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06/07/2023 | LUXEMBOURG | N°94/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 06 juillet 2023, 94/23


N° 94 /2023 du 06.07.2023 Numéro CAS-2022-00131 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois.

Composition:

Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, président, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, co

mparant par la société à responsabilité limitée NC ADVOCAT, inscrite à la liste ...

N° 94 /2023 du 06.07.2023 Numéro CAS-2022-00131 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois.

Composition:

Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, président, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée NC ADVOCAT, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nadia CHOUHAD, avocat à la Cour, et 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Anne-Marie VOGEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, 2) Maître Anne ROTH-JANVIER, avocat à la Cour, demeurant à L-ADRESSE3.), assistant et représentant l’enfant mineur PERSONNE4.), né le DATE1.), défenderesse en cassation.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 190/22 - I - CIV (aff.fam.), rendu le 12 octobre 2022 sous le numéro CAL-2022-00770 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel contre les décisions du juge aux affaires familiales ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 décembre 2022 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.) et à Maître Anne ROTH-JANVIER, déposé le 28 décembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 16 février 2023 par PERSONNE2.) à PERSONNE1.), à Maître Anne ROTH-JANVIER et au Ministère public, déposé le 24 février 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire, intitulé « nouveau mémoire suivant mémoire en réponse » signifié le 8 mai 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), à Maître Anne ROTH-

JANVIER et au Parquet général, déposé le 19 mai 2023 au greffe de la Cour en ce qu’il répond aux fins de non-recevoir opposées au pourvoi par les défendeurs en cassation et l’écartant pour le surplus, en ce qu’il ne remplit pas les conditions de l’article 17, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur la recevabilité du pourvoi Le défendeur en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi en raison de non-conformités des moyens de cassation à l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Une éventuelle irrecevabilité des moyens de cassation est sans incidence sur la recevabilité du pourvoi.

Il s’ensuit que les moyens d’irrecevabilité du pourvoi ne sont pas fondés.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait fixé le domicile légal et la résidence habituelle de l’enfant commun mineur auprès de sa mère, PERSONNE1.), déchargé celle-ci du paiement d’une pension alimentaire à titre de contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et déterminé les modalités du droit de visite et d’hébergement du père, PERSONNE2.).

La Cour d’appel a, par réformation, dit que le domicile légal de l’enfant reste fixé auprès du père, dit que la mère doit continuer à payer une pension alimentaire à titre de contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et fixé les modalités du droit de visite et d’hébergement de la mère.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation sinon fausse application sinon fausse interprétation de l’article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales Première branche moyen de cassation :

Il y a eu violation de l’article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales en ce que la Cour d’appel dans son arrêt n°190/22 - I - CIV (aff.fam.) rendu contradictoirement en date du 12 octobre 2022 a décidé que alors qu’elle aurait dû remettre l’affaire pour plaidoiries à une date ultérieure - aussi rapprochée soit-elle - aux fins de permettre le respect du contradictoire et de l’égalité des armes ;

motivation :

que l’article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales commande le respect d’un entre les parties à l’instance ;

qu’un tel principe vaut aussi bien au pénal qu’au civil (Feldbrugge c. Pays-

Bas, 1986, § 44) ;

que ce implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de par rapport à son adversaire (Kress c. France [GC], 2001, § 72 ; Regner c. République tchèque [GC], 2017, § 146 ; Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, 1993, § 33) ;

que le mandataire de la partie intimée, Maître Nadia CHOUHAD, s’est constituée en date du 20 septembre 2022 avec demande de remise des plaidoiries afin de préparer la défense de la Dame PERSONNE1.) par-devant la première chambre de la Cour Supérieure de Justice de et à Luxembourg ;

que cependant la Cour d’Appel n’a pas fait droit à la demande au motif que :

19 août 2022 et Maître Benoit-Kechichian n’ayant pas autrement justifié son impossibilité d’instruire le dossier, la Cour n’a pas fait droit à sa demande de refixation » ;

que ce faisant, en sa qualité de partie intimée, la Dame PERSONNE1.), n’a pas eu la possibilité de verser aux débats des pièces pertinentes permettant d’appuyer ses allégations et n’a pas permis à son mandataire l’instruction utile des éléments versés aux débats par le Sieur PERSONNE2.), et son mandataire en leur qualité d’appelant ;

que la partie appelante a déposé une requête d’appel de 64 pages ainsi que 163 pièces à son appui, qu’il s’agissait d’un premier appel, et dans le chef de la Dame PERSONNE1.), de sa première demande de remise ;

qu’à l’audience, en soutenant qu’elle , la Cour d’appel a fait preuve d’un profond dédain à l’encontre du prédit article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales et de la demanderesse en cassation, la Dame PERSONNE1.) ;

que la Cour d’Appel aurait pu refixer l’affaire - ne serait-ce qu’à brève échéance - pour permettre au mandataire de la Dame PERSONNE1.) d’instruire le dossier en instance d’appel et de préparer sa défense ;

qu’en n’en faisant rien, elle a placé les parties dans une situation de déséquilibre eu égard au principe d’égalité des armes ;

que l’arrêt n°190/22 - I - CIV (aff.fam.) rendu contradictoirement en date du 12 octobre 2022 encourt la cassation ;

