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06/07/2023 | LUXEMBOURG | N°92/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 06 juillet 2023, 92/23


N° 92 / 2023 pénal du 06.07.2023 Not. 13795/19/CD Numéro CAS-2022-00129 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Iraq), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 16 novembre 2022 sous le numéro 50/22 Ch.

C

rim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;

Vu le pourvo...

N° 92 / 2023 pénal du 06.07.2023 Not. 13795/19/CD Numéro CAS-2022-00129 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Iraq), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 16 novembre 2022 sous le numéro 50/22 Ch.

Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 14 décembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 13 janvier 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, avait, d’une part, acquitté le demandeur en cassation des infractions aux articles 375, alinéa 2, 385-2, en relation avec certains faits, et 383 du Code pénal, et, d’autre part, déclaré le demandeur en cassation convaincu d’avoir commis les infractions aux articles 385-2, en relation avec d’autres faits, et 384 du Code pénal et ordonné la suspension du prononcé de la condamnation. Le tribunal avait déclaré partiellement fondée la demande en indemnisation de la partie civile.

La Cour d’appel a, par réformation, retenu le demandeur en cassation dans les liens de toutes les préventions libellées à son encontre, a prononcé une peine d’emprisonnement assortie du sursis intégral et a, pour le surplus, confirmé le jugement entrepris.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt attaqué 385-2 du Code pénal libellées sub I.) et sub II.)1.)a) ;

rectifie le libellé de l'infraction à l'article 385-2 du Code pénal libellée sub II.)1.)b) ;

dit que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) se trouvent en concours réel ;

condamne PERSONNE1.) du chef des infractions retenues à sa charge à une peine d'emprisonnement de QUATRE (4) ANS ;

dit qu'il sera sursis à l'intégralité de cette peine d'emprisonnement ;

confirme pour le surplus le jugement déféré, quoique partiellement pour d'autres motifs ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de sa poursuite pénale en instance d'appel, liquidés à 26,00 euros » Aux motifs que 2 infraction à l'article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l'absence d'une intention spéciale de l'auteur ou d'une connaissance exacte de l'âge des personnes envers lesquelles certaines infractions sont commises (cf. Cour, 5 novembre 2013, 538/13V). L'âge de la victime est dès lors un fait public dont la preuve incombe au ministère public.

L'auteur ne peut exciper dans sa défense de l'ignorance de l'âge, par exemple en raison de l'âge apparent du mineur en cause ou des allégations de celui-ci. C'est à la personne poursuivie qu'il appartient de justifier qu'elle a légitimement pu se tromper sur l'âge de la victime (JurisClasseur Pénal, Art. 227-25 à 227-27 - Fasc.

20: Atteintes sexuelles sans violence sur mineur, date du fascicule : 15 janvier 2022, n° 9).

retenues à son encontre, à une peine d’emprisonnement amender et Conformément aux principes généraux, l'ignorance de fait ou la bonne foi ne sont justificatives que si elles sont invincibles ; elles sont incompatibles avec une négligence ou un défaut de précaution. Ce n'est guère que dans des cas où l'agent aurait été induit en erreur par des documents qu'il n'avait pas de raison de suspecter, comme des actes faux ou erronés, que l'ignorance ou la bonne foi pourraient être envisagées à titre justificatif. (Rigaux et Trousse, Les crimes et les délits du Code pénal, t. V, Les crimes et les délits contre la sécurité publique, l'ordre des familles et la moralité publique, éd. 1968, p.248).

En l'espèce, PERSONNE1.) n'établit pas d'erreur justificative, ses explications selon lesquelles il aurait été induit en erreur par les affirmations de P.T.

quant à son âge, par le fait que lors de leur rencontre, elle se serait vieillie par son maquillage et sa façon de se vêtir, respectivement par sa sexualisation affichée ouvertement, ne sont pas de nature à établir une telle erreur. Il y a lieu de rappeler qu'PERSONNE1.) a, d'ailleurs après réception des trois photos de P.T. en date du 29 avril 2019, immédiatement émis des doutes quant à l'âge de celle-ci. La réponse qu'il a obtenue de la part de P.T. suite à sa demande relative à l'âge de celle-ci, est pour le moins équivoque. La mineure lui a en effet écrit : "Et si j'avais 12 ans Cie n'ai pas 12 ans)". A cela s'ajoute que malgré une apparence physique de la mineure de tout au plus 13-14 ans, le prévenu n'a procédé à aucune vérification. L'erreur dans son chef n'est dès lors pas invincible, ni même excusable. » Première branche Pour violation de l’obligation de motivation des jugements découlant des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 163, 195, 211 et 222 du Code de procédure pénale.

