupe terroriste et d’infractions liées à des activités terroristes prévues dans les législations des Etats membres, de façon à couvrir de manière plus complète les comportements liés, en 9 Arrêt entrepris p. 60 et 61 10 Projet de loi N° 7356 p.3particulier, aux combattants terroristes étrangers et au financement du terrorisme. »11 Toujours selon l’exposé des motifs, « En résumé, le projet de loi sous examen propose :

1) de préciser12 l’incrimination de la participation à un groupe terroriste (art 135-4 du Code pénal)… »13.

De même, selon le commentaire des articles :

« Ad article 1er du projet de loi :

Cet article concerne l’article 4 de la directive 2017/541 et propose de modifier l’article 135-4, paragraphe 1er, du Code pénal afin de préciser l’incrimination14 en y ajoutant des comportements supplémentaires, à savoir le fait pour une personne de fournir des informations ou des moyens matériels ou par toute autre forme de financement des activités du groupe terroriste. »15.

Le projet de loi ayant mené à la loi du 3 mars 2020 insiste donc au moins à deux reprises qu’il entend seulement apporter une précision à l’incrimination prévue à l’article 135-4, paragraphe 1er, du Code pénal.

C’est donc à bon droit que la Cour d’appel a décidé de rejoindre « le tribunal en ce qu’il a retenu que cette modification législative ayant uniquement ajouté des précisions au texte légal, le nouveau texte ne constitue ni une loi plus douce ni une loi plus sévère, le texte légal avant cette ajoute n’excluant manifestement pas cette précision, de sorte que c’est à bon droit qu’il a appliqué en conséquence l’article 135-4 du Code pénal tel qu’introduit en 2020. »16 Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation n’est pas fondé.

Quant au troisième moyen de cassation :

« Troisième moyen de cassation tiré dans sa première branche de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la 11 Projet de loi N° 7356 p.3 12 Souligné par le soussigné 13 Projet de loi N° 7356 p.3 14 Souligné par le soussigné 15 Projet de loi N° 7356 p.5 16 Arrêt entrepris p. 60 et 61mauvaise interprétation de l’article 135-4 du code pénal et, dans sa deuxième branche du défaut de base légale des dispositions précitées ».

Selon son énoncé, le troisième moyen de cassation serait divisé en deux branches.

Selon son développement, le troisième moyen de cassation semble être divisé en quatre branches, la deuxième branche étant subsidiaire par rapport à la première branche et la quatrième branche étant subsidiaire par rapport à la troisième branche.

A bien comprendre le raisonnement effectué par la demanderesse en cassation sous le troisième moyen de cassation, elle soulève sous la première branche la violation de l’article 135-4 du Code pénal par la Cour d’appel qui aurait manqué de définir la notion de participation active dans son chef et sous la seconde branche à titre subsidiaire, un manque de base légale en ce que la Cour d’appel aurait manqué d’énoncer puis de préciser si les conditions de la participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4 du Code pénal étaient réunies dans son chef.

La demanderesse en cassation reproche sous la troisième branche à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 135-4 du Code pénal dont l’infraction visée comporte dans ses éléments constitutifs l’élément moral suivant lequel le prévenu doit savoir que sa participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste et sous la quatrième branche à titre subsidiaire, un manque de base légale en ce que la Cour d’appel aurait manqué de rechercher l’élément moral d’une telle participation active.

Le soussigné se rapporte à sagesse de votre Cour ce qui concerne la recevabilité de ce moyen de cassation au vu de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Selon la demanderesse en cassation, « ce texte impose aux juges le devoir de rechercher dans les circonstances d’espèce les actions participatives précises du prévenu et de décrire les activités criminelles du groupe terroriste auxquelles ces actions participatives ont pu contribuer, ce que la Cour d’appel a manqué de faire en l’espèce, »17 Les différentes branches du troisième moyen de cassation seront analysées ensemble.

Les juges de première instance, après avoir analysé dans une première phase les origines et les objectifs du groupe Etat islamique ainsi que le contexte historique de l’affaire,18 ont longuement analysé les éléments du dossier répressif.19 17 Mémoire en cassation p. 6 18 Voir arrêt entrepris p 2-4, 19 Voir arrêt entrepris p. 4-15 Quant au fond, et plus spécialement en ce qui concerne la matérialité des faits, les juges de première instance ont constaté :

« De prime abord, le Tribunal constate que les deux prévenus n’ont tant lors de l’instruction qu’à la barre pas contesté être les auteurs des messages et publications leur reprochés dans la citation à prévenus. Il est également constant en cause qu’ils ont diffusé la documentation de l’Etat Islamique tel que reprise dans l’ordonnance de renvoi. »20.

En ce qui concerne l’infraction prévue à l’article 135-4 (1) du Code pénal, les juges de première instance ont retenu les principes suivants :

« 1. Participation à un groupe terroriste L’article 135-2 du Code pénal dispose que :

(1) Constitue un groupe terroriste, l’association structurée d’au moins deux personnes, établie dans le temps, en vue de commettre de façon concertée un ou plusieurs des actes de terrorisme visés à l’alinéa (2) du présent article.

(2) Sont visées à l’alinéa (1) du présent article les infractions prévues:

-

aux articles 112-1, 135-1, 135-2, 135-5, 135-6, 135-9, 135-

11 à 135-16 et 442-1;

-

aux articles 31 et 31-1 de la loi modifiée du 31 janvier 1948 relative à la réglementation de la navigation aérienne;

-

à l’article 2 de la loi modifiée du 11 avril 1985 portant approbation de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, ouverte à la signature à Vienne et à New York en date du 3 mars 1980;

-

à l’article 65-1 de la loi modifiée du 14 avril 1992 instituant un code disciplinaire et pénal pour la marine.

Pour sa part l’article 135-1 du Code pénal prévoit que : « Constitue un acte de terrorisme tout crime et délit punissable d’un emprisonnement d’un maximum d’au moins trois ans ou d’une peine plus grave qui, par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international et a été commis intentionnellement dans le but de :

20 Voir arrêt entrepris p. 18 - gravement intimider une population, - contraindre indûment des pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou - gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international. ».

