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12/10/2023 | LUXEMBOURG | N°100/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 12 octobre 2023, 100/23


N° 100 /2023 du 12.10.2023 Numéro CAS-2022-00127 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze octobre deux mille vingt-trois.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme de droit américain SOCIETE1.) LLC, établie et ayant

son siège social aux Etats-Unis d’Amérique à ADRESSE1.), représentée par le « Manager ...

N° 100 /2023 du 12.10.2023 Numéro CAS-2022-00127 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze octobre deux mille vingt-trois.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme de droit américain SOCIETE1.) LLC, établie et ayant son siège social aux Etats-Unis d’Amérique à ADRESSE1.), représentée par le « Manager », inscrite sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE2.), défendeur en cassation, 2) la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE3.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesse en cassation, les deux comparant par la société à responsabilité limitée b-avocats, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Denis LENFANT, avocat à la Cour.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 127/22 - II - CIV, rendu le 25 juillet 2022 sous le numéro CAL-2020-00398 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 7 décembre 2022 par la société anonyme de droit américain SOCIETE1.) LLC (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à PERSONNE1.) et à la société anonyme SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) »), déposé le 12 décembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 20 janvier 2023 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.) USA et à la société SOCIETE2.), déposé le 25 janvier 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait condamné PERSONNE1.), pris en sa qualité de caution solidaire de la société SOCIETE2.), à payer à la société SOCIETE1.) un certain montant augmenté des intérêts conventionnels. La Cour d’appel a, par réformation, déchargé PERSONNE1.) de toute condamnation.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil par l’arrêt attaqué en ce qu’il a retenu que l’obligation de payer le complément de prix était conclu sous la condition de réalisation effective d’un gain d’impôt par la société française SOCIETE3.) résultant de l’utilisation de son déficit reportable alors que le contrat de cession de créance du 15 avril 2011 stipule que :

suivantes :

A la date du 31/1/2016 si (i) SOCIETE3.) a généré au cours des exercices clos les 31/12/2011 et 31/12/2012 des bénéfices d’un montant minimal cumulé de 12.606.388 € et (ii) l’Administration fiscale française n’a pas adressé de proposition de rehaussement des résultats de SOCIETE3.) avant le 31/12/2015 ayant pour conséquence de remettre en cause l’utilisation par SOCIETE3.) de son Report Déficitaire pour compenser tout ou partie de ses résultats bénéficiaires au titre des exercices clos au plus tard le 31/12/2012, la somme de 2.101.064 € sera due par l’Acheteur au Cédant A la date du 31/1/2017 si l’Administration fiscale française n’a pas adressé de proposition de rehaussement des résultats de SOCIETE3.) avant le 31/12/2016 ayant pour conséquence de remettre en cause l’utilisation par SOCIETE3.) de son Report Déficitaire pour compenser tout ou partie de ses résultats bénéficiaires au titre des exercices clos au plus tard le 31/12/2013, la somme de 2.101.064 € sera due par l’Acheteur au Cédant » de sorte qu’à défaut de toute intervention de l’Administration fiscale française, le Complément de Prix est exigible à la date du 31 janvier 2017 et la condition d’une prétendue réalisation effective d’un gain d’impôt par SOCIETE3.) a été ajoutée au contrat de façon arbitraire par la Cour d’appel.

En statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé le texte susvisé d’où il suit que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation d’une convention qui relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 1156 du Code civil par l’arrêt attaqué en ce qu’il a retenu que les parties auraient clairement stipulé que le montant à recevoir en tant que complément de prix par la société SOCIETE1.) USA était égal à 16,66% du montant du déficit fiscal que la société français SOCIETE3.) pourrait déduire de son bénéfice dans les années suivantes et qu’il était prévu entre parties de se partager le gain d’impôt effectivement réalisé alors que dans son courrier électronique du 23 mars 2011, Monsieur PERSONNE2.) de SOCIETE1.) USA écrivait clairement que : (pièce n° 4), de sorte qu’il n’était nullement de la commune intention des parties contractantes de soumettre l’exigibilité du Complément de Prix à un gain d’impôt effectivement réalisé par SOCIETE3.).