Alors que L’article 375 du Code pénal prévoit que sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, notamment à l’aide de violences ou de menaces graves, par ruse ou artifice, ou en abusant d’une personne hors d’état de donner un 3 consentement libre ou d’opposer la résistance, constitue un viol et sera puni de la réclusion de cinq à dix ans.

Est réputé viol commis en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans. Dans ce cas, le coupable sera puni de la réclusion de dix à quinze ans. » De sorte qu’il résulte de la définition légale de l'article 375 du Code pénal que le viol suppose la réunion des éléments constitutifs suivants, à savoir :

1) un acte de pénétration sexuelle, 2) l'absence de consentement de la victime. Cet élément constitutif est de manière irréfragable présumé si la victime est âgée de moins de seize ans 3) un dol spécial, à savoir l'intention criminelle de l'auteur.

Cependant, la Cour d’appel retient que circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l'article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l'absence d'une intention spéciale de l'auteur » pour faire abstraction d’un des éléments constitutifs de l’infraction, à savoir le dol spécial consistant en l’intention criminelle de l’auteur, et qu’en ne se prononçant tout simplement pas sur l’existence d’un des éléments constitutifs de l’infraction tout en condamnant le demandeur en cassation, la Cour a failli à son obligation de motivation découlant des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale.

Deuxième branche Pour violation des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 163, 195, 211 et 222 du Code de procédure pénale.

Alors que L’article 375 du Code pénal prévoit que sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, notamment à l’aide de violences ou de menaces graves, par ruse ou artifice, ou en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer la résistance, constitue un viol et sera puni de la réclusion de cinq à dix ans.

Est réputé viol commis en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans. Dans ce cas, le coupable sera puni de la réclusion de dix à quinze ans. » De sorte qu’il résulte de la définition légale de l'article 375 du Code pénal que le viol suppose la réunion des éléments constitutifs suivants, à savoir :

1) un acte de pénétration sexuelle, 2) l'absence de consentement de la victime. Cet élément constitutif est de manière irréfragable présumé si la victime est âgée de moins de seize ans 3) un dol spécial, à savoir l'intention criminelle de l'auteur.

4 Cependant, la Cour d’appel retient que circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l'article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l'absence d'une intention spéciale de l'auteur » pour faire abstraction d’un des éléments constitutifs de l’infraction, à savoir le dol spécial consistant en l’intention criminelle de l’auteur, et qu’en ne se prononçant tout simplement pas sur l’existence d’un des éléments constitutifs de l’infraction tout en condamnant le demandeur en cassation, la Cour a failli à son obligation de caractériser suffisamment les éléments constitutifs de l’infraction et a partant violé les articles 195 et 211 du Code de procédure pénale. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies En tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 163, 195, 211 et 222 du Code de procédure pénale, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Il est fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir suffisamment caractérisé le dol spécial consistant en l’intention criminelle de l’auteur.

En retenant « Le viol suppose la réunion des éléments constitutifs suivants :

- un acte de pénétration sexuelle, - l’absence de consentement de la victime. Cet élément constitutif est présumé de manière irréfragable si la victime est âgée de moins de seize ans, - l'intention criminelle de l'auteur.

Les deux premiers éléments constitutifs sont restés établis en instance d’appel, il est en effet constant en cause que le 30 avril 2019, PERSONNE1.) et la mineure P.T., née DATE2.), ont eu un rapport bucco-génital, à un moment où P.T.

était âgée de 11 ans.

Il en résulte dès lors que l'absence de consentement de la victime est présumée de manière irréfragable en application de l’article 375 alinéa 2 du Code pénal.

Le consentement, même clairement établi, de la victime n’exonère pas l’auteur des faits en ce qui concerne les atteintes sexuelles, ceci même à supposer que la victime ait affiché un comportement aguicheur, entreprenant et provocateur, qu’elle ait dissimulé son âge, qu’elle ait eu une participation active durant les ébats, que c’est elle qui ait organisé le rendez-vous et choisi le lieux (cf. Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-86.318 : D. 2021, p. 881).

L’âge de la victime est une circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l’article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l’absence d’une 5 intention spéciale de l’auteur ou d’une connaissance exacte de l’âge des personnes envers lesquelles certaines infractions sont commises. », les juges d’appel ont, par des motifs exempts d’insuffisance, caractérisé leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt attaqué 385-2 du Code pénal libellées sub I.) et sub II.)1.)a) ;

rectifie le libellé de l'infraction à l'article 385-2 du Code pénal libellée sub II.)1.)b) ;

dit que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) se trouvent en concours réel ;

condamne PERSONNE1.) du chef des infractions retenues à sa charge à une peine d'emprisonnement de QUATRE (4) ANS ;

dit qu'il sera sursis à l'intégralité de cette peine d'emprisonnement ;

confirme pour le surplus le jugement déféré, quoique partiellement pour d'autres motifs ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de sa poursuite pénale en instance d'appel, liquidés à 26,00 euros » Aux motifs que infraction à l'article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l'absence d'une intention spéciale de l'auteur ou d'une connaissance exacte de l'âge des personnes envers lesquelles certaines infractions sont commises (cf. Cour, 5 novembre 2013, 538/13V). L'âge de la victime est dès lors un fait public dont la preuve incombe au ministère public.