Contrairement à la législation en la matière en France et en Belgique, le législateur luxembourgeois a dans sa rédaction de l’article 135-1 du Code pénal choisi de ne pas indiquer de façon exhaustive quelles infractions de droit commun peuvent être qualifiées d’infraction de terrorisme lorsqu’elles ont été commises dans ce but, se limitant à dire que toute infraction dont la peine est punie d’un minimum d’au moins trois ans peut constituer une telle infraction pourvu qu’elle soit animée par un motif à caractère terroriste.

Pour revêtir de la qualification de terrorisme, les infractions de droit commun en question, doivent répondre à un mobile spécifique, l’agent doit rechercher spécifiquement à intimider une population, sinon à contraindre les pouvoirs publics, une organisation ou un organisme international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, sinon à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un organisme international.

A cela s’ajoute encore que les faits commis par l’auteur doivent être susceptibles de porter gravement atteinte à un pays, une organisation ou un organisme international.

Contrairement au droit commun, seul le mobile de l’agent est déterminant dans la qualification des infractions de terrorisme et il convient aux juridictions de déterminer si l’auteur était animé ou non par un tel motif.

En effet, l’intention criminelle, considérée comme une volonté abstraite, ne suffit plus alors à constituer l’infraction, celle-ci n’existe qu’en raison du mobile qui l’a inspirée. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 241, 20ème édition).

Il est indiscutable que le groupe GROUPE1.) a revendiqué de multiples actes susceptibles de tomber sous le coup des dispositions de l’article 135-

1 du Code pénal et l’organisation en question figure sur la liste des groupes terroristes des Nations Unies et de l’Union Européenne.

Il ne fait dès lors pas l’ombre d’un doute que le groupe en question constitue une organisation terroriste au sens de l’article 135-2 du Code pénal.

32 En ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, l’article 135-4 dispose que : « Toute personne qui, volontairement et sciemment, fait activement partie d’un groupe terroriste, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, ou par toute autre forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe terroriste, est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 euros à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si elle n’a pas l’intention de commettre une infraction dans le cadre de ce groupe ni de s’y associer comme auteur ou complice. ».

Le Tribunal constate que le Ministère Public a libellé une multitude de faits qu’il estime « documenter » l’appartenance des prévenus à l’organisation en question, cependant la juridiction de céans ne saurait être cantonnée à analyser cette liste qui n’est d’ailleurs pas exhaustive. Le Tribunal entend ainsi se saisir de l’ensemble des éléments de faits figurant au dossier répressif ainsi que des déclarations de PERSONNE2.) et d’PERSONNE1.) faites à l’audience afin de déterminer si les deux prévenus ont fait partie du groupe GROUPE1.).

La défense a fait valoir que les prévenus n’avaient commis aucun acte préparatoire à la commission d’un attentat, qu’aucune arme ou des explosifs n’avaient été retrouvés lors de la perquisition de leur domicile et que ces derniers n’avaient ni commis ni participé à une infraction de droit commun susceptible de tomber sous le coup de l’article 135-1 du Code pénal, de sorte que ses mandants seraient à acquitter du chef de cette infraction.

A ce titre, il convient de rappeler que si un acte est toujours requis pour qu’il y ait infraction - il n’est pas nécessaire que cet acte ait laissé des traces matérielles ou provoqué une conséquence nuisible. (Droit pénal général, précis Dalloz, p 207, 20ème édition).

Il a encore lieu de citer un arrêt de la Cour de cassation française qui a retenu que « [la Cour d’appel] n’avait pas, pour caractériser l’infraction d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, l’obligation de démontrer la participation du prévenu à la préparation ou à la réalisation de certaines infractions spécifiques dès lors que le délit d’association de malfaiteurs constitue une infraction indépendante des crimes ou délits qu’elle a pour objet de préparer ou de commettre (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 18-81.096, Inédit) Il convient dès lors de rejeter l’argument des prévenus.

33 Il ressort des travaux parlementaires que l’article 135-4 Code pénal incrimine la participation aux activités terroristes, en reproduisant l’article 324ter du même Code concernant l’organisation criminelle, sauf à prévoir une sanction plus sévère. (Travaux parlementaires, rapport de la Commission juridique du 2 juillet 2003).

Il convient dès lors en l’espèce d’appliquer un raisonnement par analogie en ce qui concerne l’infraction de participation à un groupe terroriste, en analysant la prévention en question à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence en matière de participation à une organisation criminelle.

La loi du 11 août 1998 a introduit, à côté de l’association de malfaiteurs, prévue par les articles 322 à 324 du Code pénal, une nouvelle infraction, à savoir la participation à une organisation criminelle, régie par les articles 324bis et 324ter du Code pénal.

L’organisation criminelle prévue aux articles 324bis et 324ter du Code pénal se distingue de l’association de malfaiteurs, notamment par :

- une plus grande importance, - une plus grande structuration, - un caractère plus permanent, - des ramifications nationales et internationales, - une hiérarchie plus stricte, dans laquelle les profits reviennent principalement aux dirigeants, tandis que les simples participants sont la plupart du temps salariés pour les services qu’ils rendent, - la caractéristique de se fondre beaucoup mieux dans la société et de travailler de manière beaucoup moins visible, - une plus grande systématique dans leurs activités.

L’organisation criminelle constitue en quelque sorte une association de malfaiteurs aggravée. S’il peut être admis que toute organisation criminelle constitue donc une association de malfaiteurs, l’inverse n’est cependant pas nécessairement le cas. Une association de malfaiteurs peut être mise sur pied pour commettre une infraction unique, tandis que l’organisation criminelle requiert une certaine stabilité.

L’association de malfaiteurs suppose la réunion des trois éléments suivants :

1) l’existence d’une association réelle entre plusieurs personnes, 2) la formation de cette association en vue de commettre des infractions et de porter ainsi atteinte aux personnes et aux propriétés et 3) une structure organique qui donne corps à l’entente existant entre les membres et qui démontre la volonté de collaborer efficacement à la poursuite du but assigné.

34 Pour éviter l’étroitesse d’une énumération trop précise, le législateur refuse d’indiquer les caractéristiques générales de l’organisation des bandes. Il abandonne l’appréciation des circonstances éminemment variables à la « conscience éclairée des juges » et se borne à exiger une association réelle et organisée, c’est-à-dire l’existence de liens entre les membres.