Deuxième branche moyen de cassation Il y a eu violation de l’article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales en ce que la Cour d’appel a principalement repris l’argumentaire du Substitut du Procureur venant au soutien de la partie appelante, pour fonder sa décision alors qu’elle aurait principalement dû mettre en perspective les arguments des parties appelantes et intimées pour rendre une décision qui soit guidée par la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant PERSONNE4.) ;

motivation :

que l’article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales commande le respect d’un entre les parties à l’instance ;

que le principe de l'égalité des armes est un élément de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Il exige "un juste équilibre entre les parties" : chaque partie doit avoir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage substantiel vis-à-vis de son adversaire (voir, entre autres autorités, Yvon c. France, no. 44962/98, § 31, CEDH 2003-V, et Kress c. France [GC], no. 39594/98, § 72, CEDH 2001-VI) » que l’une des parties à l’instance ne peut pas être placée en situation de désavantage du fait de la place prépondérante d’une autre des parties à l’instance ;

que cela est particulièrement vrai quant à la place du Procureur dans la procédure ;

que l’argumentaire au fond du Substitut du Procureur produit à l’audience du 21 septembre 2022 n’a été qu’à l’endroit et en la faveur de la partie défenderesse en cassation en soutenant sans baser son raisonnement sur des pièces tangibles que ;

- les rapports SCAS et AITIA - Treffpunkt les plus récents n’avaient aucune pertinence ;

- les agents du SCAS et de l’AITIA - Treffpunkt ont été compromis dans leurs fonctions par la Dame PERSONNE1.) qui les aurait influencés ;

- Il n’y aurait dès lors pas d’élément pour affirmer que l’enfant commun mineur PERSONNE4.) aille mal ;

- l’enfant serait en souffrance à cause de sa mère, et exclusivement de sa mère ;

que la Cour d’appel n’a, in globo, retenu que l’argumentaire du Ministère Public à l’audience, en faveur de la partie défenderesse en cassation en faisant abstraction totale des arguments de la demanderesse en cassation encore de l’avocate de l’enfant PERSONNE4.), Maître ROTH ;

que ce faisant elle a placé la partie demanderesse en cassation, la Dame PERSONNE1.), dans une situation d’infériorité procédurale (Vardanyan et Nanushyan c. Arménie, 2016, §§ 88-90) ;

que le Substitut du Procureur a agi en véritable adversaire de la partie demanderesse en cassation, la Dame PERSONNE1.) ;

que la Cour d’appel aurait dû prendre avec la plus grande circonspection les allégations du Ministère Public à la lumière des rapports rendus par son propre service social (SCAS) et l’Institut Etatique d’Aide à l’Enfance (AITIA - Treffpunkt) ;

qu’au contraire, elle a principalement suivi les prédites allégations infondées du Ministère Public en décidant que :

- La Cour renvoie aux nombreux passages des rapports AITIA et SCAS repris dans le jugement entrepris du 3 août 2022 et se doit de constater que les éléments du dossier auxquels elle peut avoir égard n’étayent aucunement les affirmations qui y sont contenues » ;

- La Cour précise d’emblée que les appréciations de PERSONNE3.) (l’agente du SCAS, ndlr) dans rapport du 25 mai 2022 ne sont pas pertinentes (…) » ;

-

service Treffpunkt et du SCAS reposent en grande partie sur les affirmations unilatérales de PERSONNE1.), qui en l’absence de tout élément de preuve, restent à l’état de pures allégations. » ;

- Face à l’inertie de PERSONNE1.), de l’avocat de l’enfant et du service Treffpunkt suite à l’arrêt du 11 juillet 2022 (…) » ;

et faisant alors fi de l’ensemble des investigations effectuées par les services sociaux (SCAS) ainsi que des services d’aide à l’enfance (AITIA -

Treffpunkt) pendant les deux dernières années ;

qu’un tel développement, s’appuyant principalement voire exclusivement sur les développements du Ministère Public sont de nature à placer la partie demanderesse en cassation, la Dame PERSONNE1.), dans une situation d’infériorité procédurale faisant face à deux parties adverses défendant les mêmes intérêts, voire la même communauté d’intérêts ;

que la Cour d’appel aurait dû se borner à confronter les arguments de la partie appelante et de la partie intimée pour ainsi rendre une décision visant à assurer la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant en fonction des développements circonstanciés par ses parents effectués ;

que l’arrêt n° 190/22 - I - CIV (aff.fam.) rendu contradictoirement en date du 12 octobre 2022 encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en n’ayant pas fait droit à sa demande en report de l’affaire à une date ultérieure aux fins de permettre à son mandataire d’instruire le dossier et de préparer sa défense.

Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation, par les juges du fond, de la nécessité de reporter l’affaire, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur la seconde branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir entériné les conclusions du Ministère public au lieu de confirmer le jugement de première instance.

Sous le couvert du grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation, par les juges du fond, des éléments soumis au débat, dont les différents rapports établis par les services sociaux et les plaidoiries présentées à l’audience, dans la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation sinon fausse application sinon fausse interprétation de l’article 372§1 du Code civil Première branche moyen de cassation :

Il y a eu violation de l’article 372§1 du Code civil en ce que la Cour d’appel a considéré que pour fonder sa décision alors qu’elle aurait dû en faire la complète analyse, faire sienne les conclusions du premier juge selon lesquelles : et partant confirmer la décision de première instance en ce qu’elle .

motivation :

que l’article 372§1 du Code civil dispose que :

L’autorité parentale est l’ensemble des droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt supérieur de l’enfant. » que 20 novembre 1989, l'intérêt supérieur de l'enfant dans toute matière le concernant, au sens de cet instrument, est au cœur de la protection de l'enfance, en vue de l'épanouissement de l'enfant au sein du milieu familial, la famille constituant "l'unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour [sa] croissance et [son] bien-

être", selon les termes du préambule de cette Convention. (voir G. c. France, no 40031/98, CEDH 2000-IX). (CEDH, 6 déc. 2007, n° 39388/05, M. et W. c/ France, n° 66 et 67) » ;

qu'une juridiction appelée à statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale doit poursuivre le strict intérêt de l’enfant ;

que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale, les droits et devoirs de l’autorité parentale ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant (Cass. fr. 1re civ., 8 nov. 2005, n° 02-18.360 : JurisData n° 2005-030708) ;

que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue à la fois le but légitime et la mesure de l’atteinte aux droits parentaux. Le juge européen affirme ainsi notamment que bien qu’il faille ménager un juste équilibre entre l’intérêt de [l’enfant] et ceux de ses parents, la Cour attache une importance particulière à l’intérêt supérieur de l’enfant qui, selon sa nature et sa gravité, peut l’emporter sur celui du parent » (CEDH, 13 juill. 2004, H. c/ Allemagne, n° 103 ; CEDH, 28 avril 2016, C. c/ Italie, n° 66) ;

que la décision du premier juge dont appel se fonde sur différents rapports du SCAS et du Treffpunkt qui accablent la partie appelante ;

qu’en décidant que : les conclusions des responsables du service Treffpunkt et du SCAS reposent en grande partie sur les affirmations unilatérales de PERSONNE1.), qui en l’absence de tout élément de preuve, restent à l’état de pures allégations » la Cour d’appel a balayé d’un léger revers de main le travail des professionnels intervenants au dossier sans toutefois faire une analyse précise de ce qui aurait été vrai ou ce qui aurait été faux au sein desdits rapports ;

que pourtant ces rapports sont accablants et mettent en exergue que le défendeur en cassation a fait la démonstration sur plusieurs années d’un comportement hautement toxique préjudiciable à l’enfant ;

qu’à la suite du déménagement de l’enfant PERESONNE4.) chez sa mère, la Dame PERSONNE1.), celui-ci s’est confié sur la maltraitance qu’il subissait effectivement chez son père ;

que cela a d’ailleurs donné lieu au dépôt d’une plainte pénale pour violence par ascendant sur mineur de moins de quinze ans auprès des services de police français ;

que la Cour d’appel aurait dû faire sienne les démonstrations du premier juge sinon à minima faire l’explication de ce qui, au sein desdits rapports, reposerait sur de simples allégations unilatérales ;

que force est de constater que la Cour d’appel n’en a rien fait ;

que l’arrêt n°190/22 - I - CIV (aff.fam.) rendu contradictoirement en date du 12 octobre 2022 encourt la cassation ;

Deuxième branche moyen de cassation :

Il y a eu violation de l’article 372§1 du Code civil en ce que la Cour d’appel a alors qu’elle aurait dû dire que le domicile légal de l’enfant commun PERSONNE4.) reste fixé auprès de sa mère, la Dame PERSONNE1.) et ainsi confirmer la décision de première instance en ce qu’elle ;

motivation :

que l’article 372§1 du Code civil dispose que :

L’autorité parentale est l’ensemble des droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt supérieur de l’enfant. » que depuis l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, l'intérêt supérieur de l'enfant dans toute matière le concernant, au sens de cet instrument, est au cœur de la protection de l'enfance, en vue de l'épanouissement de l'enfant au sein du milieu familial, la famille constituant "l'unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour [sa] croissance et [son] bien-