6 L'auteur ne peut exciper dans sa défense de l'ignorance de l'âge, par exemple en raison de l'âge apparent du mineur en cause ou des allégations de celui-ci. C'est à la personne poursuivie qu'il appartient de justifier qu'elle a légitimement pu se tromper sur l'âge de la victime (JurisClasseur Pénal, Art. 227-25 à 227-27 - Fasc.

20 : Atteintes sexuelles sans violence sur mineur, date du fascicule : 15 janvier 2022, n° 9).

Conformément aux principes généraux, l'ignorance de fait ou la bonne foi ne sont justificatives que si elles sont invincibles ; elles sont incompatibles avec une négligence ou un défaut de précaution. Ce n'est guère que dans des cas où l'agent aurait été induit en erreur par des documents qu'il n'avait pas de raison de suspecter, comme des actes faux ou erronés, que l'ignorance ou la bonne foi pourraient être envisagées à titre justificatif. (Rigaux et Trousse, Les crimes et les délits du Code pénal, t. V, Les crimes et les délits contre la sécurité publique, l'ordre des familles et la moralité publique, éd. 1968, p.248).

En l'espèce, PERSONNE1.) n'établit pas d'erreur justificative, ses explications selon lesquelles il aurait été induit en erreur par les affirmations de P.T.

quant à son âge, par le fait que lors de leur rencontre, elle se serait vieillie par son maquillage et sa façon de se vêtir, respectivement par sa sexualisation affichée ouvertement, ne sont pas de nature à établir une telle erreur. Il y a lieu de rappeler qu'PERSONNE1.) a, d'ailleurs après réception des trois photos de P.T. en date du 29 avril 2019, immédiatement émis des doutes quant à l'âge de celle-ci. La réponse qu'il a obtenue de la part de P.T. suite à sa demande relative à l'âge de celle-ci, est pour le moins équivoque. La mineure lui a en effet écrit : "Et si j'avais 12 ans Cie n'ai pas 12 ans)". A cela s'ajoute que malgré une apparence physique de la mineure de tout au plus 13-14 ans, le prévenu n'a procédé à aucune vérification. L'erreur dans son chef n'est dès lors pas invincible, ni même excusable. » Branche unique Pour violation de l’article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui dispose que , de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, de l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, de l’article 14 du Pacte sur les droits civils et politiques et par l’article 48 de la chartre des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000, ainsi que du principe général de droit applicable en matière pénale selon lequel, en cas de contestations émises par le prévenu, il incombe au Ministère Public de rapporter la matérialité de l'infraction lui reproché, tant en fait qu'en droit.

Alors que la Cour d’appel, en retenant que la partie demanderesse en cassation n’aurait pas établi en quoi son ignorance de l’âge de la mineure serait invincible, a méconnu la présomption d’innocence et a renversé la charge de la preuve qui pèse sur le Ministère Public, auquel il aurait appartenu de démontrer que la partie demanderesse avait pertinemment connaissance de la minorité de la mineure, et non pas l’inverse, et qu’en en décidant comme elle l’a fait, la Cour a obligé le Prévenu à 7 démontrer l’absence de dol spécial en son chef ; preuve qui devait incomber au Ministère Public.

Pour montrer que l'acte de pénétration sexuelle a été perçu comme tel par l'auteur, il faut en revanche établir que l'auteur a eu conscience de dépasser les limites posées par le législateur, en d'autres termes qu'il a agi en pleine connaissance du caractère immoral de ses actes.

En exigeant de la part de l’auteur que l'ignorance de l’âge de la mineure ou sa bonne foi soient invincibles, la Cour a purement et simplement ignoré la présomption d’innocence et reversé la charge de la preuve. ».

Réponse de la Cour Le moyen a trait à la présomption d’innocence en tant que règle relative à l’administration de la preuve, notamment en ce qui concerne le principe suivant lequel la partie poursuivante supporte la charge de la preuve.

L’article 375 du Code pénal dispose :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, notamment à l’aide de violences ou de menaces graves, par ruse ou artifice, ou en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer la résistance, constitue un viol et sera puni de la réclusion de cinq à dix ans.