Dans la mesure où il est d’ores et déjà établi que GROUPE1.) est un groupe terroriste avec une structure organique et comprenant des milliers de membres, il convient donc en l’espèce de déterminer uniquement si les agissements de PERSONNE2.) et d’PERSONNE1.) démontrent « la volonté de collaborer efficacement à la poursuite du but » de l’organisation en question.

Selon les critères dégagés en matière d’organisation criminelle et d’association de malfaiteurs, pour être punissable, la participation à l’association doit être consciente et voulue, conformément aux principes généraux de droit pénal. Cette connaissance et cette volonté doivent porter sur l’association elle-même, sur son existence et, principalement, sur son but.

A noter que chaque participant à l’entente ne peut être déclaré coupable que s’il s’est agrégé au groupement délictueux en connaissance de cause et avec la volonté d’apporter aux autres délinquants une aide efficace dans la poursuite du but qu’ils se sont assigné. S’il n’est pas nécessaire que chaque participant soit au courant de toutes les activités délictueuses, son adhésion doit cependant avoir lieu en connaissance de cause du caractère en général infractionnel du groupement pour ainsi en favoriser l’action (Jurisclasseur pénal, art.450-1 à 450-3, n°45).

Tel n’est pas le cas si une personne se contente de vouloir venir en aide à un participant de l’association de malfaiteurs, en ne sachant pas que cette personne en fait partie. L’assistance fournie à un participant isolé ou même à plusieurs agissant individuellement, lui est étrangère (RIGAUX & TROUSSE, Les crimes et les délits, tome V, p.18). »21.

Les juges de première instance ont ensuite appliqué ces principes à l’actuelle demanderesse en cassation dans les termes suivants :

« Quant à PERSONNE1.) Tout comme pour PERSONNE2.), il y a de prime abord lieu d’insister sur le manque de coopération de la prévenue qui n’a souvent fait que tergiverser et, confrontée avec les preuves objectives dégagées par l’instruction et à des questions précises, est restée évasive ne répondant pas 21 Arrêt entrepris p. 23-25aux questions posées pour finalement n’admettre que mollement, du bout des lèvres son implication dans la présente affaire. Elle a encore, au cours des interrogatoires successifs et de son audition à la barre, tenté de relativiser ses opinions qu’elle avait jadis tenues à l’égard de l’GROUPE1.).

Ainsi, la prévenue avait déclaré auprès de la police qu’elle avait été sur le point de prêter allégeance à GROUPE1.) et qu’elle s’était fait endoctriner, mais que PERSONNE2.) l’avait en quelque sorte sauvée de l’emprise de cette organisation.

La raison l’ayant poussée à épouser « son sauveur » interpelle cependant déjà, alors que PERSONNE1.) a admis s’être mariée à PERSONNE2.) non pas par amour, mais parce qu’elle était en quête de vérité « sur tous les groupes qui existent », précisant des groupes comme GROUPE2.).

Tout comme son mari, la prévenue s’est défendue de toute intention de vouloir faire partie du groupe GROUPE1.), et elle se serait égarée dans sa recherche de vérité et de dogme de la foi. Elle n’aurait eu aucune intention malveillante et ne se serait intéressée qu’aux annulatifs de la foi.

Pourtant, tout comme son mari, elle ne maîtrise pas l’arabe. Elle a également déclaré que sa seule formation sur l’islam qu’elle a eue consisterait dans le fait qu’elle a lu une version traduite en français du coran. A côté, elle a déclaré lire encore régulièrement le magazine Rumiyah pour « pouvoir dire aux gens ce qui est faux et ce qui est vrai ».

Le Tribunal arrive donc au même constat que pour PERSONNE2.), à savoir que bien que les prévenus déclarent avoir passé leur temps à étudier la religion à la recherche des annulatifs de l’islam, ils n’ont en réalité rien fait d’autre que consulter et télécharger du matériel de propagande de l’GROUPE1.).

L’idéologie de cette organisation est d’ailleurs bien ancrée chez la prévenue qui devant les policiers a encore déclaré que « les chiites sont des meurtriers, des criminels » ; seuls les sunnites sont les vrais musulmans selon elle. Plus d’une année plus tard devant le Juge d’instruction, elle ose encore déclarer être contre la démocratie parce que les lois seraient injustes et que sa famille en aurait beaucoup souffert.

Il n’est également pas contesté que la tablette de la prévenue contenait du matériel de propagande de GROUPE1.) tout comme les supports informatiques de son mari, bien que dans une moindre mesure que ceux de ce dernier.

36 La prévenue est encore en aveu d’avoir distribué de la propagande du groupe terroriste en question.

L’adhésion au groupe terroriste GROUPE1.) d’PERSONNE1.) est encore illustrée par le fait qu’elle s’est offusquée au sujet de la nouvelle épouse de PERSONNE3.) qui avait prêté allégeance au front GROUPE3.), non pas parce qu’elle avait rejoint un groupe terroriste, mais parce qu’elle avait rejoint le mauvais groupe terroriste. Une discussion similaire avec une dénommée « PERSONNE4.) » figure encore au dossier répressif.

La prévenue a donc en connaissance de cause du caractère terroriste de l’organisation GROUPE1.) adhéré à celle-ci et fourni une aide qui a contribué à ses objectifs.

Il en découle que l’infraction à l’article 135-4 (1) du Code pénal est établie tant en faits qu’en droit.

La prévenue est partant à retenir dans les liens de la prévention mise à sa charge sub I. A., sauf à en limiter le libellé à ses éléments constitutifs, à savoir d’avoir activement fait partie du groupe terroriste GROUPE1.) en sachant que cette participation contribue aux activités criminelles du groupe en question. »22.

La Cour d’appel a d’abord effectué le raisonnement suivant :

« Quant à l’infraction de participation active à un groupe terroriste prévue à l’article 135-4, point 1 du Code pénal C’est par une juste application des principes dégagés par les articles 135-

1 et 135-2 du Code pénal que la juridiction de première instance a valablement conclu que le groupe « Etat islamique » constitue une organisation terroriste, et que la participation active afférente est réprimée par l’article 135-4 du Code pénal, suivant les conditions y libellées.

C’est encore à bon droit que le tribunal a non seulement tenu compte des multiples faits libellés par le ministère public dans son réquisitoire de renvoi, mais également de l’ensemble des éléments du dossier répressif qui a été soumis au débat contradictoire dont également les déclarations des prévenus à l’audience, pour analyser si les éléments constitutifs de l’infraction de participation à une organisation terroriste se trouvent rapportés dans le chef des deux prévenus.