En interprétant la convention comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé le texte susvisé d’où il suit que l’arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour L’article 1156 du Code civil n’a pas un caractère impératif, ses dispositions constituant des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de PERSONNE1.) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à PERSONNE1.) une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Serge WAGNER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation la société anonyme de droit américain SOCIETE1.) LLC c/ 1. PERSONNE1.), pris en sa qualité de caution solidaire de la société anonyme de droit luxembourgeois SOCIETE2.) S.A., 2. la société anonyme de droit luxembourgeois SOCIETE2.), prise en sa qualité d’intervenante volontaire (affaire n° CAS-2022-00127 du registre) Le pourvoi du demandeur en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 12 décembre 2022, d’un mémoire en cassation, est dirigé contre un arrêt rendu en date du 25 juillet 2022 sous le numéro CAL-2020-00398 du rôle, deuxième chambre, siégeant en matière civile.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1 et la forme2.

Le pourvoi est pareillement recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi de 1885, en ce qu’il est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal.

Le pourvoi est, partant, recevable.

Le mémoire en réponse du défendeur en cassation, signifié le 20 janvier 2023 au demandeur en cassation en son domicile élu ainsi qu’à l’intervenante volontaire en son domicile, et déposé le 25 janvier 2023 au greffe de la Cour, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

1 Le jugement attaqué a été signifié en date du 12 octobre 2022 par le défendeur en cassation au domicile élu du demandeur en cassation en l’étude de son mandataire (pièce n°4 annexée au mémoire en cassation). Le pourvoi ayant été formé le 12 décembre 2022, le délai de deux mois, augmenté du délai prévu à l’article 167 du Nouveau Code de Procédure Civile, prévu par l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation applicable en cause, le demandeur en cassation demeurant aux Etats-Unis, a été respecté.

2 Le demandeur en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié au défendeur en cassation et à l’intervenant volontaire, antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi précitée de 1885 ont été respectées.

Sur les faits Le présent pourvoi se situe dans le cadre d’un litige ayant pour objet le recouvrement d’une créance que la société anonyme de droit américain SOCIETE1.) LLC (ci-après « SOCIETE1.) USA ») affirme détenir à l’encontre de PERSONNE1.), pris en sa qualité de caution de la société anonyme de droit luxembourgeois SOCIETE2.) S.A. (ci-après « SOCIETE2.) »).

Plus précisément le litige porte-t-il sur la nature juridique à conférer à une clause contractuelle relative à l’exigibilité d’un complément de prix à payer en exécution d’un contrat de cession de créance conclu entre la société SOCIETE1.) et la société SOCIETE2.), pour qui PERSONNE1.) s’est porté caution solidaire envers la société SOCIETE1.) à concurrence de la somme de 2.101.064,- euros, augmentée des frais et intérêts incombant à la société SOCIETE2.), le montant redû étant, aux termes de l’engagement de caution solidaire, à payer endéans un délai de huit jours à partir de l’exigibilité du complément de prix, tel que stipulé au contrat de cession de créance.

Il est constant en cause et non autrement contesté que, - suivant contrat de cession et d’acquisition du 15 avril 2011, la société SOCIETE2.), dont PERSONNE1.) est administrateur, a acquis de la société SOCIETE1.) USA toutes les parts sociales de la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois SOCIETE4.) SARL (ci-

après « SOCIETE4.) ») au prix d’un euro et que - suivant contrat de cession de créance du même jour, la société SOCIETE1.) a cédé à la société SOCIETE2.) la créance d’un montant de 4.413.476,72- euros dont elle bénéficiait à l’encontre de la société SOCIETE4.), cette dernière étant elle-même propriétaire de 499 sur les 500 parts composant le capital social de la société à responsabilité limitée de droit français SOCIETE3.) SARL (ci-après « SOCIETE3.) »), dont le déficit fiscal reportable s’élevait à 12.606.388, -euros au 31 décembre 2010.

La clause litigieuse portant sur l’exigibilité d’un complément de prix redevable par le cessionnaire, et qui fait partie intégrante des dispositions ayant trait au prix de la cession de créance, lesquelles sont en même temps objet du présent pourvoi, se lisent comme suit, « Prix La cession est consentie pour un prix initial d’un euro.

L’Acquéreur verse ce jour au Cédant la somme d’un euro qui lui en donne bonne et valable quittance.