Est réputé viol commis en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans. Dans ce cas, le coupable sera puni de la réclusion de dix à quinze ans.».

Il se dégage de l’article 375, alinéa 2, précité, que si l’acte de pénétration sexuelle a été commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, il n’est pas nécessaire de constater, en tant qu’élément constitutif de l’infraction, que l’enfant a été hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance. Dans ce cas, la loi interdit tout acte de pénétration sexuelle sur un enfant âgé de moins de seize ans, dès lors que l’enfant, en raison de son jeune âge, de son manque de discernement et de sa vulnérabilité, est incapable de donner un consentement libre à l’acte sexuel commis sur sa personne.

Il s’ensuit que la preuve de l’absence de consentement de l’enfant âgé de moins de seize ans n’a pas besoin d’être rapportée.

Les droits de la défense de la personne accusée d’avoir commis un viol sur un enfant âgé de moins de seize ans ne sont pas pour autant violés, étant donné que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal n’établit pas de présomption concernant la responsabilité pénale du prévenu et qu’il appartient à la partie poursuivante d’établir les éléments constitutifs du crime de viol et aux juges du fond d’apprécier les éléments de preuve à charge et à décharge du prévenu.

La présomption d’innocence invoquée par le demandeur en cassation n’est pas un principe de droit pénal matériel, mais un principe de procédure pénale qui garantit à tout prévenu d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie.

En retenant, sur base des faits souverainement par eux constatés, « Le viol suppose la réunion des éléments constitutifs suivants :

- un acte de pénétration sexuelle, - l’absence de consentement de la victime. Cet élément constitutif est présumé de manière irréfragable si la victime est âgée de moins de seize ans, - l'intention criminelle de l'auteur.

Les deux premiers éléments constitutifs sont restés établis en instance d’appel, il est en effet constant en cause que le 30 avril 2019, PERSONNE1.) et la mineure P.T., née DATE2.), ont eu un rapport bucco-génital, à un moment où P.T.

était âgée de 11 ans.

Il en résulte dès lors que l'absence de consentement de la victime est présumée de manière irréfragable en application de l’article 375 alinéa 2 du Code pénal.

Le consentement, même clairement établi, de la victime n’exonère pas l’auteur des faits en ce qui concerne les atteintes sexuelles, ceci même à supposer que la victime ait affiché un comportement aguicheur, entreprenant et provocateur, qu’elle ait dissimulé son âge, qu’elle ait eu une participation active durant les ébats, que c’est elle qui ait organisé le rendez-vous et choisi le lieux (cf. Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-86.318 : D. 2021, p. 881).

L’âge de la victime est une circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l’article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l’absence d’une intention spéciale de l’auteur ou d’une connaissance exacte de l’âge des personnes envers lesquelles certaines infractions sont commises (cf. Cour, 5 novembre 2013, 538/13V). L’âge de la victime est dès lors un fait public dont la preuve incombe au ministère public.

L’auteur ne peut exciper dans sa défense de l’ignorance de l’âge, par exemple en raison de l’âge apparent du mineur en cause ou des allégations de celui-ci. C’est à la personne poursuivie qu’il appartient de justifier qu’elle a légitimement pu se tromper sur l’âge de la victime (JurisClasseur Pénal, Art. 227-25 à 227-27 - Fasc.

20 : Atteintes sexuelles sans violence sur mineur, date du fascicule : 15 janvier 2022, n° 9).

Conformément aux principes généraux, l’ignorance de fait ou la bonne foi ne sont justificatives que si elles sont invincibles ; elles sont incompatibles avec une négligence ou un défaut de précaution. Ce n’est guère que dans des cas où l’agent aurait été induit en erreur par des documents qu’il n’avait pas de raison de suspecter, comme des actes faux ou erronés, que l’ignorance ou la bonne foi pourraient être envisagées à titre justificatif. (Rigaux et Trousse, Les crimes et les délits du Code 9 pénal, t. V, Les crimes et les délits contre la sécurité publique, l’ordre des familles et la moralité publique, éd. 1968, p.248).

En l’espèce, PERSONNE1.) n’établit pas d’erreur justificative, ses explications selon lesquelles il aurait été induit en erreur par les affirmations de P.T.

quant à son âge, par le fait que lors de leur rencontre, elle se serait vieillie par son maquillage et sa façon de se vêtir, respectivement par sa sexualisation affichée ouvertement, ne sont pas de nature à établir une telle erreur. Il y a lieu de rappeler qu’PERSONNE1.) a, d’ailleurs après réception des trois photos de P.T. en date du 29 avril 2019, immédiatement émis des doutes quant à l’âge de celle-ci. La réponse qu’il a obtenue de la part de P.T. suite à sa demande relative à l’âge de celle-ci, est pour le moins équivoque. La mineure lui a en effet écrit : « Et si j’avais 12 ans (je n’ai pas 12 ans) ». A cela s’ajoute que malgré une apparence physique de la mineure de tout au plus 13-14 ans, le prévenu n’a procédé à aucune vérification. L’erreur dans son chef n’est dès lors pas invincible, ni même excusable. », les juges d’appel ont examiné les éléments constitutifs du crime de viol commis sur la personne d’un enfant mineur, âgé de moins de seize ans, et se sont prononcés sur l’existence de l’erreur justificative invoquée.