Concernant les éléments constitutifs de l’infraction à l’article 135-4 du Code pénal, c’est à juste titre que le tribunal se réfère à l’article 324ter du 22 Arrêt entrepris p. 27même code réprimant l’organisation criminelle. En effet, tel qu’il résulte des travaux parlementaires relatifs au projet de loi ayant introduit les infractions en relation avec le terrorisme, le libellé de cette incrimination reproduit textuellement le libellé de l’article 324ter du Code pénal, dont il reprend également les principes d’interprétation (doc. parl. 4954, commentaire des articles p.10). »23 ;

pour ensuite retenir l’actuelle demanderesse en cassation dans les liens de l’infraction prévue à l’article 135-4 (1) du Code pénal dans les termes suivants :

« La Cour approuve encore les juges de première instance, par adoption de leurs motifs, en ce qu’ils ont retenu également PERSONNE1.) dans les liens de l’infraction à l’article 135-4, point 1 du Code pénal. En effet, ses contestations relatives à l’appartenance à l’« Etat islamique » sont vaines, étant donné que l’enquête a permis d’établir qu’elle détenait du matériel de propagande de ce groupe terroriste et qu’elle l’a continué à d’autres personnes avec lesquelles elle était en contact via les réseaux sociaux. Elle a reconnu d’ailleurs devant la juridiction de première instance, qu’elle était favorable à l’« Etat islamique » et donc également aux idées défendues par ce groupe terroriste après sa conversion à l’islam à un moment de sa vie de musulmane, alors qu’elle ne l’était plus après août 2017.

Le jugement est partant à confirmer en ce qu’il a retenu que la prévenue, en connaissance de cause du caractère terroriste de l’« Etat islamique », a adhéré à celui-ci en fournissant une aide qui a contribué aux objectifs que ce groupe terroriste s’est fixé. »24.

Tel qu’il résulte de ce qui précède, la Cour d’appel, s’est référée d’abord au raisonnement effectué par le juges de première instance tout en ajoutant des considérations sur base d’un raisonnement propre.

En ce faisant, la Cour d’appel a suffisamment caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article 135-4 (1) du Code pénal et notamment celui de la participation active à un groupe terroriste et de l’élément moral de cette participation active.

Tel que relevé ci-dessus, les juges de première instance, confirmés en cela par la Cour d’appel, ont effectué un raisonnement par analogie avec l’organisation criminelle respectivement avec la participation active à une organisation criminelle régies par les articles 324bis et 324ter du Code pénal tels qu’introduits par la loi du 11 août 1998 portant introduction de l'incrimination des organisations criminelles et de l'infraction de blanchiment au Code pénal.25 23 Arrêt entrepris p. 65 24 Arrêt entrepris p. 66-67 25 Mémorial A – N° 73 du 10 septembre 1998Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, respectivement du grief tiré du manque de base légale, le moyen de cassation ne tend qu’à remettre en discussion des faits et des éléments de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond26.

Il s’ensuit que le troisième moyen de cassation ne saurait être accueilli.

Quant au quatrième moyen de cassation :

« Quatrième moyen de cassation tiré de la violation de l’article 135-11 (2) du code pénal En ce que La Cour d’appel a « rejoint le tribunal en ce qu’il a retenu que le message, lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11 point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes. Par adoption de ses motifs, le jugement dont appel est à confirmer sur ce point », Alors que l’article 135-11 point 2 du Code pénal énonce que « (2) Constitue également un acte de provocation au terrorisme le fait de diffuser le message visé au paragraphe 1er en présence de plusieurs individus dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter ».

Selon la demanderesse en cassation, ce texte viserait expressément la situation où plusieurs individus seraient destinataires du message et que ce serait à tort que la Cour d’appel a décidé que le destinataire du message saurait être une seule personne.

La demanderesse en cassation se base sur le commentaire de cet article contenu dans le projet de loi N° 6761 ayant mené à la loi du 18 décembre 2015 modifiant le Code pénal et le Code d’instruction criminelle aux fins de mettre en œuvre certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies 27 « Or, les événements récents en relation avec le groupe terroriste dit „Etat islamique“ ont montré que la provocation au terrorisme se fait de nos jours 26 Voir, à titre d’exemple, Cour de cassation, 4 novembre 2010, n° 34/2010 pénal ; 12 janvier 2012, n° 5/2012 pénal.

27 Mémorial A-N° 250 du 24 décembre 2015plutôt dans des cercles plus restreints qui ne sont pas directement et librement accessibles au public, mais où les personnes qui souhaitent y avoir accès doivent avoir rempli une ou plusieurs conditions, comme par exemple suivre une procédure d’admission ou procéder à un enregistrement en fournissant certaines informations. Le paragraphe 2 proposé vise donc à englober principalement les réunions d’associations et d’autres clubs plus ou moins formels dans des locaux où l’admission est seulement possible aux personnes qui sont membres de ces associations ou de ces clubs, de même que les cercles constitués dans le monde virtuel des télécommunications par des moyens comme des forums de discussions sur Internet, les réseaux sociaux sur Internet, de même que des forums et réseaux sociaux qui fonctionnent par des applications de téléphonie mobile »,28.

De l’avis du soussigné, cet extrait ne prouve nullement la fausseté du raisonnement effectué par les juges d’appel.

Le projet de loi N° 6761 a notamment eu pour but de supprimer la condition que l’acte de provocation au terrorisme doit créer un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises.

Selon le commentaire des articles de ce projet de loi N° 6761 : « En pratique, le Parquet devrait donc rechercher un ou plusieurs destinataires29 de l’acte de provocation au terrorisme et prouver que l’acte de provocation a créé dans l’esprit de cette ou de ces personnes30 un genre de résolution de commettre une infraction terroriste. Etant donné que cela est quasiment impossible à prouver, il est par conséquent proposé de supprimer cette condition légale. »31.

Il en résulte qu’aux yeux du législateur, la provocation au terrorisme peut être dirigée à l’égard d’une seule personne pour être punissable.

De même, selon le rapport de la Commission juridique du 9 décembre 2015 concernant le projet de loi 6761 :

« Le paragraphe 2 nouveau vise à incriminer l’acte de provocation au terrorisme commis en présence de plusieurs individus « […] dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter ».