Le Cédant aura vocation à percevoir un complément de prix (ci-après le « Complément de Prix ») d’un montant équivalent à 16,66% des déficits fiscaux de la société de droit français SOCIETE3.) affectés en déduction de ses résultats bénéficiaires d’exploitation.

Sur base du report fiscal déficitaire de SOCIETE3.) (ci-après le « Report Déficitaire ») tel qu’arrêté au 31 décembre 2010, qui s’élève à la somme de 12.606.388.- euros, le montant maximal du Complément de Prix payable au Cédant sera en conséquence de 2.101.064.- euros.

Exigibilité du Complément de Prix Le paiement du Complément de Prix sera exigible dans les conditions suivantes :

A la date du 31/1/2016 si(i) SOCIETE3.) a généré au cours des exercices clos les 31/12/2011 et 31/12/2012 des bénéfices d’un montant minimal cumulé de 12.606.388.- euros et (ii) l’Administration fiscale française n’a pas adressé de proposition de rehaussement des résultats de SOCIETE3.) avant le 31/12/2015 ayant pour conséquence de remettre en cause l’utilisation par SOCIETE3.) de son Report Déficitaire pour compenser tout ou partie de ses résultats bénéficiaires au titre des exercices clos au plus tard le 31/12/2012, la somme de 2.101.064.-

euros sera due par l’Acheteur au Cédant.

A la date du 31/1/2017 si l’Administration fiscale française n’a pas adressé de proposition de rehaussement des résultats de SOCIETE3.) avant le 31 /12/2016 ayant pour conséquence de remettre en cause l’utilisation par SOCIETE3.) de son Report Déficitaire pour compenser tout ou partie de ses résultats bénéficiaires au titre des exercices clos au plus tard le 31/12/2013, la somme de 2.101.064.- euros sera due par l’Acheteur au Cédant.

Ou Dans le mois d’une décision devenue définitive, toutes voies de recours épuisées, par laquelle l’utilisation par SOCIETE3.) de son Report Déficitaire pour compenser tout ou partie de ses résultats bénéficiaires sera confirmée par une décision de l’Administration fiscale française.

Dans l’hypothèse où une telle décision aurait pour effet de remettre partiellement en cause l’utilisation des déficits, le montant dû par l’Acheteur au Cédant au titre du Complément de Prix serait égal à 16,66 % des déficits qui auront été finalement admis en déduction.

Le Cessionnaire s’engage à transmettre au Cédant copie des comptes annuels SOCIETE3.) jusqu’au paiement du Complément de Prix tel que défini ci-dessus, et à prendre en compte toutes suggestions que le Cédant pourrait lui faire dans le cadre de toute procédure de contrôle fiscal de SOCIETE3.) à laquelle cette dernière pourrait être confrontée.

L’Acquéreur s’engage à adresser au Cédant et au Séquestre (tel qu’il est ci-après défini) dans les 15 jours de leur réception toutes correspondances qui pourraient être reçues par SOCIETE3.) de la part de l’Administration fiscale française ainsi que copies de toutes réponses que SOCIETE3.) pourrait y donner. » Par jugement du 26 novembre 2019, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a dit fondé la demande dirigée par SOCIETE1.) contre PERSONNE1.), au motif que le contrat de cession de créance ne suspendrait pas l’obligation de payer le prix, mais retarderait seulement l’exécution de celle-ci. Dans la mesure où la société SOCIETE3.) n’aurait pas réalisé, au cours des exercices 2011 et 2012, des bénéfices d’un montant minimum cumulé de 12.606.388, -

euros, et que l’administration fiscale française n’aurait pas remis en cause l’utilisation par la société SOCIETE3.) de son report déficitaire pour compenser ses résultats bénéficiaires, la somme de 2.101.064,- euros serait devenue exigible envers la société SOCIETE2.) en date du 31 janvier 2017, et, huit jours plus tard, envers sa caution solidaire, PERSONNE1.).

Sur base de ces considérations, le tribunal a condamné PERSONNE1.) au paiement de la somme réclamée de 2.101.064,- EUR à titre de complément de prix, augmentée des intérêts au taux conventionnel de 6% à partir du 9 février 2017 jusqu’à solde, ainsi qu’à une indemnité de procédure de 1.000,- euros.