Ce faisant, les juges d’appel n’ont violé ni le principe de la présomption d’innocence ni celui selon lequel la charge de la preuve repose sur l’accusation.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation, ceux du Ministère public étant liquidés à 8 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Nathalie HILGERT et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans le cadre du pourvoi en cassation de PERSONNE1.) en présence du Ministère public (No CAS-2022-00129 du registre)

__________________________________________________

Par déclaration faite le 14 décembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Brian HELLINCKX, avocat à la Cour, a formé pour compte et au nom de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt N° 50/22 Ch.crim rendu le 16 novembre 2022 par la Cour d’appel, siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 13 janvier 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi a été déclaré dans les formes et délais de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans les formes et délais y imposés.

Faits et rétroactes :

Le ministère public a reproché à PERSONNE1.) d’avoir commis un viol sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, partant en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre (infraction à l’article 375 alinéa 2 du Code pénal) ainsi que certains délits.

Par jugement N° LCRI 95/2021 du 22 décembre 2021 de la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, PERSONNE1.) a été acquitté des infractions à l’article 375 alinéa 2, à l’article 385-2 (en relation avec le libellé sub II.)1.a.)) ainsi qu’à l’article 383 du Code pénal. La juridiction de première instance a cependant déclaré PERSONNE1.) convaincu d’avoir commis les infractions à l’article 385-2 alinéa 1er du Code pénal (en relation avec le libellé sub II.)1. b), tout en limitant la période infractionnelle aux 1er et 2 mai 2019) et à l’article 384 du Code pénal, a ordonné la suspension du prononcé de lacondamnation pour une durée de trois ans et a ordonné diverses confiscations et restitutions.

De ce jugement, appel a été interjeté le 13 janvier 2022 par déclaration déposée au guichet du greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg par le représentant du ministère public.

Par arrêt N° 50/22 Ch.Crim. du 16 novembre 2022, la Cour d’appel, siégeant en matière criminelle, a dit l’appel du ministère public fondé et par réformation a déclaré PERSONNE1.) convaincu des infractions aux articles 375 alinéa 2 et 385-2 du Code pénal libellées sub I.) et sub II.)1.)a), a rectifié le libellé de l’infraction à l’article 385-2 du Code pénal libellée sub II.)1.)b) et a dit que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) se trouvent en concours réel.

Cet arrêt a encore condamné PERSONNE1.) du chef des infractions retenues à sa charge à une peine d’emprisonnement de QUATRE (4) ANS, a dit qu’il sera sursis à l’intégralité de cette peine d’emprisonnement, a confirmé pour le surplus le jugement déféré, quoique partiellement pour d’autres motifs et l’a condamné aux frais de sa poursuite pénale.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation :

« Première branche Pour violation de motivation des jugements découlant des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 163, 195, 211 et 222 du Code de procédure pénale.

Deuxième branche Pour violation des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 163, 195, 211 et 222 du Code de procédure pénale » Quant à la première branche du moyen Dans la première branche de son moyen de cassation, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir retenu que « l'âge de la victime est une circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l'article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l'absence d'une intention spéciale de l'auteur » pour faire abstraction d’un des éléments constitutifs de l’infraction, à savoir le dol spécial consistant en l’intention criminelle de l’auteur, et qu’en ne se prononçant tout simplement pas sur l’existence d’un des éléments constitutifs de l’infraction tout en condamnant le demandeur en cassation, la Cour a failli à son 13 obligation de motivation1 découlant des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale. ».

Dans la première branche de son moyen de cassation, le demandeur en cassation reproche donc aux juges d’appel un défaut de motivation en ce qui concerne l’intention criminelle de l’auteur.

En ce qui concerne ce moyen tiré du défaut de motifs, il y a lieu de constater que l’article 89 de la Constitution2 sanctionne l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion.3 Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré.4 Il suffit donc de constater qu’une décision est motivée sur le point concerné pour écarter le moyen tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution.