être", selon les termes du préambule de cette Convention. (voir G. c. France, no 40031/98, CEDH 2000-IX). (CEDH, 6 déc. 2007, n° 39388/05, M. et W. c/ France, n° 66 et 67) » ;

qu'une juridiction appelée à statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale doit poursuivre le strict intérêt de l’enfant ;

que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale, les droits et devoirs de l’autorité parentale ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant (Cass. fr. 1re civ., 8 nov. 2005, n° 02-18.360 : JurisData n° 2005 -030708) ;

que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue à la fois le but légitime et la mesure de l’atteinte aux droits parentaux. Le juge européen affirme ainsi notamment que bien qu’il faille ménager un juste équilibre entre l’intérêt de [l’enfant] et ceux de ses parents, la Cour attache une importance particulière à l’intérêt supérieur de l’enfant qui, selon sa nature et sa gravité, peut l’emporter sur celui du parent » (CEDH, 13 juill. 2004, H. c/ Allemagne, n° 103 ; CEDH, 28 avril 2016, C. c/ Italie, n° 66) ;

que la décision du premier juge dont appel se fonde sur différents rapports du SCAS et du Treffpunkt qui accablent la partie défenderesse en cassation ;

qu’en décidant que : les conclusions des responsables du service Treffpunkt et du SCAS reposent en grande partie sur les affirmations unilatérales de PERSONNE1.), qui en l’absence de tout élément de preuve, restent à l’état de pures allégations » la Cour d’appel a balayé d’un revers de main le travail des professionnels intervenants au dossier sans toutefois faire une analyse circonstanciée desdits rapports qui jusqu’à preuve du contraire font foi ;

que ces rapports rendus par le Service Central d’Assistance Sociale et par le l’Institut Étatique d’Aide à l’Enfance (AITIA - Treff Punkt) nommés judiciairement par les juridictions judiciaires, mettent en exergue que le père de l’enfant PERSONNE4.) a fait la démonstration sur plusieurs années d’un comportement hautement toxique préjudiciable à l’enfant ;

qu’à la suite du déménagement de l’enfant chez sa mère, la Dame PERSONNE1.), l’enfant s’est confié sur la maltraitance qu’il subissait effectivement chez son père ;

que cela a d’ailleurs donné lieu au dépôt d’une plainte pénale pour violence par ascendant sur mineur de moins de quinze ans auprès des services de police français ;

que la Cour d’appel aurait dû faire sienne les conclusions du premier juge selon lesquelles : Au vu des développements qui précèdent, PERSONNE4.) est exposé à des dangers menaçant son équilibre personnel et l’évolution de sa personnalité. Le clivage identitaire de l’enfant qui en résulte provoquera une problématique identitaire ainsi que des troubles du comportement, dont il en est déjà fait état dans le chef de PERSONNE4.) dans les développements supra. » et aurait dû maintenir le domicile légal de l’enfant auprès de sa mère, la Dame PERSONNE1.), dans le souci de préserver les intérêts supérieurs de l’enfant ;

que force est de constater que la Cour d’appel n’en a rien fait ;

que l’arrêt n°190/22 - I - CIV (aff.fam.) rendu contradictoirement en date du 12 octobre 2022 encourt la cassation ;

Troisième branche moyen de cassation :

Il y a eu violation de l’article 372§1 du Code civil en ce que la Cour d’appel a et dans le même temps statuer en ce qu’elle alors qu’elle aurait dû dire que le domicile légal de l’enfant commun PERSONNE4.) reste fixé auprès de sa mère, la Dame PERSONNE1.) et ainsi confirmer la décision de première instance en ce qu’elle ;

motivation :

que l’article 372§1 du Code civil dispose que :

L’autorité parentale est l’ensemble des droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt supérieur de l’enfant. » que depuis l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, l'intérêt supérieur de l'enfant dans toute matière le concernant, au sens de cet instrument, est au cœur de la protection de l'enfance, en vue de l'épanouissement de l'enfant au sein du milieu familial, la famille constituant "l'unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour [sa] croissance et [son] bien-

être", selon les termes du préambule de cette Convention. (voir G. c. France, no 40031/98, CEDH 2000-IX). (CEDH, 6 déc. 2007, n° 39388/05, M. et W. c/ France, n° 66 et 67) ;

qu'une juridiction appelée à statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale doit poursuivre le strict intérêt de l’enfant ;

que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale, les droits et devoirs de l’autorité parentale ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant (Cass. fr. 1re civ., 8 nov. 2005, n° 02-18.360 : JurisData n° 2005 -030708) ;

que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue à la fois le but légitime et la mesure de l’atteinte aux droits parentaux. Le juge européen affirme ainsi notamment que bien qu’il faille ménager un juste équilibre entre l’intérêt de [l’enfant] et ceux de ses parents, la Cour attache une importance particulière à l’intérêt supérieur de l’enfant qui, selon sa nature et sa gravité, peut l’emporter sur celui du parent » (CEDH, 13 juill. 2004, H. c/ Allemagne, n° 103 ; CEDH, 28 avril 2016, C. c/ Italie, n° 66) ;