28 Cf. page 5 du projet de loi n°6761 du 7 janvier 2015 portant mise en œuvre de certaines dispositions de la Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies et portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale 29 Souligné par le soussigné 30 Souligné par le soussigné 31 Projet de loi N° 6761 p.5 Il convient d’en tenir compte sur le plan pénal, comme le degré d’inhibition est moindre dans un cadre non public.

Le champ d’application ratio personae de l’infraction de la provocation terroriste est étendu.

Il convient de préciser que sont visées tant les réunions dites „physiques“ que les cercles de personnes constitués dans le monde virtuel des télécommunications, à savoir les forums de discussions et les réseaux sociaux.

Il importe de noter que n’est pas visé, dans le cas de figure sous examen, un groupe terroriste, association structurée et ayant une vocation opérationnelle, qui est constituée dès la réunion de deux personnes (cf.

article 135-3 du Code pénal), mais un contexte bien particulier, à savoir celui de la provocation au terrorisme. Il s’agit d’un stade préliminaire à la commission de l’acte terroriste. Dans pareil cas de figure, une seule personne suffit32, et quel que soit le lieu, pour commettre un fait tombant sous le coup de la prohibition pénale de la provocation au terrorisme. »33.

Les juges de première instance ont dès lors retenu à bon droit :

« Concernant l’ensemble des autres faits reprochés tant à PERSONNE2.) et à PERSONNE1.), ceux-ci tombent sous l’égide de l’article 135-11 du Code pénal tel que modifié par la loi du 18 décembre 2015.

Dans sa version actuelle l’article en question se lit comme suit :

(1) Constitue un acte de provocation au terrorisme la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du public d’un message, y compris par le biais de réseaux de communications électroniques, avec l’intention d’inciter, directement ou indirectement, à la commission d’une des infractions visées au présent chapitre.

(2) Constitue également un acte de provocation au terrorisme le fait de diffuser le message visé au paragraphe 1er en présence de plusieurs individus dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter.

32 Souligné par le soussigné 33 Projet de loi 67616, Rapport de la Commission juridique du 9 décembre 2015, p.5 Le Tribunal relève d’emblée, qu’il n’existe aucun élément tangible au dossier répressif, que suite aux agissements des prévenus des tiers auraient commis des attentats ou auraient rejoint l’GROUPE1.).

Il convient cependant de préciser que suivant l’article 135-17 du Code pénal introduit par la loi du 18 décembre 2015 : « Toute personne qui commet ou qui tente de commettre une des infractions prévues aux articles 135-11 à 135-

16 est punie d’un emprisonnement d’un à huit ans et d’une amende de 2.500 à 12.500 euros, ou d’une de ces peines seulement, même si aucune de ces infractions à la réalisation desquelles l’acte incriminé tendait n’a été commise. » D’après les auteurs du texte de loi, le nouveau paragraphe 2 [de l’article 135-11] « vise les réunions d’associations et d’autres clubs plus ou moins formels dans des locaux où l’admission est seulement possible aux personnes qui sont membres de ces associations ou de ces clubs, de même que les cercles constitués dans le monde virtuel des télécommunications par des moyens comme des forums de discussions sur Internet, les réseaux sociaux sur Internet, ou des forums et réseaux sociaux qui fonctionnent par des applications de téléphonie mobile. » (Travaux parlementaires, examen des articles par le Conseil d’Etat, dossier n°6761).

Le paragraphe 2 nouveau vise à incriminer l’acte de provocation au terrorisme commis en présence de plusieurs individus „[…] dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter“. Il convient d’en tenir compte sur le plan pénal, comme le degré d’inhibition est moindre dans un cadre non public. Le champ d’application ratio personae de l’infraction de la provocation terroriste est étendu. Il convient de préciser que sont visées tant les réunions dites „physiques“ que les cercles de personnes constitués dans le monde virtuel des télécommunications, à savoir les forums de discussions et les réseaux sociaux. Il importe de noter que n’est pas visé, dans le cas de figure sous examen, un groupe terroriste, association structurée et ayant une vocation opérationnelle, qui est constituée dès la réunion de deux personnes (cf. article 135-3 du Code pénal), mais un contexte bien particulier, à savoir celui de la provocation au terrorisme. Il s’agit d’un stade préliminaire à la commission de l’acte terroriste. Dans pareil cas de figure, une seule personne suffit, et quel que soit le lieu, pour commettre un fait tombant sous le coup de la prohibition pénale de la provocation au terrorisme. (Travaux parlementaires, dossier n°6761).

Il convient encore de rappeler que le législateur avait initialement déjà visé avec l’article 135-11 nouveau « la diffusion de messages par courrier électronique ou par d’autres moyens, comme l’échange de matériel dans 42 des chat rooms ou dans le cadre de groupes d’information ou de forums de discussion. » Si le morceau de phrase « dans un lieu non public, ou un lieu virtuel constitué par des moyens de télécommunications, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter, » s’inspire du libellé de l’article 444, alinéa 3 du Code pénal et qu’il y est encore fait référence dans les travaux parlementaires, celle-ci ne saurait cependant impliquer la présence d’au moins deux personnes à côté du prévenu dans le réseau virtuel en ce qui concerne la prévention à l’article 135-11 du code pénal dans sa version actuelle.

En effet, la condition de témoin prévue par cet article est due aux infractions auxquelles il s’applique à savoir la calomnie ou la diffamation. Or, les articles 135-11 à 135-13 dans leur version de la loi du 18 décembre 2015, n’ont pas pour vocation de protéger l’honneur d’une personne, c’est le risque de voir quelqu’un rejoindre des terroristes qui est puni, tel que l’a souligné le Procureur Général d’Etat Robert BIEVER à l’époque dans son avis du 3 avril 2015.

Il convient de rappeler que la loi en question a été adoptée afin d’adapter la législation luxembourgeoise aux obligations qui résultent pour les Etats membres des Nations Unies de la Résolution 2178 adoptée par le Conseil de Sécurité des nations Unies afin de répondre au problème posé à l’époque par le phénomène nouveau dit « des combattants terroristes étrangers », émanant précisément du groupe terroriste dit « Etat islamique ».