Par arrêt du 25 juillet 2022, la Cour d’appel a réformé le jugement de première instance et elle a retenu, en substance, qu’aux termes du contrat de cession de créance, le paiement d’un complément de prix était exigible sous la condition suspensive de la réalisation effective d’un gain d’impôt par la société de droit français SOCIETE3.), suite à l’utilisation de son déficit fiscal reportable.

La Cour, après avoir constaté qu’en l’espèce les déficits fiscaux de la société SOCIETE3.) n’ont pas été utilisés, en sorte que la condition de l’existence d’un gain d’impôts ne s’est pas réalisée, a déclaré non fondée la demande de SOCIETE1.) USA en paiement d’un complément de prix.

Ce faisant, les magistrats d’appel ont, par réformation du jugement de première instance qui avait donné gain de cause à la société SOCIETE1.), au motif que la clause prévue au contrat de cession du 15 avril 2011 portant sur l’exigibilité d’un complément de prix, en sus du prix initial d’un euro, n’était pas à qualifier d’obligation contractée sous condition suspensive, mais, au contraire, d’obligation inéluctable, bien qu’à terme suspensif et à échéance incertaine, déchargé PERSONNE1.) de la condamnation intervenue à son encontre en première instance.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, qui dispose que, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. » Le demandeur en cassation reproche à l’arrêt dont pourvoi d’avoir retenu que l’obligation de payer le complément de prix était stipulée sous la condition de la réalisation effective d’un gain d’impôt par la société SOCIETE3.) résultant de l’utilisation de son déficit reportable, alors qu’aux termes du contrat de cession, en l’absence d’une quelconque intervention de l’administration fiscale française, le complément du prix était exigible à la date du 31 janvier 2017. Il en conclut que la condition d’une prétendue réalisation effective d’un gain d’impôt par SOCIETE3.) a été ajoutée au contrat de cession de créance de façon arbitraire par la Cour d’appel.

Autrement formulé, le premier moyen reproche donc en fait à l’arrêt entrepris d’avoir dénaturé les dispositions du contrat de cession de créance conclu le 15 avril 2011, en ce qu’il a, par réformation, estimé pouvoir dégager des termes du contrat que le paiement d’un complément de prix n’était redû par le cessionnaire que sous la condition suspensive de la réalisation effective d’un gain d’impôt par la société SOCIETE3.).

Principalement :

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1885, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-

ci encourt le reproche allégué.

En l’occurrence, le moyen ne précise ni quelle disposition de l’article 1134 du Code civil aurait été violée par les magistrats d’appel, ni en quoi l’article 1134 du Code civil aurait été violé.

Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.3 Il en suit que le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

En l’espèce, tel qu’exposé plus haut, le premier moyen reproche en réalité à l’arrêt entrepris d’avoir opté pour une interprétation dénaturante des dispositions du contrat de cession de créance conclu le 15 avril 2011, en ce qu’il a jugé qu’un complément de prix n’était exigible que sous la condition suspensive de la réalisation effective d’un gain d’impôt par la société SOCIETE3.).

Or, suivant Votre jurisprudence constante, l’interprétation des conventions conclues entre parties relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de Votre Cour.

Ce n’est que dans un arrêt isolé que le grief de dénaturation, tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, a été accueilli et déclaré fondé par Votre Cour4. Or, dans la mesure où ce dernier arrêt a été prononcé dans des circonstances toutes différentes de la présente espèce, la soussignée est d’avis qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de Votre jurisprudence établie en appliquant, dans l’affaire qui vous est actuellement soumise, ce cas d’ouverture.

Il s’ensuit qu’un moyen reprochant aux magistrats d’appel, sous le couvert du grief tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, une dénaturation des clauses d’un contrat, ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond du contenu et de la portée des obligations stipulées au contrat, appréciation relevant cependant de leur pouvoir souverain et échappant à Votre contrôle.5 Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

3 Voir à titre d’illustration : Cass., 21.1.2021, n° 2019-00117 du registre 4 Voir sur ce point les conclusions exhaustives rédigées par Monsieur le Procureur général d’Etat adjoint, PERSONNE3.), dans l’affaire de cassation ayant abouti à l’arrêt n°79/2021 du 6.5.2021, n° 2020-00080 du registre, page 36 et suivantes 5 Voir à titre d’illustration : Cass., 3.12.2020, n°2019-00169 du registre ; Cass. 7.7.2022, n° 2021-00118 du registre Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1156 du Code civil qui dispose que, « On doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».