qu’en disant d’une part que : le domicile légal de l’enfant commun PERSONNE4.) reste fixé auprès de PERSONNE2.) » et d’autre part en rejetant la demande de PERSONNE2.) tendant à voir ordonner le retour immédiat de l’enfant au Luxembourg, pour être prématurée » alors que l’enfant avait déjà déménagé chez sa mère, la Dame PERSONNE1.), la Cour d’appel a rendu une décision qui se contredit elle-même ;

qu’une telle décision n’avait aucune chance d’être exécutée dans des conditions normales laissant peser un doute de taille sur l’avenir de l’enfant, ce qui est contraire à son intérêt supérieur ;

que dans de telles circonstances, la Cour d’appel aurait dû dire que le domicile légal de l’enfant PERSONNE4.) reste fixé auprès de sa mère, la Dame PERSONNE1.) ;

que force est de constater que la Cour d’appel n’en a rien fait ;

que les conséquences dommageables qui s’en sont suivies sont sans commune mesure et portent atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant au plus haut degré de préjudice ;

qu’en effet, un premier certificat concernant les décisions en matière de responsabilité parentale fût émis en date du 14 octobre 2022 par la Cour d’appel lequel ne portait aucune mention quant à ce que la décision ordonnait le retour de l’enfant ;

que ce certificat a fait l’objet d’une rectification illégale, ledit certificat ayant été modifié par erreur au point 6.3.2, lequel prévoit erronément en ces termes :

que sur cette base de ce certificat erroné l’enfant a été remis par les services de police à son père après avoir été illégalement enlevé à son domicile, près sa mère, la Dame PERSONNE1.) ;

que l’arrêt n°190/22 - I - CIV (aff.fam.) rendu contradictoirement en date du 12 octobre 2022 encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Sur les trois branches du moyen réunies La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir confirmé le jugement de première instance en suivant les avis exprimés par les différents services sociaux dans leurs rapports.

Sous le couvert du grief tiré de la violation de l’article 372, alinéa 1, du Code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation, par les juges du fond, de l’intérêt supérieur de l’enfant, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Anne-Marie VOGEL, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Christiane JUNCK en présence de l’avocat général Nathalie HILGERT et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre PERSONNE1.) et PERSONNE2.) (n° CAS-2022-00131 du registre) Par mémoire signifié le 27 décembre 2022 à PERSONNE2.) (ci-après « PERSONNE2.) ») et à Maître Anne ROTH-JANVIER, agissant pour le compte du mineur d'âge PERSONNE4.), et déposé le 28 décembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Nadia CHOUHAD, avocat à la Cour, agissant pour le compte de PERSONNE1.) (ci-après « PERSONNE1.) ») a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 12 octobre 2022 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2022-00770 du rôle.

Un mémoire en réponse a été signifié le 16 février 2023 par Maître Anne-Marie VOGEL, avocat à la Cour, agissant pour le compte du défendeur en cassation PERSONNE2.), à PERSONNE1.) et à Maître Anne ROTH-JANVIER, agissant ès qualités, et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 24 février 2023. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

Dans son mémoire en réponse, PERSONNE2.) oppose l’irrecevabilité du pourvoi au motif qu'il se limite à attaquer les motifs de l’arrêt de la Cour d'appel, alors que, selon lui, seul le dispositif d’une décision judiciaire pourrait faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Le défendeur en cassation conclut encore à l'irrecevabilité du pourvoi au motif que les moyens de cassation ne seraient pas formulés avec la précision exigée par la loi.

D'après l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire en cassation doit préciser les dispositions attaquées de l'arrêt et contenir les conclusions dont l'adjudication est demandée. La désignation des dispositions attaquées est considérée comme faite à suffisance de droit lorsqu'elle résulte nécessairement de l'exposé de moyens ou des conclusions. Sous peine d'irrecevabilité, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu'un seul cas d'ouverture et chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous la même sanction, le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Il en suit que les causes d’irrecevabilité invoquées se rapportent toutes les deux au moyen de cassation et ne sauraient affecter la recevabilité du pourvoi en lui-même1.

Le pourvoi répond encore aux conditions de forme et de délai2 prévues dans la loi précitée du 18 février 1885.

Il est partant recevable.

Sur le mémoire supplémentaire :

La demanderesse en cassation a encore déposé le 19 mai 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire supplémentaire dénommé « nouveau mémoire suivant mémoire en réponse », signifié le 8 mai 2023, qui répond à l’exception d’irrecevabilité du pourvoi ainsi qu’aux objections en droit soulevées dans le mémoire en réponse du défendeur en cassation à l’encontre des différents moyens pour dire que le pourvoi n’est pas fondé.

Aux vœux de l’article 17 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ce mémoire supplémentaire n’est recevable que pour autant qu’il répond à l’exception d’irrecevabilité du pourvoi et doit être écarté pour le surplus.