S’il est bien vrai que les juges d’appel ont retenu que « l'âge de la victime est une circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l'article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l'absence d'une intention spéciale de l'auteur ou d’une connaissance exacte de l’âge des personnes envers lesquelles certaines infractions sont commises » ils ont cependant par après analysé en détail l’intention criminelle de l’actuel demandeur en cassation en écrivant notamment :

« L’auteur ne peut exciper dans sa défense de l’ignorance de l’âge, par exemple en raison de l’âge apparent du mineur en cause ou des allégations de celui-ci. C’est à la personne poursuivie qu’il appartient de justifier qu’elle a légitimement pu se tromper sur l’âge de la victime (JurisClasseur Pénal, Art. 227-25 à 227-27 - Fasc. 20 : Atteintes sexuelles sans violence sur mineur, date du fascicule : 15 janvier 2022, n° 9).

Conformément aux principes généraux, l’ignorance de fait ou la bonne foi ne sont justificatives que si elles sont invincibles ; elles sont incompatibles avec une négligence ou un défaut de précaution. Ce n’est guère que dans des cas où l’agent aurait été induit en erreur par des documents qu’il n’avait pas de raison de suspecter, comme des actes faux ou erronés, que l’ignorance ou la bonne foi pourraient être envisagées à titre justificatif.

(Rigaux et Trousse, Les crimes et les délits du Code pénal, t. V, Les crimes et les délits contre la sécurité publique, l’ordre des familles et la moralité publique, éd. 1968, p.248).

1 Souligné par le soussigné 2 L’article 89 de la Constitution est ainsi libellé : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. » 3 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 5ème édition, 2015, n° 77.60 4 Boré, ouvrage cité, n° 77.31En l’espèce, PERSONNE1.) n’établit pas d’erreur justificative, ses explications selon lesquelles il aurait été induit en erreur par les affirmations de P.T. quant à son âge, par le fait que lors de leur rencontre, elle se serait vieillie par son maquillage et sa façon de se vêtir, respectivement par sa sexualisation affichée ouvertement, ne sont pas de nature à établir une telle erreur. Il y a lieu de rappeler que PERSONNE1.) a, d’ailleurs après réception des trois photos de P.T. en date du 29 avril 2019, immédiatement émis des doutes quant à l’âge de celle-ci. La réponse qu’il a obtenue de la part de P.T. suite à sa demande relative à l’âge de celle-ci, est pour le moins équivoque. La mineure lui a en effet écrit : « Et si j’avais 12 ans (je n’ai pas 12 ans) ». A cela s’ajoute que malgré une apparence physique de la mineure de tout au plus 13-14 ans, le prévenu n’a procédé à aucune vérification. L’erreur dans son chef n’est dès lors pas invincible, ni même excusable. »5.

Le jugement est donc motivé sur le point concerné, à savoir l’intention criminelle de l’actuel demandeur en cassation, de sorte que la première branche du moyen de cassation n’est pas fondée.

Quant à la deuxième branche du moyen Dans la deuxième branche de son moyen de cassation, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir retenu que « l'âge de la victime est une circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l'article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l'absence d'une intention spéciale de l'auteur » pour faire abstraction d’un des éléments constitutifs de l’infraction, à savoir le dol spécial consistant en l’intention criminelle de l’auteur, et qu’en ne se prononçant tout simplement pas sur l’existence d’un des éléments constitutifs de l’infraction tout en condamnant le demandeur en cassation, la Cour a failli à son obligation de caractériser suffisamment les éléments constitutifs de l’infraction6 et a partant violé les articles 195 et 211 du Code de procédure pénale. ».

A titre principal En reprochant à la Cour d’appel d’avoir « failli à son obligation de caractériser suffisamment les éléments constitutifs de l’infraction », le moyen aurait dû viser la violation de l’article 375 du Code pénal sinon le défaut de base légale.

Or, les dispositions visées à la deuxième branche du moyen de cassation ont toutes trait à l’obligation de motivation des juges du fond.

5 Arrêt entrepris p. 25 et 26 6 Souligné par le soussignéAinsi, les dispositions visées à la deuxième branche du moyen sont étrangères au grief mis en œuvre, de sorte que la deuxième branche du moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire Il résulte de la réponse à la première branche du moyen de cassation que les juges d’appel ont suffisamment caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction notamment l’intention criminelle de l’actuel demandeur en cassation.

Ils ont expliqué en détail les raisons pour lesquelles l’actuel demandeur en cassation n’a pas établi d’erreur justificative pour venir à la conclusion que l’erreur dans son chef n’était dès lors pas invincible, ni même excusable.

Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen de cassation n’est pas fondée.