Le demandeur en cassation critique l’arrêt entrepris d’avoir retenu que les parties auraient clairement stipulé que le montant à recevoir en tant que complément de prix par la société SOCIETE1.) était égal à 16,66% du montant du déficit fiscal que la société française SOCIETE3.) pourrait déduire de son bénéfice dans les années suivantes et qu’il était prévu entre parties de se partager le gain d’impôt effectivement réalisé, alors même que dans son courrier électronique du 23 mars 2011, Monsieur PERSONNE2.) de SOCIETE1.) USA écrivait clairement que : « Bien évidemment, si, une fois l’acquisition faite, l’acheteur n’utilise pas la société dans le délai convenu, il demeurerait redevable des sommes dues », de sorte qu’il n’était nullement de la commune intention des parties contractantes de soumettre l’exigibilité du complément de prix à un gain d’impôt effectivement réalisé par SOCIETE3.).

Autrement dit, le deuxième moyen de cassation reproche aux magistrats d’appel d’avoir omis de tenir compte de l'intention des parties contractantes, intention pourtant clairement exprimée par un représentant de SOCIETE1.) USA dans le cadre d’un courrier électronique rédigé antérieur à la conclusion du contrat de cession, et selon lequel la volonté de SOCIETE1.) USA n’aurait jamais été de soumettre l’exigibilité du complément de prix à un gain d’impôt effectivement réalisé.

Principalement :

Ce deuxième moyen de cassation, qui est tiré de la violation de la loi et plus précisément de l’article 1156 du Code civil, reproche dès lors à la Cour d’appel d’avoir dénaturé l’esprit des clauses du contrat de cession de créance conclu entre parties, en ce qu’elle aurait estimé pouvoir faire abstraction de la volonté des parties se dégageant d’un écrit échangé entre-elles au cours des pourparlers et d’avoir ainsi, sur le seul fondement des termes du contrat de cession, jugé que les parties auraient prévu que l’exigibilité d’un complément de prix était déterminée par la réalisation effective d’un gain d’impôt.

Le deuxième moyen de cassation est irrecevable pour plusieurs raisons.

Premièrement il faut relever que ce moyen, qui indique certes le cas d’ouverture, omet cependant d’indiquer avec précision en quoi consiste exactement le grief tiré de la violation de l’article 1156 du Code civil qu’il vise.

Or, aux termes de l’article 10, alinéa 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

En ne citant que de manière incomplète la motivation de la Cour d’appel critiquée, le moyen ne fait pas preuve de la précision suffisante et nécessaire pour permettre à Votre Cour d’en saisir la portée exacte et de statuer sur son mérite.

En second lieu, le deuxième moyen de cassation est encore à irrecevable en ce qu’il ne contient pas de conclusions dont l’adjudication serait demandée.

A cela s’ajoute que Votre Cour juge de manière constante que les dispositions de l’article 1156 du Code civil n’ont pas de caractère impératif, mais ne constituent toujours qu’un conseil donné au juge par le législateur pour l’interprétation des conventions et non une règle absolue dont la méconnaissance pourrait donner ouverture à cassation.6 Il s’ensuit que le moyen est encore irrecevable de ce chef.

Subsidiairement :

Tel que relevé plus haut, il appert que le demandeur en cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir interprété le contrat de cession de créance contrairement à la volonté claire et non ambiguë des parties, volonté qui aurait pourtant été explicitement exprimée par écrit antérieurement à la conclusion du contrat contenant la clause litigieuse, et qui n’aurait pas consistée à soumettre l’exigibilité du complément de prix à un gain d’impôt effectivement réalisé par SOCIETE3.).

A l’instar du premier moyen, le deuxième moyen de cassation porte donc également sur l’interprétation de dispositions contractuelles par les juges du fond. Or, tel que déjà exposé sous le premier moyen de cassation, l’interprétation des conventions conclues entre parties relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de Votre Cour.

Sous cette optique, le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat Avocat général Anita LECUIT 6 Voir à titre d’illustration : Cass. 7.7.2022, n° 2021-00118 du registre ; Cass. 25.5.2023, n° 2022-00062 du registre 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 100/23
Date de la décision : 12/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-10-12;100.23 ?

Source

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