L’intention du législateur était de rendre la législation plus efficace et de l’adapter à ce modus operandi nouveau consistant à largement et activement recruter parmi les populations des pays occidentaux afin d’inciter ses personnes à se rendre sur le théâtre de ses opérations pour y participer aux activités terroristes et de les renvoyer ensuite dans leurs pays occidentaux d’origine pour y commettre également des activités terroristes.

Il ressort de l’exposé des motifs concernant la proposition de supprimer la condition que l’acte de provocation au terrorisme doit créer un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises que : « En pratique, le Parquet devrait donc rechercher un ou plusieurs destinataires de l’acte de provocation au terrorisme et prouver que l’acte de provocation a créé dans l’esprit de cette ou de ces personnes un genre de résolution de commettre une infraction terroriste. Etant donné que cela est quasiment impossible à prouver, il est par conséquent proposé de supprimer cette condition légale. », qu’aux yeux du législateur, la provocation au terrorisme peut être dirigée à l’égard d’une seule personne pour être punissable.

43 En l’espèce, certains des faits commis par les prévenus consistaient en des publications effectuées sur leur pages Facebook (CVCA, Talaboulim et la Science avant la parole et l’acte), répondent nécessairement à la condition d’un message adressé au public telle que prévue par l’article 135-1 (1) précité.

Concernant les messages envoyés soit dans des groupes de discussion soit dans une conversation avec une personne unique par le biais d’applications de messageries instantanées, ceux-ci tombent nécessairement sous le coup du paragraphe (2) de l’article en question, pour constituer un lieu virtuel constitué par des moyens virtuels, alors qu’il s’agit en l’occurrence de forum de discussion entre deux voire plusieurs personnes tel qu’envisagé par le législateur.

Ainsi, l’ensemble des faits mis à charge des deux prévenus tombent sous le coup de l’un des deux paragraphes de l’article 135-11 tel que modifié par la loi du 18 décembre 2015, et étant donné qu’hormis du mode de communication des messages susceptibles de constituer une provocation au terrorisme les infractions sont identiques, le Tribunal peut analyser les autres éléments constitutifs de façon conjointe à l’égard des deux prévenus. »34 C’est à bon droit que la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance sur ce point dans les termes suivants :

« En ce qui concerne le libellé de l’article 135-11 du Code pénal dans sa version actuelle, la Cour d’appel renvoie au jugement entrepris.

Pour ce qui est des éléments constitutifs de cette infraction, il faut rappeler qu’il faut :

1) un élément matériel d’un message sur un support quelconque qui est communiqué par toute moyen tel qu’affichage, publication ou communication orale, 2) un élément matériel de publicité :

- en ce qui concerne l’article 135-11, point 1 du Code pénal, il faut que ce message soit public c’est-à-dire perceptible par plusieurs personnes dans un endroit librement accessible;

- en ce qui concerne l’article 135-11, point 2 du Code pénal, le message peut être diffusé dans un lieu, réel ou virtuel, qui est accessible seulement à un nombre restreint de personnes autorisées à y accéder, le message pouvant être adressé à une seul ou plusieurs personnes. Le texte légal précise encore que la diffusion dans ce cas doit se faire en présence de plusieurs individus.

34 Arrêt entrepris p. 32-333) un élément moral, à savoir l’intention d’inciter une tierce personne à commettre une infraction dite terroriste. Le législateur n’ayant pas autrement spécifié l’élément moral, il y a lieu de retenir que le dol général est suffisamment caractérisé, si l’auteur a la conscience et la volonté de commettre le fait pénalement répréhensible de provoquer une tierce personne à commettre une infraction dite terroriste.

La Cour d’appel rejoint le tribunal en ce qu’il a retenu que le message, lorsqu’il est susceptible de tomber dans la publicité restreinte telle que prévue à l’article 135-11, point 2 du Code pénal, peut être adressé à une seule personne et ne doit pas inciter plusieurs personnes. Par adoption de ses motifs, le jugement dont appel est donc à confirmer sur ce point. »35 Il s’ensuit que le quatrième moyen de cassation n’est pas fondé.

Quant au cinquième moyen de cassation :

« Cinquième moyen de cassation tiré de la violation de l’article 135-11 (2) du code pénal » En ce que la Cour d’appel a condamné Madame PERSONNE1.) du chef de provocation sur base de l’article 135-11 (2) du Code pénal, Aux motifs que Concernant les faits libellés par le ministère public sub points 2,3,4,6,7, 8 et 9, il y a lieu de constater que ces messages ont été diffusés sur la page publique Facebook « PERSONNE5.) » utilisée par PERSONNE1.), de sorte que la condition de publicité est remplie pour ces messages. Par ces messages, la prévenue tente de convaincre son interlocuteur PERSONNE4.) à adhérer aux dogmes prônés par l’ « Etat islamique », de sorte qu’il faut en déduire que ce faisant elle a incité son interlocuteur à commettre une infraction dite terroriste, à savoir adhérer au groupe terroriste « Etat islamique), Alors que Première branche, 35 Arrêt entrepris p. 68la Cour d’appel a manqué de préciser en quoi le comportement de la prévenue à inciter son interlocuteur à commettre une infraction terroriste consistant dans le fait d’adhérer à l’Etat islamique est incriminable, Qu’en effet le fait d’adhérer à une telle organisation n’est pas visé par les infractions dites terroristes énumérées au chapitre III.1 du Code pénal, Deuxième branche, la Cour d’appel a commis une contradiction dans ses motifs car elle a acquitté le prévenu Monsieur PERSONNE2.) concernant l’infraction visée à l’article 135-

11(2) du Code pénal alors que les circonstances de fait étaient parfaitement identiques à celles ayant prévalu concernant Madame PERSONNE1.) ».

En ce qui concerne la première branche du moyen En analysant l’infraction de provocation au terrorisme, les juges de première instance ont d’abord retenu ce qui suit en ce qui concerne l’apologie du terrorisme :

« Lors de la rédaction de l’article 5 de la Convention du 16 mai 2005 précitée qui a été le modèle pour la rédaction de l’article 135-11 dans sa version initiale, il a été tenu compte des avis de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (Avis 255(2005), paragraphes 3.vii et ss.) et du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (document BcommDH (2005) 1, paragraphe 30 in fine), qui ont suggéré que cette disposition couvre la dissémination de messages d’éloge de l’auteur d’un attentat, le dénigrement des victimes, l’appel à financer des organisations terroristes ou d’autres comportements similaires, qui pourraient constituer des actes d’incitation indirecte à la violence terroriste.