1 Cass. 27 février 2014, n° 22/14, numéro 3310 du registre ; Cass. 21 mai 2015, n° 47/15, numéro 3505 du registre.

2 En l’absence de pièces documentant la signification de l’arrêt en question à la demanderesse en cassation et la recevabilité du pourvoi n’ayant pas été remise en cause quant aux délais prévus par la loi par le défendeur en cassation, il y a lieu de présumer que l’arrêt en question n’a pas été signifié, de sorte que le pourvoi introduit est recevable au regard des délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Sur les faits et rétroactes Par un jugement du 3 août 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait fixé le domicile légal et la résidence habituelle de l'enfant PERSONNE4.) auprès de sa mère PERSONNE1.), avait déchargé cette dernière du paiement d'une pension alimentaire à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun et avait déterminé les modalités du droit de visite et d'hébergement du père PERSONNE2.).

Par l'arrêt entrepris par le pourvoi, la Cour d’appel, par réformation du jugement et première instance, a dit que le domicile de PERSONNE4.) reste auprès de son père, a rejeté la demande de PERSONNE1.) en décharge, respectivement en diminution de son obligation de payer un certain montant à PERSONNE2.) à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun et a fixé les modalités du droit de visite et d'hébergement de la mère PERSONNE1.).

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 6, paragraphe 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le premier moyen est divisé en deux branches.

Sur la première branche du moyen Aux termes de la première branche du moyen, la demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel d'avoir rejeté sa demande de reporter l'audience de plaidoiries à une date ultérieure afin de lui permettre de préparer utilement sa défense.

La demanderesse en cassation fait valoir que du fait du rejet de sa demande de report d'audience, elle n'aurait été en mesure ni de verser aux débats des pièces pertinentes qui lui auraient permis d'appuyer ses allégations, ni d'instruire utilement la requête d'appel et les pièces versées aux débats par PERSONNE2.). Elle considère qu'en rejetant sa demande, la Cour d'appel l'aurait placée dans une situation de déséquilibre à l'égard de son adversaire eu égard au principe de l'égalité des armes.

Le principe de « l’égalité des armes » représente un élément de la notion plus large de procès équitable et est étroitement lié au principe du contradictoire3. L’exigence de l’égalité des armes, au sens d’un « juste équilibre » entre les parties, vaut en principe aussi bien au civil qu’au pénal4. L’égalité des armes implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris ses preuves – dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de « net désavantage » par rapport à son adversaire5.

L'arrêt entrepris est motivé comme suit sur le point considéré:

« A l’audience du 21 septembre 2022, Maître Benoit-Kechichian [qui avait représenté PERSONNE1.) en instance d'appel en remplacement de Maître Nadia CHOUHAD] a demandé la refixation de l’affaire au motif qu’il n’aurait pas instruit le dossier. Maître Burg s’y est opposé en invoquant le degré d’urgence que présente l’affaire, eu égard au changement de résidence de l’enfant commun qui est scolarisé.

PERSONNE1.) ayant été informée de la fixation de l’affaire en date du 19 août 2022 et Maître Benoit-Kechichian n’ayant pas autrement justifié son impossibilité d’instruire le dossier, la Cour n’a pas fait droit à sa demande de refixation. » D'après les constatations souveraines de la Cour d'appel, suite à l'appel relevé le 11 août 2022 par PERSONNE2.)6, PERSONNE1.) avait été informée dès le 19 août 2022 de la fixation de l'affaire à l'audience du 21 septembre 2022. En motivant sa décision de ne pas accorder de report d'audience à PERSONNE1.) par la référence à la date à laquelle PERSONNE1.) avait été informée de la fixation de l'audience d'appel, la Cour d'appel a implicitement mais nécessairement considéré que PERSONNE1.) avait disposé d'un temps suffisant pour instruire la requête d'appel, verser des pièces et préparer sa défense.

A titre principal, le moyen ne saurait être accueilli puisque sous le couvert du grief de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à mettre en discussion l’appréciation souveraine des juges d’appel du déroulement de la procédure ayant conféré à PERSONNE1.) la possibilité d’exposer sa cause dans des conditions ne la désavantageant pas vis-à-vis des parties adverses, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation7.

3 CourEDH, Regner c. République tchèque [GC], 2017, § 146.

4 CourEDH Feldbrugge c. Pays-Bas, 1986, § 44.

5 CourEDH Kress c. France [GC], 2001, § 72 ; Regner c. République tchèque [GC], 2017, § 146 ; Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, 1993, § 33.

6 Arrêt entrepris, page 3.

7 Cass. 30 juin 2011, n° 46 / 11, n° 2876 du registre.

A titre subsidiaire, en considérant que PERSONNE1.) avait disposé d'un temps suffisant - soit plus d'un mois - pour instruire la requête d'appel, verser des pièces et préparer sa défense, et en refusant sur cette base la demande de report d'audience, la Cour d'appel n'a pas placé PERSONNE1.) dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire.