Quant au deuxième moyen de cassation :

« Pour violation de l’article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui dispose que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie », de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, de l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, de l’article 14 du Pacte sur les droits civils et politiques et par l’article 48 de la chartre des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000, ainsi que du principe général de droit applicable en matière pénale selon lequel, en cas de contestations émises par le prévenu, il incombe au Ministère Public de rapporter la matérialité de l'infraction lui reproché, tant en fait qu'en droit. ».

Selon le demandeur en cassation, « la Cour d’appel, en retenant que la partie demanderesse en cassation n’aurait pas établi en quoi son ignorance de l’âge de la mineure serait invincible, a méconnu la présomption d’innocence et a renversé la charge de la preuve qui pèse sur le Ministère Public, auquel il aurait appartenu de démontrer que la partie demanderesse avait pertinemment connaissance de la minorité de la mineure, et non pas l’inverse, et qu’en en décidant comme elle l’a fait, la Cour a obligé le Prévenu à démontrer l’absence de dol spécial en son chef ; preuve qui devait incomber au Ministère Public.

Pour montrer que l'acte de pénétration sexuelle a été perçu comme tel par l'auteur, il faut en revanche établir que l'auteur a eu conscience de dépasser les limites posées par le législateur, en d'autres termes qu'il a agi en pleine connaissance du caractère immoral de ses actes.

16 En exigeant de la part de l’auteur que l'ignorance de l’âge de la mineure ou sa bonne foi soient invincibles, la Cour a purement et simplement ignoré la présomption d’innocence et reversé la charge de la preuve. ».

Dans une affaire récente dans laquelle un moyen identique tiré de la violation de la présomption d’innocence et de la violation des mêmes dispositions internationales a été invoqué, votre Cour a répondu de la manière suivante après avoir passé en revue les différentes dispositions invoquées :

« Sur la seconde branche du premier moyen et le deuxième moyen de cassation réunis La seconde branche du premier moyen et le deuxième moyen de cassation ont trait à la présomption d’innocence en tant que règle relative à l’administration de la preuve, notamment en ce qui concerne le principe suivant lequel la partie poursuivante supporte la charge de la preuve.

Le demandeur en cassation fait valoir que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal en ce qu’il établirait une présomption irréfragable d’absence de consentement de l’enfant mineur âgé de moins de seize ans à tout acte de pénétration sexuelle en raison du seul critère de l’âge et en ce qu’il ne permettrait pas la preuve contraire, aurait un caractère excessif et disproportionné par rapport à l’objectif légitime du législateur de protéger les mineurs et porterait atteinte à la présomption d’innocence du prévenu.

L’article 375 du Code pénal dispose :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, notamment à l’aide de violences ou de menaces graves, par ruse ou artifice, ou en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer la résistance, constitue un viol et sera puni de la réclusion de cinq à dix ans.

Est réputé viol commis en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans. Dans ce cas, le coupable sera puni de la réclusion de dix à quinze ans. ».

Il se dégage de l’article 375, alinéa 2, précité, que si l’acte de pénétration sexuelle a été commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, il n’est pas nécessaire de constater, en tant qu’élément constitutif de l’infraction, que l’enfant a été hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance. Dans ce cas, la loi interdit tout acte de pénétration sexuelle sur un enfant âgé de moins de seize ans, dès lors que 17 l’enfant, en raison de son jeune âge, de son manque de discernement et de sa vulnérabilité, est incapable de donner un consentement libre à l’acte sexuel commis sur sa personne.

Il s’ensuit que la preuve de l’absence de consentement de l’enfant âgé de moins de seize ans n’a pas besoin d’être rapportée.

Ce faisant, le législateur ne facilite pas la preuve du défaut de consentement de l’enfant victime, mais définit, de manière claire et prévisible pour l’auteur des comportements incriminés, une interdiction absolue de tout acte de pénétration sexuelle sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, nonobstant l’existence de son consentement éventuel.

Les droits de la défense de la personne accusée d’avoir commis un viol sur un enfant âgé de moins de seize ans ne sont pas pour autant violés, étant donné que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal n’établit pas de présomption concernant la responsabilité pénale du prévenu et qu’il appartient à la partie poursuivante d’établir les éléments matériels et moral du crime de viol et aux juges du fond d’apprécier les éléments de preuve à charge et à décharge du prévenu.

La présomption d’innocence invoquée par le demandeur en cassation n’est pas un principe de droit pénal matériel, mais un principe de procédure pénale qui garantit à tout prévenu d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie. Ce droit est consacré par les articles 3 et 6 de la Directive qui a pour objet de renforcer le droit du justiciable à un procès équitable dans le cadre d’une procédure pénale, en définissant des règles minimales communes concernant certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès ainsi que par les textes internationaux précités.