Le droit français qualifie de tels faits d’apologie du terrorisme, réprimés par une infraction spécifique. L’apologie des actes de terrorisme s’entend en une provocation indirecte, par un éloge ou une manifestation d’opinion présentant l’acte terroriste sous un jour favorable, ou, à tout le moins, le présentant comme susceptible d’être justifié, infraction que le droit luxembourgeois ne connaît pas en tant que telle.

Le Tribunal relève d’ailleurs qu’en France, les anciens articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifiée par la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, punissait ceux qui « soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou 46 réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique (…) auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou en auront fait l’apologie », ne faisaient pas de distinction réelle entre la provocation et l’apologie du terrorisme, tellement les comportements réprimés sont proches et leurs effets les mêmes.

L’élément moral de de cette infraction se caractérise par la volonté de l’auteur des propos litigieux de présenter l’acte de terrorisme sous un jour positif. Parce qu’il tend à la diffusion de propos faisant l’éloge d’actes ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur, le délit répond, d’abord, à un « objectif de valeur constitutionnelle de prévention ». Ensuite, cette répression est d’autant plus légitime que l’apologie publique, par la large diffusion des idées et propos dangereux qu’elle favorise, « crée en elle-même un trouble à l’ordre public » (Recueil Dalloz 2018, Yves Mayaud, p.1233).

Dans la mesure où le fait de présenter une organisation terroriste sous un jour positif, peut contribuer à ses objectifs, et notamment convaincre des personnes de la rejoindre, tout en tenant compte de l’intention des rédacteurs de la convention du 16 mai 2005 précitée, le Tribunal retient que les faits d’apologie du terrorisme peuvent constituer en droit luxembourgeois une provocation indirecte à commettre des actes de terrorisme réprimés par le Code pénal.

Il y a encore lieu de relever que le texte incriminant est très vaste, le législateur n’ayant pas défini quels comportements peuvent constituer une provocation au terrorisme. »36 pour retenir ensuite ce qui suit en ce qui concerne PERSONNE1.) :

« En l’espèce, le Tribunal a retenu dans ses développements antérieurs que tant PERSONNE1.) que PERSONNE2.) avaient rejoint en connaissance de cause le groupe terroriste GROUPE1.).

… Concernant PERSONNE1.), le Tribunal constate que les faits libellés sous les points 1 à 4 et 6 à 9 à sa charge par le Ministère Public, sont constitués par le fait de défendre l’idéologie de GROUPE1.) et de la présenter sous un aspect favorable, de justifier les attentats commis par cette organisation et notamment ceux de Paris du 13 novembre 2015, de justifier le fait de tuer les mécréants où d’immigrer dans les territoires sous contrôle de l’GROUPE1.). Il est incontestable que ces faits sont de nature à convaincre 36 Arrêt entrepris p. 34 des personnes de rejoindre les rangs du groupe terroriste en question ou de les pousser à tuer des gens, de sorte qu’ils sont constitutifs d’infractions aux articles 135-1 et 135-4 du Code pénal.37 Tout comme pour son mari, le co-prévenu PERSONNE2.), l’intention criminelle dans le chef d’PERSONNE1.) est incontestable. En effet, tel que déjà retenu par le Tribunal, la prévenue a fait partie du groupe terroriste GROUPE1.) et s’est soumise à son idéologie. Elle est d’ailleurs en aveu d’avoir été en contact avec des jeunes femmes françaises ayant rejoint les territoires occupés par le groupe terroriste lorsqu’elles s’y trouvaient.

Il en découle que l’infraction à l’article 135-11 (2) du Code pénal est également établie en ce qui concerne les 8 points en question. »38.

La Cour d’appel a confirmé à bon droit le jugement de première instance en ce qui concerne l’apologie du terrorisme dans les termes suivants :

« C’est également à bon droit et par une motivation que la Cour d’appel adopte que le tribunal a décidé que l’apologie du terrorisme, à savoir un éloge ou une manifestation d’opinion présentant l’acte terroriste sous un jour favorable ou susceptible de le justifier, est également visée par l’article 135-11 du Code pénal, pouvant constituer un acte de provocation à commettre une infraction dite terroriste. »39 ;

pour retenir ensuite en ce qui concerne PERSONNE1.) :

« Concernant les faits libellés par le ministère public sub points 2, 3, 4, 6, 7, 8 et 9, il y a lieu de constater que ces messages ont été diffusés sur la page publique Facebook « PERSONNE5.) » utilisée par PERSONNE1.), de sorte que la condition de la publicité est remplie pour ces messages. Par ces messages, la prévenue tente de convaincre son interlocuteur PERSONNE4.) à adhérer aux dogmes prônés par l’« Etat islamique », de sorte qu’il faut en déduire que ce faisant elle a incité son interlocuteur à commettre une infraction dite terroriste, à savoir d’adhérer au groupe terroriste « Etat islamique40 ».

Tel qu’il a été retenu ci-avant, il est établi qu’PERSONNE1.) a fait partie du groupe terroriste « Etat islamique » en aidant à propager leurs idées, de sorte qu’elle a intentionnellement commis ces infractions.

C’est donc à juste titre que la juridiction de première instance a retenu la prévenue dans les liens de cette infraction. »41.

37 Souligné par le soussigné 38 Arrêt entrepris p. 35-36 39 Arrêt entrepris p.68 40 Souligné par le soussigné 41 Arrêt entrepris p. 73 Les juges d’appel ont constaté, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve, que l’actuelle demanderesse en cassation s’est rendue coupable d’apologie du terrorisme, et ont donc valablement pu confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a décidé que « Il est incontestable que ces faits sont de nature à convaincre des personnes de rejoindre les rangs du groupe terroriste en question ou de les pousser à tuer des gens, de sorte qu’ils sont constitutifs d’infractions aux articles 135-1 et 135-4 du Code pénal.42 ».

Il est évident, qu’en ajoutant à titre superfétatoire « Par ces messages, la prévenue tente de convaincre son interlocuteur PERSONNE4.) à adhérer aux dogmes prônés par l’« Etat islamique », de sorte qu’il faut en déduire que ce faisant elle a incité son interlocuteur à commettre une infraction dite terroriste, à savoir d’adhérer au groupe terroriste « Etat islamique ».43, la Cour d’appel a visé l’infraction prévue à l’article 135-4 (1) du Code pénal déjà retenue par les juges de première instance.