En ce qui concerne plus particulièrement le reproche que PERSONNE1.) n'avait pas été en mesure de verser en instance d'appel des pièces à l'appui de ses prétentions, s'il résulte de l'arrêt entrepris que les pièces qu'elle a entendu verser aux débats seulement lors de l'audience des plaidoiries du 21 septembre 2022 ont été rejetées par la Cour d'appel en application de l’article 282 du Nouveau Code de procédure civile pour ne pas avoir été communiquées en temps utile, il en appert encore que PERSONNE1.) avait affirmé que les pièces en cause étaient les mêmes que celles versées en première instance8. Or, comme relevé par les juges d'appel, en vertu de l’article 279 du Nouveau Code de procédure civile, en cause d'appel, une nouvelle communication des pièces déjà versées aux débats de première instance n'est pas exigée. Il résulte encore implicitement de l'arrêt entrepris que la Cour d'appel disposait des pièces versées par PERSONNE1.) en première instance9, de sorte que PERSONNE1.) n'a subi aucun grief du fait qu'elle n'a pas versé en instance d'appel un nouvelle fois les pièces qu'elle avait déjà versées en première instance et le grief tiré de l'iniquité du procès à son égard n'est, de ce point de vue, pas fondé.

En ce qui concerne le reproche de ne pas avoir pu instruire utilement les pièces versées par PERSONNE2.), il résulte des éléments du dossier auxquels le soussigné peut avoir égard10 que ces pièces ont été communiquées à PERSONNE1.) dès le 14 septembre 2022, soit une semaine avant l'audience des plaidoiries, et que la très grande majorité des pièces11 lui avait déjà été communiquée en première instance, de sorte qu'elle avait un temps suffisant pour les instruire. PERSONNE1.) n'a dès lors pas été placée dans une situation de désavantage en rapport avec la communication de pièces puisque les pièces de son adversaire lui ont été communiquées en temps utile et, bien qu'ayant eu le droit, elle a librement choisi, pour sa part, de ne pas verser de nouvelles pièces en instance d'appel.

8 Arrêt entrepris, page 6, dernier alinéa.

9 En effet, la Cour d'appel a considéré que du fait de l'absence d'inventaire joint aux pièces versées en instance d'appel, elle ne serait pas en mesure d’apprécier si ces pièces étaient les mêmes que celles versées en première instance (cf. arrêt entrepris, page 7, alinéa 4).

10 Pièces n° 2 et 3 de Maître Anne-Marie VOGEL.

11 A savoir 156 pièces sur 175.

PERSONNE1.) a ainsi eu la possibilité d’exposer sa cause en instance d'appel dans des conditions ne la désavantageant pas vis-à-vis de la partie adverse.

Il en suit que le moyen n'est pas fondé.

Sur la deuxième branche du moyen Aux termes de la deuxième branche du moyen, la demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel, pour rejeter ses prétentions et réformer le jugement de première instance, d'avoir « in globo retenu (…) l'argumentaire du Ministère public à l'audience en faveur de la partie défenderesse en cassation en faisant abstraction totale des arguments de la demanderesse en cassation encore de l'avocate de l'enfant PERSONNE4.) ».

La Cour d'appel aurait suivi les « allégation infondées du Ministère public en décidant que :

« La Cour renvoie aux nombreux passages des rapports AITIA et SCAS repris dans le jugement entrepris du 3 août 2022 et se doit de constater que les éléments du dossier auxquels elle peut avoir égard n’étayent aucunement les affirmations qui y sont contenues. » « La Cour précise d’emblée que les appréciations de PERSONNE3.) dans son rapport du 25 mai 2022 ne sont pas pertinentes (…) » ;

« La Cour constate, par ailleurs, que les conclusions des responsables du service Treffpunkt et du SCAS reposent en grande partie sur les affirmations unilatérales de PERSONNE1.), qui en l’absence de tout élément de preuve, restent à l’état de pures allégations. » ;

« Face à l’inertie de PERSONNE1.), de l’avocat de l’enfant et du service Treffpunkt suite à l’arrêt du 11 juillet 2022 (…) » ;

et faisant alors fait fi de l'ensemble des investigations effectuées par les services sociaux (SCAS) ainsi que des services d'aide à l'enfance (AITIA - Treffpunkt) pendant les deux dernière années. » La demanderesse en cassation fait valoir que le Ministère public aurait agi en véritable adversaire à son égard et en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel aurait placé PERSONNE1.) dans une situation de nette infériorité procédurale par rapport à deux parties adverses qui auraient défendu les mêmes intérêts.