Eu égard aux développements qui précèdent, l’article 375, alinéa 2, du Code pénal ne méconnaît aucun des textes de droit européen ou international précités garantissant la présomption d’innocence, invoqués à l’appui des moyens.

L’interprétation des articles 3 et 6 de la Directive au regard des dispositions de l’article 375, alinéa 2, du Code pénal ne laissant place à aucun doute raisonnable quant à la question de savoir si les articles 3 et 6 de la Directive s’opposent à l’article 375, alinéa 2, précité, il n’y a pas lieu de déférer les deux questions préjudicielles formulées par le demandeur en cassation à la Cour de justice de l’Union européenne. »7.

7 Cass. No 39/2022 pénal du 10 mars 2022, No CAS-2021-00017 du registre, p. 29-30En retenant « Les deux premiers éléments constitutifs sont restés établis en instance d’appel, il est en effet constant en cause que le 30 avril 2019, PERSONNE1.) et la mineure P.T., née DATE2.), ont eu un rapport bucco-

génital, à un moment où P.T. était âgée de 11 ans.

Il en résulte dès lors que l'absence de consentement de la victime est présumée de manière irréfragable en application de l’article 375 alinéa 2 du Code pénal.

Le consentement, même clairement établi, de la victime n’exonère pas l’auteur des faits en ce qui concerne les atteintes sexuelles, ceci même à supposer que la victime ait affiché un comportement aguicheur, entreprenant et provocateur, qu’elle ait dissimulé son âge, qu’elle ait eu une participation active durant les ébats, que c’est elle qui ait organisé le rendez-vous et choisi le lieux (cf. Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-86.318 : D. 2021, p. 881).

L’âge de la victime est une circonstance objective qui se rattache à toute infraction à l’article 375 alinéa 2 du Code pénal et qui existe en l’absence d’une intention spéciale de l’auteur ou d’une connaissance exacte de l’âge des personnes envers lesquelles certaines infractions sont commises (cf.

Cour, 5 novembre 2013, 538/13V). L’âge de la victime est dès lors un fait public dont la preuve incombe au ministère public.

L’auteur ne peut exciper dans sa défense de l’ignorance de l’âge, par exemple en raison de l’âge apparent du mineur en cause ou des allégations de celui-ci. C’est à la personne poursuivie qu’il appartient de justifier qu’elle a légitimement pu se tromper sur l’âge de la victime (JurisClasseur Pénal, Art. 227-25 à 227-27 - Fasc. 20 : Atteintes sexuelles sans violence sur mineur, date du fascicule : 15 janvier 2022, n° 9).

Conformément aux principes généraux, l’ignorance de fait ou la bonne foi ne sont justificatives que si elles sont invincibles ; elles sont incompatibles avec une négligence ou un défaut de précaution. Ce n’est guère que dans des cas où l’agent aurait été induit en erreur par des documents qu’il n’avait pas de raison de suspecter, comme des actes faux ou erronés, que l’ignorance ou la bonne foi pourraient être envisagées à titre justificatif.

(Rigaux et Trousse, Les crimes et les délits du Code pénal, t. V, Les crimes et les délits contre la sécurité publique, l’ordre des familles et la moralité publique, éd. 1968, p.248).

En l’espèce, PERSONNE1.) n’établit pas d’erreur justificative, ses explications selon lesquelles il aurait été induit en erreur par les affirmations de P.T. quant à son âge, par le fait que lors de leur rencontre, 19 elle se serait vieillie par son maquillage et sa façon de se vêtir, respectivement par sa sexualisation affichée ouvertement, ne sont pas de nature à établir une telle erreur. Il y a lieu de rappeler que PERSONNE1.) a, d’ailleurs après réception des trois photos de P.T. en date du 29 avril 2019, immédiatement émis des doutes quant à l’âge de celle-ci. La réponse qu’il a obtenue de la part de P.T. suite à sa demande relative à l’âge de celle-ci, est pour le moins équivoque. La mineure lui a en effet écrit : « Et si j’avais 12 ans (je n’ai pas 12 ans) ». A cela s’ajoute que malgré une apparence physique de la mineure de tout au plus 13-14 ans, le prévenu n’a procédé à aucune vérification. L’erreur dans son chef n’est dès lors pas invincible, ni même excusable. »8, les juges d’appel ont examiné les éléments constitutifs du crime de viol commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, dont l’intention coupable du prévenu, c’est-à-dire la conscience d’accomplir l’acte de nature sexuelle sur ledit enfant.

En ce faisant, les juges d’appel n’ont violé ni le principe de la présomption d’innocence, ni celui selon lequel la charge de la preuve repose sur l’accusation.

Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable.

Le pourvoi est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Serge WAGNER 8 Arrêt entrepris p. 25 et 26 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 92/23
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-07-06;92.23 ?

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