Le fait d’adhérer à un groupe terroriste constitue justement une infraction dite terroriste au sens du chapitre III-1. du Code pénal.

Il s’ensuit que la première branche du cinquième moyen de cassation n’est pas fondée.

En ce qui concerne la deuxième branche du moyen A titre principal L’article 89 de la Constitution44 sanctionne l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion.45 Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré.46 En invoquant la contradiction de motifs, le moyen de cassation aurait dû viser la violation de l’article 89 de la Constitution, sinon la violation de l’article 195 du 42 Arrêt entrepris p.35 43 Arrêt entrepris p. 73 44 L’article 89 de la Constitution est ainsi libellé : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. » 45 Boré, La cassation en matière civile, 5ème édition, Dalloz Action 2015, n° 77.60 46 Boré, ouvrage cité, n° 77.31Code de procédure pénale, et non pas la violation de l’article 135-11 (2) du Code pénal.

Il s’ensuit, qu’à titre principal, la deuxième branche du cinquième moyen de cassation est irrecevable.

A titre subsidiaire Il résulte de la réponse donnée au quatrième moyen de cassation que les juges d’appel ont décidé à bon droit qu’il faut un élément matériel de publicité pour pouvoir retenir l’infraction prévue à l’article 135-11 (2) du Code pénal.

D’un côté, la Cour d’appel a souverainement décidé que cet élément de publicité n’est pas donné en ce qui concerne un certain nombre de conversations de PERSONNE2.), de sorte que l’infraction n’est pas établie dans son chef, en écrivant :

« Concernant les faits libellés par le ministère public sub points 10, 11, 14, 15, 16, 17 et 21, il y a lieu de relever que ces documents et conversations ont été diffusés dans un groupe de conversation privé sur l’application « Telegram » dont PERSONNE2.) était l’administrateur. Il ne résulte cependant pas du dossier répressif que lors de la diffusion de ces « messages » par le prévenu, d’autres individus étaient présents, alors qu’il s’agit d’échanges de messages entre PERSONNE2.) et une seule autre personne de ce groupe, les autres membres du groupe n’étant pas intervenu dans cet échange. Il en suit que l’un des éléments constitutifs de l’infraction n’est pas établi. »47.

D’un autre côté, la Cour d’appel a souverainement décidé que cet élément de publicité est donné en ce qui concerne un certain nombre de messages d’PERSONNE1.), de sorte que l’infraction est établie dans son chef, en retenant :

« Concernant les faits libellés par le ministère public sub points 2, 3, 4, 6, 7, 8 et 9, il y a lieu de constater que ces messages ont été diffusés sur la page publique Facebook « PERSONNE5.) » utilisée par PERSONNE1.), de sorte que la condition de la publicité est remplie pour ces messages. Par ces messages, la prévenue tente de convaincre son interlocuteur PERSONNE4.) à adhérer aux dogmes prônés par l’« Etat islamique », de sorte qu’il faut en déduire que ce faisant elle a incité son interlocuteur à commettre une infraction dite terroriste, à savoir d’adhérer au groupe terroriste « Etat islamique ».48.

47 Arrêt entrepris p. 70 48 Arrêt entrepris p. 73Il en résulte que l’arrêt entrepris ne contient pas de contradiction de motifs.

Sous le couvert du grief tiré de la contradiction de motifs, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion des faits et des éléments de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond49.

Il s’ensuit, qu’à titre subsidiaire, que la deuxième branche du cinquième moyen de cassation ne saurait être accueillie, sinon n’est pas fondée.

Quant au sixième moyen de cassation :

« sixième moyen de cassation tiré de la violation du principe de l’egalité des armes tel que garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne et l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » en ce que l’arrêt attaqué a condamné Madame PERSONNE1.) des infractions aux articles 135-4 et 135-11 du Code pénal, aux motifs que sa culpabilité résulte de l’examen de certaines conversations contenues dans les rapports de police dressés dans le cadre de l’instruction, alors que lesdits examens n’ont porté que sur des extraits de conversations retiré de leur contexte,… ».

Selon la demanderesse en cassation « il aurait fallu pour que toute la lumière soit faite sur la nature et la portée exactes des propos de Madame PERSONNE1.), rapportés dans les rapports de police, que ceux-ci contiennent l’intégralité des conversations échangées. »50.

Les rapports de police ne contenant pas l’intégralité des conversations échangées, il y aurait eu violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne alors que l’actuelle demanderesse en cassation aurait été jugée sur base d’éléments à charge manifestement tronqués.

49 Voir, à titre d’exemple, Cour de cassation, 4 novembre 2010, n° 34/2010 pénal ; 12 janvier 2012, n° 5/2012 pénal.

50 Mémoire p. 9 Sur le moyen en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 47 de la Charte Le moyen est tiré notamment de la violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Celle-ci dispose dans son article 51, paragraphe 1, première phrase, que « [l]es dispositions de la présente Charte s’adressent […] aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ».

Il résulte de l’arrêt attaqué que le litige vise une situation purement nationale, dès lors qu’aucune disposition relevant du droit de l’Union européenne n’est en cause. Il s’ensuit que l’article 47 de la Charte précitée est étranger au grief formulé par la demanderesse en cassation, partant irrecevable51.

Il s’ensuit que le sixième moyen, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, n’est pas fondé.

Sur le moyen en ce qu’il est tiré de la l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

A titre principal La demanderesse en cassation omet d’indiquer quelles seraient les conversations qui manquent apparemment au dossier.

Il s’ensuit que sous ce rapport, le sixième moyen de cassation, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est irrecevable.

A titre subsidiaire Sous le couvert du grief de la violation du texte visé au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, des faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le sixième moyen de cassation, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être accueilli.

51 Voir notamment Cour de cassation, 27 octobre 2022, n° 126/2022 pénal, numéro CAS-2021-00129 du registre (réponse au premier moyen), Cour de cassation, 23 mars 2023, n° 35/2023 pénal, numéro CAS-

2022-00005 du registre,Conclusion Le pourvoi est recevable.

Le pourvoi est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Serge WAGNER 53


Synthèse
Numéro d'arrêt : 118/23
Date de la décision : 26/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-10-26;118.23 ?

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