Il résulte de l'arrêt entrepris que lors des débats devant la Cour d'appel, le Ministère public avait conclu « à la réformation du jugement du 3 août 2022, avec fixation du domicile légal et de la résidence habituelle auprès du père et fixation d’un droit de visite pour la mère à exercer, dans un premier temps, au Luxembourg au sein d’une institution spécialisée autre que le service Treffpunkt, puis en fonction de l’évolution du dossier à l’extérieur de l’institution, respectivement chez la mère »12. La Cour d'appel avait suivi ces conclusions en décidant, par réformation du jugement de première instance, de fixer le domicile légal et la résidence habituelle de l'enfant PERSONNE4.) auprès du père et en fixant un droit de visite pour la mère.

A titre principal, le moyen ne saurait être accueilli puisque sous le couvert de la disposition légale visée au moyen, il ne tend en réalité qu'à remettre en discussion, dans le cadre de l'appréciation par la Cour d'appel de l'intérêt supérieur de l'enfant en fonction des circonstances de l'espèce, l'appréciation par cette dernière de la valeur probante des différents rapports établis par des services sociaux, ces deux appréciations relevant du pouvoir souverain des juges du fond qui échappe au contrôle de la Cour de cassation13.

A titre subsidiaire, le Ministère public a pris des conclusions dans l'affaire en cause sur le fondement de l'article 1007-6 du Nouveau code de procédure civile qui régit son intervention dans le cadre des audiences du juge aux affaires familiales. Il n'est que partie jointe au procès14. Il requiert l'application de la loi15 qui impose, dans le cadre des décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale, le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant16 et, sur ce fondement, il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice17.

Le seul fait pour les juges d'appel d'avoir décidé conformément aux conclusions du Ministère public ne saurait caractériser en lui-même une violation du droit à un procès équitable.

Il en suit qu'à titre subsidiaire, le moyen n'est pas fondé.

12 Arrêt entrepris page 5.

13 Pour l'appréciation souveraine par les juges du fond d'un rapport d'expertise : Cass. 19 mai 2022, n° 71/2022, n° CAS-2021-00060 du registre ; Pour l'appréciation souveraine par les mêmes juges du fond de l'intérêt supérieur de l'enfant : Cass. 12 novembre 2020, n° CAS-2019-00150 du registre.

14 Cass. 12 novembre 2020, n° 145 / 2020, n° CAS-2019-00150 du registre.

15 Article 16 du Code de procédure pénale.

16 Articles 372 et suivants du Code civil. Il est relevé qu'avec la Constitution révisée qui entrera en vigueur le 1er juillet 2023, l'intérêt supérieur de l'enfant y sera consacré dans un article 15 (5) et aura partant une valeur constitutionnelle.

17 Article 16-2 du Code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 372, alinéa 1er du Code civil aux termes duquel l’autorité parentale est l’ensemble des droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le moyen est divisé en trois branches.

Aux termes du moyen, la demanderesse en cassation fait grief aux juges d'appel, pour décider que le domicile et la résidence habituelle de l'enfant commun étaient à fixer auprès du père, de ne pas avoir suivi l'appréciation exprimée par différents services sociaux dans leurs rapports sur base de laquelle le juge de première instance avait fixé le domicile et la résidence habituelle de l'enfant commun auprès de la mère.

Le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches puisque sous le couvert de la disposition légale visée au moyen, il ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation par la Cour d'appel de l'intérêt supérieur de l'enfant en fonction des circonstances de l’espèce, cette appréciation relevant du pouvoir souverain des juges du fond qui échappe au contrôle de la Cour de cassation18.

A titre subsidiaire, par rapport aux deux premières branches du moyen, dans les développements qui leur sont consacrés, la demanderesse fait encore grief aux juges d'appel de ne pas s'être livrés à « une analyse circonstanciée » des différents rapports dressés par les services sociaux mandatés par l'autorité judiciaire. Ce grief vise une motivation insuffisante et relève partant du défaut de base légale qui constitue un cas d'ouverture différent du cas d'ouverture visé au moyen, à savoir celui de la violation de la loi. Vu sous cet angle, les deux premières branches du moyen sont irrecevables.

A titre subsidiaire, par rapport à la troisième branche du moyen, dans les développements consacrés à cette branche, la demanderesse en cassation fait grief aux juges d'appel de s'être contredits en considérant « d’une part que « le domicile légal de l’enfant commun PERSONNE4.) reste fixé auprès de PERSONNE2.) » et d’autre part en rejetant « la demande de PERSONNE2.) tendant à voir ordonner le retour immédiat de l’enfant au Luxembourg, pour être prématurée ». Or, le grief tiré de la contradiction des motifs vise le cas d'ouverture du défaut de motivation, qui est un vice de forme et qui est différent du cas d'ouverture visé au moyen, à savoir la violation de la loi qui est un vice de fond. Il en suit qu'à ce titre, le moyen est irrecevable en sa troisième branche.

18 Cass. 12 novembre 2020, précité.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 22


Synthèse
Numéro d'arrêt : 94/23
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-07-06;94.23 ?

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